PATHOLOGIE LOCOMOTRICE
Quel est votre diagnostic ?
Auteur(s) : Fabrice AUDIGIÉ*, Lélia BERTONI**, Sandrine JACQUET-GUIBON***, Lauriane BAUCE****, Amélie TALLAJ*****
Fonctions :
*(Pr, assoc. LA-ECVDI)
**(MC, DESV de pathologie locomotrice)
***(DESV de pathologie locomotrice, cert. Iselp, DipACVSMR et ECVSMR)
****(DESV de pathologie locomotrice, cert. Iselp) Cirale-ENVA, USC Inrae 957 BPLC 14430 Goustranville
Une jument selle français de saut d’obstacles (140 cm), pesant 640 kg et âgée de 8 ans, est référée pour un examen scintigraphique afin d’explorer une boiterie postérieure droite apparue 1 mois auparavant. L’examen initial avait conduit à suspecter une lésion dans la région ischiatique droite. La réduction d’activité mise en place pendant 1 mois n’a pas permis de faire disparaître la boiterie. De plus, la jument avait présenté 3 mois plus tôt une boiterie postérieure gauche. Lors de l’examen locomoteur préscintigraphique, une boiterie postérieure droite de grade 1 à 2 sur 5 est observée dans toutes les circonstances, plus marquée sur le cercle à main droite et lorsque la jument est rassemblée sous la selle, avec un test de flexion global de ce membre positif de grade 2 sur 5. L’examen scintigraphique révèle, sur les membres postérieurs principalement, une augmentation bilatérale de la captation dans la région métatarsienne plantaire proximale et sagittale, laquelle est plus marquée sur le postérieur gauche et s’étend latéralement (photos 1a à 1c en ligne). L’examen du bassin ne montre pas d’anomalies scintigraphiques significatives. Des examens radiographiques et échographiques des régions métatarsiennes proximales sont réalisés le lendemain (photos 2a et 2b, et photos 3a à 3c en ligne).
L’imagerie de routine (radiographie, échographie) révèle une enthésopathie et une desmopathie proximale chronique substantielle du ligament suspenseur du boulet (LSB) bilatérales, avec des altérations osseuses et ligamentaires, similaires sur les deux postérieurs. Afin d’établir un bilan lésionnel complet, et notamment d’évaluer le caractère actif et évolutif de ces lésions chroniques pour adapter au mieux la prise en charge et établir le pronostic, un examen d’imagerie par résonance magnétique (IRM) de l’insertion proximale du LSB est effectué sur les deux postérieurs. À droite, une lésion chronique peu active du ligament est mise en évidence (photo 4 en ligne). Inversement, la partie osseuse de l’enthèse présente des lésions actives et évolutives caractérisées par une atteinte substantielle de type œdème osseux de l’os métatarsal III, avec une zone focale sagittale de résorption osseuse (ostéolyse). L’examen d’IRM du LSB gauche met en évidence des modifications similaires sur la partie ligamentaire de l’enthèse, avec une sclérose osseuse plus modérée et sans lésion associée de type œdème osseux.
La prise en charge thérapeutique comprend une réduction d’activité avec une période de pas monté pendant 3 à 4 semaines, en lien avec la boiterie et l’aspect actif des lésions à l’examen d’IRM, suivie d’une reprise de l’activité sur 6 semaines avec un contrôle clinique et par imagerie à la fin de cette période. Une ferrure kinésithérapique, avec pince couverte et éponges étroites et biseautées, est conseillée sur les deux postérieurs pour réduire les contraintes biomécaniques sur le LSB. Un traitement à base de biphosphonates par voie générale est recommandé en préservant un délai d’environ 2 semaines entre la scintigraphie et l’injection afin de limiter les effets négatifs sur la fonction rénale. Trois mois plus tard, la jument conserve un soulagement postérieur droit. Les anomalies identifiées à l’imagerie de routine sont stables et l’examen d’IRM de contrôle montre une disparition des lésions de type œdème osseux de l’enthèse. La période de réduction d’activité est prolongée de 2 mois par une mise au paddock avant la reprise de l’activité. Cependant, la jument ne peut pas récupérer son niveau de performance antérieur malgré la rééducation et est finalement réformée.
Les lésions du LSB, notamment les enthésopathies proximales, représentent une dominante pathologique chez les chevaux de sport dans toutes les disciplines. L’examen clinique permet l’identification d’une déformation locale ou d’une conformation à risque ou aggravante lors de lésions avérées telles que des jarrets droits ou un défaut de suspension des boulets postérieurs [2]. L’imagerie de routine permet d’établir un diagnostic lésionnel dans de nombreux cas via l’utilisation de techniques spécifiques comme l’échographie au soutien en inversion de contraste [1]. Dans les cas complexes ou pour obtenir plus de précisions, l’examen d’IRM du LSB permet de compléter l’évaluation des altérations architecturales et tissulaires du ligament et d’améliorer l’évaluation de la composante osseuse de l’enthèse (degré de sclérose osseuse, éventuelles lésions de résorption de l’os cortical et lésions de type œdème osseux) [3]. Le pronostic sportif est réservé, avec un taux de retour en compétition variant de 45 à 72 % [4, 5].
Aucun
Cette rubrique est réalisée en partenariat avec la commission Imagerie de l’Association vétérinaire équine française.