Bon usage des tests biologiques dans le cadre des principales causes infectieuses de fièvre isolée - Pratique Vétérinaire Equine n° 0215 du 09/09/2022
Pratique Vétérinaire Equine n° 0215 du 09/09/2022

DIAGNOSTIC

DOSSIER

Auteur(s) : Anne COUROUCÉ* ** *, Éric RICHARD* *** **, Loïc LEGRAND* *** ***, Pierre-Hugues PITEL* *******

Fonctions :
** Respe, 3 rue Nelson Mandela, 14280 Saint-Contest
**** Cisco-Oniris, route de Gachet, 44300 Nantes
****** Labéo, route de Rosel, 14280 Saint-Contest

La demande d’analyse doit être réfléchie selon le tableau clinique et le contexte épidémiologique. La prévalence de certaines maladies jouant notamment un rôle majeur, il convient d’interpréter les résultats avec prudence.

L’expression “fièvre isolée” inclut toute fièvre qui se déclare sans autre signe clinique associé et dont l’origine doit être déterminée. Les causes sont multiples, infectieuses ou non. Cet article reprend les éléments de diagnostic des maladies infectieuses les plus fréquemment incriminées, c’est-à-dire la piroplasmose, l’anaplasmose, la borréliose, l’anémie infectieuse des équidés, la fièvre de West Nile et la leptospirose. Le diagnostic étiologique repose sur un examen clinique minutieux, une bonne connaissance des tests biologiques et de leurs limites, mais aussi sur un recueil attentif des éléments de l’anamnèse et des commémoratifs, notamment concernant le mode de vie du cheval et le biotope dans lequel il évolue. La répartition des principaux agents infectieux évoqués et de leurs potentiels vecteurs n’est pas homogène sur le territoire et peut aussi fluctuer à l’échelle géographique d’une clientèle.

Les principales maladies infectieuses en cause

La piroplasmose est due à l’infection du cheval par deux protozoaires parasites, Theileria equi ou Babesia caballi. La transmission s’effectue par l’intermédiaire de trois genres de tiques dures : Dermacentor, Rhipicephalus et Hyalomma. Une transmission transplacentaire est également rapportée.

L’ehrlichiose, désormais appelée anaplasmose granulocytaire équine, est une maladie bactérienne due à Anaplasma phagocytophilum (anciennement Ehrlichia equi). Le cheval est un hôte accidentel qui est infecté par des tiques (Ixodes ricinus).

La leptospirose est une maladie dont l’origine est une bactérie du genre spirochète de la famille des leptospires. Seuls les leptospires du groupe L. interrogans sont pathogènes. La contamination se fait par ingestion ou contact percutané ; les plaies ou microlésions de la peau favorisent la pénétration. Une contamination verticale de la mère au fœtus par voie hématogène peut avoir lieu. La contamination de l’environnement passe par l’urine de rongeurs terrestres ou semi-aquatiques. Certains sérovars sont préférentiellement retrouvés chez certaines espèces. Le cheval peut rester porteur asymptomatique de leptospires dans le rein.

La borréliose, ou maladie de Lyme, est également une maladie bactérienne due à un autre spirochète, Borrelia burgdorferi, qui se transmet par la piqûre d’une tique infectée du genre Ixodes également.

L’anémie infectieuse des équidés est provoquée par un virus de la famille des Retroviridae, du genre Lentivirus. L’infection aboutit à la persistance à vie du virus chez l’animal infecté, qui devient alors un réservoir viral et une source de contamination potentielle pour les autres équidés. La transmission d’un animal à l’autre se produit principalement par le sang, par l’intermédiaire de piqûres d’insectes hématophages (principalement les taons) ou lors de l’utilisation d’aiguilles ou de matériel chirurgical souillé par du sang d’animaux contaminés. La jument infectée peut également transmettre le virus à son fœtus in utero.

