Le surplomb chez le cheval et sa correction - Pratique Vétérinaire Equine n° 160 du 01/10/2008
Pratique Vétérinaire Equine n° 160 du 01/10/2008

Article de synthèse

Auteur(s) : Denis Verwilghen

Fonctions : DVM, MSc, résident ECVS
Clinique équine
Département des sciences cliniques
Faculté de médecine vétérinaire de Liège, Belgique. denis.verwilghen@ulg.ac.be, denis@proamhorses.eu

La correction chirurgicale du surplomb doit s’effectuer idéalement lorsque le potentiel de croissance osseuse du poulain est maximal, c’est à dire vers trois mois.

L’orthodontie, ou la prévention et le traitement des malocclusions dentaires, est un aspect de la dentisterie équine peu développé comparativement à nos confrères dentistes (c’est-à-dire orthodontistes) en médecine humaine. Néanmoins, selon cette définition, chaque vétérinaire pratiquant un râpage dentaire peut être considéré comme un orthodontiste, la formation de malocclusion étant réduite par le râpage dentaire régulier. Chez le cheval, le traitement orthodontique en vue de corriger des malocclusions à l’aide de la chirurgie et/ou la mise en place d’appareils dentaires sont bien moins pratiqués.

Malocclusions dentaires chez le cheval

L’identification de l’âge de l’animal par l’usure des incisives peut être difficile chez les chevaux “mal bouchés”, comme le soulignait Girard dans un récit de dentisterie équine [8]. Il décrivait par ce terme tout cheval ayant une déviation rostrale et/ou axiale de la mâchoire.

Le type de déviation le plus souvent observé, et qui représente le défaut congénital dentaire le plus fréquent chez le poulain, est le brachygnathisme mandibulaire ou inférieur [12]. Cette anomalie est définie comme un raccourcissement anormal de la mandibule comparée au maxillaire, qui induit une augmentation du surplomb et de la non-occlusion des incisives. À l’inverse, mais non rapporté en médecine équine, il existe un brachygnathisme supérieur ou maxillaire.

Le terme de prognathisme, communément utilisé en langue française pour indiquer le brachygnathisme mandibulaire, correspond à une arcade soit mandibulaire soit maxillaire plus longue que la normale. Un réel prognathisme mandibulaire est une affection rare surtout rencontrée dans les races miniatures porteuses d’un nanisme achondroplasique, tout comme les races brachycéphales canines [5]. Sans norme céphalométrique exacte, il est néanmoins impossible de catégoriser les défauts rencontrés comme dus à une mâchoire inférieure trop courte ou à un maxillaire trop long [5].

Afin d’éviter les tergiversations à propos de ce qui est trop court ou trop long, l’utilisation des termes de surplomb (ou overjet) et de recouvrement (ou overbite) est probablement plus appropriée lorsqu’il s’agit d’une malocclusion des incisives. Le surplomb est défini comme une projection horizontale des incisives maxillaires vis-à-vis des incisives mandibulaires, et peut donc être aussi bien positif que négatif (figure 1, photos 1 et 2). Le recouvrement est alors la projection verticale des incisives maxillaires en avant des incisives mandibulaires [16]. Le recouvrement n’apparaît donc qu’après un certain degré de surplomb (égal à la taille de la surface occlusive des incisives mandibulaires). Une fois ce degré de disparité atteint, l’affection devient sévère et parfois difficile à traiter.

Brachygnathisme mandibulaire

Le brachygnathisme mandibulaire est considéré comme une anomalie congénitale, même si l’examen des poulains à la naissance ou dans les quelques semaines suivantes est normal. Dans un certain nombre de cas, le surplomb n’apparaît que dans les trois à six premiers mois. Dans la seule étude rétrospective de cas de brachygnathisme disponible, il s’agissait en majorité de quarter-horses dont la moitié ou presque était normale à la naissance [7]. Étant donné l’association de déviations angulaires et de déformation de flexion au brachygnathisme, les auteurs ont postulé que le brachygnathisme mandibulaire serait une des expressions des troubles du développement, au même titre que l’ostéochondrose.

