Prise en charge des endométrites bactériennes chez la jument - Pratique Vétérinaire Equine n° 209 du 01/01/2021
Pratique Vétérinaire Equine n° 209 du 01/01/2021

REPRODUCTION

Cahier scientifique

Conduite à tenir

Auteur(s) : Sylvie Chastant*, Marie-Anne Campistron**, Jean-François Bruyas***

Fonctions :
*Unité de reproduction,
ENV de Toulouse,
23 chemin des Capelles,
31300 Toulouse
**Unité de reproduction,
ENV de Toulouse,
23 chemin des Capelles,
31300 Toulouse
***Unité pédagogique
de pathologie
et de biotechnologies
de la reproduction,
Oniris, 101 route de Gachet,
44300 Nantes

Si le diagnostic est établi essentiellement via l’examen cytologique, le choix du type de prélèvement est fondamental. Le traitement repose en première intention sur des lavages utérins associés à l’administration d’une molécule utérotonique, sans le recours à une antibiothérapie d’emblée.

Les inflammations utérines de la jument sont de sept types : métrite puerpérale, pyomètre, endométrite dégénérative chronique (endométrose), endométrite à transmission vénérienne, endométrite persistante postsaillie, endométrite d’évolution chronique et endométrite subclinique [8]. C’est aux deux dernières que s’est intéressée l’étude de Campistron en 2016 [4]. Les agents pathogènes banals associés au développement d’une inflammation sont des causes fréquentes d’infertilité, qui font de l’endométrite infectieuse une préoccupation courante des vétérinaires équins [13]. L’implication d’agents infectieux questionne le choix de la stratégie thérapeutique dans le contexte de l’usage raisonné des antibiotiques. En 2015, une enquête(1) a été menée en France auprès des vétérinaires équins afin de connaître les modalités de diagnostic et de traitement des endométrites chroniques chez la jument sur le terrain (encadré 1 et figure 1). La situation a pu évoluer depuis, notamment du fait des injonctions des plans ÉcoAntibio, et le petit nombre de réponses recueillies (53) ne prétend pas à une représentativité de l’ensemble des praticiens français. Néanmoins, les résultats de cette enquête sont commentés dans cet article à la lumière des recommandations actuelles de prise en charge de l’endométrite d’évolution chronique chez la jument. Une conduite à tenir est proposée (encadrés 2 et 3).

Diagnostic de l’endométrite

Circonstances

Pour la plupart des vétérinaires qui ont participé à l’enquête, une endométrite bactérienne est principalement recherchée lors de la prise en charge d’une infertilité (75 % des réponses) et en cas d’avortement (10 %). Les situations mineures sont la présence de signes cliniques (12 %) ou une jument âgée (4 %).

Démarche diagnostique

Selon les réponses recueillies, le diagnostic repose toujours sur l’examen échographique, avec la mise en évidence de liquide intra-utérin ou d’un œdème endométrial (tableau et photo 1). En effet, l’accumulation intra-utérine de liquide en dehors de l’œstrus est un signe fortement évocateur, même s’il n’est pas systématique, de la présence d’une endométrite [2, 5, 7, 8]. Un col hyperémique et des écoulements vulvaires sont moins fréquents. L’examen vaginal vient ensuite, avec l’observation de la conformation vaginale, la recherche de lésions cervicales, sans oublier de vérifier l’herméticité de l’anneau vestibulaire en écartant fortement les lèvres vulvaires.

Seuls 40 % des vétérinaires interrogés déclarent réaliser un examen cytologique de façon systématique, et près de la moitié d’entre eux ont systématiquement recours à l’examen bactériologique. Néanmoins, c’est l’examen cytologique (recherche de granulocytes neutrophiles indiquant une inflammation) qui permet d’établir le diagnostic [3, 8, 11]. Il prime même sur le résultat de l’examen bactériologique, qui produit une forte proportion de faux négatifs, voire de faux positifs en cas de contamination accidentelle. Il permet de dépister des endométrites à l’évolution subclinique (c’est-à-dire sans autre signe clinique que l’infertilité), en particulier sans accumulation de liquide dans la lumière utérine ni écoulement vulvaire.

