Cahier pratique
Fiche thérapeutique
Auteur(s) : Marc GOGNY*, Yassine MALLEM**
Fonctions :
*(DipECVPT, professeur émérite)
**Unité de pharmacologie et de toxicologie
Oniris
101 route de Gachet
44300 Nantes
***(professeur)
Essentiel pour le traitement de l’asthme chez le cheval, le clenbutérol est soumis à des enjeux éthiques en cas de mésusage sportif.
Le clenbutérol est une molécule incontournable chez le cheval. Grâce à son effet bronchodilatateur, il est au cœur du traitement de l’asthme avec les corticoïdes.
Le clenbutérol agit en se liant aux récepteurs β2-adrénergiques présents dans divers tissus. Cette liaison déclenche une cascade de signalisation intracellulaire impliquant l’activation de l’adénylate-cyclase, ce qui entraîne une augmentation des niveaux d’adénosine monophosphate cyclique dans les cellules cibles. Cette cascade intracellulaire provoque plusieurs effets physiologiques :
– une relaxation des muscles lisses, à la base de l’action bronchodilatatrice du clenbutérol, mais aussi de son effet tocolytique et, dans une moindre mesure, de son action vasodilatatrice ;
– une stimulation de la synthèse protéique qui favorise l’anabolisme musculaire ;
– une modulation du métabolisme énergétique stimulant la lipolyse et augmentant la thermogenèse, ce qui contribue à une répartition modifiée de la masse corporelle [2].
Lors d’usage prolongé à trois ou quatre fois la dose, le clenbutérol peut provoquer une désensibilisation de ses récepteurs cibles, ce qui limite alors son effet. De même, chez certains chevaux, le développement de l’asthme aboutit à une sous-expression des récepteurs β2, donc à une perte d’efficacité [2, 3].
Les récepteurs ß2 de l’adrénaline sont à l’origine de la bronchodilatation physiologique à l’effort. Ils sont majoritaires sur la membrane des fibres lisses bronchiques, par rapport aux récepteurs α1 qui induisent l’effet inverse, et ils sont répartis sur la quasi-totalité de l’arbre bronchique chez le cheval. Le clenbutérol induit donc une diminution de la résistance à l’écoulement de l’air, sans intérêt avéré chez l’animal sain, mais spectaculaire chez un animal atteint de bronchopneumopathie obstructive [3]. Après l’administration intraveineuse de clenbutérol (à la dose de 0,7 µg/kg), la résistance est ainsi diminuée d’environ 30 % pendant plusieurs heures, sauf en cas de sous-expression des récepteurs ß2 qui conduit fréquemment à multiplier la dose par quatre et à y associer d’autres traitements (corticoïdes). De plus, le clenbutérol provoque une stimulation de l’escalator mucociliaire et de la clairance des sécrétions bronchiques, probablement consécutive à ses effets immunologiques [6].
L’effet tocolytique du clenbutérol est lié à son aptitude à limiter la contractilité utérine et à favoriser l’effacement du col. Il est démontré chez la jument, si bien qu’il est parfois employé hors indication officielle, en cas de torsion utérine par exemple. La dose et la durée d’action sont les mêmes que dans le traitement des affections respiratoires [1].
Le clenbutérol provoque une vasodilatation qui, après une administration intraveineuse à la dose recommandée, engendre une chute de la pression artérielle d’environ 20 % et s’accompagne d’une tachycardie compensatrice. Ces effets s’estompent en quelques minutes, et sont moins nets si l’administration est lente ou orale [3, 4]. Lorsque la dose employée est trois à quatre fois plus élevée, l’hypotension peut être plus importante. De plus, dans ce cas, le clenbutérol stimule également les récepteurs ß1 cardiaques et la tachycardie est donc plus marquée, ce qui provoque, sur le long terme, une hypertrophie cardiaque. Cet effet, associé à des remaniements aortiques, est le principal facteur limitant de l’utilisation au long cours du clenbutérol chez le cheval [3, 8].