Chez l’homme, le brachygnathisme mandibulaire acquis est communément le résultat d’un traumatisme de l’articulation temporo-mandibulaire ou d’une arthrite rhumatoïde juvénile de cette articulation, entraînant la déformation des condyles mandibulaires [15]. Cela pourrait aussi être le cas chez les poulains qui développent une telle déformation dans les premiers mois de vie, mais reste à démontrer. Dans d’autres races, comme le pur-sang anglais, le brachygnathisme mandibulaire semble être une tendance familiale [4]. Néanmoins, des preuves concluantes de transmission génétique n’ont été obtenues que chez des bovins [9, 11]. Selon Easley, un surplomb survient le plus souvent lors du croisement de deux chevaux présentant une occlusion dentaire normale, mais dont la morphologie de la tête est très différente [5].

Quand traiter ?

En tenant compte du caractère héréditaire, des considérations éthiques doivent être envisagées lors de la correction chirurgicale de cette anomalie. Il est donc probable que les cas peu prononcés, pour lesquels la gêne est uniquement esthétique, ne devraient pas être traités de façon invasive.

En revanche, lors de malocclusion de classe II avec des projections rostrale et ventrale prononcées (surplomb et recouvrement) des incisives maxillaires, la déformation peut devenir débilitante et un traitement doit être envisagé. Dans ce cas, la présence d’une malocclusion est susceptible, avec l’âge, de gêner l’animal pour se nourrir, ce qui majore les troubles dentaires chroniques et peut conduire à une malnutrition et/ou à un retard de croissance.

De plus, il existe une relation avérée entre le système stomatognathique et la posture [6]. Différentes études expérimentales sur des rats et des données obtenues chez l’homme démontrent cette relation entre les malocclusions dentaires, le dysfonctionnement masticatoire et l’alignement de la colonne vertébrale [1, 2, 10, 13, 14].

Une scoliose se développe chez de jeunes rats dont les malocclusions dentaires ont été induites, et se résout spontanément après correction de celles-ci. Chez l’homme, les malocclusions de classe II (surplomb antérieur) et de classe III (surplomb postérieur ou négatif) sont le plus souvent rencontrées. Elles ont respectivement été associées à des lordoses cervicales avec une posture antérieure et à des cyphoses cervicales avec une posture postérieure [10, 13, 14].

Hormis celle de Gellman, qui est fondée sur des résultats très préliminaires, aucune étude ne met actuellement cette relation en évidence chez le cheval [6].

Tous les essais précédemment cités montrent l’importance d’une occlusion dentaire correcte chez les vertébrés. Il est donc aisé d’imaginer que l’occlusion dentaire des chevaux, en particulier les animaux destinés à une carrière sportive, mérite une attention certaine.

Évaluation et correction du surplomb chez le poulain

La surface occlusale des incisives se trouve en apposition idéale lorsque le cheval broute. Toutes les incisives supérieures et inférieures sont alors en coaptation. Quand l’animal lève la tête, la mandibule est rétractée. Dans une étude réalisée par Carmalt et coll., l’amplitude de ce mouvement caudal de la mandibule peut varier de 3 jusqu’à presque 9 mm entre les positions fléchie et étendue de la tête [3]. De plus, selon le même essai, la race et la réalisation d’un râpage dentaire ont un effet significatif sur le mouvement rostro-caudal de la mandibule. L’idéal est donc d’évaluer l’occlusion dentaire avec la tête en position fléchie. Il est de plus très important de systématiser sa méthode d’évaluation, lors d’examens répétés sur le même cas, mais aussi entre les cas. Un examen radiographique complet de la tête centré non seulement sur les incisives, mais aussi sur les prémolaires, est indiqué.

Cas modérés

Dans des cas très modérés (1 à 2 mm de surplomb), le râpage régulier de la surface occlusive des prémolaires présentes peut parfois aider à la correction complète sans intervention chirurgicale. La forme des crêtes transversales sur les “nouvelles” dents étant très prononcée au jeune âge (pas encore d’usure mutuelle), les mâchoires se retrouvent parfois arrêtées dans leur croissance en raison de l’interaction des prémolaires. L’élimination délicate et peu agressive de ces crêtes et des excroissances rostrales et caudales permet aux mâchoires supérieure et inférieure de mieux glisser l’une sur l’autre, et favorise ainsi la résolution du surplomb pendant la croissance du jeune animal. La mise en place d’un appareil dentaire simple (plaque de plastique fixée au licol) combinée à un râpage régulier a été décrite comme approche conservatrice dans le cas où les incisives supérieures et inférieures n’ont pas de surface occlusale mutuelle [4, 5]. L’utilisation de cette plaque empêche les incisives mandibulaires de se coincer derrière les maxillaires. De plus, les forces exercées sur le maxillaire limitent son inclinaison ventrale en réduisant ainsi le risque de développement d’un recouvrement secondaire.