Examen cytologique

Les praticiens effectuent les prélèvements en vue de l’examen cytologique, par ordre décroissant de fréquence, via des lavages utérins, un écouvillon en coton, une biopsie utérine et enfin une cytobrosse (figure 2). La biopsie utérine n’est pratiquée que par moins d’un quart des vétérinaires interrogés. En plus d’être une technique plus invasive et dont l’obtention des résultats nécessite un délai, la biopsie utérine est surtout intéressante pour le diagnostic de l’endométrite dégénérative chronique, grâce à une analyse du tissu dans son épaisseur, tandis que la cytologie est indiquée pour celui de l’endométrite infectieuse, puisqu’elle témoigne d’une inflammation superficielle [7]. Lors d’évolution de la phase cellulaire de l’inflammation, l’infiltration leucocytaire prédomine sur les lames histologiques des biopsies de l’endomètre, masquant en partie les éventuelles lésions dégénératives chroniques. Quoi qu’il en soit, si les deux types d’atteintes sont présentes (lésions dégénératives et infiltration leucocytaire), le laboratoire conclut à la présence d’une endométrite aiguë (au sens histologique), une information qui aurait été obtenue plus facilement par l’examen cytologique. Paradoxalement, bien que plus indiquée, la cytobrosse est le matériel le moins souvent utilisé (14 % des praticiens). Elle permet pourtant un prélèvement de bien meilleure qualité diagnostique que l’écouvillon, choisi par 30 % des vétérinaires pour l’examen cytologique [5]. L’usage de l’écouvillon est en effet à réserver à la collecte d’échantillons dans le cadre du dépistage systématique de Taylorella equigenitalis. Les prélèvements réalisés par des écouvillons donnent lieu à de nombreux faux négatifs, en cytologie comme en bactériologie [7, 9].

Examen bactériologique

L’enquête montre qu’à une large majorité (70 %), les praticiens utilisent un écouvillon en coton pour l’examen bactériologique, moins fréquemment les liquides récupérés via le lavage utérin (figure 3). Et pourtant, classés par ordre décroissant de sensibilité en vue de cette analyse figurent la biopsie utérine, le lavage utérin de gros volume, le lavage de faible volume, la cytobrosse, et enfin l’écouvillon de coton [11]. Bien que l’écouvillon soit l’instrument spécifiquement conçu pour ce prélèvement, il reste peu fiable, avec une sensibilité de 35 % et une valeur prédictive négative (probabilité qu’un résultat négatif corresponde effectivement à une jument indemne d’endométrite) de 45 %. Par comparaison, la sensibilité de la mise en culture d’une biopsie est de 80 % avec une valeur prédictive négative de 65 % [3, 8]. Il conviendrait donc de prohiber l’usage de l’écouvillon pour l’examen bactériologique et de privilégier la cytobrosse ou les lavages utérins, qui permettent d’obtenir les échantillons de meilleure valeur diagnostique (en dehors de la biopsie utérine). Or la cytobrosse, les lavages utérins et la biopsie se sont révélés très peu utilisés sur le terrain.

Au total, la cytobrosse permet donc d’obtenir des échantillons de bonne valeur diagnostique pour les deux types d’examen (bactériologique et cytologique). Deux cytobrosses distinctes sont habituellement utilisées (une par type d’examen) et celle qui est destinée à l’examen bactériologique doit être manipulée de façon stérile. L’usage d’une seule cytobrosse pour les deux types d’examen est possible, mais complexe [6]. Un lavage utérin de faible volume (60 à 200 ml) peut également être divisé en deux et servir aux deux examens [7]. Les bactéries les plus fréquemment isolées en France sont le streptocoque ß-hémolytique (entre 24 et 33 % des cas selon le laboratoire), essentiellement S. equi subsp. zooepidemicus. Escherichia coli, Klebsiella et Enterobacter sont retrouvés dans des proportions très variables (5 à 33 %), et Pseudomomonas spp. dans 5 à 10 % des cas [3]. Compte tenu des 72 à 96 heures nécessaires pour obtenir le résultat de l’analyse bactériologique et l’antibiogramme, le traitement est à mettre en place sans attendre, d’autant plus que le recours aux antibiotiques n’est finalement pas recommandé actuellement en première intention [1, 11].