La fièvre de West Nile, due à un arbovirus de la famille des Flaviviridae, porte aussi le nom d’encéphalite ou de méningo-encéphalite à virus West Nile. Le cycle de vie du virus implique des réservoirs dans l’avifaune et des moustiques vecteurs. Les chevaux et l’homme sont des hôtes accidentels du virus, les oiseaux des hôtes habituels (réservoirs du virus). Le virus est transmis au cheval par les piqûres de moustiques du genre Culex, eux-mêmes contaminés auprès d’oiseaux infectés. Chez les chevaux infectés, un simple état fiévreux plus ou moins marqué est constaté dans environ deux tiers des cas. Les troubles nerveux sont le plus souvent le signe d’appel, bien qu’ils ne soient pas systématiquement associés à l’infection.

Bilan sanguin

Face à une fièvre isolée, le premier examen complémentaire souvent effectué sur le terrain est une prise de sang pour la réalisation d’une numération formule sanguine. Cette dernière devra systématiquement être associée à l’examen du frottis sanguin. Dans le cas d’une piroplasmose, et notamment d’une babésiose, une anémie hémolytique peut être mise en évidence, caractérisée par une baisse du nombre d’hématies, de l’hémoglobine et de l’hématocrite et une augmentation de la bilirubine totale [5]. Ainsi, selon la sévérité du syndrome hémolytique, cette anémie est qualifiée de normochrome, hypochrome, normocytaire ou macrocytaire [20]. Par ailleurs, lors d’une infection aiguë, il est fréquent d’obtenir une formule leucocytaire avec une lymphopénie et une neutropénie [28]. Après quelques jours, une légère leucocytose peut être notée, avec une fréquente monocytose. Lors d’infection chronique à T. equi, une leucocytose est observée [5]. Une thrombopénie est également fréquente, bien que les mécanismes qui y aboutissent ne soient pas entièrement élucidés : les hypothèses incluent un dépôt de complexes immuns et une lyse cellulaire, une séquestration par la rate, et un excès de consommation [28]. Dans le cas de l’anémie infectieuse, une anémie sévère est aussi accompagnée d’une thrombopénie dans certaines phases de la maladie. Néanmoins, l’absence de ces modifications hématologiques n’équivaut pas à l’exclusion de l’hypothèse [7]. Pour ce qui est de l’anaplasmose, la triade la plus fréquemment retrouvée est constituée par une thrombocytopénie, une anémie et une leucopénie. Alors que la thrombocytopénie est constante, la présence d’une anémie et d’une leucopénie est variable. La leucopénie est caractérisée par une lymphopénie et majoritairement une neutropénie [11].

La réalisation d’un frottis sanguin peut permettre de visualiser des inclusions dans les hématies pour le diagnostic de la piroplasmose (Babesia caballi et Theileria equi, photos 1 et 2). Du sang veineux périphérique (extrémité de l’oreille, bout du nez) est à privilégier. Malgré cela, cette technique souffre d’un fort déficit de sensibilité. Seul un résultat positif pourra être considéré comme concluant. Il est important de pouvoir distinguer ces hémoparasites d’autres inclusions intra-érythrocytaires telles que les corps de Heinz ou de Howell-Jolly. Si l’ensemble du frottis est à examiner, la probabilité de retrouver des hématies parasitées est plus élevée au niveau des marges. Pour l’anaplasmose, il est également possible de détecter des inclusions cytoplasmiques dans les neutrophiles. Ces morulae sont visibles 2 à 3 jours après le début des signes cliniques et persistent environ 7 à 8 jours (photo 3) [14].

Une modification des paramètres biochimiques peut en outre être mise en évidence. Le plus souvent, il s’agit d’une hyperbilirubinémie, conséquence directe de l’hémolyse par libération puis oxydation de l’hème de l’hémoglobine. D’autres modifications, comme l’augmentation du fibrinogène sanguin, peuvent aussi être notées [28].

