Pathologie rénale : terminologie à adopter et analyses à réaliser chez le cheval - Pratique Vétérinaire Equine n° 208 du 01/10/2020
Pratique Vétérinaire Equine n° 208 du 01/10/2020

MÉDECINE INTERNE

Cahier scientifique

Article de synthèse

Auteur(s) : Anne Couroucé

Fonctions : Dipl. ECEIM
Unité de nutrition, physiopathologie et pharmacologie
d’Oniris (NP3)
Centre international de santé du cheval d’Oniris
(Cisco)
Site de la chantrerie
101, route de Gachet
44307 nantes Cedex 3
anne.courouce@oniris-nantes.frS

La combinaison de plusieurs analyses, sanguines et urinaires, et la prise en compte de différents facteurs sont nécessaires afin de diagnostiquer et évaluer une affection rénale.

Une atteinte rénale peut se développer à la suite d’une baisse du flux sanguin au niveau du rein, d’une diminution de la filtration glomérulaire ou d’une toxicité au niveau des glomérules, des tubules ou de l’inter stitium. Les symptômes d’une affection rénale sont variables et peuvent inclure une baisse de performance, une léthargie, un appétit diminué, une perte de poids, un œdème périphérique, voire des modifications de l’urine ou de la prise de boisson (photo 1). Ces symptômes n’étant pas spécifiques, il est parfois difficile d’établir un diagnostic sur la simple base du tableau clinique. La réalisation d’analyses sanguines ou urinaires, ou la combinaison des deux, peut orienter le diagnostic et constitue le premier examen complémentaire à mettre en œuvre avant d’envisager d’autres types d’exploration comme l’échographie rénale ou vésicale, voire la biopsie rénale.

Cet article a pour objectif de préciser la nomenclature actuelle des affections rénales, afin de bien définir de quoi il est question, et d’indiquer les paramètres sanguins et urinaires qu’il est possible de mesurer en cas de suspicion d’atteinte rénale (encadré 1).

Définitions actuelles

La terminologie des affections rénales a changé récemment. Aujourd’hui, le terme “prérénale” n’est plus utilisé lors d’atteinte aiguë et réversible du flux sanguin rénal (renal blood flow, RBF), de la filtration glomérulaire (glomerular filtration rate, GFR) et du débit urinaire (urine output, UO) qui peut évoluer, ou non, vers une insuffisance rénale. Il est plutôt recommandé de parler d’atteinte rénale aiguë (ou acute kidney injury, AKI) pour évoquer une lésion subclinique ou clinique accompagnée d’une diminution brutale du RBF, du GFR et du UO (figure). Ces 15 dernières années, la définition de l’atteinte rénale aiguë a également évolué, avec un paramètre qui reste néanmoins constant et qui est l’augmentation de la créatinine sérique dans les 48 heures à 7 jours, en association avec la durée et la sévérité de l’oligurie [11]. Un article de consensus, paru en 2017, précise la définition de l’AKI et distingue la forme réversible (lors de laquelle la créatinine revient dans les normes dans les 48 heures) de la forme persistante [2]. Ce groupe de travail a également proposé une définition de l’affection rénale aiguë (acute kidney disease, AKD), lorsque l’azotémie persiste depuis 7 à 90 jours, et de l’affection rénale chronique (chronic kidney disease, CKD), lorsque l’azotémie persiste depuis plus de 90 jours. En médecine humaine, l’AKI est diagnostiquée chez 7 à 18 % des patients hospitalisés et touche environ la moitié de ceux admis en soins intensifs. Il s’agit souvent d’une complication, chez des patients atteints de sepsis ou d’affection cardiaque par exemple, qui entraîne une augmentation de la morbidité et de la durée d’hospitalisation.

