Dix minutes pour répondre à dix questions cliniques - Pratique Vétérinaire Equine n° 0213 du 11/03/2022
Pratique Vétérinaire Equine n° 0213 du 11/03/2022

Médecine factuelle - Taille de l’échantillon

CAHIER SCIENTIFIQUE

Médecine factuelle

Auteur(s) : Virginie M. STEVENS*,Anna ROKICINSKI**,Charles SCORDIDIS**,Hélène TRACCAN**,Jean-Michel VANDEWEERD**

Fonctions :
** CNRS UMR 5123,station d’écologie théorique et expérimentale,09200 Moulis,virginie.stevens@sete.cnrs.fr
**** Namur Research Institute for Life Sciences (Narilis),université de Namur,61 rue de Bruxelles,5000 Namur (Belgique)
***Conflit d’intérêts : Aucun

Dix publications récentes sont discutées du point de vue de la taille de l’échantillon, un paramètre capital qui contribue à la validité scientifique d’une étude.

Depuis quelques années, les techniques de recherche documentaire et la médecine factuelle font partie du curriculum vétérinaire des universités francophones et des programmes de formation continue. Consulter les publications est essentiel en pratique équine, mais prend du temps. Pratique Vétérinaire Équine propose à ses lecteurs des résumés et critiques d’articles répondant à des questions cliniques intéressantes ou des synthèses méthodiques portant sur une question précise. Les notions d’épidémiologie clinique, qui permettent d’évaluer les validités interne et externe des articles, sont expliquées dans un objectif didactique (encadré complémentaire sur lepointveterinaire.fr). Dans ce numéro, les études sont discutées notamment sous l’angle d’un concept épidémiologique particulier : la taille de l’échantillon.

Taille de l’échantillon

Comme l’analyse d’une population entière est le plus souvent impossible, les études sont en général menées sur un échantillon choisi, qui doit correspondre au mieux à la population cible de la question posée afin que les conclusions de l’étude puissent lui être transposées [2]. Il est possible de s’assurer de cette représentativité en comparant l’échantillon et la population sur des critères pertinents (sexe, âge, race, etc.). Le choix de la taille de l’échantillon est tout aussi capital. Les considérations économiques et éthiques favorisent les plus petits échantillons tandis que, d’un point de vue statistique, un grand échantillon est préférable. La taille de l’échantillon est parfois décidée dès le début de la recherche, au départ des niveaux de confiance et de puissance statistique souhaitées, de la taille de l’effet escompté du paramètre observé et de la variabilité de ce paramètre dans la population observée. Sinon, le lecteur devra être attentif : la taille d’échantillon pourrait être trop faible pour assurer des conclusions solides.

1. L’utilisation des corticostéroïdes favorise-t-elle l’incidence d’une fourbure aiguë ?

Résumé de l’article

En médecine équine, les corticostéroïdes sont parfois associés à un risque de développement d’une fourbure. Un tel lien de causalité mérite l’attention des chercheurs. Potter et ses collaborateurs tentent de déterminer la fréquence de la fourbure aiguë et ses facteurs de risque dans une population de chevaux adultes. Une première étude compare l’incidence de la fourbure au cours des 14 jours qui suivent l’arrêt des corticostéroïdes à celle, sur la même période, d’un groupe non traité (contrôle), sans observer aucune différence, l’incidence étant également faible dans les deux groupes (1 %). Une deuxième analyse réalisée sur une cohorte rétrospective de chevaux traités aux corticostéroïdes vise à identifier les facteurs favorisant l’apparition d’une fourbure 14 jours après le traitement. Elle montre une incidence très faible (0,6 %) de fourbures, et ne met pas en évidence de risque accru lié au traitement par les corticostéroïdes. Les facteurs de risque identifiés sont le surpoids, la race (poneys versus chevaux) et les antécédents de fourbure ou de maladie endocrine. En conclusion, cette étude n’indique pas que l’administration de corticostéroïdes constitue un facteur de risque de développement d’une fourbure aiguë au cours des 14 jours suivant le traitement [8].

