Réparation d’une plaie par avulsion de la boîte cornée impliquant la couronne - Pratique Vétérinaire Equine n° 212 du 01/10/2021
Pratique Vétérinaire Equine n° 212 du 01/10/2021

CHIRURGIE DU PIED

Cahier scientifique

Cas Clinique

Auteur(s) : Matthieu Cousty*, Luc Leroy**

Fonctions :
*dipl. ECVS
**maréchal-ferrant
Centre hospitalier vétérinaire
équin de Livet
Cour Samson
14140 Saint-Michel-de-Livet

Bien qu’une cicatrisation en deuxième intention soit envisageable, une réparation chirurgicale précoce prévient d’éventuelles complications. Dans ce cas, la paroi a retrouvé un aspect normal six mois et demi après le traumatisme.

Les chevaux peuvent présenter des traumatismes par avulsion de la boîte cornée [3]. Lorsque les lésions impliquent la couronne et plus particulièrement les cellules épithéliales germinales du chorion coronaire, cela peut provoquer une mauvaise cicatrisation et une perturbation secondaire de la pousse de la corne [1]. La réparation en première intention permet d’obtenir une cicatrisation de meilleure qualité et un retour à l’activité plus rapide [2].

Présentation du cas

Anamnèse

Un cheval selle français mâle entier, âgé de 1 an, est présenté en urgence pour une plaie du sabot impliquant la paroi, la couronne et la peau en partie externe du pied antérieur gauche. Le cheval vit au pré. Le traumatisme serait survenu entre 6 et 12 heures avant l’admission. La protection antitétanique est à jour.

Examens clinique et radiographique

Le cheval est en bon état général. Un léger saignement est présent au niveau de la plaie. Un volet de paroi fortement décollé est observé en face externe du pied (photo 1). Les tissus osseux ne sont pas visibles. Au premier abord l’articulation interphalangienne distale ne semble pas être touchée par le traumatisme. Le cheval présente une boiterie de grade 1 sur 5. La plaie est contaminée par de la terre. Après un nettoyage du sabot et de la plaie à l’aide de povidone iodée, un examen radiographique du pied est réalisé. Aucune anomalie osseuse n’est détectée.

Traitement

Une réparation chirurgicale en urgence est envisagée de manière à obtenir une cicatrisation de la couronne et limiter ainsi le risque de formation de seimes sur les bords du volet déchiré.

Une antibioprophylaxie (pénicilline procaïne à la dose de 22 000 UI/kg par voie intramusculaire deux fois par jour) et un traitement anti-inflammatoire (phénylbutazone à 4,4 mg/kg par voie intraveineuse une fois par jour) sont entrepris. Le cheval est anesthésié en décubitus latéral droit. Un garrot est mis en place sur le canon pour réduire le saignement. Le volet de paroi lésé est raccourci distalement pour prévenir l’appui et ainsi limiter les leviers (photo 2a). Un savonnage du sabot et du paturon à la povidone iodée est réalisé à trois reprises. La plaie est tout d’abord débridée à la curette, puis abondamment lavée et préparée de façon aseptique.

Une réparation successive en première intention des différentes structures est réalisée. La peau est suturée avec un fil non résorbable monofilament de décimale 4 (Dafilon®) et la partie cornée de la couronne et des glomes avec un fil d’acier de décimale 3 avec aiguille (Acier Ethicon®). La paroi du sabot est fermée avec un fil acier de 1,25 mm après un forage avec une mèche de 2 mm, les trajets de forage étant obliques pour limiter l’interférence du fil métallique avec les tissus lamellaires (photo 2b). Une série de points simples espacés de 1 cm est mise en place (figure). Cette réparation est effectuée sur les deux bords du volet décollé. La plaie est protégée avec un pansement non adhérent (Surgi®), une ouate orthopédique (Proban®) et une couche de coton. Un plâtre de pied est ensuite appliqué pour stabiliser le sabot et limiter l’écartement des talons. Une couche de coton maintenu par une bande de crêpe est d’abord appliquée, puis des bandes de résine sont mises en place. La partie solaire est renforcée avec un maillage en polymère (Vet-Lite®) et une résine en polyméthyl-méthacrylate (Technovit®) (photo 2c).

Suivi

À court terme

Le traitement antibiotique et anti-inflammatoire est maintenu pendant 3 jours. Le cheval est placé au box sans sorties pour 1 mois. Le plâtre est enlevé 4 semaines après l’intervention chirurgicale. La cicatrisation de la couronne est convenable sur les deux bords du volet. L’ensemble des fils est retiré à cette occasion. La paroi lésée est à nouveau raccourcie distalement à la pince à parer (demi-ronde) et à la rainette pour ne conserver que la zone cicatrisée et adhérente en couronne. Un fer en œuf est posé, ajusté avec la branche externe redressée vers la fourchette, pour limiter la portée sur le pied tout en gardant une bonne stabilité au sol (photos 3a à 3c). Le cheval est alors placé au box pour 8 semaines.