Cas plus prononcés

Dans des cas plus prononcés, les principes fondamentaux de l’orthodontie, c’est-à-dire l’utilisation de bracelets ou d’appareils dentaire et/ou de techniques modifiant les forces placées sur les mâchoires des jeunes animaux en croissance, peuvent être envisagés (photo 3). La technique chirurgicale du traitement du surplomb consiste en l’application d’un fil de cerclage comme bande de tension sur le prémaxillaire, réduisant ainsi le développement du maxillaire et permettant à la mandibule de rattraper son retard de croissance [7]. Les candidats pour une intervention chirurgicale à l’aide de bande de tension doivent être non matures sur le plan osseux, et dans leur phase de croissance maximale. Pour obtenir une correction rapide et maximale, le poulain doit être âgé de deux à huit mois, idéalement moins de six mois. Pour prévenir la dislocation du fil de cerclage sur les incisives et ne pas bloquer la pousse des coins (03), l’intervention n’est idéalement pas initiée avant que les 503 et 603, et les 06 et 07 supérieures, ne soient bien présentes. Néanmoins, cette attente fait perdre des semaines cruciales de croissance maximale de l’animal. L’âge de trois mois est probablement idéal pour commencer le traitement. En moyenne et dans la plupart des cas, une correction de 5 mm peut être obtenue tous les trois à six mois. Il est donc parfois nécessaire de laisser l’appareil dentaire en place pendant plusieurs mois. Un de nos poulains traité a conservé un bracelet dentaire jusqu’à l’âge de 14 mois, et Easley signale qu’il est possible d’obtenir une correction, quoique lente, jusqu’à 19 mois [5].

Technique de correction chez le poulain

Intervention chirurgicale

Le poulain est tout d’abord préparé pour une anesthésie générale gazeuse selon le protocole de la clinique (tableau 1). Il est intubé par voie nasale. L’intervention chirurgicale peut être réalisée en décubitus latéral. Cependant, nous préférons placer le poulain en position dorsale afin de pouvoir aisément lui tourner la tête du côté approprié. Même si la procédure ne peut être réalisée complètement de façon stérile en partie en raison du travail à effectuer dans la bouche, les précautions et règles d’asepsie chirurgicales sont à prendre en compte. La bouche est rincée avec un antiseptique dilué, et les faces internes des joues sont nettoyées avec celui-ci, à l’aide de compresses fixées sur une longue pince. Les yeux du poulain doivent être protégés de toute projection de chlorhexidine (risque de formation d’un ulcère cornéen) et tout au long de l’intervention. La zone de tonte s’étend du chanfrein (plan dorsal) à la mandibule (plan ventral) et de la commissure des lèvres (plan rostral) au milieu de la crête faciale (plan caudal). Le site de l’incision cutanée est rasé. Il se situe en regard de l’espace interdentaire 07-08 supérieur, environ 0,5 cm rostralement et 1 cm ventralement par rapport à la crête faciale (figure 2). La zone de tonte entière est aseptisée selon le protocole de la clinique. La partie caudale de l’animal est drapée stérilement, laissant un accès facile à la bouche.