Commentaire

Cet article montre que même avec un grand échantillon (plus de 200 chevaux par groupe), il reste difficile de tester certaines hypothèses. Un calcul préalable des échantillons nécessaires à la première étude n’a pas été réalisé par les auteurs, alors que des échantillons beaucoup plus conséquents (de l’ordre de 2 500) auraient été nécessaires pour mettre en évidence un effet des corticostéroïdes, en raison de la très faible incidence des fourbures. Il n’est donc pas possible de rejeter formellement ici une erreur de type II, et les conclusions s’en trouvent fragilisées. Dans la deuxième étude, la taille de l’échantillon a été calculée par anticipation, puis ajustée après les premières observations, ce qui permet d’assurer la solidité des analyses.

2. Quelle est l’incidence de la fourbure équine signalée par le propriétaire ?

Résumé de l’article

Pollard et ses collaborateurs souhaitent mesurer l’incidence des fourbures décelées par les propriétaires, qu’ils pensent être plus élevée que celle rapportée par les vétérinaires car la consultation n’est pas systématique pour ces affections. Une étude transversale préalable leur permet de confirmer la capacité des propriétaires à reconnaître la fourbure : tous les épisodes suspectés sont confirmés. Elle révèle aussi que les propriétaires et les vétérinaires déclarent des signes cliniques semblables. Une étude de cohorte prospective est ensuite menée sur la population équine générale de Grande-Bretagne. Le taux d’incidence de la fourbure y est calculé en tant que nombre d’épisodes de fourbure signalés, rapporté au nombre d’animaux-années à risque (Hyar) pendant la période. Les résultats montrent une incidence significativement plus importante chez certains poneys et chez les animaux ayant déjà été atteints de fourbure. Aucune différence d’incidence n’est décelée entre les pays ou les saisons, ni selon que les récidives sont incluses ou non. Le taux de fourbures déclaré par les propriétaires (9,6 sur 100 Hyar) est considérablement plus élevé que le taux précédemment diagnostiqué par les vétérinaires (0,5 sur 100 Hyar) [7].

Commentaire

La méthode de détermination de la taille de l’échantillon n’est pas spécifiée dans l’article, et les auteurs n’évoquent pas la précision qu’ils peuvent en obtenir. Cependant, la cohorte utilisée (1 007 répondants) semble numériquement satisfaisante. Des biais de recrutement sont en revanche potentiellement présents. Comme le reconnaissent les auteurs, la difficulté majeure de cette étude est le recrutement volontaire des sujets : l’étude a pu paraître plus intéressante aux propriétaires de chevaux ayant déjà été atteints de fourbure, biaisant l’incidence vers le haut. Le taux d’incidence réel se trouve donc probablement entre l’incidence mesurée ici et celles, beaucoup plus basses, obtenues précédemment sur des données vétérinaires. De plus, comme le questionnaire est rempli par les propriétaires, un biais de classification peut exister.

3. L’acupuncture permet-elle de détecter les atteintes du grasset ?

Résumé de l’article

Mariani et ses collaborateurs s’intéressent à l’acupuncture comme moyen pour identifier les douleurs du grasset, une méthode qui n’a été que très peu étudiée expérimentalement. Deux acupuncteurs évaluent la présence d’un trouble du grasset chez les chevaux examinés, principalement à partir d’une pression sur ce qu’ils appellent le point suggestive of stifle disease (PSSD), soit le point évocateur d’une maladie du grasset (photo 1). Leur diagnostic est ensuite confronté à des examens radiographiques, échographiques et thermographiques effectués par d’autres vétérinaires, qui ne connaissent pas le bilan de l’acupuncture (aveuglement). La sensibilité, la spécificité et les valeurs prédictives négatives et positives du diagnostic sont calculées pour différents points d’acupuncture (tableau complémentaire sur lepointveterinaire.fr). Les résultats suggèrent que l’acupuncture est un outil intéressant de diagnostic [5].

Commentaire

Bien que l’étude comporte une randomisation et un aveuglement qui limitent divers biais, elle souffre d’une faible taille d’échantillon (39 chevaux). De plus, le nombre d’individus du groupe sain (8 chevaux) est très inférieur à celui du groupe avec une atteinte du grasset (31). Les points d’acupuncture proposés en diagnostic présentent tous une bonne sensibilité, mais ont une spécificité variable (de 0,25 à 1). Une faible spécificité indique une probabilité accrue de faux positifs, et le risque concomitant de traiter un animal sain. En outre, il existe un biais de recrutement puisque le critère minimal d’inclusion d’un animal à l’étude est la cohérence de deux diagnostics par acupressure, l’exactitude d’un test mené par un seul praticien sera sans doute inférieure aux valeurs reprises ici. Tous ces éléments mènent à interpréter les résultats de l’étude avec prudence.