Traitement

Le lavage utérin est le traitement le plus souvent mis en place en cas d’endométrite par les vétérinaires qui ont répondu à l’enquête (n = 50), même s’il n’est mis en œuvre systématiquement que par 74 % d’entre eux et fréquemment par seulement 22 %. De plus, une antibiothérapie intra-utérine est appliquée de façon systématique par 48 % des praticiens interrogés, et fréquemment par 28 % d’entre eux.

Comme indiqué dans le consensus formalisé par l’Association vétérinaire équine française en 2014, « le recours aux antibiotiques ne doit pas être systématique » et plus spécifiquement, en cas d’endométrite, « le traitement passe avant tout par la réalisation de lavages utérins sans adjonction d’antibiotique » [1]. Le traitement de référence est la répétition des lavages utérins, à base de Ringer lactate de préférence, de NaCl à 0,9 %, voire d’eau distillée, jusqu’au retour d’un liquide limpide (photo 2). Les lavages sont systématiquement complétés par un traitement adjuvant utérokinétique. L’intérêt du lavage utérin est d’éliminer les produits de l’inflammation et les agents pathogènes contenus dans la cavité utérine, de stimuler les contractions utérines et la diapédèse leucocytaire. Ils permettent également d’observer le contenu utérin, pour le suivi de l’efficacité du traitement. Une réflexion pharmacocinétique conduit à ne pas encourager l’ajout d’un antibiotique dans ces liquides de lavage, puisque le temps de contact entre les bactéries intra-utérines et l’antibiotique du liquide injecté, et immédiatement siphonné, est très court. Quant à une antibiothérapie par voie générale, elle est difficilement justifiable dans la mesure où les bactéries sont principalement situées dans la partie la plus superficielle de l’endomètre [11].

Lavages utérins

Avec quoi et sous quel volume ?

Les lavages utérins réalisés par les participants à l’enquête sont à base de NaCl stérile (55 % des cas) ou de Ringer lactate (37 %), avec un volume de l’ordre de 1 à 2 litres (figure 4 complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr).

Les recommandations sont l’instillation puis la collecte par gravité de bolus de 1 litre de liquide, qu’il est souvent nécessaire de répéter de 5 à 20 fois. Les volumes inférieurs à 500 ml, utilisés par moins de 6 % des praticiens, se rapprochent plutôt de ceux requis pour les lavages à visée diagnostique.

Seuls 41 % des vétérinaires interrogés n’ajoutent aucun produit à la solution saline. Les autres y incorporent des antibiotiques (pour 33 % des praticiens), de la povidone iodée (49 %) ou de la chlorhexidine (12 %). L’ajout d’un antibiotique pour le traitement des endométrites, au moins en première intention et de surcroît s’il est administré via les liquides de lavage, est déconseillé dans le cadre de l’usage raisonné de ces molécules [1, 11]. Quant aux antiseptiques, leur dilution doit être importante, car ces produits sont irritants pour l’endomètre et il importe de choisir la forme galénique adaptée. La povidone iodée s’utilise à des dilutions de l’ordre de 0,01 à 0,1 % (1 à 10 ml/l de la présentation commerciale Vétédine® solution) et la chlorhexidine à une dilution de 0,02 à 0,05 % d’une solution formulée pour l’irrigation, et non de la présentation pour usage externe (1 à 2,5 ml/l de la présentation commerciale Hibitane® irrigation) [3, 11]. Ni les antibiotiques, ni les antiseptiques n’ont d’intérêt dans les premiers bolus de lavage en raison du faible temps de contact avec l’endomètre. Lors du dernier lavage, il est possible de laisser 200 ml de la solution à base de chlorhexidine in utero. À l’inverse, l’infusion des solutions à base d’iode devrait être suivie d’un lavage au NaCl pur pour limiter leur effet irritant. L’action positive des lavages serait davantage liée à l’effet d’élimination des biofilms des agents pathogènes et des produits de l’inflammation (effet chasse d’eau ou dilution) qu’à une action antibactérienne directe.

Combien de fois et jusqu’à quand ?

Seuls 16 % des vétérinaires ayant répondu réalisent un nombre fixe de bolus (entre 1 et 3) au cours d’une séance de lavage. La plupart d’entre eux (84 %) continuent les bolus jusqu’à ce que le liquide récolté soit clair, un critère largement retenu dans les données publiées. Les séances de lavage sont répétées plusieurs fois jusqu’à la guérison, ou lorsque la jument n’est plus en chaleur (figure 5 complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr).