Une incision cutanée verticale d’environ 0,5 cm est réalisée à l’aide d’une lame numéro 11 ou 15, en regard de l’espace interdentaire 07-08, aisément localisable à la palpation digitale intrabuccale. Elle est pratiquée assez dorsalement après avoir repoussé l’artère et la veine faciale, qui traversent le site d’incision. Toute lésion des branches du nerf facial, qui cheminent dans la région, doit être évitée. La chirurgie a été initialement décrite au niveau de l’espace interdentaire 06-07, et nous l’avons réalisée plusieurs fois de cette façon. Néanmoins, le fil de cerclage semble mieux rester en position lors du placement dans l’espace 07-08, et nous avons adapté notre méthode. L’incision est agrandie en profondeur à l’aide d’une mosquito courbe en évitant de trop débrider les tissus dans le plan sous-cutané. La dernière couche (muqueuse buccale) est transpercée avec une broche de Steinmann (3,2 mm) juste en regard de l’espace interdentaire. Une voie d’accès est créée à l’aide de celle-ci entre les deux dents (07-08), le plus dorsalement possible (photo 4). Afin de ne pas abîmer l’artère palatine située à quelques millimètres médialement de la surface palatine des dents lors du passage entre les dents, il convient d’incliner légèrement la broche en direction axio-ventrale. L’utilisation d’un amplificateur de brillance, si disponible, aide à choisir la bonne orientation. Une méthode avec une mèche et un guide pour forer un trou entre les deux dents a été décrite, mais nous ne la conseillons pas car elle risque d’endommager les dents.

La broche est remplacée par une aiguille de 14 G, qui fait office de guide pour le fil de cerclage. Une longueur de 60 à 80 cm de fil de cerclage (18 G) est préparée et enfilée dans l’aiguille, afin de pouvoir être récupérée du côté du palais (figure 3, photo 5). L’aiguille est retirée de la partie libre du fil. La partie interne est tirée vers l’extérieur afin d’obtenir deux longueurs de fil équivalentes dans la bouche et à l’extérieur. L’extrémité de la partie externe est recourbée et enfilée dans l’incision cutanée afin de se retrouver le long de la partie gingivale, du côté latéral des dents (figure 4). Cette partie de l’intervention est assez difficile, et il convient de n’emprisonner ni tissus sous-cutanés ni branches du nerf facial dans le repli du fil. Le bout du fil est tiré du côté rostral afin de sortir les deux bouts libres de la bouche (photo 6). Les manipulations du fil de cerclage sont limitées au strict nécessaire car chaque torsion le fragilise.

À l’aide d’une lime triangulaire, une encoche est réalisée sur le bord rostral de la dent 06 et sur le bord caudal de la 03 le plus dorsalement possible. Cette encoche prévient le glissement du fil de cerclage sur la dent.

Les incisions cutanées sont refermées à l’aide d’un fil monofilament non résorbable 2-0 (Prolène) ou d’agrafes cutanées. La tête de l’animal est tournée et la procédure est répétée de l’autre côté.

La tête est ensuite placée en position dorsale et en extension maximale. Les deux bouts de fil sortant de la bouche (chaque côté séparément) sont torsadés, en logeant la première torsade sur le bord rostral de la dent 06, dans l’encoche préalablement créée (figure 5). La surface occlusale des dents doit rester libre de toute partie du fil de cerclage. La torsade est poursuivie sur toute la longueur de la barre. Les parties libres des fils sont tissées entre les espaces dentaires des incisives (photo 7), le plus haut possible. Les nœuds créés sont repliés contre la gencive ou entre deux dents. Une plaque d’aluminium (environ 3 mm) préalablement taillée en U, dont la partie courbe épouse la forme de l’arcade dentaire, et les parties droites ont une longueur d’environ 4 à 5 cm, est mise en place sur la surface occlusale des incisives. La plaque doit obligatoirement couvrir la totalité de la surface occlusale des incisives, et dépasser caudalement le bord des 03 inférieures d’au moins 1 cm. De petits trous sont forés dans la partie courbe de la plaque (photo 8). Afin de maintenir cette dernière en place plus facilement, elle peut être fixée temporairement à l’aide de fil 24 G au cerclage déjà mis en place. De l’acrylique dentaire (Vertex® Self Curing(1)) est préparé et utilisé pour couvrir la plaque et le bord rostral des incisives (photo 9). En partie caudale, la plaque est inclinée dorsalement. Le plan d’inclinaison ainsi créé permet aux incisives inférieures de mieux glisser sur la plaque, et la force rostro-dorsale ainsi exercée sur le prémaxillaire le repousse et diminue le recouvrement éventuel. L’application de l’acrylique incorpore les nœuds du fil de cerclage, afin qu’ils ne puissent endommager les tissus mous. Il convient de bien envelopper toutes les incisives avec l’acrylique, lequel stabilise les dents et évite donc que le cerclage agisse sur les incisives directement. En revanche, il ne doit pas être remonté trop haut sur la gencive, car un bord tranchant éventuel risquerait de blesser l’intérieur de la lèvre. Une fois l’acrylique durci, le poulain est réveillé.