Affections rénales aiguë et chronique chez le cheval

Par comparaison avec l’homme ou les petits animaux, il existe moins de données chez le cheval sur la prévalence et l’évolution des cas d’AKI, d’AKD ou de CKD. Schott et Woodie ont mené une étude, entre 1997 et 2000, chez des chevaux hospitalisés pour des raisons diverses [14]. En prenant en compte ceux affichant une valeur de créatinine au-delà de 25 mg/l, près de 20 % des chevaux ont présenté une concentration plasmatique de créatinine augmentée, ce qui ramène à une incidence annuelle d’environ 5 % des chevaux. Comme en médecine humaine, l’AKI était souvent diagnostiquée comme secondaire à une autre affection (majoritairement gastro-intestinale chez le cheval). Dans cette étude, le taux de mortalité était de 30 à 45 % chez les chevaux présentant une azotémie modérée (créatinine entre 50 et 100 mg/l à l’admission). Pour ceux affectés d’une azotémie sévère (créatinine supérieure à 100 mg/l), la mortalité était de 100 %. Dans une autre étude menée en 2006 chez 79 chevaux initialement admis pour une affection digestive, et chez lesquels deux mesures de créatinine avaient été effectuées à 72 heures d’intervalle, les chevaux présentant une azotémie persistante (26 sur 79 soit 33 %) avaient trois fois plus de risque de mourir ou d’être euthanasiés que leurs congénères dont la créatinine était revenue dans les normes au cours de ce même délai [4]. Récemment, la gradation des veterinary AKI (Vaki), établie pour les chiens, a été utilisée chez le cheval afin de déterminer la prévalence de l’AKI dans une population équine chez laquelle la créatinine a été mesurée au moins deux fois entre 24 heures et 7 jours d’hospitalisation (tableau 1) [8]. Sur 325 cas (pour la plupart des urgences digestives), 4,3 % (14 chevaux) présentaient une créatinine qui s’est normalisée pendant l’hospitalisation (valeur moyenne de 24 mg/l), alors que 14,7 % (48 chevaux) ont développé une AKI (44 une Vaki de stade 1 et 4 une Vaki de stade 2) au cours de leur hospitalisation. Pendant la même période, 3 chevaux (moins de 1 % du caseload de la clinique) étaient présentés pour l’évaluation d’une affection rénale (généralement une CKD), ce qui met en évidence une très faible prévalence de ces cas. De même, Schott et ses collaborateurs ont estimé la prévalence de CKD entre 0,1 et 0,2 % chez des chevaux, celle-ci augmentant légèrement chez ceux de plus de 15 ans [13].

Les analyses sanguines

Les analyses sanguines à effectuer lors de suspicion d’affection rénale chez un cheval comprennent la mesure de l’azotémie et l’évaluation des paramètres de l’inflammation (fibrinogène, sérum amyloïde A ou SAA). De plus, une numération et une formule sanguines peuvent révéler les signes d’une inflammation et/ ou d’une infection, mais également une éventuelle anémie.

Lorsqu’un cheval présente une azotémie, la première étape est de déterminer si celle-ci est aiguë et réversible ou chronique.

Les paramètres spécifiques de la fonction rénale

La mesure de la concentration plasmatique ou sérique en créatinine ou en urée est communément utilisée pour estimer indirectement le GFR et évaluer la fonction rénale. Aucun de ces deux paramètres n’est un indicateur sensible d’une diminution de la fonction rénale, car plus de 75 % des néphrons doivent être non fonctionnels avant d’observer une augmentation de leur valeur. Néanmoins, une fois que les valeurs usuelles sont dépassées, de petites hausses deviennent des indicateurs sensibles.

Créatinine sérique

La créatinine est produite par l’activité musculaire. Chez l’homme, il existe une réabsorption et une sécrétion tubulaire qui varie selon des facteurs comme l’âge et le statut d’hydratation. En médecine humaine, une atteinte rénale aiguë peut se présenter sans augmentation de la créatinine. Une classification établie chez l’homme, le chien et le chat, fondée sur une augmentation séquentielle de la concentration en créatinine et non sur celle de la valeur absolue, est proposée pour le cheval [8].

Chez les chevaux qui présentent une faible masse musculaire, le niveau de base de la créatinine est bas. Cela signifie que dans ces cas, une valeur augmentée peut demeurer dans les normes. L’inverse peut aussi être vrai, pour des chevaux très musclés comme les quarter horses, par exemple, chez lesquels une valeur élevée est parfois physiologique.

En outre, la mise à jeun, une atteinte musculaire et l’exercice peuvent entraîner une augmentation modérée de la créatinine non liée à une atteinte rénale.

Urée

L’urée est un déchet azoté produit par le foie lors du catabolisme des acides aminés. Chez l’homme, environ la moitié de l’urée filtrée est réabsorbée par les tubules rénaux. Chez le cheval, cette proportion semble variable. Sa concentration peut être augmentée en cas d’atteinte rénale. Néanmoins, d’autres facteurs peuvent en modifier les valeurs comme l’exercice, un régime riche en protéines, le catabolisme musculaire ou une hémorragie gastro-intestinale.

