Prise en charge multimodale d’un carcinome épidermoïde multicentrique incluant l’immunothérapie - Pratique Vétérinaire Equine n° 0213 du 11/03/2022
Pratique Vétérinaire Equine n° 0213 du 11/03/2022

Cas clinique - Cancérologie

CAHIER SCIENTIFIQUE

Cas clinique

Auteur(s) : Éléonore THIÉRY*,Ilaria MARANO*,Marie Christine CADIERGUES***** ,Marie-Odile SEMIN****,David SAYAG***** ,Isabelle RAYMOND**********,Elodie LALLEMAND********

Fonctions :
** Clinique équine, université de Toulouse, ENVT, Toulouse, France** Service de dermatologie, université de Toulouse, ENVT, Toulouse, France*** INIFINTy, Inserm, CNRS, UPS, université de Toulouse, Toulouse, France**** LabHPEC Laboratoire d’histopathologie expérimentale et comparée, université de Toulouse, ENVT, Toulouse, France***** ONCOnseil - Unité d’expertise en oncologie vétérinaire, Toulouse, France****** RESTORE, université de Toulouse, CNRS U-5070, EFS, ENVT, Inserm U1301 Toulouse, France******* InTheRes UMR1436, université de Toulouse, Inrae, ENVT, Toulouse, France
**Conflit d’intérêts : Aucun

Bien que la méthode d’immunothérapie employée doive encore faire ses preuves en termes d’efficacité chez le cheval, ce cas ouvre un débat intéressant sur les avenues thérapeutiques d’une affection difficile à traiter.

Le carcinome épidermoïde est l’une des formes cancéreuses les plus fréquentes dans l’espèce équine. Il représente la première cause de tumeur dans la région génitale chez l’étalon et la deuxième cause de tumeur muco-cutanée dans cette espèce [14, 22, 23]. Dans le cas présenté, l’animal a développé une forme multicentrique. Bien que décrite chez d’autres espèces animales telles que le chat ou l’homme, cette forme du carcinome épidermoïde est très rare chez les équidés [1, 3].

Présentation du cas

Un cheval de robe grise et d’origine non constatée, hongre, âgé de 26 ans, est examiné à la clinique équine de l’École nationale vétérinaire de Toulouse pour la réapparition d’une masse au niveau de la face palmaire du paturon antérieur gauche, accompagnée de nombreuses masses de taille inférieure en de multiples localisations. La masse du paturon avait été prise en charge chirurgicalement 2 ans auparavant.

Anamnèse

Le cheval n’a pas présenté de soucis médicaux importants au cours de sa vie. Son protocole vaccinal n’est pas à jour et il n’est pas régulièrement vermifugé. Deux ans auparavant, le développement d’une masse sur la face palmaire du paturon antérieur gauche avait motivé un examen clinique par le vétérinaire traitant. Une ligature avait été apposée autour de la masse et un mélange d’acide formique et de miel avait ensuite été appliqué. Des épisodes récurrents d’œdèmes du fourreau sont également mentionnés par le propriétaire. Aucune information n’est disponible concernant l’apparition et l’évolution des autres masses observées lors de l’examen clinique d’admission. Celles-ci étant plus discrètes, elles n’avaient pas attiré l’attention du propriétaire.

Examens clinique général et dermatologique

À l’admission, l’examen clinique général ne montre aucune anomalie. L’examen dermatologique permet l’observation d’une dermatite des paturons postérieurs, ainsi que diverses masses cutanées à l’aspect variable (encadré 1).

Hypothèses diagnostiques

Le pléomorphisme lésionnel laisse suspecter plusieurs types tumoraux. L’aspect de la masse n° 1 est fortement en faveur d’un sarcoïde, bien qu’un chéloïde ou un autre type tumoral ne puissent être exclus. Les masses n° 2 et n° 3 sont compatibles avec une hyperkératose, une kératose actinique ou une tumeur bénigne des annexes folliculaires. La masse n° 4 pourrait être associée à une pousse anormale de la fourchette. La masse n° 5 est potentiellement évocatrice d’un mélanome en raison de sa localisation. Enfin, les multiples masses n° 6 pourraient être des papillomes dont certains auraient évolué en carcinomes épidermoïdes.