4. Quels sont les facteurs de risque de la maladie gastrique glandulaire chez le pur-sang ?

Résumé de l’article

Sykes et ses collaborateurs évaluent les facteurs de risque des maladies gastriques chez les pur-sang, chez lesquels elles sont fréquentes, surtout pour les athlètes en saison de course. Deux affections sont considérées : l’equine squamous gastric disease (ESGD), une maladie gastrique bien connue qui atteint la muqueuse squameuse, et l’equine glandular gastric disease (EGGD), une maladie de la muqueuse glandulaire dont la pathogenèse et les facteurs de risque restent peu compris. Les données collectées via un questionnaire rempli par l’entraîneur sont confrontées aux résultats d’un examen gastroscopique complet. La performance sportive, la fréquence d’entraînement, l’entraîneur et l’atteinte par l’ESGD sont identifiés comme des facteurs de risque pour l’EGGD. La durée de l’entraînement et des variables comportementales sont identifiées comme des facteurs de risque de l’ESGD. Les résultats suggèrent l’importance de poursuivre des études décrivant les effets du stress et des facteurs de gestion comme facteurs de risque pour l’EGGD [11].

Commentaire

La taille de l’échantillon utilisé (109 chevaux) n’a pas été déterminée par un calcul préalable, mais semble apporter une confiance satisfaisante : des facteurs de risque sont identifiés avec une confiance supérieure à 95 %. La puissance de l’étude pourrait en revanche être faible : les auteurs reconnaissent que cette taille d’échantillon ne permet pas d’exclure une erreur de type II, qui pourrait expliquer l’absence de lien décelé entre la perte de poids ou la colique et les maladies gastriques, un résultat qui interroge, compte tenu des connaissances en pathologie humaine où les maladies gastriques sont associées à une perte pondérale et des douleurs abdominales. L’échantillon ne comprend que des pur-sang (race présentant la plus forte prévalence de maladies gastriques), un biais d’échantillonnage qui limite la généralisation des résultats.

5. Quels facteurs affectent le pronostic de survie après une contamination ou un sepsis des bourses calcanéennes ?

Résumé de l’article

Isgren et ses collaborateurs rappellent que l’infection et la contamination des bourses calcanéennes sont des conséquences courantes des blessures de l’aspect plantaire du tarse. Leur étude rétrospective a l’objectif d’analyser l’évolution de chevaux atteints d’un sepsis de la bourse calcanéenne après un traitement endoscopique et d’identifier les facteurs de pronostic associés à leur survie. Les données sont issues des dossiers de chevaux qui présentent une infection synoviale de la bourse calcanéenne et sont traités dans un hôpital équin par un lavement et un débridement endoscopique sous anesthésie générale. Le taux de survie à la suite de l’intervention est de 84,4 %. L’étude montre qu’une administration systémique précoce d’antimicrobiens permet une réduction de la mortalité, tandis qu’une atteinte modérée ou grave des tendons et des os, une anesthésie générale longue, une synoviocentèse postopératoire et la déhiscence des plaies sont associées à un risque accru de mortalité [3].

Commentaire

À l’aide de formules dédiées, il est possible de montrer que la taille d’échantillon utilisée (128 chevaux) devrait permettre de déceler une différence de survie de l’ordre de 6 %. Elle semble donc appropriée. Cependant, l’étude souffre d’autres faiblesses méthodologiques. Pour analyser le pronostic, l’observation doit idéalement débuter au même stade de la maladie chez tous les sujets, ce qui n’est pas le cas pour une cohorte rétrospective comme celle utilisée. L’imprécision des données obtenues peut en être accrue. Le temps de suivi est par ailleurs variable entre les chevaux, une faiblesse compensée par la longue durée médiane des suivis (30 mois). Les données ont été récoltées via une enquête téléphonique auprès des propriétaires ou des vétérinaires référents, un biais de désirabilité sociale est donc aussi à envisager.

