HISTOPATHOLOGIE
Dossier
Histopathologie
Auteur(s) : Christelle VILLEMONTE VOLMER
Fonctions : (DipECVP)Laboratoire Vetodiag
6 route du Robillard
14170 Saint-Pierre-en-Auge
Indiquée principalement pour caractériser la profondeur et la chronicité d’une endométrite, l’histopathologie permet d’identifier différents types de lésions. Son interprétation repose sur plusieurs informations cliniques essentielles.
Les causes d’infertilité chez la jument sont nombreuses et elles incluent une gestion zootechnique inadéquate, des troubles hormonaux, des affections ovariennes, une mauvaise conformation vulvaire, une qualité insuffisante du sperme et surtout des affections endométriales. Il existe plusieurs méthodes pour l’étude d’une lésion endométriale, notamment la cytologie, la bactériologie et l’histopathologie. L’histopathologie est considérée comme la méthode de choix pour définir les processus lésionnels et établir un grading à visée pronostique [8]. Utilisée depuis plus de 50 ans, cette méthode a été largement facilitée par le travail de Kenney et de Ricketts, qui ont décrit en détail la morphologie normale et les différents changements lésionnels [9, 18]. Le système de grading proposé par Kenney, modifié en 1986, est aujourd’hui utilisé et reconnu à l’échelle internationale pour son efficacité pronostique prouvée [9, 19, 28]. Son application et l’interprétation des changements observés sont essentielles pour définir les modalités thérapeutiques et affiner le pronostic.
La biopsie endométriale est un acte peu invasif et facilement réalisable [26]. Elle peut être effectuée aux différents stades du cycle car le passage à travers le col utérin est assez aisé chez la jument, et encore plus à l’œstrus [9]. Néanmoins, les variations histologiques liées au cycle sont moindres au stade du diœstrus, ce qui le rend plus représentatif de l’état de l’utérus pendant la période de gestation [9]. L’acte biopsique ou l’écouvillonnage pour la bactériologie ou la cytologie peuvent potentiellement induire une lutéolyse anticipée [9]. Une variabilité de 49 à 55 % dans le grading entre 2 à 3 sites différents est rapportée, ce qui justifie la recommandation de réaliser au moins 2 prélèvements, avec une taille minimale de 1 cm de long [5, 9, 22, 25]. Un prélèvement de 2 cm sera plus facilement exploitable. Les biopsies doivent être immédiatement placées dans un liquide de fixation, comme le formol tamponné à 4 %, ou dans une solution de Bouin avec transfert ultérieur des échantillons dans de l’alcool à 70 % ou du formol à 4 % dans un délai de 24 heures [10, 26]. Ces biopsies peuvent être analysées dans des laboratoires d’anatomie pathologique vétérinaire spécialisés en pathologie équine. Pour l’analyse histologique, la coloration standard à l’hématoxyline-éosine (HE) permet l’examen de base des biopsies endométriales. L’ajout de safran (HES) permet une visualisation de la fibrose. D’autres colorations, comme le trichrome de Masson ou le rouge Picro-Sirius, sont utiles pour évaluer le collagène et révéler également, pour le rouge Picro-Sirius, les fibres élastiques ainsi que les carbohydrates acides [21, 22]. Plusieurs types d’artefacts peuvent être limitants lors de l’analyse histologique. Parmi eux figurent la compression - les prélèvements doivent être manipulés délicatement à l’aide d’une aiguille pour les retirer de la pince à biopsie -, l’étirement tissulaire et l’autolyse débutante. Par ailleurs, l’acte biopsique peut aussi provoquer une hyperémie vasculaire, parfois la perte partielle de l’épithélium de surface et, plus rarement, causer des petites suffusions hémorragiques dans la biopsie.
