Assurer la continuité des soins en médecine équine ambulatoire - Pratique Vétérinaire Equine n° 225 du 01/04/2025
Pratique Vétérinaire Equine n° 225 du 01/04/2025

Cahier pratique

Fiche juridique

Auteur(s) : Geoffroy AUTENNE

Fonctions : Vétérinaire expert près la cour
d’appel de Rouen
Compagnie nationale des experts équins
5 route de la Sécheresse
76560 Héricourt-en-Caux

Formaliser une convention est une étape essentielle pour assurer la continuité et la qualité des soins et protéger les praticiens des risques de mise en cause de la responsabilité civile pour manquement au respect d’une obligation déontologique.

La pratique de la médecine vétérinaire équine présente des particularités susceptibles de complexifier la continuité des soins, plus particulièrement pour les nombreux praticiens installés seuls et/ou intervenant principalement de manière ambulatoire.

OBLIGATION DÉONTOLOGIQUE

En raison de la nature itinérante de leur travail, certains vétérinaires peuvent être appelés à couvrir des zones géographiques très vastes, souvent éloignées de leur domicile d’exercice professionnel. Cette distance physique rend leur disponibilité continue plus complexe et nécessite de prendre des dispositions afin de satisfaire à l’obligation de continuité des soins. Cette obligation est considérée comme un devoir fondamental par le Code de déontologie qui stipule : le vétérinaire « assure la continuité des soins aux animaux qui lui sont confiés. La continuité des soins peut également être assurée dans le cadre d’une convention établie entre vétérinaires libéraux et déposée auprès du Conseil régional de l’ordre (…) Le vétérinaire informe le public des possibilités qui lui sont offertes de faire assurer ce suivi médical par un confrère » [1]. Cet article met en lumière l’impérieuse nécessité d’orga­niser, en amont des soins, la continuité de ces derniers par le biais d’une convention avec des confrères afin de ne pas être en difficulté face à une demande de suivi parfois urgente d’un client, à laquelle il serait matériellement impossible de répondre. En l’absence de convention, le simple conseil de recourir à un confrère de proximité en cas de demande d’intervention urgente ne peut à l’évidence pas être considéré comme satisfaisant. En effet, ce dernier pourrait être amené à refuser d’intervenir, sauf lorsque plusieurs critères cumulatifs sont réunis :

– l’animal est en péril ;

– le confrère possède des compétences en médecine équine ;

– il dispose de la technicité et de l’équipement adaptés aux soins ;

– il est titulaire d’une assurance en responsabilité civile professionnelle couvrant la valeur vénale de l’équidé [1].

Cette disposition du Code de déontologie permettant à un confrère de refuser des soins dont il ne serait pas à l’origine étaye fortement la nécessité d’organiser de manière efficace la continuité des soins conformément aux obligations déontologiques. Plus spécifiquement, le suivi sportif de chevaux de sport expose le vétérinaire et son assureur à des demandes indemnitaires parfois extrêmement élevées qui découlent naturellement de la valeur des chevaux traités. Le risque de mise en cause est quant à lui majoré par les conséquences parfois graves d’actes très couramment pratiqués tels que les infiltrations intra-articulaires dont les complications surviennent plusieurs jours après les soins. Cette obligation reste une problématique souvent délicate eu égard à la distribution géographique des chevaux dans des régions dont le maillage en structures vétérinaires équines adaptées ne permet pas de facilement assurer un relais de soins satisfaisant. À cet égard, en amont de tout soin, une parfaite information des propriétaires sur les risques liés aux traitements et sur les modalités de prise en charge, dans l’éventualité de complications, demeure indispensable (encadré).

UNE JURISPRUDENCE QUI INTERPELLE

Une jurisprudence récente confirme la nécessité d’assurer la continuité des soins. En effet, la cour d’appel de Riom, dans son arrêt du 15 février 2023, a confirmé la condamnation de la société d’exercice libéral des vétérinaires U et Y à indemniser un propriétaire dans le cadre d’un défaut de continuité des soins faisant suite à une éviscération de son cheval dans le prolongement d’une castration, malgré l’absence de faute chirurgicale identifiée [2]. Cette décision interpelle par sa sévérité dès lors qu’il est reproché aux Drs U et Y d’avoir mis plus d’une heure à être en mesure d’examiner le cheval à la suite de l’appel du propriétaire, alors même les praticiens étaient, au moment de l’appel, occupés à pratiquer des soins à 45 km de là et que le propriétaire, professionnel de surcroît, motivait sa demande d’intervention par des « petites coliques » et qu’il avait entre-temps sollicité les services d’un vétérinaire d’une autre structure. La cour a justifié son jugement en ces termes : « L’organisation des deux vétérinaires disposant des compétences requises pour intervenir ainsi que la distance les séparant du lieu d’intervention auraient dû les conduire, étant conscients des risques postopératoires, à conseiller préalablement le propriétaire sur l’ensemble des risques encourus et à lui recommander de se tourner rapidement vers une clinique capable d’intervenir dans les meilleurs délais (…). La présence du Dr H [un vétérinaire d’une autre structure], dont il n’est pas établi que les Drs U et Y ont eu connaissance, ne pallie pas le manque de continuité des soins. »

Cette jurisprudence met en lumière l’importance d’une organisation rigoureuse pour prévenir ce type de situation.

ORGANISATION PRATIQUE D’UNE CONVENTION

Afin de se prémunir de tout aléa et sous peine de voir sa responsabilité engagée, il est par conséquent primordial de formaliser une convention de permanence des soins vétérinaires pour les praticiens qui ne sont pas en mesure d’assurer en tout temps le suivi de leurs cas. Une attention particulière doit être portée à cette formalisation afin d’asseoir le cadre opérationnel et juridique qui lie les vétérinaires contractants, en précisant notamment la période horaire et la durée, le lieu d’exercice, les animaux concernés, les actes vétérinaires autorisés et ceux qui seraient exclus, et le nom des vétérinaires habilités à intervenir. Dans le prolongement direct de son devoir d’information, il convient également que la structure qui délègue la continuité des soins s’attache à en informer sa clientèle de la manière la plus claire possible. Ces modalités d’information doivent être adaptées au mode d’exercice (le plus souvent ambulatoire), avec par exemple un message enregistré sur le répondeur téléphonique doublé d’une indication sur les documents professionnels tels que les ordonnances, les cartes de visite, etc.

Références

  • 1. Code de déontologie vétérinaire. Article R. 242-48, alinéas IV et V.
  • 2. Cour d’appel de Riom, arrêt du 15 février 2023, n° RG 21/00286.

Conflit d’intérêts

Aucun

Cette rubrique est réalisée en partenariat avec la commission Juridique et RCP de l’Association vétérinaire équine française.

POINTS CLÉS POUR ÉVITER UNE MISE EN CAUSE DE SA RESPONSABILITÉ

– Anticiper la problématique de la continuité des soins en évaluant les solutions possibles.

– Formaliser une convention lors d’indisponibilité.

– Informer clairement la clientèle sur les risques et les modalités de prise en charge en cas de complications.