6. La survie lors de torsion utérine est-elle améliorée par une résolution une laparotomie par le flanc ?

Résumé de l’article

L’étude rétrospective de Spoormakers et collaborateurs cherche à aider le vétérinaire dans la formulation du pronostic et dans son choix thérapeutique lors d’une torsion utérine. Une torsion de 180 à 540° de l’utérus gravide (confirmée par une palpation transrectale uniquement) est relativement rare chez la jument. Deux types de méthodes permettent de remédier à ces rotations : le déplacement du poulain in utero, ou une intervention chirurgicale. Trois approches chirurgicales sont proposées : une laparotomie médiale sous anesthésie générale, ou une laparotomie latérale menée soit sous anesthésie générale, soit sur une jument vigile debout. Les auteurs comparent la survie des juments et des poulains pour des torsions résolues par cette dernière méthode ou par les autres méthodes, et démontrent que l’avancement de la gestation et la technique utilisée influencent significativement la survie, qui est meilleure avec une laparotomie latérale sur une jument vigile et lors de gestations peu avancées (moins de 320 jours). En conclusion, cette technique chirurgicale leur semble à conseiller, au moins dans des cas non compliqués par des lésions gastro-intestinales (absentes de leur échantillon) [10].

Commentaire

Cette étude rétrospective est menée sur un échantillon représentatif et de taille conséquente (189 juments). Cependant, elle illustre une difficulté fréquente liée à l’échantillonnage : le déséquilibre des effectifs entre les traitements, puisque le traitement “debout” a été appliqué à près de 90 % des juments. Il s’agit donc encore d’un cas où un biais de recrutement (le choix de cas référés dans des cliniques pratiquant peut-être préférentiellement le traitement sur une jument vigile) peut influencer l’issue de l’étude. Le déséquilibre est encore aggravé par l’inclusion dans le second groupe de deux juments euthanasiées sans autre traitement. La réponse (survie) est donc totalement dépendante du traitement (euthanasie) pour 10 % des juments du groupe n’ayant pas subi le traitement “debout”, ce qui invalide toute l’approche statistique. Donc, bien que la taille de l’échantillon puisse initialement sembler suffisante, une attention plus fine révèle que l’échantillon choisi peut être une source de biais.

7. Quels seuils de lecture utiliser pour une détection par immunoblot de l’anémie infectieuse équine ?

Résumé de l’article

Scicluna et ses collaborateurs rappellent que l’anémie infectieuse équine est une maladie virale à notification obligatoire. En Italie, celle-ci est diagnostiquée par trois tests complémentaires : un test sérologique Elisa pour le dépistage, un test d’immunodiffusion sur gel d’agarose pour la confirmation, et un immunoblot en cas de discordance entre les deux premiers tests. Cette étude évalue la validité de l’immunoblot avec l’objectif de certifier le protocole, en analysant des échantillons sériques équins, et divers échantillons de référence. Pour trois antigènes, les auteurs évaluent d’abord le seuil de lecture qui apporte la meilleure combinaison de spécificité et de sensibilité. Ensuite, ils montrent qu’un seuil commun apporte une bonne validité à l’immunoblot, en termes de spécificité de sensibilité, de répétabilité et de reproductibilité. Ce test a une meilleure sensibilité que l’immunodiffusion et une meilleure spécificité que l’Elisa, ce qui permet une détection plus précoce des animaux infectés, un élément important pour enrayer la propagation de l’anémie infectieuse équine [9].

Commentaire

Cet article répond à des standards élevés de qualité. Le nombre d’échantillons équins nécessaires (176) a été anticipé en tenant compte de la sensibilité et de la spécificité attendues, et de la variabilité des données, avec des formules dédiées, ce qui permet d’assurer un pouvoir statistique suffisant. Pour éviter tout biais de classification, la lecture des tests immunologiques a aussi été automatisée et calibrée sur des images standards. Les tests immunologiques ont d’abord été appliqués à plusieurs types de contrôles : sérums équins prédiagnostiqués avec une autre méthode (négatifs ou positifs à l’anémie infectieuse équine), et échantillons positifs à d’autres virus équins ou à d’autres lentivirus. Ensuite, l’analyse de validité a été menée sur les échantillons tests. L’exactitude obtenue avec l’immunoblot est excellente (sensibilité de 85 à 100 %, spécificité de 90 à 97 % selon l’anticorps utilisé), ce qui est primordial dans le cadre du suivi des maladies infectieuses.