La paroi utérine est constituée de trois couches principales : l’endomètre (1 à 3 mm d’épaisseur selon le stade du cycle), le myomètre (8 à 10 mm d’épaisseur) et la séreuse (moins de 1 mm d’épaisseur) [9, 18]. L’endomètre normal est bordé par un épithélium simple partiellement cilié dont la hauteur varie suivant le stade du cycle. Cet épithélium repose sur une membrane basale. Le chorion sous-jacent est composé de deux strates : le stratum compactum, riche en capillaires et traversé par les canaux des glandes, et le stratum spongiosum, situé plus en profondeur et plus lâche, qui contient les glandes, des vaisseaux sanguins de différents calibres et des vaisseaux lymphatiques (photo 1). Des changements physiologiques se produisent dans l’endomètre selon les différents stades du cycle (tableau 1) [9, 18, 22]. Une différenciation glandulaire irrégulière est considérée comme normale pendant les périodes annuelles de transition entre les phases cycliques et la phase d’anœstrus physiologique [12]. Par ailleurs, quelques éosinophiles peuvent être observés dans le stratum compactum et le stratum spongiosum, quel que soit le stade du cycle, avec des valeurs respectives de 0 à 11 et de 0 à 5 par champ (× 400) [6]. Les lymphocytes de type B sont rares, voire absents, tout comme les plasmocytes dont le nombre varie de 0 à 5 pour 5 champs (× 400) [20]. Les lymphocytes sont les leucocytes prédominants dans l’endomètre normal, avec un nombre rapporté de 74 à 96 lymphocytes T sur 5 champs (× 400) [20]. Les macrophages sont rarement observés, de 0 à 3 pour 5 champs (× 400) [20]. Les macrophages contenant des granules bruns d’hémosidérine (sidérophages) résultent de la résorption d’hémorragies et peuvent être visibles jusqu’à 7 mois après une parturition ou un avortement (photo 2) [9].
Les biopsies endométriales sont indiquées en complément des analyses cytologique et bactériologique pour pouvoir caractériser la profondeur et la chronicité de l’endométrite. Plusieurs situations nécessitent généralement le recours à la biopsie, comme une jument vide malgré une mise à la reproduction pendant la bonne saison (souvent jument âgée de plus de 15 ans), un avortement ou une perte embryonnaire précoce, des retours répétés en œstrus pendant la saison de reproduction malgré un suivi échographique régulier, un comportement d’anœstrus chez une jument non gestante en pleine saison de reproduction, un pyomètre et un mucomètre après la résolution de l’épisode pathologique, une évaluation préalable à une intervention chirurgicale génitale, la présence d’anomalies utérines palpables ou une évaluation de la fertilité dans le cadre d’une visite d’achat [10]. La seule contre-indication est la gestation [26].
Les affections endométriales incluent l’endométrite, la fibrose ou endométrose (à ne pas confondre avec l’endométriose humaine), les anomalies de différenciation glandulaire, les lésions vasculaires ou angiopathies, la persistance de cupules endométriales et les tumeurs. Ces lésions peuvent être présentes de façon concomitante ou s’influencer [7, 9, 22].
L’endométrite se définit par la présence d’un infiltrat inflammatoire dans l’endomètre. Elle se caractérise par sa temporalité (aiguë ou chronique), par sa sévérité (faible, modérée ou marquée), par le ou les types leucocytaires présents, par le pattern d’infiltration inflammatoire (stratum compactum et/ou spongiosum, zones périvasculaires et périglandulaires) et par sa fréquence. Kenney a arbitrairement fixé les degrés de sévérité des foyers inflammatoires (tableau 2). Les inflammations aiguës touchent le plus souvent le stratum compactum et peuvent impliquer l’épithélium de surface, suggérant une origine luminale [9]. A contrario, les inflammations chroniques impliquent généralement le stratum compactum et le stratum spongiosum, y compris les zones périglandulaires et périvasculaires [9]. Une inflammation neutrophilique est considérée comme significative au diœstrus. Un seuil a été fixé arbitrairement à 3 neutrophiles sur 5 champs (× 400) quel que soit le stade du cycle [8, 13]. Elle peut être liée une infection bactérienne ou à l’inflammation aiguë physiologique après l’accouplement (normalement résolue en 48 heures) ou encore à une phase active d’un processus inflammatoire chronique [8, 9, 22]. Une inflammation éosinophilique peut être due à une infection fongique, à un pneumovagin, à un reflux urinaire, mais l’étiologie demeure souvent indéterminée (photo 3) [21]. Le seuil de significativité dépend du pattern d’infiltration : supérieur ou égal à 40 éosinophiles par champ (× 400) lors d’une infiltration focale, supérieur à 20 par champ (× 400) lors d’une infiltration multifocale, une moyenne par champ (× 400) supérieure à 15 lors d’une infiltration multifocale à diffuse [6]. L’inflammation granulomateuse est rare. Elle peut être le résultat d’une infection bactérienne ou d’une irritation associée à un traitement [9, 22]. L’inflammation lymphocytaire et/ou lymphoplasmocytaire, non suppurée, témoigne d’une stimulation antigénique persistante, mais sa cause exacte reste indéterminée [9, 22].