Soins postopératoires et suivi

Un traitement anti-inflammatoire et une antibiothérapie sont instaurés. Il convient de prévenir l’apparition d’ulcères gastriques par l’administration d’une médication anti-ulcérative, surtout si le poulain ne mange pas bien après l’intervention (tableau 2). La plupart des poulains s’arrangent très bien de leur appareil dentaire. Ils apprennent vite comment se nourrir à la mamelle, mais il est parfois nécessaire de les supplémenter avec des granulés pour poulains. Lorsque la jument rencontre des inconvénients dus à l’appareil dentaire, elle peut refuser le pis au poulain. Il est alors nécessaire de la traire et de sevrer ce dernier rapidement.

Le contrôle de l’intégrité des fils de cerclage est important, car la complication la plus fréquemment rencontrée est leur rupture unilatérale ou bilatérale, ce qui nécessite une nouvelle intervention. Lors de rupture unilatérale, la tension risque de provoquer une déviation, également unilatérale, du prémaxillaire. La position de la plaque et des fils de cerclage est donc contrôlée deux fois par jour. La nourriture accumulée derrière les bords de l’acrylique est retirée, et la bouche rincée deux fois par jour à l’eau claire. L’accumulation de nourriture derrière la plaque ou l’acrylique peut entraîner une halithose, mais est très rarement significative d’une infection profonde plus grave. Néanmoins, dans le doute, une radiographie du prémaxillaire peut parfois aider à faire la différence.

Une paralysie faciale uni- ou bilatérale peut apparaître lorsque les branches du nerf ont été endommagées. Généralement, et selon notre expérience, elle régresse après quelques jours. Néanmoins, si ce n’est pas le cas, il convient de repositionner le fil de cerclage du côté atteint.

Le plus probable est que la boucle du fil comprime une branche du nerf au niveau du repli du fil du côté latéral des prémolaires. Une infection locale des sites d’incisions peut survenir. Le retrait des points, permettant un drainage, et l’instauration de soins locaux résolvent rapidement cela. Un contrôle vétérinaire mensuel est conseillé, non seulement pour vérifier l’état de l’appareil et pour s’assurer qu’il ne cause aucune blessure buccale, mais aussi pour éliminer les possibles excroissances qui pourraient s’être formées sur les prémolaires.

L’appareil est retiré lorsque l’apposition des incisives est jugée correcte. Cela peut s’effectuer chez le poulain tranquillisé avec l’aide de rongeurs et de pinces coupe-fil. Dans les cas plus prononcés exigeant un traitement plus long, l’usure progressive de la plaque d’aluminium et de l’acrylique (généralement dans les trois à six mois) nécessite la poursuite du traitement jusqu’à ce que le degré de correction désiré soit atteint.

Technique de correction chez des chevaux plus âgés

Une fois dépassé l’âge de croissance maximale dans lequel nous pouvons encore bénéficier d’une correction par des moyens de cerclage comme décrit ci-dessus, la correction du surplomb devient délicate et, chez le cheval mature sur le plan osseux, même impossible par des techniques plus conservatrives. En médecine humaine, les corrections de classes II et III se font couramment par la méthode d’élongation osseuse de la mandibule ou du maxillaire. Ces méthodes, dites d’ostéodistraction, sont fondées sur les principes d’Ilizarov, bien connus des praticiens petits animaux qui pratiquent la chirurgie osseuse. Jusqu’il y a peu, cette procédure n’avait jamais été transposée chez le cheval. Nous avons récemment mis en œuvre cette technique avec succès chez un cheval de 12 mois présentant un surplomb et un recouvrement prononcés (photo 10). Le principe a été de faire avancer la mandibule 1 mm par jour, une vitesse bien tolérée par les tissus osseux et mous, jusqu’à correction complète de la malocclusion. Grâce à la récupération de l’occlusion entre le maxillaire et la mandibule, la proclination ventrale du prémaxillaire a été corrigée partiellement. Ce procédé reste néanmoins très coûteux et fastidieux. La technique exacte dépasse largement l’objectif de cet article, mais a été utilisée pour la première fois chez le cheval dernièrement et nous référons les personnes intéressées vers l’article original [16].

