Dossier
Point de vue
Auteur(s) : Maxime LIVIO
Fonctions : cavalier de l’équipe de France de concours complet
Le concours complet d’équitation (CCE) à haut niveau s’apparente au marathon : impossible d’en courir plus de deux par an. Je sélectionne deux objectifs, l’un en milieu de saison, l’autre en fin de saison, et je prévois une vraie période de pause entre les deux pour revenir à un point zéro de tension musculaire et mentale. La période de préparation pour chaque objectif inclut plusieurs concours qui permettent de faire les réglages aux niveaux technique, vétérinaire, et du fitness. Je choisis les épreuves de préparation en les adaptant à mon objectif final, et j’accepte d’avoir moins de résultats pendant ces épreuves, pour laisser le temps à mes chevaux de progresser.
J’ai plusieurs vétérinaires : une praticienne généraliste, un spécialiste en locomotion qui travaille en étroite collaboration avec nos deux maréchaux, et une spécialiste en médecine interne et suivi sportif. Cette équipe travaille ensemble depuis longtemps et partage avec moi une approche en deux temps des problèmes de santé : d’abord, on améliore le travail, la ferrure, l’environnement, l’alimentation en laissant une chance au temps de corriger l’anomalie, et seulement ensuite un traitement médical est mis en place si besoin. Les chevaux sont suivis par un ostéopathe et une masseuse afin de leur assurer un confort maximal. Ils arrivent vers l’âge de 5 ans aux écuries, ce qui d’une part nous laisse le temps de les connaître, et d’autre part leur permet de s’adapter et de se former avant d’atteindre le haut niveau vers l’âge de 10 ans. Les jeunes chevaux ont un check-up vétérinaire annuel pour exclure une affection limitante, et ils sont très surveillés par les cavaliers et les grooms. À cet âge, les épreuves sont relativement faciles physiquement, et le cheval ne doit pas être en difficulté. Le cavalier doit adapter le travail et rester à l’écoute du cheval. À partir de 8 ans, les épreuves abordées étant plus difficiles, il faut être certain que le cheval va bien sur tous les plans. Grâce à la complémentarité de mes vétérinaires, le plus souvent il est possible de trouver la clé d’un problème et d’y remédier. Les chevaux de haut niveau bénéficient d’un bilan locomoteur en début d’année avec un contrôle toutes les 3 à 4 semaines. Le suivi fitness et de médecine interne inclut aussi un bilan en début d’année qui permet de déterminer la condition physique de départ et d’identifier d’éventuelles fragilités à surveiller. Les vétérinaires font partie du cercle rapproché des cavaliers et des chevaux. Au-delà des compétences professionnelles, j’ai tissé avec eux des relations humaines particulières. Le lien de confiance passe par de nombreux échanges.
Les objets connectés sont devenus indispensables, mais ils ne remplacent jamais le sentiment du cavalier, du groom ou du vétérinaire. Ils fournissent des données objectives qui permettent de valider ou non un sentiment. J’aime bien utiliser un cardiofréquencemètre à l’entraînement, sans suivi en direct de la fréquence cardiaque pour continuer à écouter le cheval à travers sa respiration, sa sudation, son fonctionnement. En revanche, j’aime pouvoir comparer a posteriori ce sentiment avec les données objectives obtenues. Cela permet d’éviter les erreurs d’entraînement et de détecter les anomalies en amont. Je collabore avec d’autres cavaliers internationaux au projet de recherche du Dr Cristobal Navas de Solis (1), l’objectif étant de prévenir les blessures et les accidents chez les chevaux de CCE grâce à un suivi longitudinal avec l’Equimètre (Arioneo Vet Services). J’utilise aussi le capteur MovePro (Alogo) qui se fixe sous la sangle et mesure le temps passé à chaque main, le nombre de sauts réalisés dans une séance et l’équilibre latéral et longitudinal du cheval au travail.
Cela ne change pas grand-chose, il faut continuer à faire ce qui nous rend performant. Le plus difficile est de devoir prouver qu’on est assez performant pour mériter d’entrer dans l’équipe fédérale, tout en ménageant les chevaux pour éviter qu’ils se blessent ou arrivent aux Jeux sur une courbe descendante de forme physique.