Traitement utérotonique

La totalité des vétérinaires interrogés mettent en place un traitement utérotonique : 94 % d’entre eux ont recours à l’ocytocine, 14 % à des prostaglandines F2α et 12 % à la carbétocine (n = 49, plusieurs réponses possibles). Le défaut de clairance des fluides utérins est en effet attribué à une motricité utérine trop faible et les molécules utérotoniques complètent l’effet de chasse des lavages utérins [8, 11]. L’effet utérotonique de l’ocytocine se manifeste quel que soit le stade du cycle œstral. Il est obtenu très rapidement, c’est-à-dire simultanément à l’injection lors d’administration intraveineuse, ou en quelques minutes après l’administration intramusculaire. Des doses de 10 à 15 UI sont conseillées car, au-delà de 25 UI, une diminution de la fréquence et de l’amplitude des contractions induites est constatée. Compte tenu de la courte durée de vie de l’ocytocine, l’injection devrait être renouvelée toutes les 8 ou 12 heures. Les données disponibles chez la jument concernant la carbétocine, un analogue de l’ocytocine censé présenter une demi-vie plus longue, sont rares et suggèrent que la demi-vie de cette molécule est finalement peu supérieure à celle de l’ocytocine. En outre, aucune dose n’est définie pour l’espèce équine. Quant aux prostaglandines F2α, toutes les molécules ne présentent pas d’effet utérotonique chez la jument. Le dinoprost et le cloprosténol ont une action moins rapide, mais de plus longue durée que celle obtenue avec l’ocytocine. Néanmoins, leur intérêt dans le traitement de l’endométrite infectieuse n’est pas clairement démontré.

Antibiothérapie intra-utérine

En cas d’antibiothérapie, la voie intrautérine est à privilégier sur la voie systémique, car elle permet de dépasser très largement les concentrations minimales inhibitrices (CMI) des bactéries responsables d’une endométrite [11]. Les spécialités antibiotiques destinées à l’administration systémique sont le plus largement utilisées. Très majoritairement, il s’agit de spécialités ayant une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour l’espèce équine (figure 6). Un tiers des vétérinaires utilisent une spécialité destinée à être injectée par voie intra-utérine avec une AMM bovine, mais aucun n’a recours à une spécialité destinée à l’usage intramammaire.

Le volume dans lequel l’antibiotique doit être administré est un compromis entre la nécessité que toute la surface endométriale puisse être en contact avec ce dernier et celle de ne pas distendre exagérément l’utérus, ce qui entraînerait des contractions utérines conduisant à l’expulsion rapide de l’antibiotique injecté (200 ml de liquide sont éliminés par les contractions utérines en 10 à 30 minutes). La fourchette recommandée se situe entre 60 et 200 ml [3, 11]. Les suspensions intrautérines adaptées aux bovins se présentent alors sous des volumes probablement insuffisants (20 ml) et, de plus, pourraient être source d’intolérances locales en raison de leurs excipients huileux, qui persistent longtemps dans l’utérus [3]. Parmi les antibiotiques choisis par les praticiens en 2015, ceux dits critiques sont largement représentés : le ceftiofur arrive en tête (77 % des réponses), suivi dans une moindre mesure par les quinolones (enrofloxacine et marbofloxacine utilisées par environ 15 % des praticiens). Le recours à la gentamicine est également fréquent (61 % des réponses).