Le cheval plus âgé, qui n’a pas bénéficié d’une correction du surplomb, subit des effets néfastes à long terme sur la totalité de sa dentition et sur son système masticatoire.

Classiquement, les 06 et 11 développent, respectivement sur les plans rostral et caudal, des excroissances (crochets ou ramps) (photo 11). De plus, la présence d’excroissances transverses sur toutes les molaires est souvent plus prononcée chez ces chevaux. Cette combinaison d’anomalies dentaires peut poser problème lors de la prise de nourriture, et être une cause réelle d’amaigrissement.

De plus, comme cité plus haut, il n’est pas exclu que les performances athlétiques de l’animal en soient diminuées. Les chevaux présentant un certain degré de surplomb sont donc à surveiller plus régulièrement que les autres. Une correction des excroissances sur les 06 et 11 est impérative pour permettre aux arcades dentaires de récupérer une mobilité rostro-caudale. De plus, vu la tendance des incisives maxillaires, ou du prémaxillaire entier, à s’incurver ventralement afin de récupérer une occlusion avec l’arcade mandibulaire, les incisives maxillaires sont souvent très longues. Le plus souvent, il ne s’agit que des 01 et 02 supérieures, car les 03 gardent un certain degré d’occlusion. Le cheval a alors tendance à former ce que l’on appelle un “smile” ou sourire (photo 12).

Lors de la correction des excroissances des prémolaires et molaires, donc de la récupération d’une mobilité rostro-caudale, l’animal recouvre souvent une surface d’occlusion des incisives centrales plus large. Néanmoins, un râpage intensif des incisives non occlusives est indiqué.

Chez les chevaux adultes, il est conseillé d’effectuer le râpage en plusieurs fois afin d’éviter d’endommager les cavités pulpaires.

Le surplomb chez le poulain est l’anomalie dentaire congénitale la plus fréquente, qui peut être traité par des méthodes d’orthodontie. Il convient de rappeler son caractère supposé héréditaire lors de la discussion avec le propriétaire sur l’opportunité ou non d’instaurer un traitement. Certains stud-books n’acceptent pas les animaux traités pour cette affection.

Le succès de l’application de cette méthode est étroitement lié à la collaboration entre le vétérinaire et le propriétaire. Un suivi vétérinaire régulier est important. Il est de plus essentiel que le propriétaire réalise qu’il s’engage dans un traitement de longue durée qui demande des soins journaliers pendant plusieurs mois et que, parfois, une seule intervention chirurgicale n’est pas suffisante.

Éléments à retenir

→Le surplomb ou overjet est défini comme une projection horizontale du maxillaire, communément appelé progna-thisme ou brachygnathisme inférieur ou supérieur en fonction de la structure trop courte ou trop longue comparativement à la normale.

→Le surplomb n’est pas nécessairement présent à la naissance, mais peut se développer pendant les premiers mois de la vie. Cette malformation est considérée comme héréditaire et le propriétaire doit en être informé.

→Le cheval adulte atteint d’un surplomb risque de développer des excroissances dentaires au niveau des dents 06 et 11.

→Il existe une relation entre la malocclusion et la posture des vertébrés.

→Une méthode de correction simple mise en place dès le jeune âge, dans l’idéal vers trois mois, obtient, en général, des résultats très favorables.

Références

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  • 8 - Girard F. Traité sur l’âge du cheval. 3rd ed. Béchet Jeune, Paris. 1835.
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  • 14 - Nobili A, Adversi R. Relationship between posture and occlusion : a clinical and experimental investigation. Cranio. 1996 ; 14(4): 274-285.
  • 15 - Shafer WG, Hine MK, Levy BM. A textbook of oral pathology. 4th ed. Saunders, Philapdelphia. 1983 : 875.
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