Diméthylarginine symétrique

La diméthylarginine symétrique (symmetric dimethylarginine, SDMA) est produite par toutes les cellules nucléées et est relarguée dans la circulation lors de la dégradation des protéines. La SDMA est excrétée par les reins, sa concentration étant proportionnelle au débit de filtration glomérulaire. De ce fait, sa concentration est affectée par toute atteinte prérénale, rénale ou postrénale.

Contrairement à la créatinine, la SDMA est modifiée de façon minimale par la masse musculaire, la race, l’âge ou le sexe chez l’homme et les petits animaux. Récemment, Schott et son équipe ont effectué une étude incluant 165 chevaux de trait de race, âge et sexe différents, et aucun de ces facteurs n’a montré d’effet sur la concentration de SDMA [12]. Ce paramètre est utilisé chez les petits animaux et commence à l’être chez le cheval, avec des valeurs normales comprises entre 0 et 14 µg/dl.

Comme indicateur précoce d’une affection rénale chronique chez les petits animaux, la SDMA semble plus utile que d’autres paramètres, car une augmentation est observée dès que 40 % des néphrons ne fonctionnent plus. Lors de maladie rénale chronique chez le chien et le chat, il est démontré que la SDMA augmente entre 10 et 17 mois avant la créatinine.

Dans les cas d’affection rénale aiguë, peu de données montrent une SDMA supérieure à la créatinine chez l’animal. Toutefois, une étude a comparé la SDMA à la créatinine et à l’urée chez des chevaux sains ou présentant une insuffisance rénale aiguë [16]. Une forte corrélation entre les concentrations de SDMA et de créatinine est observée dans les deux groupes de chevaux. Ces résultats, comparables à ceux obtenus chez l’homme et les petits animaux, mettent en évidence l’intérêt de cette analyse dans le cas d’une affection aiguë.

La SDMA a un véritable intérêt dans l’évaluation de la fonction rénale pour des affections tant aiguës que chroniques. Elle peut être dosée en pratique courante chez le cheval grâce à un kit développé par le laboratoire Idexx.

Cystatine C

La cystatine C, un polypeptide de la famille des inhibiteurs de la cystéineprotéinase, est synthétisée et sécrétée de façon constante par toutes les cellules nucléées du corps. Sa production est peu influencée par le sexe, la masse musculaire, l’âge ou le régime alimentaire. Son faible poids moléculaire et sa charge positive lui permettent d’être librement filtrée au niveau de la membrane glomérulaire. Elle est ensuite réabsorbée, puis entièrement catabolisée par les cellules du tube contourné proximal, sans sécrétion ni réabsorption de la forme intacte.

La concentration plasmatique de la cystatine C semble dépendre principalement du GFR, mais il est possible que des variations de production aient également un effet déterminant. La concentration urinaire de cystatine C est très faible, excepté lors d’atteinte tubulaire proximale. Elle ne peut toutefois pas être utilisée comme marqueur urinaire d’une tubulopathie (molécule instable dans les urines). La mesure de ce paramètre a été évaluée avec succès chez le chien et le chat. Chez le cheval, les essais de mesure avec des kits humains ne sont pas concluants à ce jour, mais des recherches se poursuivent sur une utilisation possible en médecine équine [11].

Lipocaline associée à la gélatinase des neutrophiles

Chez l’homme, la lipocaline associée à la gélatinase des neutrophiles (neutrophil gelatinase-associated lipocalin, NGAL) est employée comme biomarqueur structurel et représente une aide au diagnostic précoce de l’insuffisance rénale aiguë. Jacobsen et ses collaborateurs ont testé chez le cheval l’utilisation d’un kit Elisa spécifique pour le porc et ont mis en évidence que les concentrations en NGAL étaient augmentées chez les chevaux présentant des affections rénales [7]. La NGAL étant également connue comme une protéine de la phase aiguë de l’inflammation, Van Galen et son équipe ont mené une étude chez des chevaux présentant une affection rénale et/ou une inflammation systémique [18]. Ainsi, la NGAL a été mesurée de façon répétée pendant 6 jours chez 6 chevaux après l’injection intraveineuse de lipopolysaccharide puis comparée à la mesure de la créatine sérique et de la protéine amyloïde A. De plus, la NGAL a été mesurée chez des chevaux : sans atteinte rénale et sans inflammation, avec une atteinte rénale mais pas d’inflammation, sans atteinte rénale mais avec une inflammation, avec une atteinte rénale et une inflammation. Les valeurs de la NGAL étaient basses dans le premier groupe et augmentées dans les autres. Ce paramètre est donc prometteur pour les cas où il existe une affection rénale et/ou une inflammation, car il augmente plus rapidement que la SAA [18]. Il n’est toutefois pas spécifique d’un trouble rénal et il conviendra donc à l’avenir, pour une utilisation en pratique, de mettre au point un test diagnostique aisé à employer en clinique pour ce paramètre, mais aussi capable de distinguer si son augmentation est liée à une affection rénale ou à une inflammation.