8. Une échelle d’Obel modifiée est-elle valable pour évaluer le degré de fourbure ?

Résumé de l’article

L’échelle d’Obel est utilisée depuis 70 ans pour évaluer la sévérité des fourbures. Elle comporte cinq niveaux, ce qui peut être limitant pour les fourbures d’origine endocrinienne dont les signes cliniques sont parfois légers. Meier et ses collaborateurs testent donc la validité d’une échelle à 13 niveaux. Ils en évaluent la répétabilité (cohérence pour un observateur) et la reproductibilité des grades (entre observateurs), ainsi que la cohérence avec l’échelle d’Obel. Leur échelle a une répétabilité substantielle (80 %) et une excellente reproductibilité (87 %), elle est hautement cohérente avec la méthode historique, et est également facile à mettre en œuvre. Les auteurs avertissent cependant que comme elle n’inclut pas de signes subcliniques de fourbure à l’exception du pouls digité, ni de seuil de fourbure avérée, elle est surtout utile pour évaluer l’évolution clinique chez un animal [6].

Commentaire

Pour évaluer correctement la validité de leur échelle, les auteurs font appel à un panel de 28 vétérinaires évaluateurs, ce qui est pertinent. En effet, en demandant par exemple seulement à deux vétérinaires d’établir le score des chevaux, la reproductibilité mesurée n’aurait pu être généralisée. L’échantillon utilisé permet donc de conclure à une excellente reproductibilité. De même, évaluer un nombre conséquent de chevaux est nécessaire pour s’assurer de la validité de tous les éléments de l’échelle de mesure. En effet, plus il existe d’éléments dans une échelle, plus la différence entre ceux-ci peut être subtile et difficile à détecter. À cet égard, la taille de l’échantillon est un peu faible, puisque seulement 15 chevaux sont utilisés pour évaluer la validité d’une échelle à 13 niveaux.

9. Quelle efficacité a l’injection intravitréenne de gentamicine dans le traitement de l’uvéite récidivante ?

Résumé de l’article

L’uvéite récidivante est une atteinte ophtalmique fréquente chez les équidés, et leur première cause de cécité (photo 2). L’équipe de Launois évalue rétrospectivement le protocole d’injection intravitréenne de gentamicine testé d’abord sur six cas référés ne répondant pas aux traitements habituels et appliqué, après l’obtention de résultats encourageants, sur l’ensemble des chevaux référés pour cette affection. Les auteurs rapportent l’absence totale de récidive inflammatoire chez 66 des 67 chevaux pour lesquels un suivi vétérinaire est effectué jusqu’à 2 ans après l’intervention. La fréquence de cataracte et d’hypotension oculaire, élevées dès le début du protocole, augmente sans que les auteurs puissent déterminer si et comment cette observation est liée au protocole [4].

Commentaire

Cette étude concerne l’évaluation rétrospective d’une cohorte de taille moyenne (n = 71, dont 4 partiellement perdus de vue). Idéalement, l’évaluation du traitement aurait dû se faire sous la forme d’un essai clinique contrôlé, ce qui est difficile à réaliser en clientèle. De plus, dans cette étude, le temps de suivi et le nombre de réévaluations cliniques varient entre les chevaux, avec moins de 20 chevaux suivis pendant un an ou plus. Les auteurs reconnaissent cette faiblesse, ainsi que la possibilité d’un biais de désirabilité sociale. Cependant, les résultats très positifs (une enquête téléphonique indiquant que 70 des 71 cas traités n’ont pas récidivé) et la description détaillée du protocole apportent une bonne valeur empirique à cet article.

10. Les huiles essentielles sont-elles efficaces contre la dermite estivale ?

Résumé de l’article

Face à l’inefficacité des approches traditionnelles dans le traitement de la dermite estivale et à la difficulté de mise en œuvre une prévention contre cette allergie saisonnière, certains propriétaires d’équidés se tournent vers les huiles essentielles. Cox et ses collaborateurs évaluent l’effet sur les manifestations cliniques de la dermite estivale d’un mélange d’huiles essentielles qu’ils présentent comme connues pour leurs effets immunomodulateurs, antihistaminiques, antiprurigineux, anti-inflammatoires, insecticides ou répulsifs. Dans cet essai contrôlé mené en double aveugle avec contrôle placebo appliqué en cross-over, ils notent une amélioration significative des signes cliniques de dermite estivale dans 95 % des cas lors d’une application quotidienne d’huiles essentielles, sans effet indésirable, tandis que le placebo n’apporte aucune amélioration significative. La formulation d’huiles essentielles proposée constituerait donc, selon les auteurs, une solution efficace pour améliorer les signes cliniques de dermite estivale chez le cheval, bien que les modalités de cet effet (préventives ou curatives) et son mécanisme d’action restent à évaluer [1].