Sérologie

Les tests sérologiques sont fondés sur la détection des anticorps produits par un organisme face à un élément reconnu comme étant du “non-soi” (tableau). Comme dans tout processus infectieux, la réaction immunitaire débute par la production d’immunoglobulines M (IgM) quelques jours après l’infection, qui persiste plusieurs semaines jusqu’à 3 à 4 mois au maximum, puis un relais est pris par les IgG dont le pic de production est observé environ 3 semaines après l’infection dans la plupart des cas. La détection des IgG dans l’organisme reste possible pendant plusieurs années, même après la guérison et/ou le traitement [15]. Dans tous les cas, un résultat positif indique que l’animal a été exposé à l’agent pathogène, mais pas qu’il souffre de la maladie. Pour une bonne interprétation des résultats de la sérologie, dans le cadre du diagnostic d’infections aiguës, il est recommandé d’effectuer une cinétique, donc au moins deux prélèvements à 15 jours d’intervalle au minimum. Une solution alternative est de recourir à des tests IgM lorsqu’ils existent.

Piroplasmose

Trois tests sérologiques sont actuellement disponibles pour T. equi et B. caballi : fixation du complément, immunofluorescence indirecte et enzyme-linked immunosorbent assay (Elisa). Pour la piroplasmose, la sensibilité et la spécificité de la technique Elisa sont rapportées comme supérieures à celles de l’immunofluorescence indirecte et du test de fixation du complément (encadré 1) [17]. Une étude de 2005 menée par l’United States Department of Agriculture (USDA) sur 1 000 sérums de chevaux montre une spécificité de 99,2 à 99,5 % pour ce type d’analyse, donc une forte probabilité d’obtenir un résultat négatif chez un animal non exposé au protozoaire [25].

Anaplasmose

Pour l’anaplasmose, le diagnostic nécessite deux, voire trois sérums prélevés à 0, 4 et 8 semaines après l’apparition des premiers signes cliniques, afin de mettre en évidence une séroconversion [14]. En effet, étant donné le nombre important de chevaux séropositifs asymptomatiques dans certaines régions endémiques (jusqu’à 50 %), des titres élevés et une augmentation des titres en anticorps semblent nécessaires pour confirmer l’infection clinique [19]. Le pic en anticorps étant observé après 1 mois, il convient d’espacer les prélèvements d’au moins 3 semaines pour éliminer au maximum les faux négatifs [2]. Cependant, selon la technique utilisée les tests peuvent manquer de sensibilité : ainsi, la probabilité d'obtenir un résultat positif chez un animal infecté étant parfois faible, un résultat négatif ne permet pas toujours d’exclure une infection par A. phagocytophilum [26].

Borréliose

Pour le diagnostic de la borréliose, les tests sérologiques sont les plus couramment utilisés [3]. Quelle que soit la méthode sérologique (Elisa, immunofluorescence indirecte ou Western blot), aucune corrélation n’est démontrée aujourd’hui entre le titre en anticorps et le risque de développer la maladie. Ainsi, dans les régions endémiques, le dépistage sérologique n’est pas recommandé [10]. Dans le cadre d’une infection expérimentale sur 7 poneys, 6 d’entre eux ont séroconverti dans un délai de 5 à 6 semaines postinfection [6]. Le pic en anticorps a été observé être 3 et 4 mois et a persisté au moins 9 mois (fin de l’étude et euthanasie des animaux). Notons qu’un animal n’a pas séroconverti. Il est également délicat d’interpréter un résultat sérologique chroniquement positif, cela pouvant être dû à une infection chronique, à une réinfection ou à une réponse immunitaire persistante. Lors d’un résultat positif au test Elisa, il convient de demander une analyse Western blot pour confirmer le diagnostic (encadré 2) [12, 13]. En effet, cette méthode est plus spécifique et pourrait permettre de déterminer si l’infection est récente ou chronique [10]. Par ailleurs, chez des chevaux présentant des signes compatibles avec la maladie de Lyme, il est également possible d’obtenir de faux négatifs. Lors d’une infection récente, le délai de détection des anticorps est d’au minimum 3 semaines et atteint parfois 5 à 6 semaines [27].