Les autres paramètres

Numération et formule

Toute affection rénale avec altération du parenchyme (insuffisance chronique, maladie interstitielle, etc.) peut être à l’origine d’une anémie non régénérative modérée (hématocrite de 20 à 30 %). L’érythropoïétine, une glycoprotéine synthétisée par les cellules endothéliales des capillaires péritubulaires du rein en réponse à une demande en oxygène, régule la synthèse des érythrocytes. Lorsque le parenchyme rénal est endommagé, la production d’érythropoïétine baisse et le nombre d’érythrocytes produits diminue. Chez les chevaux atteints d’une insuffisance rénale chronique, la durée de vie des hématies est également réduite.

La numération des leucocytes est intéressante, car c’est un bon indicateur de la présence d’un processus inflammatoire ou infectieux (pyélonéphrite, par exemple).

Paramètres de l’inflammation

Le fibrinogène, la SAA et le taux de protéines totales sont de bons indicateurs de la présence d’un processus inflammatoire ou infectieux. Néanmoins, ils ne sont pas spécifiques d’une affection rénale.

Les électrolytes sériques ou plasmatiques

Des modifications des électrolytes sont fréquentes chez les chevaux atteints d’une affection rénale aiguë ou chronique. Il n’existe pas de perturbations spécifiques. Toutefois, il est toujours intéressant de doser le sodium, le chlore, le potassium, le calcium et le phosphore. Chez les chevaux qui présentent une affection rénale aiguë, il est rapporté une hyponatrémie, une hypochlorémie, une hypocalcémie, une hypokaliémie, une hyperkaliémie et une hyperphosphatémie [1]. Dans une étude menée chez des chevaux atteints d’affections chroniques, plusieurs anomalies sont décrites : une hypercalcémie (67 %), une hyponatrémie (65 %), une hyperkaliémie (56 %), une hypophosphatémie (47 %) et une hypochlorémie (46 %) [13]. L’hyponatrémie et l’hypochlorémie ne sont pas spécifiques d’une affection rénale, puisqu’elles peuvent également être liées à des désordres gastro-intestinaux, comme une colite. Les concentrations de calcium et de phosphate varient chez le cheval lors de maladie rénale : l’hypercalcémie et l’hypophosphatémie sont souvent retrouvées en cas d’affection chronique, alors que l’hypocalcémie et l’hyperphosphatémie peuvent signer une affection aiguë. La combinaison d’une azotémie et d’une hypercalcémie est souvent pathognomonique d’une affection rénale chronique [9].

Les analyses urinaires

Le prélèvement d’urine s’effectue par miction naturelle ou cathétérisme de l’urètre, le plus proprement possible, de préférence “au milieu” de la miction. L’analyse doit être réalisée le plus rapidement possible après la récolte (moins d’1 heure, si possible). Dans le cas où ce n’est pas possible, il convient de réfrigérer l’urine pendant 24 heures au maximum. Un premier examen macroscopique permet d’évaluer la couleur (l’urine normale est de couleur jaune pâle à jaune foncé) et l’aspect, qui peut être trouble et visqueux en raison de la présence de cristaux de carbonate de calcium et de mucus (photos 2a et 2b) [10].

Bandelettes urinaires

Le premier test réalisable sur l’urine est la bandelette urinaire, qui permet d’évaluer plusieurs paramètres.

