Pose d’un cathéter sous-palpébral dans le cul-de-sac conjonctival inférieur - Pratique Vétérinaire Equine n° 211 du 01/07/2021
Pratique Vétérinaire Equine n° 211 du 01/07/2021

OPHTALMOLOGIE

Cahier pratique

Fiche technique

Auteur(s) : Anne-Charlotte Fürbacher

Fonctions : Cabinet Natur’Vet
6 rue des Vignes
de Bachelard
74140 Douvaine

La pose d’un cathéter sous-palpébral facilite les soins oculaires, notamment lorsque les traitements doivent être administrés plusieurs fois par jour et à des chevaux peu coopératifs. Il peut être utilisé aussi bien en hospitalisation qu’à domicile en respectant certaines précautions. La mise en place et le retrait du cathéter sous-palpébral sont plus aisés s’il est placé dans le cul-de-sac conjonctival inférieur plutôt que supérieur. De plus, le cathéter est mieux toléré dans cette localisation et reste généralement en place, ce qui limite le risque d’ulcère cornéen iatrogène. Les complications avec ce site d’implantation seraient en général moins graves et moins fréquentes.

Le matériel nécessaire inclut les instruments pour l’insertion du cathéter au travers de la paupière et sa fixation sur le cheval (encadré).

Préparation

Le cheval est sédaté assez fortement afin qu’il baisse la tête et que celle-ci puisse être posée sur un support solide. L’utilisation d’un α2-agoniste (détomidine à la dose de 0,02 à 0,04 mg/kg, par exemple) peut être couplée à celle de morphine en cas de douleur sévère.

L’environnement doit être calme, propre et à l’abri du vent, surtout au moment du passage du trocart le long de la cornée. Une désinfection chirurgicale du pourtour cutané de l’œil est réalisée, notamment de la paupière inférieure, suivie d’un lavage du cul-de-sac conjonctival inférieur à l’aide d’une solution de povidone iodée diluée à 0,2 %.

Une anesthésie locale auriculo-palpébrale est pratiquée à la jonction entre l’os temporal et l’os frontal au niveau de l’arc zygomatique, par l’injection sous-cutanée de 2 ml de lidocaïne à 2 % (photo 1). Le nerf zygomatique est aussi insensibilisé par une anesthésie traçante le long du bord ventro-latéral de l’orbite, et le nerf infratrochléaire par une injection en regard d’une fissure osseuse de l’orbite ventro-médialement. Une anesthésie traçante du site de sortie du cathéter est également recommandée. Enfin, une anesthésie locale de la cornée et des conjonctives est obtenue par l’instillation de tétracaïne (Tétracaïne® collyre unidose). Le site d’entrée du trocart peut être insensibilisé par une tamponnade à l’aide d’un coton-tige imbibé de lidocaïne.

Technique de pose du cathéter

Un assistant éclaire l’œil et maintient les paupières écartées. L’opérateur met sous tension la paupière inférieure (photo 2a). Le trocart, relié au cathéter, traverse la paupière inférieure le plus ventralement possible (photo 2b). Puis il est tiré jusqu’à ce que l’extrémité la plus évasée de la tubulure soit en place dans le cul-de-sac conjonctival.

Le cathéter est ensuite fixé à la peau à l’aide de “papillons” de sparadrap dont les ailettes sont suturées par des points simples ou des agrafes (photo 2c). Il convient de ne pas exercer une trop forte tension sur le cathéter lors de sa fixation.

Après avoir glissé le cathéter à la base de la crinière nattée, son extrémité munie du bouchon à membrane est fixée à l’abaisse-langue, afin que la manipulation lors des injections soit plus aisée. Finalement, le bouchon est protégé à l’aide d’une compresse.

Protocole d’utilisation du cathéter

1. Enfiler des gants.

2. Avant chaque injection, nettoyer le bouchon avec une compresse imbibée d’alcool.

3. Prélever le collyre (0,2 ml) à l’aide d’une seringue et d’une aiguille stériles, puis l’injecter très lentement. Si la quantité injectée dépasse 0,4 ml en une fois, le produit s’écoule en dehors de l’œil.