La fibrose, ou endométrose, est caractérisée par une endométrite dégénérative chronique, c’est-à-dire une inflammation de l’endomètre non suppurée lymphoplasmocytaire associée à une fibrose et à une dilatation glandulaire kystique (photo 4) [22]. Ce processus lésionnel, parfois destructeur, est irréversible et persiste malgré les traitements [14]. Sa pathogénie reste indéterminée. Kenney a fixé arbitrairement des degrés de sévérité de la fibrose [9]. Comme pour l’inflammation, la sévérité, le pattern et la fréquence de la fibrose doivent être précisés pour qu’elle soit bien qualifiée. Des foyers d’atrophie ou d’hypertrophie glandulaires peuvent être observés dans les zones de fibrose [9, 18].
Les anomalies glandulaires correspondent à des dysfonctionnements observés pendant la période de reproduction [22]. Ils ne sont pas associés à la fibrose. Trois types sont décrits :
– l’inactivité glandulaire, souvent associée à un dysfonctionnement ovarien, caractérisée par la présence de glandes de petite taille bordées par des cellules épithéliales aplaties et observée dans 8 % des cas chez des chevaux de sport à la retraite ;
- la différenciation glandulaire irrégulière, idiopathique ou liée à une affection ovarienne (inactivité ou tumeur), caractérisée par un mélange diffus de glandes d’aspect prolifératif ou sécrétoire ou d’aspect fonctionnel indéterminé ;
- la différenciation glandulaire inégale, idiopathique, caractérisée par des foyers de différenciation glandulaire attendus pour le stade du cycle et d’autres montrant des degrés de différenciation différents, suggérant une résistance endométriale aux variations hormonales [1, 11, 23, 26].
Pour ces deux derniers types, il s’agit d’une maldifférenciation glandulaire, indépendante de l’âge, de la parité et de la saison [23].
Deux types d’angiopathie sont rapportés : la vascularite ou périvascularite et l’angiopathie dégénérative plus commune, dite angiose ou angiosclérose [7, 22]. Cette dernière n’est pas observée chez les nullipares, s’aggrave avec l’âge, la parité et l’inflammation, et n’est pas réversible [7]. L’angiose, la fibrose (ou endométrose) et la lymphangiectasie semblent fréquemment associées [7]. Les changements vasculaires sont probablement à l’origine de la fibrose [23].
La persistance de cupules endométriales peut être observée après un avortement précoce ou une délivrance normale et entraver le retour à la reproduction [3]. Elle peut être associée à une inactivité ovarienne ou à un dysfonctionnement ovarien. Sa durée est variable, de 6 à 30 mois. Elle peut être détectée à l’échographie transrectale, par endoscopie utérine et confirmée via le dosage de la gonadotrophine chorionique équine (eCG) ou à l’histologie (photos 5 et 6) [3].
Différents types de tumeurs sont rarement décrits chez la jument, notamment les adénocarcinomes, les fibrosarcomes, les lymphomes et les polypes [22].
Plusieurs systèmes de grading sont proposés et décrits dans la revue de Snider et ses collaborateurs [26]. Le grading amendé de Kenney, établi à la suite de la publication de Doig, est le plus utilisé en raison de son intérêt diagnostique et pronostique [4, 9, 10]. Ce système estime la capacité des juments à mener à terme une gestation selon le grade. La durée d’infertilité a un effet significatif sur cette capacité pour les grades IIA ou IIB. Les grading de Kenney et de Kenney-Doig ont été validés dans plusieurs études consécutives [19, 27, 28]. Ricketts et son équipe ont démontré qu’un traitement spécifique peut améliorer significativement la fertilité des juments ayant un grade IIB ou III : 40 % avec le grade le plus sévère ont pouliné après un traitement et une période de repos de 3 semaines [19]. Ces résultats montrent l’intérêt de réaliser un second échantillonnage après le traitement pour évaluer l’évolution des lésions [19]. Deux études ont néanmoins observé une cohérence modérée à faible entre pathologistes ou pour un même pathologiste, révélant une certaine variabilité dans l’utilisation de ce grading [16, 29]. Les pathologistes n’ont pas de difficulté à grader les extrêmes (I et III), mais peuvent hésiter entre les grades IIA et IIB [16, 29]. Or, cette distinction est cruciale car la différence de pronostic reproducteur est de 40 % entre ces deux grades. Pour pallier cette variabilité, un scoring a été proposé par Martinez-Bartolomé et ses collaborateurs [16]. Il consiste à appliquer des points de pondération pour chaque critère lésionnel proposé dans le grading de Kenney-Doig, tout en restant significativement corrélé à celui-ci. Ce scoring améliore la concordance des observations entre les pathologistes.