Anémie infectieuse

Pour l’anémie infectieuse, le diagnostic sérologique est la seule méthode diagnostique réglementairement reconnue en France à ce jour. Comme toute sérologie, elle se pratique sur tube sec (test de Coggins, immunodiffusion en gélose). Son interprétation doit être prudente car la séroconversion peut être très tardive (jusqu’à 90 jours, voire plus)(1) et la lecture visuelle pas toujours aisée. Des tests Elisa existent et semblent montrer une bonne sensibilité et une bonne spécificité vis-à-vis de l’immunodiffusion en gélose. Néanmoins, pour les analyses officielles, leurs résultats ne sont pas reconnus actuellement en France.

Fièvre de West Nile

La fièvre de West Nile est aujourd’hui diagnostiquée en routine par une sérologie avec un test Elisa IgM, pour lequel les IgM sont détectables dès le huitième jour de la maladie et persistent jusqu’à 2 à 3 mois après l’infection (marqueurs d’une infection récente), et un test Elisa IgG, pour lequel les IgG sont visualisables plusieurs années après l’infection. Cependant, il existe des réactions croisées avec d’autres flavivirus, ce qui impose de confirmer tout résultat positif par un test de neutralisation, qui est le test de référence. Ce dernier, plus long dans sa mise en œuvre, consiste en la recherche des anticorps neutralisants antivirus West Nile. Ces anticorps apparaissent 2 à 3 semaines après l’infection. Deux prélèvements (à 1 et 3 semaines d’intervalle) sont nécessaires afin de montrer l’évolution du titre d’anticorps et objectiver une infection récente. La vaccination interfère avec le diagnostic sérologique, mais uniquement sur la réponse IgG, donc la confirmation d’infection peut toujours reposer sur la technique Elisa [22].

Leptospirose

Le diagnostic sérologique de la leptospirose chez le cheval peut être établi selon deux méthodes : la microagglutination (MAT), qui est le test de référence, et l’Elisa. L’avantage du test MAT repose sur l’obtention de résultats quantitatifs et spécifiques par sérovar. Cela permet respectivement de mieux suivre les titres en anticorps au cours du temps et de pouvoir donner des indications épidémiologiques sur l’origine possible des sources de contamination. Dans le cas de l’Elisa, il convient de bien connaître le type d’antigènes présents dans les puits afin d’avoir conscience des anticorps détectés, ceux-ci étant spécifiquement dirigés contre un sérovar, un sérogroupe, ou l’ensemble de la famille des leptospires. De cet élément essentiel découle une partie de l’interprétation et des éventuelles limites. Pour les formes aiguës, de type fièvre isolée, il est toujours préférable de réaliser deux prélèvements à 2 semaines d’intervalle pour identifier une séroconversion ou une augmentation de plus de 2 dilutions par la méthode MAT.
Deux attitudes extrêmes doivent être évitées :
- la première consiste à considérer tout malade qui présente un titre sérologique positif vis-à-vis de la leptospirose (seuil de positivité supérieur ou égal à 200) comme atteint par cette affection, car il s’agirait d’une erreur par excès liée au portage asymptomatique possible d’une part, et à la persistance des anticorps postinfection d’autre part [21] ;
- la seconde consiste à considérer à tort une sérologie positive comme non significative, ce qui constituerait une erreur par défaut compte tenu de la séroprévalence importante.