Examens complémentaires

Dans le cadre de la réalisation d’un bilan d’extension tumoral, au vu de la suspicion de mélanome et de carcinome épidermoïde, une palpation transrectale ainsi qu’une radiographie thoracique de profil sont réalisées. La palpation transrectale ne met pas en évidence de métastase ganglionnaire ou abdominale palpable. Aucune métastase pulmonaire n’est observée à l’examen radiographique. Le bilan sanguin réalisé en parallèle ne montre pas d’anomalie significative.

L’analyse histopathologique porte uniquement sur les masses n° 1 et n° 2, retirées par exérèse sous sédanalgésie. Puisque l’exérèse des masses du boulet (n° 3), de la queue (n° 5) et du pénis (n° 6) serait trop délabrante et les soins seraient très importants, celles-ci ne sont pas biopsiées. L’une des masses du pénis, prélevée en vue d’une procédure d’immunothérapie, ne sera pas analysée.

Diagnostic

L’examen histopathologique de la masse de l’épaule gauche (n° 2) est en faveur d’une lésion précoce de kératose actinique évoluant focalement vers un carcinome épidermoïde in situ. Les marges d’exérèse sont saines. Celui de la masse du paturon (n° 1) met en évidence une lésion plus agressive de carcinome épidermoïde infiltrant, dont les marges d’exérèse ne sont pas saines. Les deux échantillons présentent une architecture papillomateuse à faible grossissement, dont l’évolution en profondeur se fait vers la malignité (carcinome épidermoïde infiltrant pour le paturon). Le caractère multicentrique des lésions associées du membre antérieur gauche et de la région génitale est en faveur d’un tableau clinique de carcinome épidermoïde multicentrique.

Prise en charge multimodale

Les masses n° 1 et n° 2 sont retirées par exérèse sous sédanalgésie. La masse n° 4 est entièrement parée par un maréchal-ferrant. Le tissu sous-jacent a un aspect normal. En raison de la localisation de la masse n° 3, de sa surface importante et de l’adhérence au plan sous-cutané, une exérèse simple est exclue en première intention. Ainsi, face à la difficulté chirurgicale même sous anesthésie générale (de toute façon refusée par le propriétaire) et à l’importance des soins nécessaires, les masses du boulet (n° 3), de la queue (n° 5) et du pénis (n° 6) ne sont pas retirées. La peau jouxtant la masse excisée au paturon antérieur gauche ayant un aspect anormal, une récidive tumorale rapide est à craindre en l’absence de traitement complémentaire (photo 5).

Un vaccin thérapeutique antitumoral autologue (procédé Apa.vac®(1)) est proposé. Les seringues pour l’autovaccin sont préparées selon le protocole Apa.vac® à partir de biopsies des masses péniennes. Les seringues sont conservées à - 18 °C et la préparation est administrée par un vétérinaire par voie sous-cutanée à raison d’une injection hebdomadaire pendant quatre semaines, puis une injection mensuelle pendant 4 mois. Un nouveau cycle pourrait être réalisé si un début d’efficacité était constaté, mais sans résolution complète. Une application quotidienne d’imiquimod (Aldara®) est également effectuée sur la cicatrice du paturon antérieur gauche pendant 1 semaine, puis un jour sur 2 pendant 1 semaine.

Suivi et complications

Le cheval est revu 1 mois après l’exérèse. Après le retrait des croûtes, une masse sphérique et lisse d’environ 0,5 cm de diamètre est observée sur la face palmaire du paturon antérieur gauche. Une exérèse au laser CO2 est alors réalisée (figure). La cicatrice de l’exérèse de l’épaule gauche est satisfaisante. Les autres masses cutanées visibles n’ont pas évolué. Les masses péniennes ne peuvent pas être évaluées, le propriétaire n’autorisant pas la sédation du cheval. La réalisation de soins locaux à base d’imiquimod sur la face palmaire du paturon antérieur gauche durant 1 à 2 semaines est conseillée après l’élimination des croûtes. L’immunothérapie Apa.vac® est poursuivie selon le protocole initial. Six mois après l’intervention chirurgicale, une surélévation est observée sur le pâturon, les autres masses n’ayant pas évolué d’après le propriétaire. L’œdème du fourreau n’est plus observé depuis la mise en place des traitements. Aucune complication n’a été observée.

