Traitement du headshaking : administration de sels versus intervention chirurgicale - Pratique Vétérinaire Equine n° 0214 du 30/06/2022
Pratique Vétérinaire Equine n° 0214 du 30/06/2022

Synthèse méthodique

CAHIER SCIENTIFIQUE

Médecine factuelle

Auteur(s) : Andréa CHATAIGNER, *, Manon VAN BOXSTAEL, **, Jean-Michel VANDEWEERD (dipECVS)***

Fonctions :
*Namur Research Institute for Life Sciences (Narilis) 
**université de Namur
***61, rue de Bruxelles
****5000 Namur (Belgique)
*****Conflit d’intérêts
******Aucun

Plusieurs publications sont évaluées et comparées du point de vue de la qualité méthodologique. Bien que le niveau de preuve reste faible, un traitement conservateur peut être indiqué en première intention.

Le headshaking, ou encensement, est observé chez 1 % de la population équine. Il se traduit par des mouvements pendulaires verticaux de la tête qui apparaissent plutôt à l’exercice, mais peuvent aussi se produire au repos (photo 1) [2, 6, 9]. Ces mouvements à prédominance saisonnière apparaissent au printemps et en été dans 60 % des cas. Ce trouble a des implications sur le bien-être du cheval, qui peut aussi devenir dangereux lorsqu’il est monté et manipulé. L’inconfort est parfois tellement intense que les mouvements de tête peuvent devenir violents jusqu’à causer une fracture de la crête nuchale [21].

Les causes de cette affection restent à déterminer, mais les données publiées avancent principalement une hypersensibilité du nerf trijumeau [1]. Afin de confirmer cette hypothèse, une anesthésie diagnostique du nerf peut être réalisée. Différents traitements sont décrits : l’application d’un filet de nez, l’administration de cromoglycate sodique, de compléments alimentaires, d’anti-inflammatoires, de gonadotrophine, de carbamazépine et de cyproheptadine, de magnésium ou de sodium, ou encore l’action sur le nerf trijumeau via une stimulation électrique, une compression ou une neurolyse (photo 2) [2-7, 10-19]. Les traitements conservateurs à l’aide de sodium ou de magnésium sont fondés sur l’hypothèse que l’excitabilité électrique du nerf, à l’origine de la douleur faciale responsable du headshaking, peut être modifiée par un changement de l’équilibre électrolytique.

L’objectif de cet article est de comparer l’efficacité d’une méthode simple, consistant en l’administration de magnésium ou de sodium par voie intraveineuse ou orale, aux techniques chirurgicales plus complexes, portant sur le nerf trijumeau (tableau 1).

Matériel et méthodes

Recherche des données publiées

La question formulée à l’aide du modèle “Population, intervention, comparaison, outcome” (Pico) est la suivante : « chez le cheval atteint de headshaking (P), les interventions portant sur le nerf trijumeau (I), par rapport à un apport de magnésium (C), sont-elles plus efficaces (O) ? ». Les descripteurs et les équations de recherche suivants ont été utilisés pour consulter la base de données PubMed : “headshaking”, “headshaking”AND”horse”, “trigeminalnerve”AND”headshaking”AND”horse”,  “magnesium”AND”headshaking”AND”horse”, “headshaking”AND”treatment”, “headshaking”AND”treatment”AND”horse”.

Critères d’inclusion et d’exclusion des articles

Seuls les articles rédigés en anglais ont été retenus. Ceux ne traitant pas du headshaking chez le cheval et/ou de son traitement ont systématiquement été écartés. Les articles portant sur une intervention sur le nerf trijumeau ou un traitement par l’apport de magnésium ou de sodium ont été conservés (figure).

Critères d’évaluation de la qualité méthodologique des articles

Les articles retenus après la sélection ont été soumis à des critères de qualité (tableau 2). L’objectif était de procéder à une évaluation critique de chaque article pour en déterminer la validité interne. Cette étape est importante, car elle permet une comparaison objective des études et des traitements qui y sont proposés.

Résultats

Huit articles sont finalement retenus sur les 307 identifiés initialement. Cinq d’entre eux concernent les interventions sur le nerf trijumeau (compression, anesthésie, neurolyse, stimulations électriques), alors que trois abordent l’apport de magnésium ou d’une autre solution hypertonique agissant sur la quantité de magnésium (tableau 3). À la suite de l’évaluation de la qualité méthodologique, un code couleur a été attribué à chaque critère de qualité, selon qu’il est validé (vert), absent ou insuffisant (rouge, tableau 4).