Diagnostic moléculaire

Piroplasmose

Pour la détection des piroplasmes équins, plusieurs types de polymerase chain reaction (PCR) ont été développés ces dernières années : PCR simple, PCR nichée, PCR multiplex ou PCR en temps réel. Mais le principe reste le même, quelle que soit la méthode utilisée : après la dénaturation, des amorces de séquence spécifique encadrant une séquence connue de l’ADN du parasite recherché sont utilisées. L’amplification exponentielle permet d’augmenter la quantité de matériel génétique, initialement faible, voire très faible lors de parasitémies très basses. Toutes ces étapes font de la PCR une méthode très sensible et spécifique (encadré 3). Ses limites de détection sont par conséquent très basses. Selon les études, elles vont d’une parasitémie de 0,000006 à 0,000114 % [4].

L’utilisation de la technique loop-mediated isothermal amplification (Lamp) dans le cadre du diagnostic de la piroplasmose équine a été décrite pour la première fois en 2007. Cette technique moléculaire est proche de la PCR. En effet, par l’utilisation de quatre amorces spécifiques reconnaissant six sections de l’ADN, et d’une ADN-polymérase, le matériel génétique du parasite à diagnostiquer est amplifié de manière exponentielle, augmentant la sensibilité de détection. La différence avec la PCR est le recours à l’amplification isotherme de l’ADN, et non l’utilisation de thermocycleurs, coûteux. C’est une méthode diagnostique qui a montré une spécificité et une sensibilité équivalentes à certaines PCR pour la piroplasmose dans le cadre d’une dilution in vitro de parasites [1]. Ces résultats ne sont pas extrapolables sans précaution à des bilans sanguins, car les méthodes d’extraction et les volumes de prise d’essai peuvent influencer ces données expérimentales. La méthode Lamp est par ailleurs rapide, l’amplification se réalisant en 1 heure environ, et facile à mettre en œuvre moyennant le respect de quelques règles de bonnes pratiques, puisque le résultat de la réaction peut être observé à l’œil nu par la fluorescence ou la colorimétrie de la solution [1]. C’est la technologie utilisée par certains tests rapides qu’il est possible d’effectuer au chevet du cheval.

Dans une étude menée en Camargue et dans la plaine de la Crau chez 632 chevaux hébergés dans des écuries au sein desquelles des cas de perte de poids ou de fièvre d’origine indéterminées sont déjà rapportés, les pourcentages de résultats PCR positifs pour T. equi et B. caballi sont respectivement de 68,6 % et 6,3 % [24]. Compte tenu de la persistance possible de T. equi dans l’organisme, il convient de considérer tout résultat positif pour cet agent pathogène avec prudence dans les régions endémiques, et de mettre ce résultat en perspective avec les signes cliniques observés et les commémoratifs recueillis, sans oublier d’exclure d’autres causes potentielles avant de conclure systématiquement à l’implication du parasite.

A contrario de la sérologie, la PCR peut être utilisée, le cas échéant, dans le suivi thérapeutique. Il convient alors de ne pas prélever le cheval trop tôt après l’arrêt du traitement (au minimum 8 à 10 jours selon notre expérience) afin de ne pas risquer de détecter de l’ADN de parasites morts, mais toujours présents dans l’organisme. Cette limite s’applique aussi aux PCR pour l’anaplasmose.

Anaplasmose

Pour le diagnostic de l’anaplasmose, des tests PCR existent également. Dans une étude menée chez plusieurs chevaux contaminés à partir de sang infecté, les résultats de l’analyse PCR se sont révélés positifs 3 à 6 jours après l’inoculation et la positivité a perduré 18 à 21 jours [14]. Par ailleurs, dans cette même étude, la séroconversion a été observée 12 à 16 jours après l’inoculation. La PCR semble donc être une méthode de détection plus rapide que le test sérologique [14]. De plus, la positivité de ses résultats a été systématiquement mise en évidence 2 à 3 jours avant l’apparition des signes cliniques (fièvre notamment), persistant jusqu’à 4 à 9 jours après leur disparition [14]. Dans une autre étude incluant 3 chevaux infectés expérimentalement à partir de tiques prélevées dans une zone endémique, la période d’incubation a été plus longue, avec des résultats PCR qui se sont révélés positifs de 12 à 22 jours après l’exposition aux tiques et une persistance de 3 à 18 jours, tandis que l’apparition des signes cliniques et la séroconversion étaient également plus tardives. Ainsi, dans cette étude qui se rapproche le plus de ce qui pourrait se passer réellement sur le terrain, la réponse positive au test PCR est retardée et de courte durée pour certains chevaux [23]. La littérature rapporte en parallèle que l’anaplasmose granulocytaire est une maladie autolimitante qui se résout en 14 jours.

Borréliose

Pour la borréliose, il existe des tests PCR qui permettent à la fois de s’affranchir des contraintes liées à la culture bactérienne et d’identifier les différentes espèces. Les cibles génomiques utilisées sont variées, de même que les protocoles PCR, aboutissant à des performances disparates, tant en termes de sensibilité que de spécificité ou de spectre de détection, d’où l’importance pour les laboratoires utilisant cette méthode avec un objectif diagnostique de participer à des contrôles de qualité externes [9]. Selon notre expérience, les résultats obtenus sur des prélèvements sanguins se sont révélés décevants. La pathogénie de cette maladie étant encore mal connue, cela peut être dû à une phase de bactériémie courte et/ou décalée par rapport à l’apparition des signes cliniques. Des résultats plus concluants ont été obtenus sur du liquide articulaire lors d’arthrite, ou sur des biopsies cutanées lors de pododermatite.

Anémie infectieuse

Le virus de l’anémie infectieuse présente une grande variabilité génétique et évolue régulièrement [8]. Pour cette maladie, le diagnostic par PCR existe, mais les systèmes actuels ne permettent pas, en un seul test, de détecter l’ensemble des souches circulantes de façon fiable et systématique. Si le résultat est positif, cette réponse ne peut pas entrer dans le cadre des mesures de police sanitaire. En revanche, si le résultat est négatif, il n’est pas possible de conclure. À ce jour, en France, seul le test sérologique d’immunodiffusion en gélose (test de Coggins) est reconnu.

Fièvre de West Nile

Les tests de laboratoire directs mettent en évidence le virus ou le génome viral. Ils peuvent être réalisés sur un prélèvement sanguin, une ponction de liquide cérébrospinal (LCS) ou préférentiellement, si l’animal est mort, sur une biopsie cérébrale ou de moelle spinale. Ces tests directs sont le plus souvent utilisés dans le cadre de la recherche sur la souche virale, afin de caractériser le virus, ils ne sont pas pratiqués en routine. La virémie chez les chevaux étant de courte durée, il est difficile de diagnostiquer l’infection par ces méthodes sur un prélèvement sanguin, alors que post-mortem, le virus peut être facilement identifié [18, 22]. Le diagnostic repose donc aujourd’hui sur le couple suspicion clinique/sérologie.

Leptospirose

Bien que l’agent infectieux soit une bactérie, le diagnostic direct des leptospires privilégie les techniques de biologie moléculaire en lieu et place de la culture bactérienne. En effet, l’isolement des spirochètes est très difficile et long. Il semble que la phase de bactériémie des leptospiroses soit fugace. La recherche d’ADN de leptospires dans le sang est donc souvent négative et doit, en tout état de cause, être effectuée dans les tout premiers jours d’apparition de la fièvre. En revanche, il est possible de rechercher l’ADN bactérien dans l’urine après 4 à 5 jours de symptômes. Néanmoins, compte tenu du portage asymptomatique de ces bactéries dans le rein, il convient de prendre un résultat de PCR positif dans l’urine avec précaution et de le confronter aux résultats de l’ensemble des autres causes possibles.

