Comment réaliser une thoracocentèse - Pratique Vétérinaire Equine n° 0213 du 11/03/2022
Pratique Vétérinaire Equine n° 0213 du 11/03/2022

FICHE PRATIQUE - Pathologie respiratoire

CAHIER PRATIQUE

Fiche pratique

Auteur(s) : Gwladys MALEK

Fonctions :
*Centre international de santé du cheval d’Oniris (Cisco)
**Oniris, site de La Chantrerie
***101, route de Gachet
****44300 Nantes
*****Conflit d’intérêts : Aucun

Bien que la procédure soit techniquement simple, une bonne connaissance de toutes les étapes est nécessaire afin de prévenir au mieux les complications.

La thoracocentèse est un acte médical qui permet le drainage d’un liquide excessivement accumulé dans la cavité thoracique. Procédure aussi bien diagnostique que thérapeutique, la thoracocentèse au sens strict correspond au drainage ponctuel du liquide pleural à l’aide d’une canule métallique. La pose d’un drain thoracique est une seconde technique qui permet des drainages répétés, éventuellement associés à des lavages de l’espace pleural.

Indications

Dans l’espèce équine, un épanchement pleural peut être causé par différentes affections telles qu’une pleuropneumonie, un abcès pleural, un processus néoplasique thoracique, une plaie thoracique pénétrante, une péricardite, une hernie diaphragmatique, une rupture œsophagienne ou un hémothorax survenant par exemple à la suite d’une fracture de côtes chez le poulain, ou de l’administration de phényléphrine pour traiter un entrappement néphrosplénique, ou encore lors de coagulopathies [1, 5, 6]. Les signes cliniques peuvent inclure un abattement, une hyperthermie, un œdème thoracique ventral, un jetage nasal, une toux, une mobilisation excessive des naseaux, une intolérance à l’exercice, une dyspnée, une tachypnée, voire une détresse respiratoire. Des signes de pleurodynie sont également fréquemment rencontrés et mis en évidence par une tachycardie, un cheval qui gratte le sol ou pointe un membre thoracique en avant, une démarche raide, des coudes en abduction, une réticence à tousser, à se déplacer ou à se coucher, ainsi qu’une anorexie, voire une perte de poids [2, 3, 8]. L’épanchement pleural peut facilement être mis en évidence par l’échographie thoracique en région ventrale, voire par des radiographies thoraciques ou via l’auscultation et la percussion de cette région (photos 1 et 2) [1, 8]. Lorsque l’épanchement pleural ne répond pas au traitement conservateur ou que la quantité de liquide pleural est telle que le cheval présente des difficultés respiratoires, une thoracocentèse s’impose.

Préparation

Le matériel nécessaire inclut les instruments pour la contention du cheval, la désinfection de la peau, la mise en place d’une canule ou d’un drain et la récolte du liquide (encadré, photos 3a et 3b). La thoracocentèse se réalise sur un cheval debout, de préférence dans un travail. Un tord-nez et une sédanalgésie à l’aide d’un α2‑agoniste et d’un opioïde peuvent être employés selon l’état clinique du cheval. L’administration de butorphanol peut également limiter la toux présentée et ainsi faciliter la procédure [4]. Le site de thoracocentèse est préalablement localisé de préférence à l’aide d’un échographe, ou par une auscultation et des percussions thoraciques [4, 5]. Classiquement, il se situe entre le 6e et le 7e espace intercostal à droite ou entre le 7e et le 8e espace intercostal à gauche, à mi-distance entre l’articulation scapulo-humérale et le coude, dans le tiers ventral du thorax, proximalement à la jonction costochondrale [1, 3, 8]. L’échographie présente l’avantage de localiser la zone de liquide la plus ventrale, tout en permettant l’identification du cœur, des poumons, du diaphragme et de la veine thoracique latérale afin de prévenir toute ponction de ces structures pouvant mener à des complications [1, 3-5, 9]. Une fois le site repéré, celui-ci est tondu (10 x 10 cm), puis une préparation aseptique est réalisée.