Discussion

Première mission du praticien : établir le diagnostic

Le cas rapporté ici est une forme multicentrique de carcinome épidermoïde avec de multiples masses à la présentation clinique variée, ce qui peut représenter un défi diagnostique pour le praticien lors de l’examen clinique. En effet, la variété d’apparence et de sites de développement des carcinomes épidermoïdes complique la phase diagnostique. Ils sont souvent exophytiques, ulcérés en surface, pâles et fermes. Le diagnostic différentiel est large pour ces tumeurs cutanées, hors des localisations périoculaire et génitale qui sont très fréquentes (tableau 1) [5, 10, 11]. La kératose actinique peut être considérée comme une lésion prétumorale de carcinome épidermoïde. Cependant, ces deux termes sont parfois utilisés de façon indistincte [8].

Le diagnostic de certitude est obtenu par l’analyse histopathologique des masses excisées. Dans le cas décrit, cette analyse aurait permis d’exclure définitivement d’éventuelles affections concomitantes pour les masses non biopsiées. Quel que soit le site d’exérèse, les lésions microscopiques du carcinome épidermoïde conservent des caractéristiques similaires. La prolifération tumorale procède de travées de cellules épithéliales malpighiennes polyédriques, reliées entre elles par des ponts épineux. Dans le stade in situ, la prolifération exhibe des atypies cytonucléaires et un index mitotique augmenté, mais reste limitée (ou circonscrite) par la membrane basale de l’épithélium d’origine. En revanche, le stade du carcinome épidermoïde infiltrant comporte des cordons tumoraux qui infiltrent le tissu périphérique ou sous-jacent après l’effraction de la membrane basale. Ce stade s’accompagne en général d’une augmentation des atypies cytonucléaires et de l’index mitotique (photos 6a et 6b). Pour les carcinomes épidermoïdes peu différenciés, il est parfois nécessaire de réaliser un immunomarquage par un anticorps anticytokératine pour confirmer l’origine épithéliale de la tumeur.

Concernant l’étiologie et la pathogénie, les irradiations ultraviolettes, notamment de zones cutanées faiblement pigmentées ou d’une robe claire, les plaies, les infections et le papillomavirus équin (pour la forme génitale) apparaissent comme des facteurs prédisposants [8]. Enfin, une prédisposition génétique de certaines races peut orienter le diagnostic : les chevaux de race haflinger et belge présentent une mutation génétique [6]. De façon plus générale, les races lourdes de type shire, clyde et belge, ainsi que les chevaux de race appaloosa et paint horse, sont davantage prédisposés [19, 21].

 Le traitement : un grand défi pour le praticien

Le praticien se trouve confronté à une difficulté thérapeutique importante en raison de la rareté de la maladie chez le cheval et du nombre réduit de publications sur le sujet. Un article de synthèse résume bien les modalités de prise en charge des tumeurs cutanées chez le cheval, mais le traitement spécifique du carcinome épidermoïde multicentrique, très rare en médecine équine, n’y est pas abordé [20]. Plusieurs options thérapeutiques ont donc été proposées au propriétaire, fondées sur une approche comparative transversale, sans garantie de résultat étant donné le peu de données disponibles pour l’espèce équine (encadré 2).

Comparaison transversale

Les carcinomes épidermoïdes multicentriques sont connus en médecine humaine dans le contexte du carcinome in situ (maladie de Bowen) et chez le chat (maladie de Bowen’s like). Le traitement de choix est l’exérèse. Cependant, si celle-ci est curative sur la zone traitée, le développement de nouvelles masses en d’autres localisations est courant. Lorsque les masses se situent dans des régions délicates, comme les zones génitale ou faciale, l’application locale d’imiquimod est recommandée. Cette molécule est un modificateur de la réponse immunitaire locale, issu de la famille des imidazoquinolines. Il entraîne des effets antiviraux et antitumoraux indirects par la stimulation de la production locale de cytokines proinflammatoires telles que l’interféron alpha et gamma (IFN-α, IFN-γ) et le facteur de nécrose tumorale alpha (TNF-α) [1, 4, 7, 21]. L’utilisation de la chimiothérapie, seule ou en complément d’une exérèse de la masse, est également envisageable. L’application locale de corticoïdes, d’antibiotiques et de rétinoïdes n’a aucun effet.

