Comment nourrir un cheval atteint de PSSM ou sujet aux myosites ? - Pratique Vétérinaire Equine n° 0214 du 30/06/2022
Pratique Vétérinaire Equine n° 0214 du 30/06/2022

FICHE NUTRITION

CAHIER PRATIQUE

Fiche nutrition

Auteur(s) : Sarah PRADEAUD 

Fonctions :
*Vétérinaire et membre de la commission Alimentation de l’Avef 
**Meurthe-et-Moselle
***Conflit d’intérêts
****Aucun

Si les recommandations concernant l’alimentation et l’activité sont bien respectées, même les chevaux atteints d’une myosite d’origine génétique peuvent atteindre un bon niveau de performance.

Les atteintes musculaires consécutives à une myosite, ou “coup de sang”, peuvent être invalidantes et laisser des séquelles préjudiciables à la carrière sportive du cheval. Grâce à une prise en charge adéquate de l’alimentation et de l’exercice, il est possible de limiter les récidives chez les chevaux prédisposés, notamment ceux atteints de myopathie par surcharge en polysaccharides, ou polysaccharide storage myopathy (PSSM).

PSSM et autres causes de myosite

Il existe deux types de myopathie par surcharge en polysaccharides. La PSSM-1 est d’origine génétique. Sa prévalence peut être très élevée dans certaines races, notamment “lourdes”, avec un taux de 42 % par exemple chez certaines lignées de quarter horses (photo) [5]. La PSSM-2, dont l’origine génétique n’est pas démontrée, atteint plutôt des chevaux “légers”, de types arabe et pur-sang.

Lors de cette maladie, les cellules musculaires stockent le glycogène à un rythme beaucoup plus élevé et en quantités 1,5 à 4 fois plus importantes que chez les chevaux sains [5]. Ce glycogène stocké en excès possède en plus une conformation anormale. Les chevaux atteints présentent une sensibilité accrue à l’insuline, qui stimule l’activité de la glycogène synthase [5]. Des études montrent que des régimes riches en amidon et en sucres favorisent la récurrence des épisodes de myosite chez ces individus, qui semblent présenter par ailleurs un dérèglement du métabolisme énergétique [4, 5].

Outre la PSSM, d’autres affections peuvent être à l’origine de myosites à répétition, comme les rhabdomyolyses récurrentes liées à l’exercice, une déficience en enzyme branchante du glycogène (prédisposition génétique des quarter horses et apparentés), une carence en vitamine E, des myopathies myofibrillaires, etc. [2].

Conduite alimentaire

L’alimentation, associée à une gestion adéquate de l’exercice, joue un rôle clé dans la prise en charge des chevaux atteints de PSSM ou sujets aux myosites, et représente bien souvent le seul levier pour prévenir les récidives [1, 4, 5]. En pratique, elle devrait suivre trois axes principaux : limiter l’apport en sucres et privilégier les fibres et les matières grasses, apporter des protéines de qualité, complémenter en vitamine E, en sélénium et en électrolytes (encadré). Veiller à l’hydratation des chevaux est également fondamental. L’herbe non mature est déconseillée pour ceux qui souffrent de PSSM, car elle peut être très riche en sucres solubles sous l’influence de facteurs externes difficilement maîtrisables (température, ensoleillement, etc.). La mise au pré de ces chevaux peut être envisagée avec un panier qui limite leur consommation d’herbe.

Afin d’éviter les décharges d’insuline et les fluctuations de glycémie, il convient de privilégier une alimentation continue à un rythme lent, en utilisant par exemple des systèmes qui ralentissent la consommation du cheval (via des systèmes slow feeder ou des filets à foin). Le foin idéal pour les chevaux atteints de PSSM contient un taux de non-structural carbohydrates (NSC = amidon + sucres solubles) inférieur à 12 % [1, 4, 5]. Les chevaux de sport peuvent avoir des besoins énergétiques importants. Un foin relativement riche en calories distribué à volonté pourrait tout à fait les satisfaire, évitant l’administration de concentrés. Néanmoins, il n’est pas toujours facile de connaître la valeur énergétique du fourrage, par conséquent si l’apport énergétique doit être augmenté, l’ajout d’huile végétale dans la ration représente une excellente solution, l’huile apportant des calories dans un faible volume. Par exemple, 300 ml d’huile apportent autant d’énergie que 1 kg d’orge (soit 1 UFC). De plus, les lipides sont très bien métabolisés par le cheval qui les transforme facilement en source d’énergie. L’idéal est de choisir une huile riche en oméga 3, ces derniers ayant un effet anti-inflammatoire d’autant plus bénéfique pour les chevaux qui présentent une atteinte musculaire. L’huile peut être administrée à la dose de 1 ml/kg de poids vif, ce qui correspond à 500 ml par jour d’huile pour un cheval de 500 kg, à répartir sur au moins deux repas, en prenant soin d’atteindre progressivement cette dose sur 3 à 4 semaines : par exemple, 50 ml par repas, deux fois par jour pendant 1 semaine, en augmentant de 50 à 100 par repas chaque semaine jusqu’à administrer 250 ml par repas deux fois par jour en continu. Un apport complémentaire en vitamines A, D, E et K (liposolubles) est recommandé lorsque des quantités importantes d’huile sont ajoutées à la ration.