Commentaire

Cette étude ne porte que sur 20 individus. La méthode du cross-over permet de diviser par deux le nombre de sujets à recruter. Elle peut cependant induire différents biais de mesure si la période d’attente (wash-out) entre les traitements n’est pas suffisante ou si l’aveuglement est compromis par l’observation de la réaction au premier traitement. Le wash-out est ici ajusté par une étude pilote, mais un éventuel biais de classification n’est toutefois pas exclu. La randomisation et l’application d’un aveuglement double permettent d’éviter d’autres biais. En revanche, la petite taille de l’échantillon rend délicate la généralisation des résultats.

Glossaire

• Aveuglement : dans un protocole d’essai clinique, fait qu’un seul ou les deux protagonistes (le clinicien et/ou le propriétaire) ne sont pas informés de l’intervention mise en œuvre (le traitement, par exemple).

• Biais : éléments de la méthodologie qui induisent une erreur systématique dans les résultats.

• Biais de classification : erreur systématique dans l’estimation d’un effet liée à des mesures inexactes ou à une classification impropre des animaux, concernant aussi bien la maladie que le facteur d’exposition.

• Biais de désirabilité (sociale) : erreur systématique résultant du désir de l’animal (ou de son propriétaire) de plaire à l’expérimentateur.

• Biais d’échantillonnage : situation dans laquelle l’échantillon n’est pas suffisamment représentatif de la population à laquelle l’auteur veut généraliser les résultats.

• Biais de recrutement : situation dans laquelle l’échantillon correspond à un groupe particulier en rapport avec le sujet précis de l’étude. Ce biais se présente souvent lorsque l’échantillon est recruté auprès de cliniques référées, par exemple, où seuls certains profils de chevaux sont envoyés.

• Confiance d’un test statistique : probabilité qu’a le test de conclure à l’absence d’effet lorsqu’il n’y en a effectivement pas (= 1-alpha(1)). La plupart des études utilisent alpha = 5 % et acceptent ainsi une probabilité de 5 % de commettre une erreur de type I : conclure à l’existence d’un effet qui n’existe pas en réalité. C’est l’origine de la valeur p < 0,05 régulièrement mentionnée dans les articles scientifiques.

• Cross-over : design expérimental dans lequel le groupe contrôle est similaire au groupe traité, les mêmes individus tenant les deux rôles tour à tour.

• Double aveugle : procédure expérimentale dans laquelle ni le sujet ni l’expérimentateur ne sont avertis du groupe auquel le sujet est assigné (traitement ou contrôle placebo).

• Essai contrôlé : essai dans lequel une partie seulement des sujets reçoivent le traitement cible, les autres faisant office de groupe contrôle (ne reçoivent pas le traitement mais peuvent recevoir un placebo).

• Exactitude d’un test diagnostique : paramètre qui combine la sensibilité et la spécificité d’un test et correspond donc à l’absence d’erreurs de diagnostic (= [D + A]/total(1)).

• Horse-years at risk (Hyar) : descripteur de l’étude sommant, pour l’ensemble des sujets, la période (en années) pendant laquelle ils ont été suivis et considérés comme à risque de développer une fourbure, soit les périodes hors des épisodes actifs de fourbure ou de convalescence. Un Hyar correspond donc à un cheval suivi pendant 1 an.

• Incidence : apparition de l’affection dans une population saine pendant un temps donné.

• Placebo : procédé thérapeutique sans principe actif propre, mais possédant toutes les autres caractéristiques (mode d’administration, propriétés organoleptiques, adjuvants, etc.) du traitement dont l’efficacité est testée. Le placebo peut induire un effet psychologique.

• Prévalence : proportion d’individus malades à un temps donné.

• Puissance d’un test statistique : probabilité qu’a le test de mettre en évidence un effet existant (= 1-bêta(1)). Une puissance de 80 % est souvent utilisée, c’est-à-dire qu’avec 20 % de chance, un effet existant ne sera pas décelé (erreur de type II).

• Randomisation : application d’un tirage aléatoire, par exemple pour la désignation des sujets du groupe sous traitement ou du placebo.

• Répétabilité : concordance des résultats obtenus pour un test avec la même méthode répétée par le même praticien sur le même sujet dans un laps de temps court.

• Reproductibilité : concordance de résultats entre les tests réalisés sur un même sujet, mais dans des conditions légèrement différentes, par exemple par un observateur différent.

