NUTRITION
Cahier pratique
Fiche d’analyse
Auteur(s) : Thibault Frippiat
Fonctions : Equine Sports Medicine,
Laren (Pays-Bas)
Dans le cadre du soutien au tractus gastro-intestinal, de nombreux compléments alimentaires sont disponibles commercialement. Cette fiche pratique traite des connaissances publiées relatives aux ingrédients utilisés dans les compléments alimentaires pour chevaux dont l’objectif est la prévention ou le traitement des ulcères gastriques et le soutien de la fonction intestinale. Dans cette présentation, il est présumé que la ration des chevaux est correctement établie. Les ingrédients sont discutés préférentiellement de manière individuelle, alors qu’ils sont le plus souvent combinés dans les compléments alimentaires.
La pectine est un hétéropolysaccharide contenu dans les parois cellulaires des plantes terrestres. Son composant principal est l’acide galacturonique, un sucre acide dérivé du galactose. La lécithine, ou phosphatidylcholine, est quant à elle un lipide de la classe des phosphoglycérides.
La complémentation du complexe pectine/lécithine a été largement étudiée pour la prévention ou le traitement des ulcères gastriques chez le cheval, avec des résultats contradictoires. Des études montrent l’absence d’effet, tandis que d’autres concluent à l’existence d’une action potentielle [9, 21, 25, 28, 31].
L’Aloe vera est une espèce d’aloès, une plante vivace cultivée principalement dans la région méditerranéenne et en Afrique du Nord (photo 1). Utilisé depuis l’Antiquité, l’Aloe vera a été adopté par les médecines traditionnelles dans de nombreuses régions du monde.
Des effets anti-inflammatoires, ainsi qu’une stimulation de la guérison de la muqueuse gastrique après l’induction d’ulcères, sont rapportés chez le rat après un traitement avec l’Aloe vera [8]. Chez le cheval, une étude compare l’action de l’Aloe vera à celle de l’oméprazole, un inhibiteur de la pompe à protons régulièrement prescrit pour traiter les ulcères gastriques [4]. Un effet positif sur les ulcères de la muqueuse squameuse est observé, néanmoins l’absence d’un groupe contrôle ne permet pas d’attribuer l’amélioration à l’administration du traitement. De plus, l’effet constaté s’est révélé bien inférieur à celui induit par l’oméprazole.
Chez l’homme, des propriétés antibactériennes contre Helicobacter pylori, une bactérie ulcérogène, sont attribuées à l’Aloe vera [5]. Cette association entre H. pylori et les ulcères gastriques n’est actuellement pas démontrée chez les équidés [15].
Lithothamnion corallioides est une espèce d’algues rouges de la famille des Lithothamniacées. La complémentation en Lithothamnion est fondée sur sa forte teneur en calcium, un tampon pour l’acidité du contenu gastrique. Aucun effet n’a été observé chez le rat [1]. En revanche, une étude chez le cheval montre un effet tampon 2 heures après son administration [16].
L’argousier (Hippophae rhamnoides) est une espèce d’arbrisseau de la famille des Éléagnacées, originaire des zones tempérées d’Europe et d’Asie (photo 2). Ses baies et sa pulpe sont riches en vitamines, oligo-éléments, acides aminés, antioxydants et autres substances bioactives. Chez le rat, les baies d’argousier ont montré un effet positif sur la prévention et le traitement des ulcères de la région gastrique glandulaire [32]. Chez le cheval, la complémentation en baies d’argousier a eu un effet préventif significatif lors d’ulcères gastriques de la partie glandulaire. En revanche, aucune amélioration n’a été mise en évidence lors du traitement d’ulcères gastriques de la région squameuse [14].
Les prébiotiques et les probiotiques trouvent de plus en plus souvent leur place dans l’arsenal de compléments alimentaires chez le cheval. L’une des principales indications est la restauration d’une flore intestinale physiologique après une dysbactériose, par exemple engendrée par une antibiothérapie systémique ou par un stress dû au transport, une période de jeûne ou une anesthésie [6, 27]. Les deux produits sont souvent administrés ensemble. Ils n’ont pourtant rien à voir l’un avec l’autre du point de vue biologique, les uns servant à renforcer les autres : les probiotiques sont des bactéries ou des levures vivantes, tandis que les prébiotiques sont des nutriments pour les probiotiques.