Le sélénium et la vitamine E étant deux antioxydants qui protègent les cellules de la destruction engendrée par les radicaux libres, et préservent ainsi l’intégrité des tissus notamment musculaires, leur apport constitue un soutien important pour les chevaux sujets aux myosites. Certaines affections neuromusculaires telles que la maladie du motoneurone sont d’ailleurs directement liées à une carence en vitamine E, soulignant son importance dans l’intégrité des fonctions motrices. Sa concentration sanguine physiologique doit être supérieure à 3 μg/ml (attention cependant à la fiabilité du dosage, aux conditions d’envoi et aux délais de traitement analytique).

Adaptation de l’exercice

La gestion de l’exercice est complémentaire à celle de l’alimentation et dépend de l’affection dont souffre le cheval. Les chevaux atteints de PSSM-1 ont besoin d’un exercice modéré, plutôt court (la durée ayant plus d’importance que l’intensité) mais régulier, alors que les chevaux atteints de PSSM-2 tirent un certain bénéfice de périodes de repos [1, 5]. Après un épisode aigu de myosite, il convient de reprendre l’exercice très progressivement, sauf pour les chevaux souffrant de PSSM-1 qui, dès 48 heures après, peuvent avoir accès à un petit paddock.

Conduite à tenir lors d’atteinte musculaire

• Limiter l’apport en sucres et privilégier les fibres et les matières grasses :

  • - éviter l'amidon, une source indirecte de sucre, donc proscrire les céréales ;

  • - vérifier que la part des glucides dans la ration est inférieure à 10 ou 15 % de l’apport calorique ;

  • - privilégier des foins récoltés tardivement, à longue tige, plus pauvres en sucres ;

  • - tremper le foin afin de lessiver une partie des sucres solubles ;

  • - ajouter de l’huile végétale dans la ration, de colza par exemple, pour apporter de l’énergie supplémentaire ;

  • - surveiller que la part des lipides dans la ration est supérieure à 13 % (apport à modérer chez les chevaux atteints de PSSM-2 et de myopathie myofibrillaire).

• Apporter des protéines de qualité pour favoriser la réparation des fibres musculaires :

  • - garantir un apport en acides aminés indispensables (9 au total) ;

  • - surveiller que le besoin journalier de lysine, un acide aminé limitant, soit respecté (30 à 50 g par jour pour un cheval au travail) ;

  • - administrer des sources de protéines telles que le tourteau de soja riche en lysine (environ 200 g par jour), le lactosérum (protéine de lait), la luzerne riche en calcium (à éviter chez les chevaux potentiellement soumis au contrôles antidopage en cas de provenance inconnue en raison du risque de résidus de pavot sur les séchoirs).

• Complémenter en vitamine E, sélénium et électrolytes :

  • - apporter entre 2 000 et 6 000 UI de vitamine E par jour ;

  • - administrer du sélénium à la dose de 0,4 mg/100 Kg de poids vif par jour ;

  • - fournir des électrolytes, notamment chez les chevaux sujets aux rhabdomyolyses à l’exercice, car des carences en sodium, en potassium et en calcium sont rapportées comme facteurs de risque ;

  • - permettre l’accès à une pierre à sel à volonté.

D’après [3].

Références

1. De La Corte FD, Valberg SJ. Treatment of polysaccharide storage myopathy. Comp. Cont. Educ. 2000;22(8):782-788.

2. McCue, M, Ribiero W, Valberg SJ. Prevalence of polysaccharide storage myopathy in horses with neuromuscular disorders. Equine Vet. J. 2006;38:340-344.

3. McKenzie EC, Firshman AM. Optimal diet of horses with chronic exertional myopathies. Vet. Clin. North Am. Equine Pract. 2009;25(1):121-35, vii.

4. Ribeiro W, Valberg SJ, Pagan JD et coll. The effect of varying dietary starch and fat content on creatine kinase activity and substrate availability in equine polysaccharide storage myopathy. J. Vet. Int. Med. 2004;18:887-894.

5. Valberg SJ, McCue ME, Mickelson, JR. The Interplay of genetics, exercise and nutrition in polysaccharide storage myopathy. J. Equine Vet. Sci. 2011;31:205-210.

  • Cette rubrique est réalisée en partenariat avec la commisssion Alimentation de l'Association vétérinaire équine française.
Abonné à Pratique Vétérinaire Equine, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr