GASTRO-ENTÉROLOGIE
Cahier scientifique
Revue de presse
Auteur(s) : Valérie DENIAU
Fonctions : (dipEceim)
Clinique vétérinaire de Grosbois
94470 Boissy-Saint-Léger
Définie comme l’accumulation d’un contenu solide dans l’estomac persistant après une diète de 24 heures, l’impaction gastrique est une affection dont l’étiologie reste mal connue, les principaux facteurs d’apparition identifiés étant les affections dentaires, l’ingestion d’aliments peu digestibles et l’insuffisance fonctionnelle hépatique. De façon anecdotique, les impactions gastriques concomitantes d’affections intestinales aiguës ou chroniques (concurrent gastric impaction ou CGI) semblent bénéficier d’une résolution plus rapide et d’un meilleur pronostic que les surcharges isolées (lone gastric impaction ou LGI). Une étude rétrospective a été menée pour tester cette hypothèse.
La population étudiée comprend les cas d’impaction gastrique diagnostiqués dans deux hôpitaux vétérinaires sur une période de 15 ans. Les données cliniques, biologiques, endoscopiques et chirurgicales sont prises en compte, ainsi que l’évolution pendant l’hospitalisation et à long terme. Sont exclus les cas d’affection dentaire ou hépatique, les ânes et les poulains de moins de 1 an, et les chevaux pour lesquels la diète avant la gastroscopie est inférieure à 24 heures.
Les 71 cas retenus, diagnostiqués par gastroscopie (32 sur 71), laparotomie (34) ou autopsie (5), incluent 27 LGI (38 %) et 44 CGI (62 %). Les affections intestinales concomitantes concernent surtout le côlon (32 sur 44), probablement du fait de la modification de la topographie abdominale par l’estomac distendu. La durée moyenne des signes cliniques avant la présentation, principalement des coliques aiguës (51 sur 71) et chroniques ou récurrentes (6 sur 71), est significativement plus longue pour les cas de LGI (24 heures) que pour les CGI (6 heures). Aucune différence significative entre les groupes LGI et CGI n’est mise en évidence concernant les observations endoscopiques, que ce soit la taille de l’impaction ou la présence de lésions sur la muqueuse gastrique. Néanmoins, l’évaluation de l’étendue complète de l’impaction à la laparotomie, plus facile que par gastrocopie, est significativement corrélée à la survie à court terme : 60 % des chevaux atteints d’impaction sévère ou très sévère (15 sur 25) sont euthanasiés pendant ou après l’intervention. Un traitement spécifique de l’impaction gastrique, incluant des fluides par voie entérale ou parentérale et l’administration d’émollients par intubation, est mis en place chez 60 chevaux. La résolution de l’impaction est significativement plus longue pour les cas de CGI, la lésion intestinale aiguë concomitante ayant été traitée en premier.
Le taux de survie à court terme (60 %, 43 sur 71) et la durée moyenne d’hospitalisation (6,8 +/- 2,9 jours) ne diffèrent pas significativement entre les deux groupes. Parmi les 31 chevaux morts ou euthanasiés avant leur sortie, 13 ont succombé à une rupture gastrique, plus fréquente pour les cas de LGI (8 sur 27) que pour ceux de CGI (5 sur 44). Cela pourrait être lié à la durée plus longue des signes cliniques ainsi qu’à un diagnostic et un traitement plus tardifs des cas de LGI. Une récidive d’impaction gastrique est diagnostiquée ou rapportée chez 21,7 % des chevaux sortis de l’hôpital. Le taux de survie à long terme des 30 chevaux suivis par téléphone est de 56,7 %. Un aménagement du régime alimentaire se révèle nécessaire à long terme pour la moitié des chevaux sortis, avec une prépondérance significative des cas de LGI chez lesquels la durée plus longue de l’impaction a pu conduire à un étirement chronique et peut-être irréversible de la paroi de l’estomac, ou à une perturbation plus grave de la motilité.
Cette rubrique est réalisée en partenariat avec la commission Médecine interne de l’Association vétérinaire équine française.
Malgré des limites liées à sa nature rétrospective et à la variabilité des conditions de traitement et de suivi, l’étude laisse à penser que certaines impactions gastriques peuvent évoluer de façon fruste et n’être objectivées que lors de la survenue d’une autre affection digestive aiguë. Dans ce dernier cas, la résolution de l’impaction ne semble pas plus rapide que lorsqu’elle est isolée. Le risque de récidive non négligeable et les possibles contraintes de la gestion alimentaire doivent être considérés pour l’estimation du pronostic à long terme.