Les thérapies destructives non spécifiques

D’autres thérapies destructives non spécifiques telles que l’électro-dessiccation, le curetage et le laser CO2 sont utilisées en médecine humaine, mais ont l’inconvénient d’une cicatrisation plus lente. De même, la cryothérapie est une technique efficace et largement pratiquée en première intention sur les kératoses actiniques humaines, les facteurs limitants étant la taille et le nombre de lésions. Une diminution suffisante de la température du tissu tumoral permet la formation de cristaux de glace intracellulaires à l’origine d’une rupture des membranes et de la mort cellulaire. Cette technique est très utilisée contre les tumeurs solides de la peau des chevaux, si elles sont accessibles et bien délimitées. Au minimum, trois cycles thérapeutiques sont nécessaires [1, 7].

Une option thérapeutique par radiations

La curiethérapie est une technique fondée sur la délivrance localisée d’une forte dose de radiation à courte distance à l’aide d’une machine. Bien que deux modes de programmation soient possibles, c’est le dispositif médical délivrant de fortes doses (HDR) qui semble efficace contre le carcinome épidermoïde du planum nasal chez le chat. Il permet l’élimination rapide des lésions superficielles avec un effet minimal sur les tissus périphériques et peu de dissémination dans la salle de consultation et sur le praticien qui le manipule. Elle permet d’éviter une intervention chirurgicale. Cette technique est également recommandée pour le traitement de la maladie de Bowen lorsque les patients présentent des lésions de grande taille récurrentes et/ou multiples, dans des localisations douloureuses ou lorsque l’exérèse est refusée [3, 7, 9].

Ainsi, dans l’hypothèse d’une récidive importante de la masse retirée dans le cas clinique décrit, cette technique semble être la plus appropriée. Néanmoins, le seul centre français proposant ce traitement étant situé près de Lille(2), l’éloignement géographique important du cheval a contraint le propriétaire à refuser cette option thérapeutique.

L’immunothérapie, une option thérapeutique systémique

En raison du caractère multicentrique de ce cancer, un traitement systémique permettrait d’agir sur l’ensemble des masses présentes en une action unique. L’Apa.vac® est une technologie d’immunothérapie par vaccination autologue dont l’adjuvant est composé de poudre céramique d’hydroxyapatite, permettant la présentation des protéines purifiées tumorales ou sériques (principalement celles du choc thermique). L’hydroxyapatite a pour objectif de purifier et de stabiliser les protéines du choc thermique afin de pouvoir les réinjecter dans le patient selon un protocole défini. Dans le cas présent, le vaccin thérapeutique a été préparé à partir des protéines cancéreuses contenues dans des masses du pénis. L’Apa.vac® constitue une méthode de vaccination autologue simple, recommandée dans le cas de tumeurs ayant un fort impact clinique et pour lesquelles aucun traitement n’est officiellement reconnu. Il peut être utilisé en prévention d’une aggravation de formes tumorales résiduelles ou en complément d’autres protocoles thérapeutiques [12, 18]. Son effet n’ayant pas encore pu être étudié dans le cadre de la prise en charge de carcinomes épidermoïdes chez le cheval, il a donc été employé dans le cas présenté sans certitude d’efficacité, hors homologation, dans le cadre d’un usage compassionnel.