4. Injecter 0,5 ml d’air le plus proprement possible, très lentement, pour vidanger complètement la tubulure après chaque injection de collyre.

5. Recouvrir le bouchon avec une compresse après chaque utilisation, et le remplacer par un neuf une fois par jour.

6. Si plusieurs collyres sont à injecter, espacer les injections d’au moins 10 minutes et répéter les étapes 3 et 4.

Astuces pratiques

– Identifier les seringues avec des étiquettes ou du scotch de couleur afin de faciliter les soins lors de l’administration de plusieurs traitements.

– Remettre au soigneur du cheval une feuille de traitement vierge, sous la forme d’une grille avec des cases à cocher (envoyée par e-mail ou préimprimée), afin de clarifier le schéma thérapeutique.

– Mettre en place un renforcement positif (carottes, friandises, etc.) à chaque utilisation du cathéter.

Protocole de retrait

Selon le tempérament du cheval, il est parfois nécessaire de le tranquilliser. De plus, l’administration d’un α2-agoniste facilite le retrait du cathéter, car la tête du cheval est alors plus basse, ce qui permet une meilleure visualisation.

Une anesthésie locale de la cornée est réalisée avec de la tétracaïne (Tétracaïne® collyre unidose), associée parfois à une anesthésie du nerf auriculo-palpébral. Les “papillons” de sparadrap appliqués pour fixer le cathéter sont retirés.

La paupière inférieure et le cathéter sont désinfectés avec de la povidone iodée diluée à 0,2 % (photo 3a).

Ce dernier est coupé à une distance de 8 à 10 cm de l’œil et ensuite repoussé délicatement (photo 3b). Lorsque l’extrémité la plus évasée de la tubulure est bien visible entre la paupière inférieure et la cornée, elle est saisie avec une petite pince atraumatique (photos 3c).

Complications possibles

Un abcès palpébral peut se former à la suite de la mise en place d’un cathéter sous-palpébral. Il convient de surveiller le point de sortie du cathéter et l’aspect de la paupière pendant toute la durée de pose du dispositif.

Un ulcère cornéen par frottement du cathéter est une autre complication possible. En cas de signes de douleur oculaire, la réalisation d’un test à la fluorescéine permet d’évaluer notamment la zone de la cornée qui se trouve en regard du cathéter.

Un enkystement du cathéter dans la conjonctive palpébrale peut également survenir, ce qui entraîne une obstruction de ce dernier et empêche son retrait classique. Il est alors nécessaire de disséquer la conjonctive en regard du cathéter enfoui. Cette complication est néanmoins plus fréquente lorsque le cathéter est placé dans le cul-de-sac conjonctival supérieur.

Il est possible de limiter les risques iatrogènes en utilisant un masque de protection, une capuche en nylon couvrant la tête et le cou, ainsi qu’en éliminant de l’environnement tout élément dangereux.

CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN

ENCADRÉ : MATÉRIEL POUR LA POSE D’UN CATHÉTER SOUS-PALPÉBRAL

La mise en place et la fixation du cathéter nécessitent :

– un kit de pose sous-palpébrale (trocart, cathéter et bouchon à membrane) ;

– une pince mousse ;

– un abaisse-langue ;

– des cotons-tiges stériles ;

– un scrub ;

– de la povidone iodée diluée à 0,2 % (Vétédine® solution) ;

– de la lidocaïne injectable ;

– un collyre d’anesthésique local (Tétracaïne® 1 % collyre unidose) ;

– des aiguilles et des seringues pour bloc et sédation ;

– du sparadrap ;

– un fil non résorbable monté sur une aiguille droite ;

– un porte-aiguille, une paire de ciseaux et une pince à dents.

En savoir plus

– Carslake HB. Should I place a subpalpebral lavage system in the upper or lower eyelid? Equine Vet. Educ. 2019;31:335-336.

– Dwyer AE. How to insert and manage a subpalpebral lavage system. AAEP annual convention proceedings, Nashville. 2013;59:164-173.

https://aaep.org/sites/default/files/issues/OphthalDwyer.pdf

– Launois T, Desbrosse AM. Mise en place, retrait et complications du cathéter sous-palpébral. Prat. Vét. Equine. 2011;43 (169).

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