Pour estimer au mieux la fonctionnalité de l’endomètre et établir avec un plus grand degré de confiance le grading sur les biopsies endométriales, il est essentiel que le praticien fournisse un minimum d’informations cliniques au pathologiste. Cette recommandation amène à évoquer la notion d’epicrisis. Ce terme employé par Kenney correspond à la synthèse des examens cliniques et complémentaires permettant une évaluation globale du potentiel reproducteur de la jument [9]. Le résultat seul du grading n’est pas suffisant, mais c’est la compilation des données cliniques et des résultats d’examens complémentaires choisis de façon raisonnée qui va permettre d’établir un diagnostic et un pronostic fiables. La cytologie et la bactériologie sont des examens intéressants à réaliser en parallèle de l’histologie pour la recherche d’une affection endométriale, car chaque test va permettre de conforter ou non une hypothèse et d’apporter des informations supplémentaires. Par exemple, les cultures positives considérées comme significatives sont toujours accompagnées d’une cytologie et/ou d’une histologie positive pour la présence de neutrophiles [28]. Ces deux tests peuvent être réalisés à partir de lavages utérins avec un faible volume de liquide, comme décrit par Ball et ses collaborateurs [2]. Cette technique est plus sensible que l’écouvillonnage ou la cytobrosse car le liquide de lavage recouvre une plus large surface de l’endomètre. Le taux de contamination varie de 4 à 11 % selon les études [8]. Le seuil de positivité à la cytologie est établi à 1 ou 2 neutrophiles pour 5 champs à fort grossissement (× 400) [15]. Une autre méthode consiste à calculer le ratio de neutrophiles par rapport au nombre de cellules épithéliales sur un total d’au moins 100 cellules. Un taux de plus de 2 % de neutrophiles est considéré comme significatif [15]. La cytologie permet de façon fiable et rapide de détecter une infection fongique, généralement par Candida spp. ou Aspergillus spp., dont la prévalence rapportée est de 1 à 5 % [24]. L’histologie paraît moins sensible pour la détection d’une infection fongique (observation de l’auteur). La culture bactérienne concomitante reste nécessaire car une coinfection bactérienne et fongique est observée dans 51 % des cas (encadré) [24]. Un résultat de cytologie négatif n’exclut pas une endométrite puisqu’il ne permet pas d’évaluer les lésions chroniques et plus profondes. D’autres examens peuvent être envisagés pour compléter l’examen histopathologique. Lors de suspicion d’anomalies glandulaires, l’immunohistochimie appliquée sur le prélèvement utilisé pour l’histopathologie peut confirmer les anomalies via l’utilisation de marqueurs de récepteurs aux hormones sexuelles [1, 23]. Par exemple, lors d’inactivité glandulaire, l’immunomarquage des récepteurs aux œstrogènes et à la progestérone permet de démontrer un faible marquage de ces derniers dans les cellules épithéliales [23].
L’histopathologie des biopsies endométriales est une méthode validée et de choix pour l’évaluation d’une inflammation et d’anomalies morphologiques de l’endomètre susceptibles d’être à l’origine d’une incapacité à maintenir une gestation chez la jument. L’interprétation des lésions histopathologiques est grandement facilitée lorsque le pathologiste dispose du contexte clinique. Un diagnostic complet repose idéalement sur l’association de l’histo pathologie, de la bactériologie et de la cytologie. L’immunohistochimie peut être utile en cas d’anomalies endométriales fonctionnelles. L’utilisation d’un système de grading en histopathologie permet d’estimer la capacité de la jument à porter à terme une gestation. Le grading validé et utilisé internationalement est celui de Kenney-Doig. L’utilisation d’un scoring, comme proposé par Martinez-Bartolomé et son équipe, semble offrir une approche complémentaire prometteuse pour affiner et homogénéiser l’évaluation fondée sur le grading de Kenney-Doig.
Aucun
Un examen bactériologique peut être réalisé :
– à partir d’un écouvillon stérile utérin entouré d’un tube protecteur. Après le prélèvement, la tête de l’écouvillon est placée dans un tube de transport stérile ;
– à partir du liquide de lavage utérin, une méthode plus sensible décrite par Ball et ses collaborateurs ;
– à partir d’une biopsie utérine, à condition que la pince à biopsie soit introduite et retirée à travers un spéculum stérile [2, 8].
La biopsie est mise en culture au laboratoire, en milieu aérobie sur une gélose au sang à 37 C, le rôle des bactéries anaérobies n’étant pas considéré comme significatif [8]. La culture est évaluée quotidiennement et les bactéries sont identifiées selon la taille des colonies, leur morphologie, leur pigmentation, l’hémolyse, la coloration de Gram, d’éventuels autres tests ou grâce à un spectromètre de masse.