Un autre choix thérapeutique : les anti-inflammatoires non stéroïdiens

La dernière option thérapeutique proposée est le piroxicam, un anti-inflammatoire non stéroïdien. Les cyclo-oxygénases-2 (COX-2) sont surexprimées dans de nombreux tissus tumoraux épithéliaux humains et canins. Ainsi, elles seraient associées à la croissance tumorale, à l’apparition de métastases et à l’angiogenèse tumorale, à la résistance cellulaire à l’apoptose et à l’inhibition de la réponse immunitaire naturelle. Chez les chevaux, en revanche, l’expression des enzymes COX-1 et COX-2 semble similaire dans les tissus infiltrés par un carcinome épidermoïde et les tissus sains. Cependant, le piroxicam a été utilisé pour le traitement de carcinomes épidermoïdes mucocutanés équins et il pourrait jouer un rôle palliatif en réduisant la synthèse de prostaglandine E. Moore et son équipe ont obtenu un résultat satisfaisant en traitant un hongre âgé de 16 ans qui avait développé un carcinome épidermoïde sur la lèvre inférieure droite s’étendant jusqu’aux nœuds lymphatiques submandibulaires et ne répondant à aucun protocole classique par chimiothérapie : l’utilisation de cisplatine (Platinum®, à la dose de 3,3 mg/cm3), à raison de trois injections intralésionnelles réparties sur une durée de 3 semaines, a permis la réduction en taille et la quiescence de la tumeur durant 2 années uniquement. En raison d’une recrudescence de la tumeur, un traitement par chimiothérapie systémique (doxorubicine à la dose de 200 mg par voie intraveineuse sur une heure) réalisé à deux reprises séparées d’une période de 3 semaines, ne s’est pas révélé plus efficace. L’utilisation du piroxicam a alors été proposée dans un troisième temps. Trois mois de traitement avec 80 mg de piroxicam per os une fois par jour pendant un mois, puis tous les 2 à 3 jours pendant les 4 années de l’étude, ont permis une disparition du carcinome épidermoïde en 3 mois sans récidive observée. Cependant, s’agissant d’un unique cas, les résultats sont à interpréter avec précaution et ne permettent pas de conclure objectivement à l’efficacité du piroxicam sur les carcinomes épidermoïdes équins [5, 13, 17].

Un choix raisonné

Aucun traitement n’ayant aujourd’hui été reconnu efficace sur les carcinomes épidermoïdes multicentriques équins à notre connaissance, il est important de comparer les différentes options thérapeutiques selon leurs avantages et inconvénients, mais également de leur accessibilité, de la faisabilité du traitement sur les zones atteintes du cheval, de leur durée et de leur coût moyen (tableau 2).

Conclusion

Le carcinome épidermoïde est l’une des tumeurs cutanées les plus fréquentes chez le cheval dans les régions périoculaire et génitale. En revanche, la forme multicentrique décrite est rare dans l’espèce équine, ce qui constitue un défi thérapeutique pour le praticien. Une approche multimodale (incluant exérèse, immunothérapie systémique, laser CO2 et imiquimod) a été mise en place. Il est important que les propriétaires soient sensibilisés et restent attentifs au développement de masses cutanées et génitales chez leurs chevaux, car une prise en charge rapide permet de favoriser une exérèse simple et de limiter les métastases.

Encadré 1

Masses cutanées observées à l’admission

• Masse n° 1, en face palmaro-médiale du paturon antérieur gauche : environ 5 cm de diamètre, ferme, bien délimitée, exophytique, de forme sphérique en “chou-fleur”, pédiculée mais adhérente au plan profond, malodorante, à l’aspect nécrosé et suintant. Cette masse est celle qui a évolué à la suite de la précédente exérèse (photo 1).

• Masse n° 2, cutanée, sur l’épaule gauche, dans le tiers ventral de la scapula : 1 cm de diamètre, ferme, bien délimitée, exophytique, sphérique, non adhérente au plan profond et à la surface non suintante, squamo-croûteuse (photo 2).

• Masse n° 3, en face latérale du boulet antérieur gauche : 2 cm de diamètre, ferme, relativement plane, bien circonscrite et de forme ovoïde, recouverte d’un matériel squamo-croûteux associé à un exsudat (photo 3).

• Masse n° 4, sur la sole, en talon médial-fourchette du pied antérieur gauche : plaque ovoïde de 3 cm de diamètre, ferme, à la surface squameuse. Le propriétaire rapporte un aspect rosé et suintant en début d’évolution.

• Masse n° 5, sous-cutanée, sous la queue : 5 cm de diamètre, ferme.