Procédure

Thoracocentèse

La thoracocentèse se décline en plusieurs étapes stériles (photo 4 et vidéo) [2, 3-5, 9] :

  • une anesthésie locale à l’aide de 5 à 20 ml de lidocaïne à 2 % est réalisée dans les plans cutané et sous-cutané, puis au niveau du muscle intercostal et de la plèvre pariétale (3 à 6 cm de profondeur) ;
    une incision cutanée est pratiquée à la lame de bistouri n° 15 en regard du site préalablement repéré à l’échographie, en prenant soin d’inciser au niveau du bord cranial de la côte afin d’éviter les vaisseaux et les nerfs intercostaux localisés au bord caudal de chaque côte. L’incision peut également s’effectuer au niveau du muscle intercostal pour faciliter le passage de la canule et éviter qu’elle se brise ;
    la canule (fixée à l’extension et au robinet trois voies fermé) est introduite à travers l’incision cutanée perpendiculairement à la peau, cranialement au bord cranial de la côte. Une pression légère à modérée est exercée, associée à de légers mouvements de rotation du poignet afin de traverser les muscles intercostaux, puis la plèvre pariétale. Cette étape permet d’entrer dans la cavité thoracique et se caractérise par une perte soudaine de résistance ;
    le robinet trois voies est ouvert pour permettre le drainage du liquide pleural. Si le robinet est ouvert avant cette étape, il existe un risque d’entrée d’air dans la cavité pleurale ;
    le liquide est stérilement prélevé dans un tube EDTA, un tube sec, éventuellement un tube hépariné et un flacon d’hémoculture, puis le reste du liquide est récolté dans un seau.

Si le liquide ne s’écoule pas, la canule peut être délicatement réorientée à l’aide de mouvements rotatoires et une légère aspiration peut être exercée à l’aide d’une seringue de 60 ml fixée au robinet trois voies. Il est recommandé de ne pas excessivement insérer la canule au risque de lacérer le poumon [5]. En l’absence de liquide, il est possible que :

  • la canule ne soit pas suffisamment insérée et n’ait pas traversé la plèvre pariétale ;
    le poumon ou de la fibrine obstrue la canule. Dans ce cas, il convient de flusher la canule avec de la solution saline et aspirer de nouveau ;
    le site de thoracocentèse n’ait pas été réalisé en regard du liquide pleural. Un contrôle échographique du site est alors indiqué ;
    la quantité de liquide pleural soit trop minime [1, 3].

Chez un cheval sain, le médiastin présente cranio-ventralement une communication entre les deux hémithorax. Néanmoins, ce petit espace peut être obstrué par de la fibrine lors d’épanchement pleural, c’est pourquoi une thoracocentèse bilatérale est souvent nécessaire. Il est recommandé de réaliser un premier drainage du côté présentant le plus de liquide à l’échographie, puis de contrôler l’hémithorax opposé par échographie afin de vérifier la persistance du liquide et de confirmer la nécessité d’une thoracocentèse controlatérale.

Pose d’un drain thoracique

La pose d’un drain thoracique peut être indiquée en cas d’un large volume de liquide pleural et de drainages répétés. Les étapes sont similaires à celles de la thoracocentèse précédemment décrite, excepté le fait qu’un drain thoracique est inséré à travers l’incision à la place de la canule (photo 5) [2].

Le drain thoracique est inséré dans la cavité pleurale, puis le trocart est lentement retiré ; une pince hémostatique est éventuellement immédiatement fixée à l’extrémité du drain pour éviter toute entrée iatrogène d’air, puis retirée pour permettre le drainage. Le drain peut être avancé (au maximum 6 à 10 cm supplémentaires). Une valve unidirectionnelle est mise en place à l’extrémité du drain (valve de Heimlich, préservatif en latex ou gant stérile avec extrémité coupée). Le drain est fixé à la peau à l’aide d’une suture en bourse et lacet chinois avec un fil non résorbable (taille 0 ou 1). Un bandage peut être appliqué pour renforcer la fixation du drain et le diriger caudalement afin d’éviter une dermatite des membres thoraciques secondaire au drainage du liquide [2].

Suivi

Une fois mis en place, le positionnement et la fonctionnalité du drain thoracique doivent être contrôlés au moins deux fois par jour [2]. Le drain est laissé en place tant qu’il demeure productif, pendant environ un mois si nécessaire [5]. Souvent, les drains laissés en place plusieurs semaines nécessitent d’être régulièrement remplacés en raison de leur obstruction [1, 5].