Discussion

Publications abordant le traitement chirurgical

En 2009, Roberts et son équipe publient un article sur une technique chirurgicale de compression caudale du nerf infraorbitaire [11]. Cette étude descriptive, qui rapporte la disparition des signes cliniques chez 59 % des 24 chevaux traités au cours des 6 mois qui suivent l’intervention, conclut que cette technique semble prometteuse. La mesure des résultats repose sur une enquête téléphonique menée auprès des propriétaires. En 2013, les mêmes auteurs démontrent l’intérêt de l’anesthésie diagnostique du bloc du nerf ethmoïdal caudal [13]. Ils réalisent une étude rétrospective sur l’intervention de compression du nerf infraorbitaire pratiquée chez 58 chevaux et concluent à une efficacité de 49 % à 18 mois en moyenne après l’acte chirurgical. En 2016, ils testent la stimulation électrique du nerf sur 7 chevaux et concluent à l’absence d’effet secondaire majeur et à une amélioration temporaire chez certains animaux [12]. En 2020, cette nouvelle technique est évaluée dans une étude rétrospective portant sur 168 cas (avec un total de 530 interventions) [10]. Selon ses conclusions, 53 % des 136 chevaux, pour lesquels les données de suivi sont disponibles, ont présenté une amélioration, avec une rémission médiane du trouble en 9,5 semaines. Les auteurs reconnaissent que leur étude n’est pas contrôlée et que ses résultats sont fondés sur un contact téléphonique avec les propriétaires. En 2018, Bell rapporte de façon anecdotique une technique chirurgicale alternative, testée sur un cas, qui repose sur le peignage du nerf maxillaire et une injection à l’éthanol [2].

Publications ciblant l’administration de substances modifiant l’équilibre électrolytique

Sheldon et Madigan sont à l’origine de l’autre axe de recherche, portant sur l’administration de substances susceptibles de modifier l’équilibre électrolytique. En 2018, ils montrent qu’il existe une association entre l’administration d’une solution hyperconcentrée de bicarbonate de sodium et l’amélioration à court terme (dans les heures qui suivent) du headshaking, avec une réduction de moitié du taux de secouements de la tête chez les animaux traités (n = 6) [14]. En 2019, ils prouvent qu’une solution de sulfate de magnésium à 50 % améliore le headshaking de 29 % (n = 6) [15]. Ces données mettent en évidence l’intérêt potentiel de l’administration de sels. Il reste toutefois à établir des modalités d’administration faciles et à espérer obtenir des résultats sur le long terme. En 2020, la même équipe rapporte les résultats d’un essai évaluant l’administration per os de magnésium éventuellement complémenté de bore chez des chevaux atteints de headshaking [16]. L’évaluation porte sur une période de 1 mois entre avril et mai. Un effet statistiquement significatif sur les mouvements de headshaking est démontré.

Évaluation de la qualité méthodologique

Une synthèse méthodique permet de rapidement différencier la qualité des publications selon une liste de critères précis [20].

Population étudiée

La taille de l’échantillon choisi est généralement un critère de qualité, la fiabilité et la précision des résultats allant de pair avec un échantillonnage représentatif. Par exemple, une étude sur une cohorte de 168 chevaux aura des résultats plus convaincants que le rapport d’un cas isolé [2, 10].

Biais de mesure

Les méthodes de calcul des données doivent être codifiées pour éviter les biais de mesure. Certains auteurs proposent des échelles de scores allant de 1 à 5 ou de 0 à 3 [2, 6]. A contrario, ceux qui se fient au jugement subjectif des observateurs s’exposent à de potentiels biais de mesure. Par exemple, dans une étude, il est demandé aux propriétaires de signaler s’ils remarquent une amélioration après l’intervention sans vraiment imposer de critères [13]. Or, une personne peut observer une amélioration chez un cheval, tandis qu’une autre n’y verra que le comportement normal de l’animal : c’est un biais de mesure. Le propriétaire peut également orienter son jugement vers une amélioration de l’état de son cheval avec l’objectif de plaire à l’expérimentateur : c’est le biais de désirabilité sociale.

