MÉDECINE PRÉVENTIVE
Dossier
Prévention
Auteur(s) : Anne COUROUCÉ
Fonctions : Réseau d’épidémiosurveillance en pathologie équine (Respe), rue Nelson Mandela, 14280 Saint-ContestCentre international de santé du cheval d’Oniris (Cisco), 44300 Nantes
La vaccination, la prise régulière de la température et l’isolement des nouveaux chevaux comptent parmi les mesures fondamentales de protection contre les maladies infectieuses et leur propagation, d’autant plus chez les athlètes.
De nombreuses maladies infectieuses peuvent se propager rapidement au sein d’une population de chevaux de sport. Concernant les athlètes de haut niveau, l’Organisation mondiale de la santé animale (Omsa) parle de high health, high performance horses (HHP), ce que l’on peut traduire par “chevaux de haut statut sanitaire aux performances élevées” [38]. Ces chevaux sont souvent très bien suivis d’un point de vue vétérinaire mais sont soumis, en raison de leurs conditions de vie, à une pression infectieuse élevée. En effet, comme tout athlète de haut niveau, leur système immunitaire est moins efficace. Ainsi, un exercice intense et prolongé est associé à une suppression transitoire des fonctions immunitaires qui se rétablissent généralement dans les 24 heures. Cependant, dans des situations d’entraînement intensif, le manque de récupération suffisante entre les séances d’exercice peut conduire à une dépression chronique des réponses immunitaires. De tels effets sur les défenses de l’hôte expliqueraient l’incidence plus élevée des affections des voies respiratoires chez les athlètes très entraînés, qui conduit à une altération de leur état de santé [19]. De plus, leurs fréquents transports et rassemblements sur les lieux de compétition les rendent particulièrement sensibles aux maladies infectieuses, d’une part du fait de la baisse de l’immunité et d’autre part en raison d’une exposition plus importante aux agents infectieux. Le contrôle de ces maladies est un élément important pour optimiser la santé, le bien-être et la performance de ces chevaux. Cela passe par la vaccination, mais aussi par l’adoption de bonnes pratiques, tant lors des transports et des compétitions que dans l’environnement habituel.
Cet article présente l’intérêt de la vaccination pour la prévention des maladies infectieuses, puis le rôle du transport et des compétitions dans la transmission de maladies infectieuses contagieuses et les mesures à prendre. Enfin, il aborde les mouvements de chevaux au niveau international et les risques d’entrée sur le territoire français d’une nouvelle maladie qu’ils engendrent.
Certaines maladies infectieuses équines courantes (grippe, rhinopneumonie, gourme) sont souvent (très) contagieuses et peuvent toucher des écuries entières (photo 1). Ces maladies ont des conséquences sportives (arrêt des compétitions et de l’exercice) et médicales (fièvre, toux, jetage nasal, etc.) pour les chevaux, mais aussi économiques pour l’écurie. Par ailleurs, certaines affections, comme la forme nerveuse de la rhinopneumonie, peuvent être débilitantes, voire mortelles. La vaccination permet de protéger les chevaux de la survenue et de la propagation de maladies infectieuses à l’échelle d’un individu, mais également d’un effectif. Les chevaux sont une population à risque en raison de leur mode de vie (plusieurs chevaux au sein d’une écurie), de leurs déplacements fréquents et de leurs rassemblements lors de courses, de compétitions, de ventes, etc. L’introduction de nouveaux chevaux dans une écurie est également un facteur de risque, notamment lorsqu’il s’agit de jeunes animaux. En France, le vaccin contre la grippe est obligatoire pour tout cheval participant à des rassemblements, tandis que celui contre la rhinopneumonie est obligatoire depuis le 1er janvier 2022 pour les jeunes chevaux de 0 à 3 ans participant à des épreuves de la Société hippique française (SHF), à l’exception des foals présentés sous la mère non soumis à cette obligation et, depuis le 1er janvier 2024, pour les chevaux de sport de la division “Pro” de la Fédération française d’équitation (FFE) (tableau en ligne) [13, 32].