• Taux de leucocytes : le réactif sur les bandelettes urinaires réagit aux enzymes estérases présentes sur les granulocytes (et pas sur les lymphocytes). En médecine humaine, ces bandelettes ont une sensibilité et une spécificité de 80 à 90 %. Leur fiabilité n’est pas connue chez le cheval. La présence de leucocytes dans l’urine peut indiquer l’existence d’une inflammation et/ou d’une infection située n’importe où dans le tractus urinaire.

• Nitrites : ils ne sont pas présents dans l’urine normale de cheval. Ce test aide à la détection d’une bactériurie. En effet, de nombreuses bactéries Gram négatif synthétisent une nitrate réductase qui entraîne la production de nitrites. Toutes les bactéries ne produisant pas de nitrites, la culture bactérienne reste bien plus fiable pour déceler l’existence d’une bactériurie.

• Protéines : les bandelettes urinaires sont peu sensibles et peu spécifiques pour la détection d’une protéinurie.

• pH : l’urine de cheval adulte est normalement alcaline (7,0 à 9,0), alors que celle des poulains est acide. Une acidose métabolique, une acidose rénale tubulaire proximale et, paradoxalement, une alcalose métabolique hypochlorémique peuvent induire une acidité des urines. De nombreux autres facteurs sont à l’origine d’une acidification : un exercice intense, une déshydratation, une infection du tractus urinaire, une anorexie ou un jeûne prolongé. Toutefois, récemment, une étude a mis en évidence que les bandelettes urinaires étaient peu fiables pour évaluer le pH urinaire [6].

• Sang/hémoglobine/myoglobine : ils sont absents dans l’urine normale. Il n’est pas toujours évident de faire la différence entre une hématurie et une pigmenturie. Il est alors nécessaire de laisser décanter ou de centrifuger l’urine : lors d’hématurie “vraie”, il est possible d’observer de l’urine claire surnageant un culot d’hématies ; lors de pigmenturie, le surnageant reste coloré (photos 3a et 3b). Dans ce cas, une hémoglobinurie doit être distinguée d’une myoglobinurie (anamnèse, signes cliniques, analyse biochimique des urines, observation du plasma, etc.). Une hémoglobinurie peut être le signe d’une hémolyse intravasculaire, tandis qu’une myoglobinurie est indicatrice d’une rhabdomyolyse. En présence de caillots dans l’urine, il s’agit certainement d’une hématurie vraie. Une évaluation par la cytologie est également possible. En cas d’hématurie vraie, des hématies sont présentes en grand nombre [15].

• Densité urinaire : deux types de bandelettes urinaires ayant montré un défaut de fiabilité pour ce paramètre, l’utilisation d’un réfractomètre est recommandée [6].

• Kétones : elles ne sont pas présentes dans l’urine normale d’un cheval, sauf dans de rares cas.

• Bilirubine : elle est absente de l’urine normale de cheval. Néanmoins, la bilirubinémie est un indicateur d’une hémolyse ou d’une atteinte hépatique, et non d’une affection rénale.

• Glucose : non présent dans l’urine normale chez un cheval. Une glucosurie peut être détectée lors d’une alimentation parentérale avec du glucose, ou à la suite de l’administration d’α2-agonistes ou de corticoïdes. Un cheval peut également présenter une glucosurie en cas de processus pathologique (sepsis, dysfonctionnement de la pars intermedia de la glande pituitaire, diabète, etc.).

Mesure de la densité urinaire

La densité urinaire est mesurée en utilisant un réfractomètre. Elle représente le poids total des molécules en suspension et peut être affectée par la protéinurie et la glucosurie.

Selon la densité urinaire mesurée, il est possible de définir l’urine comme :

– hyposthénurique : urine plus diluée que le sérum (densité urinaire inférieure à 1,008) ;

– isosthénurique : urine et sérum de la même osmolalité (densité entre 1,008 et 1,014) ;

– hypersthénurique : urine plus concentrée que le sérum (densité supérieure à 1,014).

En général, un cheval sain a une urine hypersthénurique. S’il est nourri au foin, la densité urinaire varie entre 1,025 et 1,040, alors que s’il est au pré et à l’herbe, elle peut être plus basse.

Protéinurie

L’origine des protéines dans les urines peut être prérénale, rénale ou postrénale. Lorsqu’elle est prérénale, des quantités anormales de protéines sont présentes dans le plasma. Cela peut inclure des molécules comme l’hémoglobine ou la myoglobine. Cette protéinurie n’est pas indicatrice d’une lésion rénale. Néanmoins, selon la nature de la protéine (myoglobine, par exemple), une affection rénale peut survenir.