Saccharomyces boulardii est une souche tropicale de levure notamment utilisée chez
l’homme comme antidiarrhéique. Cette levure n’est pas présente physiologiquement chez le cheval, et ne colonise pas le tractus gastro-intestinal après son administration. Sa complémentation entraîne une diminution significative de la sévérité et de la durée des signes cliniques chez des chevaux atteints d’entérocolite aiguë [7]. En revanche, aucun effet n’a été mis en évidence dans des cas de diarrhée induite par une antibiothérapie chez le cheval [3].
Les butyrates comprennent les sels et les éthers de l’acide butyrique, un acide carboxylique saturé produit de manière naturelle par le microbiote intestinal. Ils sont utilisés par la muqueuse intestinale comme nutriments et agents immunostimulants in situ [17]. Le rôle et l’importance du butyrate dans l’intestin ne sont pas entièrement élucidés. Il est par exemple suggéré qu’une dysbactériose engendre un épuisement en butyrate au niveau des intestins, à son tour responsable de l’endommagement ou du dysfonctionnement de la barrière épithéliale intestinale. Chez l’homme, la complémentation en butyrate s’est révélée efficace pour juguler les signes d’inflammation chez des patients atteints de colite ulcéreuse [26]. Chez le cheval, une étude in vitro montre que le butyrate n’a pas d’effet sur l’épithélium intestinal [24]. Ces résultats sont confirmés par une étude in vivo, où la complémentation en butyrate n’a pas influencé l’intégrité de l’épithélium intestinal [29].
Le psyllium est le nom commun utilisé pour plusieurs membres du genre Plantago de la famille des Plantaginacées. Il convient de distinguer le psyllium blond ou ispaghul (Plantago ovata) du psyllium de Provence (Plantago afra). Dans cette présentation, la dénomination psyllium fait référence à l’ispaghul, une espèce de plantain originaire des régions désertiques de l’Afrique du Nord, de l’Asie du Sud-Ouest et du sud-ouest des États-Unis (photo 3).
Le psyllium est utilisé chez le cheval pour son effet supposé d’extracteur du sable intestinal, déduit de son action laxative chez l’homme [19]. Plusieurs études, menées pour évaluer son rôle lors de sablose intestinale équine, ont abouti à des résultats contradictoires. Si aucun effet du psyllium n’a été noté sur du sable placé chirurgicalement dans les intestins, l’action d’un complément à base de psyllium et de prébiotiques/probiotiques a en revanche été observée lorsque celui-ci était utilisé de manière préventive [10, 18].
Cependant, d’après une étude menée en 2020 avec un groupe contrôle, cet effet ne serait pas significatif [11]. L’association du psyllium au sulfate de magnésium a en revanche montré un intérêt lors du traitement d’une sablose intestinale chez 34 chevaux [22].
Cependant, la complémentation en psyllium n’est pas sans risque d’effets secondaires. Ainsi, un cas clinique rapporte la formation de deux bézoards (au niveau de l’antre pylorique et du duodénum) ayant entraîné une rupture de la paroi gastrique chez un cheval en coliques [2]. Par ailleurs, la complémentation en psyllium est associée à des changements temporaires au niveau du microbiote fécal équin [20].
Les smectites sont des minéraux argileux. La di-tri-octahedral (DTO) smectite a montré des effets in vitro sur la neutralisation des toxines clostridiennes chez le cheval [30]. Chez l’homme, la DTO smectite présente un intérêt pour le traitement de la diarrhée [13]. Le mécanisme n’est pas totalement élucidé, mais il s’agirait d’une réduction des lésions de l’épithélium intestinal par les bactéries pathogènes [23]. Chez le cheval, cet effet a également été observé in vivo avec une diminution significative des cas de diarrhée postopératoire [12].
CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN