Dyspnée mixte chez un cheval de loisir - Pratique Vétérinaire Equine n° 0214 du 30/06/2022
Pratique Vétérinaire Equine n° 0214 du 30/06/2022

Médecine respiratoire

CAHIER PRATIQUE

Quel est votre diagnostic ?

Auteur(s) : Maxime VANDERSMISSEN (dipECVDI) *, Laurence EVRARD (dipECVDI) **, Michaël DANCOT ***, Valeria BUSONI (dipECVDI)****

Fonctions :
*Service d’imagerie médicale, département clinique des équidés, faculté de médecine vétérinaire, université de Liège
**3 avenue de Cureghem, Bât. B41, 4000 Liège (Belgique)
***Conflit d’intérêts
****Aucun

Présentation clinique

Un hongre hanovrien âgé de 13 ans, utilisé dans le cadre d’une activité de loisir, est présenté en urgence pour investiguer l’apparition de difficultés respiratoires consécutives à une perte d’état évoluant depuis 3 mois. Lors de l’admission, le cheval présente une légère tachycardie (44 battements par minute), une polypnée sévère (68 actes respiratoires par minute) associée à un tirage abdominal, une intolérance totale à l’effort et une hyperthermie modérée (38,4 °C). Les analyses sanguines de routine (numération formule et ionogramme) ne montrent pas d’anomalies, mais une prise de sang artériel met en évidence une hypoxémie marquée (71 mmHg). Le cheval est stabilisé grâce à l’administration d’oxygène via une sonde nasale (à un débit de 9 litres par minute). Un examen radiographique du thorax (constitué des incidences latéro-latérales de la droite vers la gauche dans les champs pulmonaires caudo-dorsal, cranio-dorsal, caudo-ventral, cranio-ventral et central) ainsi qu’un examen échographique de l’ensemble du champ pulmonaire sont réalisés (photos 1a, 1b et 2).

Pneumonie interstitielle chez un cheval de loisir

Diagnostic par imagerie

Les radiographies du thorax révèlent une opacification interstitielle majoritairement péribronchique sévère, étendue à l’ensemble du parenchyme pulmonaire, d’apparence miliaire par endroits. La principale hypothèse diagnostique face à l’opacification du parenchyme pulmonaire est une pneumonie interstitielle. Les travées gazeuses réparties le long du profil de l’aorte et de la base du cœur, ainsi qu’en périphérie de la trachée et des bronches souches, sont en faveur d'un pneumomédiastin. L’échographie thoracique, qui montre d’innombrables artefacts de type “queue de comète” confluant en un voile masquant l’artefact de réverbération uniforme normal dans l’ensemble du champ pulmonaire exploré, permet de suspecter une affection diffuse du parenchyme pulmonaire et appuie de ce fait l’hypothèse diagnostique de pneumonie interstitielle émise à la suite de l’examen radiographique.

Traitement et suivi

Des biopsies pulmonaires sont réalisées, et l’analyse histopathologique confirme le diagnostic de pneumonie interstitielle chronique avec hémorragies pulmonaires. L’oxygénothérapie est poursuivie, un traitement à base de dexaméthasone à doses immunosuppressives puis dégressives est mis en place. L’amélioration clinique constatée permet une sortie d’hospitalisation du cheval 3 semaines plus tard.

Discussion

Les pneumonies interstitielles sont peu fréquentes chez les équidés, mais leur diagnostic rapide est indispensable car des lésions parenchymateuses secondaires irréversibles sont possibles [4]. Les causes sont multiples (infectieuses, toxiques, inflammatoires par hypersensibilité entre autres) [4]. L’imagerie médicale, et plus particulièrement la radiographie, joue un rôle central dans l’établissement du diagnostic. Les modifications radiographiques se traduisent fréquemment par une opacification interstitielle non structurée ou broncho-interstitielle généralisée [4]. Une opacification interstitielle structurée nodulaire peut également être rencontrée, dont les exemples les plus représentatifs sont la fibrose pulmonaire multinodulaire équine, associée aux infections d’herpèsvirus équin de type 5, et la silicose pulmonaire : dans le premier cas, les nodules sont généralement de grande taille, tandis que dans le second, il s’agit plutôt de très petits nodules conférant au parenchyme un aspect miliaire [2, 5].

L’originalité de ce cas réside dans la présence concomitante d’un pneumomédiastin. Outre ceux décrits à la suite de ruptures œsophagiennes et trachéales ou de plaies cervicales, les pneumomédiastins peuvent être secondaires à une rupture alvéolaire avec extension du gaz au médiastin via l’interstitium (effet Macklin) [3]. Chez le chien et l’homme, ce phénomène peut survenir secondairement à des traumatismes, une ventilation mécanique, ou une affection pulmonaire primaire sévère [1, 6]. Cette dernière cause est vraisemblablement responsable du pneumomédiastin dans le cas présenté.

Références

1. Agut A, Talavera J, Buendia A et coll. Imaging diagnosis - Spontaneous pneumomediastinum secondary to primary pulmonary pathology in a dalmatian dog. Vet. Radiol. Ultrasound. 2015;56(5):54‑57.

2. Berry CR, O’Brien TR, Madigan JE et coll. Thoracic radiographic features of silicosis in 19 horses. J. Vet. Intern. Med. 1991;5(4):248‑256.

3. Martins CM, Bathe A, Marr C. Pneumopericardium associated with blunt thoracic trauma in an adult horse. Equine Vet. Educ. 2018;30(7):346‑351.

4. Wilkins PA, Lascola KM. Update on interstitial pneumonia. Vet. Clin. Equine Pract. 2015;31(1):137‑157.

5. Wong DM, Belgrave RL, Williams KJ et coll. Multinodular pulmonary fibrosis in five horses. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2008;232(6):898‑905.

6. Zylak CM, Standen JR, Barnes GR et coll. Pneumomediastinum revisited. RadioGraphics. 2000;20(4):1043‑1057.

  • Cette rubrique est réalisée en partenariat avec la commission Imagerie de l’Association vétérinaire équine française
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