La protéinurie rénale est généralement associée à une augmentation de la filtration des protéines plasmatiques en raison d’une affection glomérulaire. Des affections rénales interstitielles, liées à une inflammation ou à une infection de l’interstitium, peuvent entraîner une hausse des protéines urinaires consécutive à une augmentation de sécrétion des protéines. De son côté, une protéinurie postrénale est liée à l’augmentation de sécrétion des protéines dans l’urine distalement au rein, comme lors d’une inflammation et/ou d’une infection du tractus urinaire ou génital.

Pour évaluer la protéinurie, l’urine est centrifugée à une vitesse comprise entre 1 500 et 2 000 tours par minute (tpm) pendant 5 minutes avant d’effectuer la mesure au réfractomètre.

Si un cheval présente une protéinurie et une urine hyposthénurique, la concentration urinaire en protéines peut être normale. De ce fait, il est intéressant de calculer le rapport protéines sur créatinine urinaires (RPCU). Des valeurs entre 0,03 et 0,93 sont rapportées chez des chevaux sains [17].

Chez l’homme, ainsi que chez le chat et le chien, la concentration urinaire en albumine apparaît comme plus sensible que le RPCU pour la détection d’une perméabilité glomérulaire augmentée. Cependant, chez le cheval, la mesure de ce paramètre n’est pas encore validée et le RPCU reste le paramètre le plus sensible [3].

Examen du culot urinaire

L’analyse du sédiment urinaire est un examen qui fournit de nombreuses informations sur la fonction rénale. Idéalement, le culot devrait être examiné au cours des 30 à 60 minutes qui suivent la récolte de l’urine. Pour réaliser cet examen, 5 à 10 ml d’urine sont centrifugés à 1 500 tpm pendant 3 à 5 minutes. Uniquement 0,5 ml de surnageant est conservé et le culot est remis en suspension. Une goutte de ce mélange est étalée sur une lame, puis couverte par une lamelle. Le sédiment est observé aux grossissements × 100 et × 400. Si l’urine comporte de nombreux cristaux de carbonate de calcium, ceuxci peuvent être dissous avec quelques gouttes d’acide acétique à 10 % afin d’optimiser l’observation.

Les cylindres sont formés de protéines tubulaires (protéines de Tamm-Horsfall) et de débris cellulaires (cellules épithéliales, érythrocytes, leucocytes). Ils se forment dans les tubules et passent ensuite dans l’urine. Associés à une inflammation ou à une infection touchant les tubules rénaux, ils ne sont retrouvés qu’en petit nombre dans l’urine d’un animal sain.

Différentes cellules peuvent également être observées dans le sédiment urinaire :

- des érythrocytes : au grossissement × 400, ils doivent être moins de 5 par champ si l’urine a été récoltée de façon atraumatique. En présence de nombreuses hématies, il s’agit d’une hématurie qui peut avoir de multiples origines (inflammation, infection, néoplasie, coagulopathie, calcul rénal ou vésical, etc.) ;

– des leucocytes : au grossissement × 400, leur nombre doit également être inférieur à 5 par champ. Au-delà de 8 par champ, il s’agit d’une pyurie présente lors d’infection du tractus urinaire (attention néanmoins aux contaminations provenant du tractus génital chez la jument). Pour avoir une confirmation, il est possible de faire une culture bactérienne ;

– des cellules épithéliales : présentes de façon occasionnelle chez les chevaux sains (surtout lors de récolte à la suite d’une cathétérisation urétrale), ce sont des cellules squameuses, transitionnelles ou tubulaires rénales. En cas d’inflammation ou de néoplasie tubulaire rénale ou vésicale, de nombreuses cellules sont observées dans le culot [19].

Des cristaux sont habituellement présents dans l’urine des équidés. Il s’agit principalement de cristaux de carbonate de calcium, qui ont une taille variable, bien que des cristaux de phosphate de calcium ou des oxalates puissent également être présents (photo 4).

Des bactéries peuvent être visualisées, mais en nombre limité chez le cheval sain et uniquement sur de l’urine récoltée par miction naturelle.