Une étude récente sur les pratiques de vaccination contre la grippe a été menée au Royaume-Uni. Elle a notamment montré que près de 30 % des vétérinaires effectuent une première primovaccination (PV1) avant l’âge de 6 mois, alors que la première vaccination doit tenir compte de l’âge du poulain et de la présence d’anticorps maternels, ces deux facteurs pouvant influer sur la réponse humorale [14, 37]. Ainsi, des poulains ayant reçu une PV1 à 6 mois présentaient un taux d’anticorps plus élevé un mois après le booster que ceux ayant reçu une PV1 à l’âge de 4 mois [29]. Ces différents niveaux d’immunité peuvent modifier l’excrétion du virus ainsi que l’apparition de signes cliniques. La recommandation est donc d’effectuer une primovaccination contre la grippe vers l’âge de 5 à 6 mois, lorsque le niveau d’anticorps maternels est suffisamment bas pour éviter toute interférence et lorsque le système immunitaire du poulain est suffisamment mature pour une réponse antigénique efficace [29]. Cullinane et ses collaborateurs ont montré que l’allongement des intervalles de vaccination augmentait les écarts d’immunité entre première primovaccination et seconde primovaccination (PV2), et entre la PV2 et le booster, mais n’inhibait pas la réponse à PV2 et au booster. Globalement, les chevaux vaccinés avec les intervalles de vaccination maximaux autorisés par les autorités des courses étaient moins bien protégés pendant la période d’étude que les chevaux vaccinés avec les intervalles de vaccination minimaux autorisés ou que ceux vaccinés conformément aux instructions du fabricant (3 semaines versus 6 semaines versus 13 semaines) [9]. Les réglementations nationale et internationale ont été récemment modifiées afin de réduire ces intervalles (passage d’un intervalle maximal de 92 jours à un intervalle de 60 jours).
Chez les chevaux de sport, en compétition nationale, les rappels sont obligatoires annuellement et non pas tous les 6 mois. Toutefois, les études menées lors d’épidémies de grippe en Irlande et en Grande-Bretagne ont mis en évidence un risque accru chez les chevaux n’ayant pas été vaccinés au cours des 6 derniers mois [15, 17]. Il serait donc intéressant de recommander des rappels tous les 6 mois, tant au niveau national qu’international.
Les chevaux peuvent participer à des compétitions à partir du moment où ils ont reçu les deux primovaccinations (PV1 et PV2). Lors des compétitions nationales et internationales, le délai de vaccination avant une compétition est de 7 jours pour des raisons de bien-être animal. Or, les fabricants de vaccins préconisent un intervalle de 14 jours après PV2 pour que l’immunité s’installe, ce qui est en adéquation avec une étude qui a mis en évidence un pic d’anticorps 2 à 4 semaines après les deux primovaccinations [16]. Ainsi, il serait intéressant de recommander plutôt un délai minimal de 4 semaines entre PV2 et la compétition, notamment pour de jeunes chevaux qui ont juste reçu les deux primovaccinations.
Un groupe d’experts publie chaque année, dans le cadre de l’Omsa, des recommandations sur les souches de virus circulants, donc sur la composition des vaccins [39]. Selon eux, « il n’est pas nécessaire d’inclure dans le vaccin le virus H7N7 ou un virus H3N8 de la lignée Eurasian puisque ces derniers n’ont pas été détectés depuis de nombreuses années et qu’il est donc possible de présumer qu’ils ne circulent plus. Les vaccins doivent contenir des virus de clade 1 (A/eq/South Africa/04/2003-like ou A/eq/Ohio/2003-like) et de clade 2 (virus A/eq/Richmond/1/2007-like) de la lignée Floride ». En France, il existe trois vaccins commercialisés pour les chevaux contre la grippe équine. À ce jour, seul Proteq® Flu est en adéquation avec ces recommandations.
Malgré des protocoles bien suivis, un petit pourcentage de la population vaccinée ne parvient pas à développer et/ou à maintenir une réponse immunitaire adéquate (“faibles répondeurs”). Ces chevaux restent donc sensibles à la maladie et peuvent jouer un rôle important dans sa propagation en tant qu’excréteurs d’une grande quantité de virus pendant de longues périodes (encadré en ligne).