• Masses n° 6, muqueuses multiples, le long du côté gauche du corps du pénis (examen motivé par l’œdème chronique du fourreau, pratiqué sous sédation) : 0,2 à 1 cm de diamètre, fermes, exophytiques, non adhérentes au plan profond (photo 4).

Encadré 2

Options thérapeutiques envisageables chez le cheval

En traitement local :

  • lorsque la masse est peu épaisse, il est possible d’appliquer une fine couche de crème à 5 % d’imiquimod avec des gants, une fois par jour pendant une semaine puis 1 jour sur 2. Il est important d’arrêter le traitement en cas de douleur ou de réaction inflammatoire exagérée [7] ;

  • en cas de récidive de la masse de 2 à 4 mm d’épaisseur, un traitement au laser CO2 ou de cryothérapie est envisageable en clinique [7, 21] ;

  • au-delà de 2 à 4 mm d’épaisseur, des séances de curiethérapie sont recommandées [7] ;

  • si le lieu anatomique le permet, il est également possible de réaliser une exérèse de la masse suivie d’un traitement par chimiothérapie à base d’injections intralésionnelles de cisplatine [16, 21] ;

  • le 5-fluorouracil est utilisé outre-Atlantique, mais l’usage d’anticancéreux topiques est strictement interdit en France [2, 15, 21].

En traitement systémique, trois options thérapeutiques sont proposées, sans que leur efficacité soit démontrée pour le moment sur les carcinomes épidermoïdes multicentriques chez le cheval :

  • l’immunothérapie avec un vaccin autologue (Apa.vac®) ;

  • l’utilisation du piroxicam par voie orale [13, 21] ;

  • la chimiothérapie à base de doxorubicine [21].

Références

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Résumé

Un hongre d’origine non constatée, âgé de 26 ans, est présenté en consultation en raison de la réapparition d’une masse sur la face palmaire du paturon antérieur gauche, malgré son exérèse 2 ans auparavant. Lors de l’examen clinique, de nombreuses autres masses sont observées, d’aspect varié, en différentes localisations. Les examens complémentaires orientent vers un diagnostic de carcinome épidermoïde multicentrique. La masse principale du paturon antérieur gauche ainsi que celle située sur l’épaule gauche sont retirées chirurgicalement. Un traitement systémique immunothérapique, par injection sous-cutanée selon le procédé Apa.vac®(1), est instauré durant 5 mois, accompagné par une application locale d’imiquimod sur le lieu d’exérèse du paturon antérieur gauche pendant deux semaines. Un mois après l’opération, une repousse de la masse du paturon antérieur gauche est réséquée au laser CO2. Six mois après l’intervention, une surélévation de la masse au paturon antérieur gauche est constatée. Toutes les autres masses sont apparues stables.

Summary

Multimodal management, including immunotherapy, for multicentric squamous cell carcinoma

A 26-year-old gelding of unknown origin presented for consultation for recurrence of a mass on the palmar surface of the left foreleg, that had been removed 2 years previously. Numerous other masses of varied appearance, in different locations, were found during the clinical examination. A diagnosis of multicentric squamous cell carcinoma was made after ancillary examinations. The main mass on the left anterior pastern and the one on the left shoulder were surgically removed. A systemic immunotherapeutic treatment, by subcutaneous injection according to the Apa.vac®(1) protocol, was instituted for 5 months, accompanied by local application of imiquimod for a fortnight onto the left foreleg surgical site. One month after the operation, a regrowth of the left foreleg pastern mass was resected using CO2 laser. The area of the mass on the left foreleg pastern was elevated six months after the operation. All other masses appeared stable.

Éléments à retenir

  • Les carcinomes épidermoïdes périoculaires, péniens et préputiaux sont très fréquents dans l’espèce équine.

  • La forme multicentrique de ce cancer est très rare chez le cheval.

  • Ces tumeurs peuvent se développer sur n’importe quelle localisation cutanée et ont des apparences lésionnelles très variées.

  • Lors d’atteinte localisée, le traitement de choix est l’exérèse, tandis qu’en cas d’atteinte multicentrique, une approche multimodale est souvent nécessaire.

  • (1) Laboratoire Urodelia.
  • (2) Oncovet.
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