Bactériologie urinaire

Il est possible de faire un examen bactériologique sur l’urine. La bactériurie doit être inférieure à 20 000 UFC/ml lors de récolte par miction naturelle, et inférieure à 500 UFC/ml lors de récolte par cathétérisation. Le diagnostic de certitude d’une infection du tractus urinaire est établi lors d’une bactériurie supérieure à 40 000 UFC/ml en miction naturelle, et supérieure à 1 000 UFC/ml lors de prélèvement par cathétérisation. Il est essentiel de réaliser la bactériologie au plus vite après le prélèvement et de l’envoyer au laboratoire par transport rapide et sous couvert du froid dans un tube sec ou un pot stérile.

Enzymologie urinaire

Parmi les nombreuses enzymes que contient l’urine, la seule dont le dosage est réalisable en routine est la γ-glutamyltransférase (GGT). Comme elle est trop grosse pour être filtrée par les glomérules, seule la production de GGT par la bordure en brosse des cellules tubulaires se retrouve dans l’urine. Si son taux est élevé, une altération des cellules des tubules rénaux peut être suspectée (toxicité médicamenteuse, ischémie, inflammation, etc.).

Le calcul du ratio GGT urinaire/créatinine urinaire(1) × 0,01 est un test sensible. Ce rapport est inférieur à 25 UI/g chez un cheval sain. Lors d’atteinte des tubules proximaux, à la suite de l’administration de gentamicine par exemple, il augmente 2 à 4 jours avant le taux de créatinine sérique.

Ratio de paramètres sanguins et urinaires

Clairance des électrolytes

Les électrolytes, dosés dans le sang et dans l’urine, sont comparés aux valeurs de la créatinine (encadré 2 et tableau 2). Pour réaliser ce dosage, il convient d’effectuer les deux prélèvements au même moment et avant la mise en place d’une fluidothérapie.

Normalement, le sodium et le chlore sont presque complètement réabsorbés par les tubules rénaux, donc très faiblement excrétés dans l’urine. Une augmentation des fractions d’excrétion peut être le signe d’une atteinte tubulaire rénale et semble être proportionnelle au degré de cette dernière.

Urée et créatinine

Les rapports urée urinaire/urée plasmatique et créatinine urinaire/créatinine plasmatique, ainsi que la fraction d’excrétion du sodium, sont des ratios intéressants qui permettent de distinguer une atteinte rénale aiguë réversible ou non (tableau 3).

Conclusion

Il n’existe pas un seul test ou paramètre qui permette de fournir des informations suffisantes pour diagnostiquer et évaluer une affection rénale chez le cheval. La combinaison de plusieurs analyses et l’évaluation de plusieurs facteurs sont nécessaires afin d’établir l’existence d’une affection rénale et de la caractériser (aiguë ou non, réversible ou non).

  • (1) La γ-glutamyltransférase (GGT) est exprimée en UI/l et la créatinine en mg/dl (si la valeur de créatinine est exprimée en µmol/l, il faut la diviser par 88,4 pour obtenir une valeur en mg/dl).