• Sensibilité d’un test diagnostique : capacité du test à détecter un individu malade (= A/[A + C](1)). Certains auteurs parlent aussi de sensibilité pour l’absence de faux négatifs (= 1- [C/total]).

• Spécificité d’un test diagnostique : proportion d’animaux testés négatifs qui sont effectivement sains (= D/[B + D](1)). Certains auteurs parlent aussi de spécificité pour l’absence de faux positifs (= 1- [B/total]).

• Valeur prédictive positive d’un test diagnostique : capacité du test à identifier les individus malades (= A/[A + B](1)).

• Valeur prédictive négative d’un test diagnostique : capacité du test à identifier les individus sains (= D/[C + D](1)).

• Wash out : période d’attente entre l’application de deux traitements. Utile dans une expérience en cross-over pour permettre que l’effet du premier traitement (actif ou placebo) n’influence pas les résultats du second.

(1) Dans le tableau.

Références

1. Cox A, Wood K, Coleman G et coll. Essential oil spray reduces clinical signs of insect bite hypersensitivity in horses. Aust. Vet. J. 2020;98(8):411-416.

2. de Meeûs C, Buczinski S, Vandeweerd JM et coll. Considérer la taille de l’échantillon : pourquoi et comment ? Prat. Vét. Équine. 2016;192:50-54.

3. Isgren CM, Salem SE, Singer ER et coll. A multi-centre cohort study investigating the outcome of synovial contamination or sepsis of the calcaneal bursae in horses treated by endoscopic lavage and debridement. Equine Vet. J. 2020;52(3):404-410.

4. Launois T, González Hilarión LM, Barbe F et coll. Use of intravitreal injection of gentamicin in 71 horses with equine recurrent uveitis. J. Equine Vet. Sci. 2019;77:93-97.

5. Mariani LPR, Sampaio F, Silveira AB et coll. Pressuring of acupoints as a complement to the diagnosis of stifle diseases in horses. J. Acupunct. Meridian Stud. 2019;12(5):151-159.

6. Meier A, de Laat M, Pollitt C et coll. A “modified Obel” method for the severity scoring of (endocrinopathic) equine laminitis. Peer J. 2019;7:e7084.

7. Pollard D, Wylie CE, Newton JR et coll. Incidence and clinical signs of owner-reported equine laminitis in a cohort of horses and ponies in Great Britain. Equine Vet. J. 2019;51(5):587-594.

8. Potter K, Stevens K, Menzies-Gow N. Prevalence of and risk factors for acute laminitis in horses treated with corticosteroids. Vet. Rec. 2019;185(3):82.

9. Scicluna MT, Autorino GL, Cook SJ et coll. Validation of an immunoblot assay employing an objective reading system and used as a confirmatory test in equine infectious anaemia surveillance programs. J. Virol. Methods. 2019;266:77-88.

10. Spoormakers TJP, Graat EAM, ter Braake F et coll. Mare and foal survival and subsequent fertility of mares treated for uterine torsion. Equine Vet. J. 2016;48(2):172-175.

11. Sykes BW, Bowen M, Habershon-Butcher JL et coll. Management factors and clinical implications of glandular and squamous gastric disease in horses. J. Vet. Intern. Med. 2019;33(1):233-240.

Résumé

Dix articles sont proposés pour répondre à dix questions cliniques, avec une attention focalisée sur la taille de l’échantillon, un élément important pour les études observationnelles autant que pour les expérimentales. Après l’énoncé de la question et un court résumé, la méthodologie scientifique et la pertinence de la taille de l’échantillon sont ensuite brièvement commentées. L’objectif est de fournir au praticien une information utile tout en l’aidant à se prononcer sur sa solidité scientifique.

Mots clés

Taille d’échantillon, questions cliniques, tests statistiques

Summary

Ten minutes to answer ten questions

Ten articles were consulted to answer ten clinical questions, with a focus on sample size, critical for both observational and experimental studies. For each question, we provide a summary of the study, and report its sample size. Scientific methods and sample size relevance are then briefly discussed. The aim was to provide the practitioner with useful information while guiding its judgment on their scientific soundness.

Keywords

Sample size, clinical questions, statistical testing

Éléments à retenir

  • L’échantillon choisi doit correspondre au mieux à la population cible de la question posée, afin que les conclusions de l’étude puissent lui être transposées.

  • D’un point de vue statistique, un grand échantillon est préféré afin d’assurer des conclusions solides.

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