Au regard de la réglementation, les antibiotiques critiques ne devraient être utilisés qu’à la lumière des résultats de l’antibiogramme, donc 3 à 4 jours après la réalisation du prélèvement et uniquement en l’absence d’amélioration à la suite des lavages utérins effectués dans l’attente du résultat. L’enquête n’a pas interrogé les praticiens sur ce point. Un bilan des résistances bactériennes aux antibiotiques dans l’espèce équine (avec une large prédominance des prélèvements génitaux) montre que les comportements des différentes familles bactériennes isolées des utérus de jument en France diffèrent. Les streptocoques ne présentent pas de résistance aux ß-lactamines et aux aminosides à forte concentration, 15 % des souches de Klebsiella sont résistantes aux sulfamides, un tiers des souches d’E. coli sont résistantes aux pénicillines (chiffre en hausse), une même proportion aux sulfamides alors qu’elles ne sont que rarement résistantes aux aminoglycosides (entre 6 et 10 %). Quant à Enterobacter, 40 à 50 % des souches sont résistantes aux aminosides (taux en augmentation) et/ou aux sulfamides, et entre 10 à 20 % aux antibiotiques critiques (céphalo sporines et quinolones) [10]. La réalisation d’un antibiogramme avant toute administration d’antibiotique est donc indispensable. Il convient ensuite de respecter certaines précautions, comme l’adaptation des doses et les conditions de dilution, notamment pour les aminosides et les quinolones qui sont irritants pour l’endomètre. De plus, les aminosides étant inactivés par les débris organiques, il est conseillé de ne les administrer qu’après avoir réalisé des lavages utérins [3, 11].

Autres traitements intra-utérins

Entre 5 et 10 % des vétérinaires déclarent avoir parfois recours à l’administration in utero d’acide éthylène diamine tétraacétique (EDTA) ou de N-acétylcystéine, en tant qu’agents antibiofilms. En effet, comme pour d’autres affections, lors d’endométrite bactérienne équine, les bactéries formeraient un biofilm capable de limiter l’action des antibiotiques. L’existence de ces biofilms est controversée et difficile à objectiver. Par exemple, les prélèvements formolés ne permettent pas leur mise en évidence, qui nécessite notamment une fixation au liquide de Bouin [11]. Une stratégie consiste donc à détruire ce biofilm par des agents qui dégradent sa biomasse et ont, selon le type bactérien en cause, une action bactéricide sur les bactéries qui le constituent : l’EDTA dégrade les biofilms d’E. coli, Pseudomonas, Streptococcus equi et est bactéricide sur S. equi ; la N-acétylcystéine, efficace sur les biofilms d’E. coli, et bactéricide sur E. coli et Pseudomonas, est un agent mucolytique qui contribuerait à améliorer l’efficacité de l’appareil mucociliaire de l’endomètre [11]. Comme le recours au peroxyde d’hydrogène (H202), au diméthylsulfoxyde (DMSO) ou au kérosène, l’efficacité de ces traitements adjuvants mériterait de plus amples validations [3, 12].

Traitement antibiotique et anti-inflammatoire systémique

Alors que les traitements systémiques n’ont pas prouvé leur efficacité dans la prise en charge des endométrites, la moitié des vétérinaires participants (n = 24) déclarent avoir recours à ce type de traitements, à base d’antibiotiques (54 % de ces praticiens), d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (38 %) ou de glucocorticoïdes (17 %) (figure 7). Le ceftiofur est là encore fréquemment utilisé (figure 8). Pourtant, l’administration d’antibiotiques par voie parentérale ne présente que peu d’intérêt par rapport à une administration in utero (elle-même non recommandée en première intention), ou seulement lorsque les lavages utérins ne sont pas possibles [2, 3]. Elle peut même avoir des conséquences systémiques délétères, comme l’induction d’une entérocolite. L’intérêt des anti-inflammatoires, qu’il s’agisse des corticoïdes ou des anti-inflammatoitres non stéroïdiens, n’est pas démontré dans le cas des formes infectieuses d’endométrite [9].

