Matières premières : sources de fibres, tourteaux et huiles végétales - Pratique Vétérinaire Equine n° 0216 du 09/12/2022
Pratique Vétérinaire Equine n° 0216 du 09/12/2022

CAHIER PRATIQUE

Fiche nutrition

Auteur(s) : Charles BARRÉ

Fonctions :
*1 place de l’Église
**72360 Verneil-le-Chétif

Chaque matière première ayant des propriétés spécifiques, leur distribution doit être adaptée selon les exigences du cheval. La pulpe de betterave est par exemple indiquée lors de troubles buccaux ou dentaires.

Après avoir étudié les différentes céréales utilisables en alimentation équine, il convient de s’intéresser aux autres matières premières disponibles. Celles-ci permettent d’adapter la densité énergétique de la ration de concentrés (augmentation ou diminution), de corriger les apports de protéines et/ou de minéraux (calcium essentiellement). Tout l’intérêt de la construction d’une ration avec des matières premières se trouve résumé dans les choix que le praticien est amené à faire pour s’ajuster au mieux aux conditions d’hébergement, à la logistique de l’écurie, à la composition du foin distribué et au cheval qu’il doit nourrir. La démarche intellectuelle permettant de faire ces choix et de fixer les quantités des différents ingrédients utilisés sera développée dans un prochain article.

Les sources de fibres

Il existe plusieurs sources de fibres qui peuvent être distribuées comme des concentrés. La cellulose d’un aliment concentré n’étant pas équivalente à la cellulose du fourrage, un cheval doit toujours, lorsque c’est possible, consommer des fibres longues pour garantir la bonne santé de son système digestif. En outre, la prise de nourriture doit être suffisamment étalée dans le temps pour contribuer à sa bonne santé mentale.

Pulpe de betterave déshydratée

Contrairement à une idée répandue, la pulpe de betterave ne contient quasiment plus de sucres puisqu’elle est le sous-produit de l’exploitation de la betterave par l’industrie sucrière. En revanche, il s’agit d’une source de fibres remarquable. Une fois réhydratée, son grand pouvoir d’imbibition implique un gain de volume très élevé. Il est donc primordial de distribuer la pulpe de betterave très bien réhydratée pour ne pas occasionner de douleurs gastriques chez le cheval.

Comme la pulpe de betterave est riche en calcium, elle peut être distribuée en petite quantité pour ajuster un rapport phosphocalcique déséquilibré par les céréales. Dans le cas d’affections buccales ou de tables dentaires inefficaces, elle peut servir de “substitut” aux fourrages. Dans ce cas, et uniquement dans ce cas, il est possible de distribuer de grosses quantités (4 à 5 kg) de pulpe de betterave réhydratée tout au long de la journée. Grâce à son pouvoir d’imbibition, elle permet aussi de fournir au cheval un grand volume d’huile végétale et d’augmenter ainsi l’apport énergétique. Le rapport phosphocalcique doit cependant être corrigé en ajoutant du phosphore dans la ration (son de blé, céréales ou phosphore organique). En pratique, ce mélange représente l’une des meilleures solutions pour nourrir un cheval dysphagique de manière satisfaisante sur le long terme.

Luzerne déshydratée

La luzerne déshydratée est un fourrage compacté sous la forme de granulés (photo 1). Riche en protéines et en calcium, elle est à préférer au foin de luzerne, car elle peut être distribuée de façon contrôlée et plus précise. Les bouchons de luzerne déshydratée peuvent être mouillés facilement pour améliorer la mastication et obtenir une soupe intéressante dans le cas d’une dysphagie transitoire ou permanente. Contrairement à la pulpe de betterave, la luzerne déshydratée ne peut être considérée stricto sensu comme un substitut aux fourrages en raison de sa richesse en protéines, qui pourrait entraîner, si celle-ci était utilisée seule, un excès protéique majeur. Les quantités à distribuer doivent toujours être déterminées grâce au calcul de ration, quelles que soient les raisons de son emploi (correction calcique ou supplémentation protéique) afin de prévenir les fermentations cæco-coliques et les diarrhées [1, 3].

Son de blé

Le son de blé est un sous-produit de l’industrie meunière. Il est distribué mouillé et présente l’avantage d’accroître significativement le volume des rations sans augmenter l’apport énergétique. Il peut être utilisé en association avec une céréale et/ou une autre source de fibres, par exemple lors de l’immobilisation forcée d’un cheval au box ou pendant son hospitalisation pour garantir des volumes de repas conséquents : 1 litre de son sec pèse environ 150 g et double approximativement son volume une fois hydraté. Comme la pulpe de betterave, son pouvoir d’imbibition en fait un bon support pour l’administration d’huile végétale. Le son de blé est riche en phosphore, mais les quantités à distribuer (en raisonnant sur le produit sec) ne permettent généralement qu’une correction modeste du rapport phosphocalcique [3].

Les tourteaux

Les tourteaux résultent du déshuilage des graines oléagineuses (soja, tournesol, colza et lin) et constituent une source intéressante de protéines de bonne qualité, à administrer notamment dans le cas d’une fourniture de foin relativement pauvre en protéines, et si le stade physiologique du cheval le nécessite (gestation, lactation, etc.). Les quantités utilisées doivent donc être raisonnées selon les apports protéiques du foin et des autres constituants de la ration.

Tourteau de soja

Le tourteau de soja est le plus utilisé en alimentation animale à travers le monde. Très bien pourvu en lysine et en acides aminés limitants, il est peu onéreux, mais présente l’inconvénient d’être produit en grande majorité en Amérique du Sud, ce qui le rend peu écoresponsable [2, 3].

Tourteaux de tournesol et de colza

Le tourteau de colza est de plus en plus utilisé en remplacement du tourteau de soja, car il est relativement bien pourvu en acides aminés limitants et le colza est cultivé en Europe (photo 2). Son prix d’achat est assez voisin de celui du tourteau de soja.

Le tourteau de tournesol est moins riche en lysine et en acides aminés limitants et plus difficile d’accès. Le tournesol est facilement cultivé en Europe, mais le prix d’achat du tourteau de tournesol est quelquefois plus élevé que celui du tourteau de soja [3].

Les huiles végétales

L’ajout d’huile végétale dans la ration d’un cheval permet d’augmenter significativement la quantité de calories distribuées, sous la forme de lipides, sans réduire la quantité de fourrages consommée. Les lipides constituent donc une bonne solution alternative aux céréales pour les chevaux résistants à l’insuline ou qui présentent des troubles digestifs. Ils peuvent aussi être utilisés avec succès chez les chevaux soumis à une forte dépense énergétique. Toutes les huiles ne sont pas utilisables en alimentation équine pour des raisons d’appétence et de coût. Les teneurs en acides gras des séries oméga 3 et oméga 6 des huiles ne sont pas évoquées ici, dans la mesure où il apparaît difficile d’équilibrer de façon satisfaisante les apports en oméga 6 des céréales et des foins sans avoir recours à des huiles de poisson peu appétentes.

Huile de colza

L’huile de colza est une source de lipides disponible en Europe, bon marché et assez neutre en goût, qui peut ainsi être ajoutée à la ration en grande quantité [3].

Huiles de soja et de maïs

Les huiles de soja et de maïs sont couramment employées outre-Atlantique en raison de coûts de production moins élevés qu’en France. Elles ne présentent pas de prééminence manifeste sur l’huile de colza, sont bien acceptées par le cheval et peuvent être distribuées en quantité importante [3].

Références

1. Cuddeford D. Artificially dehydrated lucerne for horses. Vet. Rec. 1994;135(18):426-429.

2. Lewis LD. Equine Clinical Nutrition: Feeding and Care. Wiley-Blackwell. 1995:588p.

3. Wolter R, Barré C, Benoit P. L’alimentation du cheval. 3e éd. France Agricole. 2014:401p.

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