Il peut être nécessaire de mettre en place plusieurs drains thoraciques à différents sites au sein d’un même hémithorax en cas de présence de fibrine sectorisant le thorax et empêchant ainsi le drainage de l’ensemble d’un hémithorax par un seul et même drain. Dans ce cas, l’échographe est utilisé afin de repérer les différents sites de mise en place des drains [2]. Lors d’épanchement pleural de faible quantité, une canule peut être insérée régulièrement toutes les 24 à 48 heures [3].

Additionnés aux drainages, des lavages peuvent se révéler utiles pour évacuer les bactéries, les toxines, la fibrine et le tissu nécrotique, ainsi que les débris cellulaires et inflammatoires. Il est recommandé d’instiller par gravité, directement à travers le drain thoracique, entre 5 et 10 litres de solution isotonique tiède telle que du Ringer lactate ou du NaCl à 0,9 % [2, 3, 9]. Un activateur tissulaire recombinant du plasminogène (en anglais, r-TPA) peut être ajouté au liquide de lavage (12 mg par hémithorax) afin de réduire la quantité de fibrine et de maximiser le drainage, mais ce traitement reste très coûteux [7].

La thoracocentèse permet également d’analyser le liquide pleural récolté. Il est recommandé de réaliser une évaluation macroscopique (couleur, odeur, turbidité, quantité), de mesurer la concentration en protéines totales, de réaliser une cytologie, une coloration Gram afin de débuter une antibiothérapie, une culture bactérienne aérobies et anaérobies avec antibiogramme, ainsi qu’une analyse biochimique mesurant le pH, le glucose et les lactates (tableau). Chez un cheval sain, le liquide pleural est translucide, de couleur jaune paille, en quantité limitée à un maximum de 1 à 2 ml, avec un nombre de cellules nucléées inférieur à 10.103/µl et un taux de protéines totales en dessous de 25 g/l [1, 3, 9].

Risques et complications

Les complications de cette procédure sont peu fréquentes et peuvent, dans la majorité des cas, être évitées en respectant les étapes précédemment décrites.

Pneumothorax

Une aspiration d’air à travers la canule ou le drain peut se produire si ceux-ci sont placés trop dorsalement, ou après leur retrait. L’introduction d’air peut être limitée en utilisant un robinet trois voies fermé lors de l’insertion de la canule, en clampant directement le drain après le retrait du trocart, en mettant en place une valve unidirectionnelle, ainsi qu’en suturant la peau et en appliquant un bandage après le retrait de la canule ou du drain. En cas de pneumothorax important, il convient de réaliser les mêmes étapes que la thoracocentèse à l’aide d’une canule, d’un cathéter ou d’un drain et d’aspirer l’air à l’aide d’une seringue de 60 ml [5, 9].

Hémothorax

En cas de lacération d’un vaisseau lors de l’introduction de la canule ou du trocart, un hémothorax peut se développer. C’est pourquoi il est nécessaire de localiser et d’éviter la veine thoracique latérale dans le tiers ventral du thorax et de réaliser le site de thoracocentèse cranialement au bord cranial de la côte, afin d’éviter les vaisseaux intercostaux [2, 3, 5].

Arythmie cardiaque, hémopéricarde et ponction d’organes

Un contact ou une lacération cardiaque peuvent entraîner une arythmie fatale et un hémopéricarde. Il est donc recommandé d’éviter l’aspect cranio-ventral du thorax, de vérifier l’emplacement du cœur à l’aide d’un échographe et de réaliser la thoracocentèse au moins un espace intercostal caudalement au cœur en utilisant une canule à embout mousse [2, 3, 5, 8]. D’autres organes tels que le poumon, le diaphragme, une anse d’intestin grêle ou le foie peuvent être accidentellement ponctionnés. De même, l’échographe et l’utilisation d’une canule à embout mousse minimisent ce risque [1, 3, 4].

Choc hypovolémique

Lors du drainage d’importantes quantités de liquide pleural (10 à 20 litres), il se produit une perte soudaine de fluides du troisième secteur pouvant conduire à un choc hypovolémique. Il est donc recommandé de drainer lentement, sur 30 minutes ou en plusieurs étapes, les épanchements de large volume (excepté en cas d’urgence lors de détresse respiratoire), d’administrer des fluides par voie intraveineuse et de monitorer régulièrement les protéines totales sériques [1, 3, 5, 9].