Concernant les herpèsvirus équins de types 1 et 4 (HVE-1 et HVE-4), deux vaccins inertes, c’est-à-dire inactivés et sous-unitaires, sont commercialisés en France. Il est démontré que la vaccination est utile pour réduire la sévérité des infections respiratoires chez les jeunes chevaux ainsi que l’incidence des avortements chez les juments gestantes [24]. Cela est dû à la réduction de la quantité et de la durée d’excrétion du virus à partir du nasopharynx chez les animaux vaccinés. Toutefois, un individu vacciné peut quand même présenter une forme respiratoire et/ou un avortement [24]. Une étude expérimentale menée par Goehring et son équipe, avec trois vaccinations administrées avec un intervalle de 27 à 70 jours et une infection expérimentale 24 jours plus tard sur un groupe de 8 poneys, a permis de montrer que les signes cliniques et le nombre de jours de virémie étaient significativement réduits dans le groupe vacciné avec un vaccin inactivé [20]. De même, Bannai et ses collaborateurs ont vacciné une population de chevaux de course âgés de 3 ans avec un vaccin inactivé. La couverture vaccinale de cette population était proche de 100 % et le nombre de chevaux infectés a diminué de façon drastique par rapport aux années précédentes [5]. Les résultats de ces différentes études suggèrent que les épidémies à HVE-1 peuvent être contrôlées en maintenant une couverture vaccinale importante sur la population ciblée. Cette couverture va augmenter en France avec la vaccination obligatoire contre HVE-1 pour les compétitions nationales en division Pro. Toutefois, il faut bien garder en tête que les vaccins existants ne protègent pas contre la forme nerveuse et que le vaccin est une mesure complémentaire, mais ne remplace pas toutes les autres mesures de prévention [26].
La question de la vaccination combinée grippe et HVE-1 (ou HVE-4) peut se poser. Une étude a été menée chez des poulains pur-sang, avec une vaccination le même jour et une vaccination à 2 semaines d’intervalle pour ces deux maladies. La production d’anticorps était comparable pour les deux groupes et aucune réaction secondaire n’a été observée. Ce résultat est important car la vaccination combinée grippe/herpèsvirus permet de réduire la manipulation des jeunes animaux, ainsi que le coût pour les propriétaires [2].
Contre la gourme, il existe deux vaccins en France (1). La vaccination n’est pas obligatoire, mais fortement recommandée dans les zones où la maladie est endémique. La gourme est très présente sur le territoire français, notamment dans les centres équestres et/ou les écuries de chevaux de sport. Le vaccin Strangvac® (Dechra) est un vaccin sous-unitaire sûr, immunogénique et efficace, notamment 2 semaines après la troisième injection. De plus, c’est un vaccin Diva (pour differentiating infected from vaccinated animals), ce qui permet de différencier les anticorps des animaux vaccinés de ceux infectés naturellement. Ainsi, Strangvac® peut jouer un rôle important dans la prévention de la gourme chez les chevaux. La réponse immunitaire persiste pendant une période d’environ une année, ce qui justifie un rappel à tout moment dans ce délai, notamment en cas de risque d’infection [31]. Pour Equilis® StrepE (MSD), il s’agit d’un vaccin vivant atténué administré par voie intralabiale. L’immunité survient 2 semaines après deux primovaccinations à 4 semaines d’intervalle, et les rappels doivent être effectués tous les 3 mois. Pour éviter de vacciner un cheval récemment infecté et prévenir ainsi la survenue des importants effets indésirables potentiellement associés, il est primordial d’effectuer une sérologie au préalable. Des réactions douloureuses au point d’injection peuvent également apparaître [21]. De plus, contrairement à Strangvac®, ce n’est pas un vaccin Diva [6].
La vaccination contre la fièvre de West Nile est possible et assure une bonne protection chez la majorité des chevaux. Trois vaccins sont commercialisés en France avec 2 injections espacées de 3 à 5 semaines pour la primovaccination, chez des chevaux âgés de 5 ou 6 mois et plus, puis des rappels annuels. Les moustiques sont les vecteurs du virus West Nile et leur écobiologie est l’un des éléments clés de la propagation et de la transmission du virus [36]. Le virus est transmis par un cycle entre les moustiques et les oiseaux, mais les chevaux peuvent présenter une infection subclinique ou développer des signes neurologiques. Toutefois, comme l’humain, le cheval est un “cul-de-sac” épidémiologique [3]. Alors que les cas de fièvre de West Nile équins étaient jusque-là limités au bassin méditerranéen, des cas ont été rapportés en Gironde, en Charente-Maritime et en Charente en 2023 [30]. Il semble donc opportun de vacciner les chevaux de sport qui vivent ou se déplacent dans une zone endémique.
Il est conseillé de vacciner contre l’artérite virale les étalons de sport qui ont une activité de reproducteur, particulièrement lorsqu’ils sont exploités en monte naturelle avec des juments extérieures, ou pour l’insémination artificielle mais avec des déplacements fréquents en dehors du centre de reproduction (compétitions notamment), ou encore s’ils sont hébergés avec des chevaux au statut sanitaire inférieur [11].
