Analgésie multimodale chez le cheval

Rubor, calor, tumor, dolor : les signes de l’inflammation sont observés quotidiennement en pratique équine et expliquent pourquoi la classe des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) reste incontournable dans la prise en charge de la douleur en première intention. Si l’inflammation est un processus nécessaire à la cicatrisation d’un tissu traumatisé, l’intensité de ses signes, en particulier de la douleur, a un retentissement général qui peut être disproportionné et nécessite une intervention thérapeutique. Les AINS diminuent la douleur in situ grâce à un effet local, mais certains ont aussi un effet central au niveau de la moelle épinière et de l’encéphale, ce qui explique par exemple l’effet antipyrétique. Lors de processus douloureux, incluant une sensibilisation centrale des voies de la douleur, ces derniers sont plus efficaces que les AINS qui ne traversent pas la barrière hématoméningée.

Dans ce dossier de Pratique vétérinaire équine, le premier article fait une mise au point sur les effets des AINS et leurs modes d’utilisation, tout en abordant le sujet à travers des questions pratiques : quelle voie d’administration ? Quelle dose ? Comment limiter l’apparition d’effets secondaires ? Que faire lors d’un échec thérapeutique ?

Cette dernière question permet d’introduire le concept de l’analgésie multimodale ou balancée, d’après l’expression balanced analgesia en anglais, qui serait mieux traduite par la désignation “analgésie équilibrée” pour illustrer l’équilibre entre les effets recherchés et secondaires, entre les cibles d’action sur les voies de la douleur, entre les traitements de l’impact physique et psychique de la douleur. Cette stratégie thérapeutique vise à associer des classes d’analgésiques aux mécanismes et sites d’action différents et complémentaires. Ils agissent alors sur l’ensemble des voies de la douleur, aussi bien au niveau du site de la nociception et sur les nerfs afférents qui remontent l’information vers la moelle épinière que sur les centres de modulation et d’intégration de la nociception. L’effet recherché est une synergie diminuant l’intensité de la douleur physique, ainsi que le ressenti émotionnel négatif associé. Ce principe thérapeutique est utilisé depuis plusieurs dizaines d’années lors de la mise en place de la sédanalgésie pour la réalisation d’actes et de procédures invasives sur cheval debout.

L’évolution de la médecine vétérinaire, les attentes sociétales en matière de soins poussés de haute qualité et l’intégration de plus en plus courante des animaux de compagnie (dont les chevaux) dans la cellule familiale incitent les praticiens à disposer, dans leur arsenal thérapeutique, des moyens de traiter des douleurs intenses et/ou prolongées en phase postopératoire et post-traumatique ou encore lors de maladies chroniques ayant une composante douloureuse marquée. L’abord thérapeutique multimodal de l’analgésie répond à ce cahier des charges. Le deuxième article du dossier expose les principes thérapeutiques de cette approche, détaille les options disponibles lors d’hospitalisation ou sur le terrain et illustre à partir de cas cliniques la mise en place du traitement. Il est suivi de la présentation d’un cas d’arthrite septique du grasset compliquée d’une fourbure qui permet de mettre en perspective l’intégration de l’analgésie dans la gestion globale de l’animal atteint d’une affection invalidante, et de montrer la synergie des effets entre le traitement étiologique de l’affection à l’origine de la douleur et le traitement symptomatique palliatif de cette douleur.

Nous vous souhaitons une bonne lecture, en espérant que nos présentations explicatives des mécanismes physiopathologiques et des modes d’action, couplées aux exemples d’application pratique, résonneront avec votre quotidien et vous permettront de visualiser comment optimiser l’analgésie selon les conditions de terrain.