Communication bronchopleurale

Lors d’un lavage thoracique, une manifestation concomitante de toux et d’écoulement nasal du liquide de lavage peut signaler la présence d’une communication bronchopleurale préexistante ou induite par le lavage. Un test à la fluorescéine, avec l’infusion du produit dans la cavité thoracique, permet de confirmer la communication lorsque la coloration apparaît au niveau des naseaux. Dans ce cas, le lavage doit être interrompu ou réalisé avec précaution afin d’éviter d’étendre l’infection aux voies respiratoires supérieures ou à des zones pulmonaires saines [2, 9].

Autres complications

Il est nécessaire de réaliser avec précaution l’anesthésie locale préalable à la thoracocentèse pour prévenir de violentes réactions rapportées par certains auteurs lors de la ponction de la plèvre pariétale [3]. En raison de la variation de pression dans la cavité thoracique lors du drainage de l’épanchement, des abcès pulmonaires préexistants peuvent spontanément se drainer dans l’espace pleural [9]. De plus, une inflammation, une infection ou un abcès peuvent se développer localement en regard du site de thoracocentèse [2-4, 9]. Le drain thoracique laissé en place peut également se détacher, se briser, présenter une fuite ou une obstruction notamment par de la fibrine, nécessitant alors un retrait manuel de la fibrine, un flush ou le changement du drain thoracique ou de la valve unidirectionnelle [2].

Matériel pour une thoracocentèse et la pose d’un drain thoracique

Contention, asepsie, incision cutanée et récolte du liquide :

  • sédation et tord-nez ;

  • tondeuse ;

  • scrub stérile ;

  • gants stériles ;

  • échographe ;

  • lidocaïne à 2 % (5 à 20 ml), seringues de 10 ml, aiguilles de 20-23 G ;

  • lame de bistouri n° 15 et manche de bistouri n° 3 ;

  • tube EDTA, tube sec, tube hépariné et flacon d’hémoculture ;

  • récipient (par exemple un seau).

Thoracocentèse :

  • canule métallique à embout mousse (6 à 10 cm de long) ou cathéter urinaire métallique pour femelles (13 à 26 cm de long) ;

  • robinet trois voies ou pince hémostatique ;

  • extension voie veineuse ; connecter à une extrémité de l’extension la canule et le robinet trois voies à l’autre extrémité ;

  • seringue 60 ml.

Pose de drain thoracique :

  • drain thoracique avec trocart (16 à 32 French) ;

  • valve de Heimlich ou préservatif en latex ou gant stérile ;

  • fil de suture non résorbable (taille 0 ou 1), porte-aiguille, pince Adson et ciseaux à fils.

D’après [2-5].

Références

1. Chaffin M. Thoracocentesis and pleural drainage in horses. Equine Vet. Educ. 1999;11:106-108.

2. Chaffin MK, Carter K, Dabareiner RM. How to place an indwelling chest tube for drainage and lavage of the pleural cavity in horses affected with pleuropneumonia. In : Proceedings of the Annual Convention of the American Association of Equine Practitioners. 2000:145-149. https://www.ivis.org/sites/default/files/library/aaep/2000/145.pdf

3. Copas V. Diagnosis and treatment of equine pleuropneumonia. In Pract. 2011;33:155-162.

4. Couetil LL, Thompson CA. Airway diagnostics: bronchoalveolar lavage, tracheal wash, and pleural fluid. Vet. Clin. North Am. Equine Pract. 2020;36:87-103.

5. Dallap Schaer B, Orsini JA. Chapter 25: Respiratory system: diagnostic and therapeutic procedures. In: Equine Emergencies: Treatment and Procedures. Eds. Orsini JA, Divers TJ. 4th ed. Elsevier Health Sciences. 2014:459-460.

6. Groover E, Wooldridge A. Equine haemothorax. Equine Vet. Educ. 2013;25:536-541.

7. Hilton H, Pusterla N. Intrapleural fibrinolytic therapy in the management of septic pleuropneumonia in a horse. Vet. Rec. 2009;164:558-559.

8. Mair T, Sweeney C. The investigation of pleural effusions in the horse. Equine Vet. Educ. 1992;4:70-74.

9. Rush B, Mair T. Pneumonia in adult horses (chapter 22); Techniques for infectious respiratory disease (chapter 23). In: Equine Respiratory Diseases. Blackwell Science. 2004:276-279 ; 296-299.

  • Vidéo : Technique de thoracocentèse chez le cheval à l’aide d’une canule métallique à embout mousse
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