Le tétanos est une maladie infectieuse mais non contagieuse. Deux injections de primovaccination à 4 à 6 semaines d’intervalle sont recommandées, avec un rappel annuel. L’immunité est généralement atteinte dans les 14 jours après PV2. Les recommandations de l’American Association of Equine Practionners (AAEP) insistent sur le fait d’effectuer un rappel lors de plaie ou d’intervention chirurgicale chez les chevaux vaccinés depuis plus de 6 mois [1].
La population équine est très mobile et les chevaux de sport peuvent parcourir de longues distances par route et par air, pour les compétitions et/ou à des fins de reproduction. Il est reconnu que le transport peut générer un stress chez les chevaux, susceptible d’amener à la réexcrétion de virus comme le HVE-1 ou le HVE-4, ou de bactéries telles que Streptococcus equi var. equi quelques jours plus tard [35]. Une pneumonie (fièvre des transports ou shipping fever) peut également survenir en cas de trajet long (plus de 8 heures), les facteurs de risque étant notamment le maintien de la tête du cheval attachée en hauteur et une mauvaise ventilation à l’intérieur du camion, van, avion, etc. [28]. La fièvre des transports est une maladie bactérienne due à l’envahissement des voies respiratoires profondes par des bactéries commensales pharyngées et des particules en aérosols du fait d’un dysfonctionnement de l’appareil mucociliaire en relation avec la durée du transport. Cela conduit à une fièvre, à une dysorexie ou anorexie, ainsi qu’à une pleurésie et, dans les cas les plus graves, à une pleuropneumonie [27]. Une étude menée sur 53 chevaux a permis de mettre en évidence l’implication de bactéries aérobies et anaérobies, dont Streptococcus spp., Pasteurella spp., Staphylococcus spp., Bacteroides spp. et Enterococcus spp. De plus, l’agent de la gourme a pu être retrouvé dans le cytoplasme des neutrophiles et des macrophages de la lumière alvéolaire [27]. En raison de déplacements fréquents et souvent longs, les chevaux de sport constituent une population à risque pour cette maladie. La mise en place de mesures de prévention, mais aussi d’une détection précoce, est le meilleur moyen de maintenir les chevaux de sport en bonne santé avec un bon niveau de performance.
Lorsqu’un cheval infecté est introduit dans une population sensible ou naïve, la propagation de l’agent infectieux est parfois explosive. Lors de l’épidémie européenne d’herpèsvirus de type 1 qui a débuté à Valence en Espagne en 2021, près de 800 chevaux étaient présents [7]. Au total, trois compétitions internationales ont été touchées par cette épidémie : deux en Espagne et une à Doha, au Qatar. Dix fédérations nationales ont signalé des cas qui étaient épidémiologiquement liés à Valence, ce qui a conduit la Fédération équestre internationale (FEI) à annuler les compétitions pendant 6 semaines dans 12 pays d’Europe. Au total, 20 chevaux atteints présents lors de l’épisode de Valence ont été euthanasiés et la FEI a imposé une quarantaine et des tests obligatoires sur 3 836 chevaux pour prévenir la transmission du virus. Le nombre total de chevaux cliniquement et subcliniquement affectés demeure inconnu [4]. Des épidémies de grippe équine ont également été décrites et associées à des rassemblements importants de chevaux. Cela a été le cas en Australie en 2007, par exemple, où la maladie s’est propagée des chevaux de sport aux chevaux de course, avec une estimation finale de plus de 75 000 chevaux infectés [8].
La prise de température régulière est le meilleur moyen de détecter précocement l’apparition d’une maladie infectieuse, quelle qu’elle soit, et de mettre en place des mesures pour en prévenir la transmission. Cette prise de température peut être rectale avec un thermomètre ou via une micropuce liée ou non à celle d’identification. La prévention passe par l’information et la compréhension des propriétaires, entraîneurs et grooms. Il est important de leur expliquer que la prise de température doit avoir lieu régulièrement à l’écurie, tous les matins si possible, ou en tout cas systématiquement avant de monter le cheval. Ce geste simple deviendra alors un automatisme et sera réalisé régulièrement lors des transports, compétitions, etc. Concernant le transport, il est primordial de vérifier la ventilation, de faire des pauses lors d’un trajet long pour détacher la tête du cheval, le faire boire et, dans la mesure du possible, le sortir pour marcher et prendre l’air. Il est également important de prendre régulièrement la température d’un cheval au cours d’un transport long et à l’arrivée, car c’est un excellent moyen de détecter précocement l’apparition d’une fièvre des transports (température rectale supérieure à 38,5 °C) [27].