Conclusion

En pratique, il est donc nécessaire que le vétérinaire utilise les méthodes adaptées à la situation clinique du cheval : PCR en présence d’une hyperthermie notamment pour un diagnostic précoce, et sérologie dans le cadre d’un diagnostic plus tardif ou du screening d’une écurie par exemple (évaluation de l’exposition, étude de séroprévalence, etc.). Dans certains cas, la sérologie est actuellement le seul test autorisé (anémie infectieuse) ou le test le moins mauvais ou le mieux adapté (fièvre de West Nile, leptospirose, maladie de Lyme). L’interprétation devra alors relever de la plus grande prudence, en n’oubliant jamais qu’une sérologie positive ne signifie pas une maladie active et que le diagnostic étiologique repose idéalement sur la mise en évidence d’une séroconversion, donc a minima sur deux prélèvements distants temporellement. Il est très important de travailler avec un laboratoire qui utilise des méthodes de référence ayant été validées et qui est régulièrement soumis à un contrôle qualité.

Encadré 1

Rappel sur la sensibilité et la spécificité des tests diagnostiques

Sensibilité et spécificité expriment la capacité informative du test, c’est-à-dire la capacité de ce dernier à catégoriser les cas. Elles s’expriment en termes de probabilité et par un pourcentage sur un échantillon. De ce fait, elles doivent s’accompagner d’un intervalle de confiance classiquement à 95 %.

La sensibilité est déterminée sur une population d’animaux dont le statut “malade” est connu grâce au test de référence. C’est la probabilité (p) du résultat positif du test (T +) chez les sujets porteurs de la maladie (M +) telle qu’elle est définie par le gold standard, appelée également taux de vrais positifs, selon la formule Se = p (T + /M +). Un test qui manque de sensibilité risque de catégoriser un cheval comme sain (ou non exposé) alors qu’il est malade (ou exposé). Cela entraîne donc un plus grand nombre de résultats faux négatifs.

La spécificité est déterminée sur une population d’animaux dont le statut “non malade” est connu. C’est la probabilité du résultat négatif de test (T -) chez les individus définis comme non malades (M -), appelée également taux de vrais négatifs, selon la formule Spé = p (T-/M-). Un test qui manque de spécificité risque donc de catégoriser un cheval comme malade (ou exposé) alors qu’il ne l’est pas, ce qui constitue un résultat faux positif.

Encadré 2

Interpréter une sérologie positive pour la borréliose sans signes cliniques

En 2021, Houben et ses collaborateurs ont évalué l’impact de la séroprévalence de la borréliose et des caractéristiques des tests sérologiques sur la probabilité d’obtenir un résultat faussement positif, ainsi que l’impact sur l’utilisation des antimicrobiens [16]. Pour cela, les sérums de 303 chevaux du sud de la Belgique ont été analysés par le dosage immuno-enzymatique (Elisa). La séroprévalence apparente a été dérivée des données sérologiques et une estimation de la séroprévalence réelle a été calculée. Les séroprévalences apparente et vraie étaient respectivement de 22 % (intervalle de confiance à 95 % de 18 à 27 %) et de 11 % (intervalle crédible avec probabilité à 95 % de 0,6 à 21 %). Ainsi, il est estimé que, dans le sud de la Belgique, les deux tiers des échantillons positifs étaient de faux positifs, avec un cheval testé sur cinq potentiellement diagnostiqué à tort comme infecté. Environ 5 % de l’utilisation d’antimicrobiens dans la pratique vétérinaire équine en Belgique peut donc être attribuée au traitement d’un cas faussement positif. Cette étude souligne l’importance d’apprécier la faible valeur diagnostique du dépistage Elisa de la borréliose, mis en évidence dans le sud de la Belgique, et démontre qu’un nombre non négligeable de chevaux reçoit un traitement injustifié en raison d’une mauvaise appréciation des caractéristiques des tests de dépistage par les praticiens, contribuant à l’usage inutile d’antimicrobiens [16].