Le clenbutérol exerce une action anabolisante en favorisant la croissance musculaire par la stimulation de la synthèse des protéines dans les muscles squelettiques. À faible dose, son administration pendant 3 semaines a permis de réduire significativement la masse grasse, sans diminution du poids corporel [5]. L’augmentation de la masse et le renforcement musculaires ont conduit à proposer son emploi chez des chevaux en mauvais état, une indication aujourd’hui remise en question [3, 9]. Lors d’administration chronique, l’effet semble s’inverser, affectant la structure musculaire et la fonction métabolique. En agissant sur les plaques motrices, le clenbutérol peut entraîner des tremblements musculaires.
La stimulation des récepteurs ß2 sur la membrane des mastocytes et des macrophages, dans les poumons et dans le sang, diminue l’activité de ces cellules, ce qui renforce l’efficacité du clenbutérol dans le traitement des affections respiratoires. Cependant, ces récepteurs subissent rapidement une désensibilisation ou une sous-expression limitant cet effet dans le temps. L’association aux corticoïdes permet de maintenir le niveau d’expression des récepteurs ß2 sur ces lignées cellulaires [14]. Par son action directe sur les glandes sudoripares du cheval, le clenbutérol entraîne parfois une sudation, généralement limitée à l’encolure, aux doses usuelles.
Fortement liposoluble, le clenbutérol est très bien résorbé par voie orale avec un pic plasmatique en 15 à 30 minutes, puis il se diffuse très largement, avec un volume de distribution de 1,6 l/kg [11]. Les concentrations tissulaires sont donc nettement supérieures à la concentration plasmatique. Ainsi, le clenbutérol s’accumule localement et, malgré une demi-vie plasmatique d’élimination comprise entre 9 et 12 heures, il peut être détecté dans les urines pendant plus de 12 jours. Il est d’ailleurs conseillé de réduire de moitié la dose employée après 10 jours de traitement et de ne pas engager l’animal en compétition pendant 1 mois. Lors d’un traitement de 10 jours à la dose thérapeutique la plus faible, le composé apparaît dans le poil et le crin 5 jours après la première administration, et peut être détecté pendant plus d’un an [10].
L’indication officielle du clenbutérol chez le cheval, sous forme injectable, en sirop ou en granulés, à la dose d’entrée de 0,7 µg/kg, mentionne le traitement des troubles respiratoires. Dans les formes graves, il est très souvent associé aux corticoïdes, aux mucolytiques et à toutes les approches non médicamenteuses. Dans les formes modérées, qui s’expriment surtout à l’exercice, son intérêt est plus discuté, au-delà des questions de dopage. Lors d’affections infectieuses non obstructives, son efficacité est limitée. Dans les cas de pneumonie interstitielle, il est utilisé lors de détresse respiratoire aiguë [13]. Lorsqu’une tocolyse de longue durée est nécessaire, il peut être employé en tant que tocolytique dans le cadre de la cascade thérapeutique. Comme la liposolubilité du composé permet son passage dans le lait, des effets cardio-vasculaires chez le poulain sont possibles [1].
Le clenbutérol est également connu pour ses usages non thérapeutiques et illégaux, notamment dans le contexte du dopage sportif. En raison de ses effets anabolisants, il est parfois utilisé pour améliorer les performances athlétiques des chevaux de course, leur permettant de gagner en force et en endurance. Il a également été proposé pour accélérer la récupération après l’exercice, alors même que des effets plutôt néfastes ont été démontrés, avec une nette diminution de la capacité aérobie [3]. De plus, à des doses de 2,4 à 3,2 µg/kg, c’est exposer l’animal à des risques sérieux pour sa santé, notamment des effets cardiaques et musculaires. Enfin, au-delà de son interdiction en compétition, le clenbutérol ne devrait pas être utilisé chez les chevaux qui entrent dans le circuit de la consommation humaine. En effet, malgré le délai d’attente de 28 jours, une étude américaine récente montre que le clenbutérol est, avec la phénylbutazone, le résidu le plus fréquemment retrouvé lors des analyses de contrôle [12]. Les effets néfastes sur le consommateur en cas d’ingestion de viande présentant des résidus de clenbutérol, même à de faibles concentrations, peuvent être importants (palpitations, hypertension, céphalées, nausées, tremblements, etc.).
Aucun
Cette rubrique est réalisée en partenariat avec la commission Thérapeutique de l’Association vétérinaire équine française.