Types d’étude

Les études descriptives ou d’observation, telles que les descriptions de cas ou les études de cohortes (prospectives ou rétrospectives) sur lesquelles l’expérimentateur n’a pas de contrôle, sont jugées moins fiables qu’un essai clinique. Dans un essai clinique contrôlé randomisé, l’expérimentateur peut établir des critères d’inclusion et d’exclusion stricts. À la randomisation peut être ajouté un aveuglement. Cette méthode consiste à ne pas informer les protagonistes (expérimentateurs et/ou propriétaires) de la nature de ce qui est administré à l’animal (traitement ou placebo). Les essais cliniques contrôlés possèdent souvent un échantillon réduit, car chaque animal doit réunir l’ensemble des conditions imposées. De plus, l’expérimentateur peut avoir des difficultés à trouver des propriétaires qui acceptent de soumettre leur animal à l’essai. Les études sur l’administration de magnésium ou de sodium portent donc sur un nombre plus restreint d’animaux [14, 15, 16].

Conflit d’intérêts

Enfin, il convient d’être attentif au conflit d’intérêts. Par exemple, l’étude portant sur l’évaluation d’une nouvelle méthode de traitement du headshaking par neuromodulation a été financée par la marque EquiPens® [10]. 

Conclusion

Dans le cadre du traitement du headshaking, le niveau de preuve scientifique est faible, mais semble plus élevé pour les articles portant sur un apport de magnésium ou d’une solution hypertonique que pour ceux relatifs aux interventions sur le nerf trijumeau. Un praticien confronté à un cas de headshaking peut dès lors commencer par traiter le cheval avec un apport en magnésium par voie orale. En cas d’échec, une intervention chirurgicale sur le nerf trijumeau sera alors envisagée. Néanmoins, le résultat espéré, 18 mois après le traitement, ne dépasse pas 50 % d’amélioration.

Références

1. Aleman M, Rhodes D, Williams DC et coll. Sensory evoked potentials of the trigeminal nerve for the diagnosis of idiopathic headshaking in a horse. J. Vet. Intern. Med. 2014;28:250-253. 

2. Bell C, Hnenny L, Torske K. Internal neurolysis of the maxillary branch of the trigeminal nerve for the treatment of equine trigeminal mediated headshaking syndrome. Can. Vet. J. 2018;59:763-769.

3. Madigan JE, Bell SA. Owner survey of headshaking in horses. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2001;219(3):334-337.

4. Mills DS, Taylor K. Field study of the efficacy of three types of nose net for the treatment of headshaking in horses. Vet. Rec. 2003;152(2):41-44.

5. Newton SA, Knottenbelt DC, Eldridge PR. Headshaking in horses: possible aetiopathogenesis suggested by the results of diagnostic tests and several treatment regimes used in 20 cases. Equine Vet. J. 2000;32:208-216.

6. Pickles K. Is electrical nerve stimulation the answer for management of equine headshaking? Vet. Clin. North Am. Equine Pract. 2019;35(2):263-274.

7. Pickles KJ, Berger J, Davies R et coll. Use of a gonadotrophin‐releasing hormone vaccine in headshaking horses. Vet. Rec. 2011;168:19.

8. Pickles K, Madigan J, Aleman M. Idiopathic headshaking: is it still idiopathic? Vet. J. 2014;201(1):21-30.

9. Roberts V. Trigeminal-mediated headshaking in horses: prevalence, impact, and management strategies. Vet. Med. (Auckl). 2019;10:1-8.

10. Roberts VLH, Bailey M, EquiPens group et coll. The safety and efficacy of neuromodulation using percutaneous electrical nerve stimulation for the management of trigeminal-mediated headshaking in 168 horses. Equine Vet. J. 2020;52(2):238-243.

11. Roberts VLH, McKane SA, Williams A et coll. Caudal compression of the infraorbital nerve: a novel surgical technique for treatment of idiopathic headshaking and assessment of its efficacy in 24 horses. Equine Vet. J. 2009;41:165-170.

12. Roberts VLH, Patel NK, Tremaine WH. Neuromodulation using percutaneous electrical nerve stimulation for the management of trigeminal-mediated headshaking: a safe procedure resulting in medium-term remission in five of seven horses. Equine Vet. J. 2016;48:201-204.