À long terme

Dix semaines après l’intervention, la paroi a normalement repoussé sur un tiers de sa hauteur. Le fer est reposé après un parage et un débridement de quelques fissures distales.

Quatre mois et demi après l’intervention, un parage est réalisé, sans qu’il soit nécessaire de reposer un fer compte tenu de la bonne pousse proximale. Des sorties en main sur un terrain meuble ou un rond de sable sont recommandées.

Deux mois plus tard, le pied est de nouveau paré. La couronne présente un aspect normal sans apparition de seimes secondaires. La paroi montre une croissance normale (photo 4). Des sorties au pré sont recommandées.

Discussion

Atteinte de la couronne

Lors de plaies avec atteinte de la couronne, la cicatrisation de celle-ci est primordiale pour limiter l’apparition de seimes [5]. Comme pour toute plaie, une intervention précoce est la clé d’une cicatrisation correcte en première intention. Seule une résection de la partie de corne lésée, pour une guérison en deuxième intention, aurait également pu être envisagée, avec un moindre coût lié à l’intervention. Néanmoins, étant donné l’instabilité du sabot, le risque d’une mauvaise cicatrisation en couronne, avec la formation d’une seime, était majeur. Un bourgeonnement exubérant aurait aussi été une complication possible.

La mise en place d’un garrot lors de l’intervention chirurgicale limite les saignements du réseau vasculaire du pied et améliore ainsi la visibilité intra-opératoire. Il convient d’adapter le choix des fils de suture selon les structures impliquées : peau, couronne ou paroi cornée. La couronne peut être suturée avec un fil métallique de décimale 3 et la paroi avec un fil métallique de cerclage de 1,25 mm.

Les structures profondes sont rarement atteintes lorsqu’il s’agit d’une avulsion ayant une origine distale [2]. En revanche, lors d’une section dont l’origine est proximale sur le paturon, l’articulation interphalangienne distale, les ligaments collatéraux, voire les structures osseuses, peuvent être impliqués. Il convient alors de toutes les évaluer et d’adapter le traitement en conséquence.

Mise en place d’un plâtre

Le plâtre de pied est facile à poser et permet de bloquer l’écartement des talons en favorisant ainsi la cicatrisation. Une étude démontre son efficacité pour le traitement de ce type de plaie [4]. La pose se fait à la suite de la réparation, qui peut être entreprise aussi bien sous sedation et anesthésie locale que sous anesthésie générale. Un pansement protecteur léger est préalablement placé au contact de la plaie.

Par rapport au plâtre classique de demimembre, l’avantage du plâtre de pied est qu’il évite la formation d’escarres dans la partie caudale du boulet et dans la partie dorsale de la partie proximale du canon. Il convient néanmoins de bien vérifier que la résine ne remonte pas trop sur le paturon pour prévenir la formation de plaie lors de la flexion/extension du boulet. Un plâtre de pied est laissé en place pendant 3 à 4 semaines en l’absence de complications.

Ferrure

La ferrure permet de limiter la pression sur la paroi lésée (bien que le volet soit raccourci pour limiter les leviers). Plusieurs ferrures sont envisageables, toutes permettant la suppression d’appui nécessaire dans ces cas : un fer en œuf transformé (choisi pour ce cheval en raison de sa petite pointure) ou, sur un pied plus grand, un fer dans lequel la branche est supprimée et la mamelle est reliée à l’éponge opposée à l’aide d’une barrette (plutôt courbe) en soutien furcal (photo 5).

Conclusion

Une réparation en première intention des plaies de la boîte cornée impliquant la couronne permet de limiter la formation de seimes secondaires et un retour au travail plus précoce.

  • 1. Burba DJ. Traumatic foot injuries in horses: surgical management. Compend. Contin. Educ. Vet. 2013;35(1):E5.
  • 2. Celeste CJ, Szoke MO. Management of equine hoof injuries. Vet. Clin. North Am. Equine Pract. 2005;21(1):167-190, viii.
  • 3. Fessler JF. Hoof injuries. Vet. Clin. North Am. Equine Pract. 1989;5(3):643-664.
  • 4. Ketzner KM, Stewart AA, Byron CR et coll. Wounds of the pastern and foot region managed with phalangeal casts: 50 cases in 49 horses (1995-2006). Aust. Vet. J. 2009;87(9):363-368.
  • 5. Pollitt CC, Daradka M. Hoof wall wound repair. Equine Vet. J. 2004;36(3):210-215.

CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN

ÉLÉMENTS À RETENIR

→ La réparation chirurgicale de la couronne limite le risque de formation de seimes.

→ La mise en place d’un plâtre de pied stabilise le sabot, limite l’écartement des talons et accélère la cicatrisation.

→ Une ferrure avec suppression d’appui est recommandée pour limiter la pression sur la paroi lésée.

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