Conclusion

L’enquête menée fin 2015 avait mis en évidence un décalage important entre les recommandations et les procédures effectivement mises en œuvre sur le terrain pour la prise en charge des endométrites bactériennes de la jument, avec en particulier un recours anormalement fréquent aux traitements antibiotiques, notamment avec des molécules dites critiques. Menée il y a maintenant 5 ans, il serait intéressant de la reconduire, afin d’évaluer une éventuelle évolution des pratiques avec le renouvellement du plan ÉcoAntibio. La procédure de prise en charge recommandée est d’abord la confirmation du diagnostic de suspicion échographique par un examen cytologique et, secondairement, un examen bactériologique comprenant un antibiogramme. Les écouvillons mériteraient sans doute d’être remplacés par des cytobrosses. Bien qu’il s’agisse d’une maladie à composante bactérienne, le traitement de base repose sur l’évacuation du contenu utérin, avec l’administration de produits utérotoniques et la réalisation de lavages utérins quotidiens. Les séances d’irrigation sont à poursuivre quotidiennement jusqu’à la guérison (par exemple, lorsque le liquide issu du premier volume administré lors de la séance est clair ou que l’examen cytologique ne montre plus d’inflammation). Néanmoins, la guérison d’une endométrite ne garantit pas l’obtention d’une gestation par la suite. En outre, en termes de prévention, il convient d’identifier les juments qui présentent des prédispositions aux endométrites infectieuses, comme des anomalies de conformation ou des atteintes des voies génitales postérieures (vulve, vagin et col), de l’asthme (associé au développement du pneumovagin) ou encore des lésions dégénératives chroniques de l’endomètre. De même, les juments prédisposées à l’endométrite persistante postsaillie doivent être dépistées, afin de limiter l’inflammation liée à la mise à la reproduction et de l’éliminer dès les premiers jours qui suivent la saillie. Enfin, le dépistage des étalons porteurs et excréteurs d’agents pathogènes sexuellement transmissibles est également une excellente mesure préventive.

  • (1) Cette enquête a fait l’objet d’une thèse d’exercice vétérinaire. Les résultats sont disponibles en ligne [4].

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CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN

ENCADRÉ 1 : L’ENQUÊTE DE 2015

Un questionnaire de 21 questions a été mis en ligne par l’intermédiaire du site surveymonkey.com (annexe complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr). Le lien permettant d’y accéder a été envoyé par courriel à l’ensemble des praticiens vétérinaires déclarant une activité équine sur le territoire français via la liste de diffusion de l’Annuaire Roy. Entre octobre et novembre 2015, 1 026 vétérinaires ont ainsi reçu le lien, dont 522 exerçant une activité équine pure et 504 une activité mixte. Le courriel accompagnant le lien précisait clairement que l’enquête portait uniquement sur les différentes formes d’endométrite infectieuse. Au total, 53 praticiens (soit 5 % de la cible) ont participé à l’enquête.

Une majorité de réponses proviennent du grand Ouest, principale région d’élevage équin en France. Les vétérinaires équins purs et ceux déclarant une activité mixte sont représentés à parts égales au sein de l’échantillon. Pour les deux tiers des répondants, la reproduction représente une part importante de leur activité.

ÉLÉMENTS À RETENIR

→ D’après l’enquête, l’examen cytologique était beaucoup moins fréquemment pratiqué que l’examen bactériologique et l’usage de la cytobrosse beaucoup moins répandu que celui de l’écouvillon, alors que les recommandations sont d’établir le diagnostic sur la base de l’examen cytologique, réalisé avec une cytobrosse ou un lavage utérin de petit volume.

→ Le lavage utérin, le traitement utérotonique et l’antibiothérapie intra-utérine étaient les bases de la prise en charge par les praticiens.

→ Le recours aux antibiotiques (y compris aux molécules dites critiques) était fréquent, in utero comme par voie systémique, alors qu’il n’est pas reconnu comme nécessaire.

ENCADRÉ 2 : DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE FACE À UNE SUSPICION D’ENDOMÉTRITE INFECTIEUSE ÉQUINE

→ La suspicion résulte de commémoratifs d’infertilité, de la présence de liquide in utero et/ou d’écoulements vaginaux. Des anomalies de conformation de l’appareil génital postérieur (vulve, vagin, col) sont également notées.

→ Le prélèvement en vue d’un examen bactériologique (mise en culture et antibiogramme) est réalisé en premier lieu à partir d’un lavage utérin de grand ou petit volume, ou d’une cytobrosse. Les données obtenues seront exploitées en cas d’échec du traitement par le lavage utérin.

→ L’établissement du diagnostic repose sur l’examen cytologique (présence d’une inflammation) réalisé sur un prélèvement effectué à partir d’un lavage utérin de petit volume ou d’une cytobrosse (en général différente et successive par rapport à celle utilisée pour l’examen bactériologique). La procédure récemment proposée, qui consiste à utiliser une même cytobrosse d’abord roulée sur une lame stérile puis plongée dans un tube de NaCl stérile, mériterait d’être évaluée sur le terrain [6]. Le comptage des neutrophiles est réalisé sur 30 champs au grossissement × 400. Si plus de 10 neutrophiles sont observés au total, la jument est considérée comme atteinte d’endométrite infectieuse ; en dessous de trois neutrophiles, elle est déclarée indemne. Entre ces deux chiffres, elle est qualifiée de douteuse.