L’analyse des épidémies évoquées plus haut souligne également l’importance de mettre en place des mesures préventives telles que le contrôle des chevaux à l’arrivée lors des compétitions, via un examen clinique comprenant la mesure de la température rectale avant l’entrée dans les écuries, comme le préconise le règlement vétérinaire de la FEI [12]. Il est également important de mesurer la température rectale des chevaux deux fois par jour pendant la compétition car, dans le cas de la rhinopneumonie, ils peuvent réactiver une infection à HVE-1 ou à HVE-4 quelques jours après leur arrivée en raison du transport, du stress, etc. Depuis août 2021, ces mesures, qui existaient déjà dans le règlement FEI, sont désormais obligatoires avec la FEI HorseApp. La personne responsable du cheval doit prendre la température rectale de son animal deux fois par jour pendant les 3 jours qui précèdent la compétition et remplir le formulaire d’autocertification sur l’application avant de venir. Le contrôle à l’arrivée des chevaux comprend aussi la prise de la température rectale qui doit être enregistrée via l’application par l’équipe de vétérinaires présents (photo 2). Enfin, la personne responsable doit également prendre la température de son cheval matin et soir pendant toute la durée de la compétition et l’enregistrer avec cette application. Ces mesures obligatoires en compétition internationale devraient être mises en œuvre lors des compétitions nationales.
Les épidémies passées soulignent en outre l’importance de disposer de boxes d’isolement lors des compétitions, afin de pouvoir écarter immédiatement les chevaux fiévreux, et d’avoir prévu du matériel et des procédures adéquates en matière de protection, de désinfection, etc. (photo 3). Au sein des écuries, il est également fondamental de pouvoir isoler des chevaux, qu’il s’agisse d’animaux malades ou de nouveaux venus afin d’évaluer leur statut sanitaire. Dans ce dernier cas, un isolement de 3 semaines au minimum est nécessaire avant de mettre ces chevaux en contact avec les autres. Enfin, en cas d’épidémie, les tests par réaction de polymérisation en chaîne (PCR) sont un complément utile pour déterminer quels chevaux sont positifs afin de les séparer de ceux qui sont indemnes. Ces tests sont également très utiles chez les chevaux isolés, au moment de la sortie de quarantaine et dans le cadre de la prévention, pour s’assurer qu’ils sont indemnes avant de rejoindre une compétition avec une forte densité de congénères.
Il existe un risque d’introduction de maladies dites exotiques en Europe, donc en France, en lien avec les mouvements de chevaux au niveau international. Ces maladies sont introduites généralement par des équidés infectés qui peuvent ne pas être des chevaux de sport, comme l’illustre l’épisode de peste équine qui s’est déclaré en Espagne en 1987 à la suite de l’importation de zèbres porteurs asymptomatiques. Néanmoins, en raison de la propagation parfois explosive de ces maladies, la population de chevaux de sport pourrait être rapidement touchée.
Une étude de Kettle et Wernery présente la morve comme un risque majeur dans le contexte des déplacements internationaux d’équidés [22]. Cette maladie zoonotique contagieuse due à une bactérie (Burkholderia mallei) touche principalement les chevaux, les ânes et les mulets. La maladie a été éradiquée de vastes régions du monde occidental au début du XXe siècle, mais au cours des 10 à 20 dernières années, elle est apparue et réapparue dans des zones où elle était auparavant inconnue (en 2010 au Bahreïn, par exemple) ou avait disparu (en 2009 au Brésil). Elle reste signalée de manière sporadique dans un certain nombre de pays d’Asie, d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Amérique du Sud [40].
Le test de fixation du complément, actuellement recommandé par l’Omsa pour le diagnostic dans le cadre du commerce international des équidés, présente des sensibilités et des spécificités variables selon l’antigène et la méthodologie utilisée. Les faux positifs créent des difficultés aux propriétaires de chevaux et aux autorités vétérinaires, tandis que les faux négatifs peuvent permettre la réintroduction de B. mallei dans des zones indemnes. Ces lacunes dans les connaissances sur l’épidémiologie de la morve et les faiblesses de son diagnostic, couplées à l’augmentation des déplacements d’équidés, font que cette infection reste un risque majeur dans le contexte des déplacements internationaux d’équidés [22].