13. Roberts VLH, Perkins JD, Skärlina E et coll. Caudal anaesthesia of the infraorbital nerve for diagnosis of idiopathic headshaking and caudal compression of the infraorbital nerve for its treatment, in 58 horses. Equine Vet. J. 2013;45:107-110.

14. Sheldon SA, Aleman M, Costa LRR et coll. Alterations in metabolic status and headshaking behavior following intravenous administration of hypertonic solutions in horses with trigeminal-mediated headshaking. Animals (Basel). 2018;8(7):102.

15. Sheldon SA, Aleman M, Costa LRR et coll. Intravenous infusion of magnesium sulfate and its effect on horses with trigeminal-mediated headshaking. J. Vet. Intern. Med. 2019;33(2):923-932.

16. Sheldon SA, Aleman M, Costa LRR et coll. Effects of magnesium with or without boron on headshaking behavior in horses with trigeminal-mediated headshaking. J. Vet. Intern. Med. 2019;33(3):1464-1472.

17. Stalin CE, Boydell IP, Pike RE. Treatment of seasonal headshaking in three horses with sodium cromoglycate eye drops. Vet. Rec. 2008;163(10):305-306.

18. Talbot WA, Pinchbeck GL, Knottenbelt DC et coll. A randomised, blinded, crossover study to assess the efficacy of a feed supplement in alleviating the clinical signs of headshaking in 32 horses. Equine Vet. J. 2013;45:293-297.

19. Tomlinson JE, Neff P, Boston RC et coll. Treatment of idiopathic headshaking in horses with pulsed high-dose dexamethasone. J. Vet. Intern. Med. 2013;27:1551-1554.

20. Vandeweerd JM. Guide pratique de la médecine factuelle vétérinaire. Ed. Point Vétérinaire, Paris. 2009:197p.

21. Voigt A, Saulez MN, Donnellan CM. Nuchal crest avulsion fracture in 2 horses: a cause of headshaking. J. S. Afr. Vet. Assoc. 2009;80(2):111-113.

Résumé                                                     

Le headshaking est une affection qui se caractérise par des mouvements pendulaires de la tête. Plusieurs types de traitement sont utilisés. Cet article propose une synthèse méthodique comparant deux modalités : l’intervention chirurgicale sur le nerf trijumeau (compression, anesthésie, neurolyse, stimulations électriques) et l’administration de magnésium ou de sodium. Le niveau de preuve scientifique des publications reste faible, mais des essais cliniques portant sur la méthode conservatrice existent. Même si la taille des échantillons est réduite, ces essais montrent qu’il est utile de s’intéresser à ces méthodes non invasives. L’administration de sels modifierait l’équilibre électrolytique, et par conséquent l’excitabilité du nerf trijumeau à l’origine de la douleur faciale responsable du headshaking. Les bénéfices de l’administration intraveineuse ont été évalués à court terme, mais des études portant sur les effets de l’administration orale à long terme restent à mener.

Mots-clés

Headshaking, encensement, cheval, traitement, nerf trijumeau.

Summary

Treatment of headshaking: administration of salts surgery 

Headshaking is a condition characterised by pendulous movements of the head. Several types of treatment are used. This article provides a methodical review of surgical intervention on the trigeminal nerve (compression, anaesthesia, neurolysis, electrical stimulation) compared to administration of magnesium or sodium. Clinical trials of the conservative treatment method do exist, however scientific evidence in the literature is limited. Although the sample size was small, the trials demonstrated that these non-invasive methods may be useful. The administration of salts is thought to alter the electrolyte balance, and hence the excitability of the trigeminal nerve that causes the facial pain of headshaking. The benefits of intravenous administration have been evaluated in the short term, but studies on the long-term effects of oral administration are still required.

Keywords

Headshaking, horse, treatment, trigeminal nerve.

Éléments à retenir

  • Le headshaking, ou encensement, se caractérise par des mouvements de tête dans des directions variées, ce qui rend le cheval difficile, voire dangereux à monter.

  • Le traitement chirurgical, qui intervient sur le nerf trijumeau, réduit les signes cliniques chez environ la moitié des animaux.

  • L’administration intraveineuse ou orale de sels visant à modifier l’équilibre électrolytique mérite d’être considérée.