Dossier
Point de vue
Auteur(s) : Marc DILASSER
Fonctions : cavalier de l’équipe de France de saut d’obstacles
Pour mon cheval de tête, je détermine l’objectif de la saison et j’établis le planning de concours en fonction de cet objectif. Mais j’ai toujours plusieurs plans car, avec les chevaux, le plus important est d’être capable de s’adapter à toutes les situations. Tous les dimanches soir, je fais le point : comment s’est comporté le cheval sur le concours ? Quelles sensations ai-je eues ? Le lundi, je le regarde rapidement sur un cercle pour voir comment il se déplace. Et le mardi, je fais toujours la même balade qui comporte une montée au trot et je sens si mon cheval a envie d’y aller ou pas. Le vétérinaire, qui vient à la maison tous les mardis, a généralement regardé les vidéos des concours du week-end en amont et je lui demande d’examiner les chevaux pour lesquels j’ai un doute. Toutes ces informations me permettent de décider s’il faut poursuivre mon plan de travail ou le modifier.
Pour les chevaux qui montent en puissance, je n’ai pas d’objectif de saison. Je décide au fur et à mesure selon les résultats sportifs. Je peux avoir l’impression qu’un cheval a besoin de passer un cap ou à l’inverse qu’il vaut mieux attendre et consolider ses acquis. Le cheval est un animal extraordinaire et très généreux. Quand cela ne se passe pas bien en concours, en dehors des erreurs du cavalier, il faut être capable de sentir pourquoi le cheval n’est pas là où on l’attend. Ça, c’est du bon sens paysan. De plus, contrairement à une Formule 1 qui réagit de façon prévisible à tout changement mécanique demandé par son pilote, le cheval peut avoir des réactions imprévisibles vis-à-vis d’une information donnée. Il reçoit l’information, l’interprète, mais pas toujours de la même façon. Avec le temps j’ai abandonné les certitudes : un plan parfait, validé par le propriétaire, le coach et le vétérinaire, se transforme parfois en catastrophe ou, à l’inverse, un plan bancal peut très bien fonctionner et donner de bons résultats.
J’ai une relation de confiance avec mon vétérinaire qui suit mes chevaux depuis 12 ans. Les examens complémentaires sont réalisés selon les besoins. Lorsqu’on parvient à un haut niveau, cela peut devenir grisant et l’on peut être tenté de multiplier les concours pour corriger les petites fautes que l’on pense être dues à un manque d’expérience. Le vétérinaire est aussi un garde-fou qui m’évite de faire ce genre d’erreur.
Cette année, tous les cavaliers du groupe olympique ont été équipés par la fédération d’un Equisym (1). L’interprétation des données n’a pas été facile au départ. Il a fallu attendre pour réaliser un examen de référence au moment où le cheval était très bien. Depuis, les données obtenues sont comparées à ces valeurs de référence, en essayant de standardiser les conditions de l’examen. Certains indicateurs sont faciles à interpréter, d’autres nécessitent un retour de l’ingénieur. L’appareil, encore au stade du recueil des données, est prometteur. Je n’utilise pas de cardiofréquencemètre, je ne suis pas convaincu de son utilité dans ma discipline, contrairement à d’autres, comme le concours complet. Je connais bien mes chevaux, je me fie à mes sensations et j’en parle rapidement à mon vétérinaire quand j’ai un doute.
Je travaille avec une physiothérapeute qui utilise un appareil de técarthérapie (Winback), et avec une ostéopathe avec lequel je partage mes ressentis.
Je suis sur la longue liste pour les Jeux de Paris, mais je ne fais pas partie des premiers. Mon cheval est le plus âgé et ma meilleure chance de participer est de l’amener le plus frais possible au moment de la décision du staff fédéral. C’est pour cela que j’ai décidé de le préserver cet hiver (6 concours en 6 mois). Il est au top depuis sa reprise.