La peste équine, due à un virus appartenant à la famille des Reoviridae, genre Orbivirus et transmis par Culicoides spp., représente aussi un risque lié aux mouvements internationaux d’équidés infectés. Cette maladie est considérée comme une menace majeure pour la santé des chevaux dans les zones endémiques d’Afrique subsaharienne. Elle a touché la Thaïlande début 2020 avec un total de 15 foyers différents recensés, conduisant à la mort de plus de 500 chevaux, avec un taux de mortalité supérieur à 90 %. C’était la première épidémie en Thaïlande et la première apparition de la peste équine en Asie depuis 60 ans. Au vu de l’absence de cas dans les pays limitrophes, il est fort probable que l’épidémie a pour origine des chevaux infectés importés. Par ailleurs, le climat chaud et humide de la Thaïlande, avec l’absence d’hivers froids qui pourraient interrompre l’activité des insectes hématophages, a permis une transmission rapide de la maladie dans la zone et représenté une menace potentielle pour les autres régions d’Asie [23]. Dans l’avenir, les pays d’Afrique du Nord et d’Europe doivent se préparer à faire face à des incursions du virus de la peste équine, d’autant plus que deux sérotypes du virus (sérotypes 2 et 7) se sont récemment propagés vers le nord, vers l’ouest (Sénégal, Nigeria, Gambie) et l’est de l’Afrique (Éthiopie), où historiquement seul le sérotype 9 avait été isolé [41].
En France, un programme de surveillance épidémiologique passive est mis en œuvre par le Réseau d’épidémiosurveillance en pathologie équine (Respe)(2) pour détecter et surveiller les maladies équines émergentes et infectieuses. Ce réseau s’appuie sur des vétérinaires sentinelles (plus de 900 en 2023 répartis dans toute la France) qui déclarent les cas via le site internet et envoient des prélèvements au laboratoire Labéo à Caen. La moitié du coût des analyses est prise en charge par le Respe. Cette surveillance permet de connaître la présence, la localisation et la circulation des maladies infectieuses en France et de déterminer les souches virales impliquées dans les cas de grippe ou d’herpèsvirose par exemple. Ainsi, une étude de Legrand et ses collaborateurs fait le bilan de la surveillance de novembre 2005 à octobre 2010 de la grippe équine par le sous-réseau “syndrome respiratoire aigu” du Respe et présente les résultats des analyses épidémiologiques et phylogénétiques réalisées sur 1 426 prélèvements nasopharyngés reçus par Labéo pendant cette période. Au total, 121 prélèvements (13,1 %) provenant de 42 écuries étaient positifs pour la grippe équine, versus 26 (5,1 %) des 607 échantillons reçus de vétérinaires non sentinelles du Respe. Le foyer le plus étendu a été observé entre février et mai 2009, touchant 70 chevaux répartis dans 23 exploitations, dont 15 prises en charge par des vétérinaires sentinelles du Respe. Ainsi, le réseau améliore la détection du virus de la grippe équine en France. Il permet aussi de caractériser (avec l’aide de Labéo) les souches virales, de fournir des informations précieuses sur l’épidémiologie de la maladie et de transmettre des informations aux laboratoires producteurs de vaccins sur les souches circulantes [25]. Cette surveillance des souches, qui concerne également l’HVE-1, permet de suivre la circulation et la propagation du virus et de relier certains foyers épidémiologiques les uns aux autres [33, 34]. Il existe, à travers l’Europe et le monde, d’autres réseaux d’épidémiosurveillance, mais ils ne disposent pas du maillage vétérinaire du Respe et souvent un éventail moindre de maladies surveillées. Toutefois, le Respe peut s’appuyer sur eux pour transmettre des alertes internationales.
La prévention de l’apparition de maladies infectieuses au sein de la population des chevaux de sport est une préoccupation quotidienne pour les vétérinaires. La vaccination peut être obligatoire, fortement recommandée ou recommandée en zone endémique. Elle présente néanmoins des points d’attention quant aux protocoles à adopter et aux vaccins à utiliser. Le vétérinaire peut également apporter des conseils relatifs à la gestion des chevaux au quotidien et à la mise en place de mesures telles que la prise régulière de la température, l’isolement des nouveaux chevaux, les conditions de transport, etc. Il est important qu’il prenne toute sa place dans la médecine préventive du cheval et qu’il joue le rôle essentiel de vétérinaire conseil.
(1) Voir la fiche « Les nouveautés relatives à la vaccination contre la gourme » de S. Boullier dans Pratique vétérinaire équine n° 220.
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