En 2016, une étude sérologique par Elisa et Western blot de confirmation a été menée en France, conjointement par le Réseau d’épidémiosurveillence en pathologie équine (Respe) et Labéo, sur le sérum de 300 chevaux reçus au laboratoire dans le cadre de ventes publiques ou d’exportation, donc a priori cliniquement sains (données non publiées). Parmi ces 300 chevaux, 20 % ont présenté un résultat Elisa positif. Parmi les 60 chevaux Elisa positifs, 12 (20 %) ont présenté un Western blot positif, soit 4 % de la population de l’étude. Ainsi, en l’absence de signes cliniques, une analyse sérologique n’est pas indiquée, car ses résultats ne sont pas concluants.

Encadré 3

Techniques diagnostiques comparées dans une étude sur la piroplasmose

Une étude récente a recueilli des échantillons prélevés chez 140 chevaux résidant en Espagne et présentant des signes cliniques communs de piroplasmose. Plusieurs méthodes diagnostiques ont ensuite été comparées. Un examen microscopique des frottis sanguins et une comparaison des différents résultats obtenus par le dosage immuno-enzymatique compétitif (cElisa), la réaction en chaîne par polymérase (PCR) en temps réel et le dépistage hématologique et biochimique (bilirubine directe et totale) ont été réalisés [5].

Les taux de positivité aux agents de la piroplasmose par cElisa et PCR sont respectivement de 50,7 % et 42,9 %, alors que l’analyse microscopique n’affiche que 9 % de chevaux positifs. Pour Babesia caballi, la technique cElisa a permis de détecter un nombre significativement plus élevé de chevaux positifs par rapport à la PCR. Pour la première fois, une association a été caractérisée entre un pourcentage d’inhibition Elisa élevé (IP) et un résultat PCR positif pour B. caballi. Ces résultats montrent qu’une sérologie positive, signant la présence d’anticorps, reflète bien qu’un contact a eu lieu entre le cheval et l’agent pathogène, mais ne signifie pas pour autant que ce parasite est la cause des troubles chez le cheval. Cette étude confirme donc que la PCR est le test de choix pour confirmer le diagnostic de piroplasmose.

Résumé

Parmi les multiples causes du syndrome de fièvre isolée, les origines infectieuses figurent au premier rang. Parmi ces dernières, certaines se détachent par leur fréquence ou leurs conséquences réglementaires. Une bonne connaissance des principales maladies concernées et de leurs particularités, mais aussi des limites de chaque méthode de diagnostic, permettra au praticien de faire un choix raisonné et optimal afin de confirmer ou d’infirmer son hypothèse. Le bilan hémato-biochimique et le frottis sanguin contribuent parfois, à moindre coût, à en déterminer la cause. Pour les agents hémopathogènes, compte tenu de la faible sensibilité du frottis, il convient de privilégier le recours à la biologie moléculaire. La sérologie est, en revanche, l’outil de choix pour diagnostiquer la fièvre de West Nile, la borréliose et l’anémie infectieuse. Le choix analytique est plus complexe pour la leptospirose.

Summary

Effective use of biological tests for the main infectious causes of isolated fever syndrome

There are many causes of isolated fever syndrome in horses, with infectious causes being the most important. Among these, some stand out because of their frequency or their regulatory consequences. A good knowledge of the main diseases concerned and their particularities, but also of the limits of each diagnostic method, will enable the practitioner to make a reasoned and optimal analytical choice to be able to confirm or exclude a diagnostic hypothesis. The cause can sometimes be established after haematological and biochemical analyses and a blood smear and at a lower cost. Molecular biological tests should be preferred for haemopathogens due to the low sensitivity of the blood smear. Serology is the diagnostic tool of choice for West Nile fever, borreliosis and equine infectious anaemia. The analytical choice for leptospirosis is more complex.

Références

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  • (1) Voir la fiche « Anémie infectieuse des équidés » dans ce dossier.
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