Cahier pratique
Fiche nutrition
Auteur(s) : Charles BARRÉ
Fonctions : 1 place de l’Église72360 Verneil-le-Chétif
Plusieurs préjugés concernent les céréales. Il convient de les démystifier tout en menant une réflexion sur l’équilibre de l’alimentation et sur son adéquation avec l’activité du cheval.
Il est souvent difficile pour le vétérinaire de réellement conseiller ses clients en matière d’alimentation équine, car son autorité dans ce domaine est largement perçue comme partagée. De nombreuses croyances ou idées reçues, souvent anciennes, continuent d’influencer certaines pratiques. Bien que les données empiriques ne puissent pas être simplement rejetées, il est légitime d’exprimer des réserves concernant les justifications “scientifiques” qui les accompagnent dans la grande majorité des cas.
Dans le monde des chevaux de course, une idée reçue persistante veut que l’avoine confère plus d’énergie aux chevaux, ce concept “d’énergie” étant bien distinct de l’apport calorique (photo 1). Pendant de nombreuses années, cette croyance s’est appuyée sur l’action supposée d’une molécule non identifiée, nommée avénine, à l’origine des propriétés excitantes de l’avoine. Cependant, à la fin du siècle dernier, la communauté scientifique a identifié l’avénine comme une protéine dont les effets sur le système nerveux ne sont pas démontrés [3]. Historiquement, l’avoine a été principalement réservée à l’alimentation équine en raison de son usage limité dans l’alimentation humaine, car peu panifiable et pouvant être cultivée sur des sols relativement pauvres [4]. Il est probable que l’amélioration de la condition physique observée chez les chevaux nourris avec de l’avoine soit simplement due à l’augmentation de l’apport énergétique de leur ration. Il serait donc possible, dans ce cas, d’obtenir des résultats similaires en utilisant de l’orge ou du maïs. En effet, les chevaux de course américains sont principalement nourris au maïs, sans que cela affecte leurs performances [4].
L’avoine peut aussi susciter des inquiétudes chez certains propriétaires qui craignent de “brûler” (terme usité par nos ancêtres) leur cheval en utilisant cette céréale. Le cheval “brûlé” à l’avoine présente tous les signes d’une suralimentation glucidique associée ou non à des ulcérations gastro-duodénales, tels qu’une diarrhée, une anorexie et éventuellement des coliques [2]. En raison de son emploi très large dans l’alimentation équine, l’avoine a été injustement stigmatisée. En réalité, il est tout à fait possible de reproduire les mêmes symptômes avec un mésusage des autres céréales, comme le maïs et l’orge, ou via une réduction de la consommation de fourrages (disponibilité insuffisante ou difficultés de mastication) [4]. Ainsi, ce n’est pas l’avoine qui “brûle” les chevaux, c’est plutôt l’inadéquation entre la proportion de fourrage et de concentrés dans leur alimentation, par rapport à leur physiologie digestive, qui provoque des troubles gastro-intestinaux.
L’orge est considérée par certains comme utile pour faire prendre du poids aux chevaux au détriment du développement musculaire. Cette céréale présente une très bonne digestibilité et contient relativement peu de cellulose, fournissant ainsi davantage de calories que l’avoine (moins digestible et contenant environ 10 % de cellulose) à masse égale [4]. Son coût est inférieur à celui des autres céréales disponibles (avoine, blé, maïs) pour l’alimentation animale, ce qui en fait un choix populaire pour nourrir les bovins et les porcs dans les phases d’engraissement avant l’abattage. C’est probablement de là que vient cette idée reçue. Cependant, une hausse significative de l’apport calorique, associée à une réduction de l’activité, entraîne nécessairement une augmentation du taux de graisse chez les animaux, mais cela ne dépend pas de la céréale choisie. En comparaison, l’orge, grâce à son apport calorique légèrement plus élevé par rapport à l’avoine et à la relative stabilité de sa qualité, semble plus propice à la prise de poids chez le cheval. Ainsi, ce n’est pas seulement l’orge qui fait prendre du poids aux chevaux, mais plutôt l’inadéquation entre les apports caloriques de la ration et la dépense physique. Les mêmes conséquences auraient pu être observées avec une utilisation plus importante du maïs si celui-ci avait été cultivé abondamment en Europe au cours des siècles passés.
Une suralimentation glucidique et par conséquent une réduction de la quantité de fourrage ingérée peuvent avoir des conséquences délétères sur le tube digestif du cheval. Cependant, exclure l’utilisation des céréales par peur de provoquer l’apparition d’ulcères gastro-duodénaux serait excessif, car en nutrition, c’est souvent la quantité qui détermine les effets [1]. L’inquiétude qui entoure l’emploi des céréales dans l’alimentation équine reflète les possibles distorsions induites par les stratégies de marketing auprès des personnes moins informées. L’intérêt des vétérinaires pour la nutrition équine a connu un déclin progressif, ce qui a potentiellement altéré leur capacité à émettre des avis éclairés dans ce domaine. En conséquence, les fabricants d’aliments sont devenus des acteurs prédominants en matière de conseil aux propriétaires de chevaux possédant des compétences limitées en agriculture. Dans une démarche avant tout économique, les fabricants ont minimisé l’importance du fourrage dans le régime des chevaux, comme en témoigne la préconisation d’une ration de 5 kg de foin seulement par cheval en faveur de plusieurs kilos de granulés. Au bout de 30?ans de promotion de cette approche, les effets négatifs de ces pratiques se sont révélés manifestes. De ce fait, la réponse marketing émergente consiste à concevoir des granulés sans céréales, donc sans amidon.
Le cheval possède une capacité d’ingestion limitée, c’est-à-dire qu’il ne peut pas consommer une quantité d’aliment (foin et/ou concentrés) infinie [4]. Par conséquent, si le cheval dispose de foin à volonté, chaque kilogramme d’aliment concentré consommé équivaut à un kilogramme de foin non ingéré. Il existe donc deux scénarios qui amènent un cheval à être privé de foin : ne pas lui en fournir suffisamment et le suralimenter en concentrés. Chez un cheval disposant de foin à volonté, il est alors possible d’observer des troubles digestifs (photo 2). Les aliments concentrés ne devraient être utilisés que lorsque la quantité de calories apportées par le foin à volonté n’est pas suffisante pour maintenir un état corporel satisfaisant. Dans ce cas, l’aliment concentré devra garantir un apport énergétique au kilo plus élevé que le foin. C’est pourquoi les céréales ou les produits manufacturés contenant des céréales sont l’outil de choix pour augmenter les calories d’une ration, puisqu’un apport énergétique élevé ne peut être obtenu qu’avec des glucides ou des lipides, le rendement énergétique des protéines étant assez faible, même si la distribution des lipides n’est pas toujours aisée. Cependant, il est essentiel d’utiliser ces aliments avec modération et de veiller au maintien de l’équilibre de l’alimentation [1]. Dans tous les cas, pour préserver la flore digestive et un comportement alimentaire sain, d’après l’auteur, les quantités de concentrés distribuées ne devraient pas dépasser 1 % du poids du cheval, à condition que celui-ci dispose réellement de foin ou d’herbe ad libitum.
Aucun
Cette rubrique est réalisée en partenariat avec la commission Alimentation de l’Association vétérinaire équine française.