ENCADRÉ 3 : DÉMARCHE THÉRAPEUTIQUE FACE À UNE ENDOMÉTRITE INFE CTIEUSE ÉQUINE

En première intention

→ Le traitement est fondé sur la réalisation de lavages utérins à base de NaCl à 0,9 % ou de ringer lactate stériles : un bolus de 1 litre est instillé et collecté par gravité, puis les bolus sont répétés jusqu’au retour d’un liquide clair, aussi translucide que le soluté injecté. Habituellement, 5 bolus sont nécessaires, mais ce nombre peut être dépassé sans problème (parfois jusqu’à 20). Si le liquide injecté contient un antiseptique iodé, parfois irritant, les lavages doivent être stoppés avant tout saignement.

→ Un dernier bolus peut alors être additionné de chlorhexidine en présentation pour irrigation (à 20 %) à une dilution au 1/2000e (soit 2,5 ml par litre). L’usage de la solution pour usage externe, dont l’excipient est irritant, est à proscrire. Si 1 litre de ce volume antiseptique est injecté, seulement 800 ml sont ensuite collectés. Le reste (200 ml) correspond au volume estimé de la cavité utérine.

→ Un traitement utérotonique (ocytocine à la dose de 10 à 15 UI) est réalisé chaque jour à la fin des lavages et répété toutes les 8 ou 12 heures (même s’il est possible de s’interroger quant aux conséquences de cette injection sur une éventuelle réduction du temps de contact). Si la durée de persistance de l’antiseptique in utero dans ces conditions n’est pas connue, du liquide est souvent encore présent le lendemain, au début de la mise en œuvre des lavages.

→ Cette procédure de lavages utérins est répétée une fois par jour jusqu’à l’obtention d’un liquide clair dès le premier bolus.

En seconde intention

→ En cas d’échec après 7 jours de traitement (le premier bolus ne revient pas clair), le recours à un traitement antibiotique intra-utérin est possible. Les traitements systémiques ne présentent pas d’efficacité [11].

→ La nature de l’antibiotique est théoriquement choisie sur la base de l’antibiogramme et des propriétés pharmacocinétiques du médicament. Bruyas, Mangold et leurs équipes reprennent des données américaines proposant des molécules et des adaptations de posologie pour l’administration intra-utérine [3, 11]. En l’absence d’antibiogramme, par défaut, il est possible d’administrer une pénicilline (en solution, disponible en médecine humaine), de l’ampicilline (en solution, facilement disponible) ou de la gentamicine.

→ L’antibiotique est administré in utero après un lavagesiphonage (1 litre de ringer lactate). il doit être utilisé en solution (toute suspension, dont les excipients sont irritants pour l’endomètre, est à proscrire) et sous un volume de 60 ml au minimum et jusqu’à 200 ml. Le plus souvent, l’administration in utero de la dose qui serait injectée par voie générale (diluée si nécessaire dans du ringer lactate ou du NaCl) permet, en première approximation, d’atteindre des concentrations supérieures aux concentrations minimales inhibitrices.

→ Un traitement utérotonique est administré, sans que son effet sur le temps de contact de l’antibiotique soit connu.

→ Le traitement est renouvelé quotidiennement pendant 5 jours.

→ Après guérison de l’épisode d’endométrite, les anomalies de conformation génitale sont corrigées, le cas échéant. La correction ne peut avoir lieu avant les séances de lavage en raison de la plaie qui en résulte.

→ Une biopsie endométriale est conseillée 3 à 4 semaines après la fin du traitement afin de détecter la présence éventuelle de lésions de dégénérescence chronique (endométrose) et de préciser le pronostic en termes de fertilité. Elle n’est pas réalisée avant la mise en œuvre des traitements, car l’existence d’une inflammation aiguë empêche la bonne interprétation des lésions dégénératives chroniques qui peuvent ensuite remettre en cause ce pronostic.

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier les praticiens qui ont pris le temps de partager leurs pratiques en répondant à l’enquête, ainsi que les éditions du Point Vétérinaire pour avoir relayé le lien internet.

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