  • 1. Bayly WM. Acute renal failure. In: Equine Internal Medicine. Eds. Reed SM, Bayly WM, Sellon DC. 4th edition. Elsevier, Missouri. 2018:923-930.
  • 2. Chawla LS, Bellomo R, Bihorac A et coll. Acute kidney disease and renal recovery: consensus report of the Acute Disease Quality Initiative (ADQI) 16 Workgroup. Nat. Rev. Nephrol. 2017;13:241-257.
  • 3. Gratwick Z. An uptated review: laboratory investigation of equine renal disease. Equine Vet. Educ. 2020. doi: 10.1111/eve.13373
  • 4. Groover ES, Woolums AR, Cole DJ et coll. Risk factors associated with renal insufficiency in horses with primary gastrointestinal disease: 26 cases (2000-2003). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2006;229:572-577.
  • 5. Grossman BS, Brobst DF, Kramer JW et coll. Urinary indices for differentiation of prerenal azotemia and renal azotemia in horses. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1982;180:284-288.
  • 6. Hekmatynia F, Eskandarzadeh N, Imani M et coll. The diagnostic performance of urinary dipsticks to estimate urine pH, specific gravity (SpG) and protein in horses: are they reliable? BMC Vet. Res. 2019;15:242.
  • 7. Jacobsen S, Berg LC, Tvermose E et coll. Validation of an ELISA for detection of neutrophil gelatinase-associated lipocalin (NGAL) in equine serum. Vet. Clin. Pathol. 2018;47 (4):603-607.
  • 8. Savage VL, Marr CM, Bailey M et coll. Prevalence of acute kidney injury in a population of hospitalized horses. J. Vet. Intern. Med. 2019;330:2294-2301.
  • 9. Schott HC. Chronic renal failure in horses. Vet. Clin. North Am. Equine Pract. 2007;23:593-612.
  • 10. Schott HC, Waldridge B, Bayly WM. Disorders of the urinary system. In: Equine Internal Medicine. Eds. Reed SM, Bayly WM and Sellon DC. 4th edition. Elsevier, Missouri. 2018:888-990.
  • 11. Schott HC, Esser MM. The sick adult horse: renal clinical pathologic testing and urinalysis. Vet. Clin. North Am. Equine Pract. 2020;36:121-134.
  • 12. Schott H, Gallant L, Coyne M et coll. SDMA and creatinine concentrations in draft horse breeds. J. Vet. Intern. Med. 2019;33:1547-1560. doi:10.1111/ jvim.15447
  • 13. Schott HC, Patterson KS, Fitzerald SD et coll. Chronic renal failure in 99 horses. Proc. Am. Assoc. Equine Pract. 1997;43:345-346.
  • 14. Schott HC, Woodie JB. Chapter 64. Diagnostic techniques and principles of urinary tract surgery. In: Equine Surgery. Eds. Auer JA, Stick JA, Kummerle JM, Prange T. 5th edition. Elsevier, St. Louis, MO. 2019:1095-1111.
  • 15. Schumacher J. Hematuria and pigmenturia of horses. Vet. Clin. North Am. Equine Pract. 2007;23 (3):655-675.
  • 16. Siwinska N, Zak A, Slowikowska M et coll. Plasma symmetric dimethylarginine concentration in healthy horses and horses with acute kidney injury: preliminary study. J. Vet. Intern. Med. 2019;33:1547-1560. doi:10.1111/ jvim.15447
  • 17. Uberti B, Eberke DB, Pressler BM et coll. Determination of and correlation between urine protein excretion and urine protein-to-creatinine ratio values during a 24-hour period in healthy horses and ponies. Am. J. Vet. Res. 2009;70:1551-1556.
  • 18. Van Galen G, Jacobsen S, Vinther AM et coll. NGAL: a new biomarker in the horse for renal injury and inflammation. J. Vet. Intern. Med. 2019;33:1547-1560. doi:10.1111/ jvim.15447
  • 19. Wilson ME. Examination of the urinary tract in the horse. Vet. Clin. North Am. Equine Pract. 2007;23 (3):563-575.

CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN

ENCADRÉ 1 : ANALYSES INDIQUÉES SELON LES PRINCIPALES CIBLES

• Filtration glomérulaire : urée, créatinine, diméthylarginine symétrique, cystatine c.

• Fonction tubulaire : densité urinaire, fractions d’excrétion des électrolytes.

• Inflammation parenchymateuse : protéinurie, γ-glutamyltransférase urinaire.

• Recherche d’infection : numération et formule sanguines, sérum amyloïde A, fibrinogène, examen cytobactériologique des urines.

ÉLÉMENTS À RETENIR

• Certains tests diagnostiques permettent d’identifier des dommages du parenchyme rénal, alors que d’autres peuvent indiquer une diminution de la fonction rénale.

• Si la créatinine et l’urée sont les biomarqueurs classiques qu’il convient de mesurer pour évaluer la fonction rénale, de nouveaux paramètres sont désormais à l’étude chez le cheval (diméthylarginine symétrique, cystatine C, lipocaline associée à la gélatinase des polynucléaires neutrophiles).

• L’utilisation de marqueurs adaptés pour identifier précocement une atteinte rénale aiguë ou chronique est importante pour prendre en charge rapidement le cheval et ralentir la progression de la maladie.

• Des augmentations modérées de l’urée et de la créatinine, l’absence d’enzymurie et certaines modifications des électrolytes sont plus indicatrices d’une affection rénale chronique que d’une atteinte aiguë.

ENCADRÉ 2 : CALCUL DES FRACTIONS D’EXCRÉTION DES ÉLECTROLYTES

FE = [(concentration de l’ion dans l’urine) / (concentration de l’ion dans le plasma)] × [(concentration en créatinine dans le plasma) / (concentration en créatinine dans l’urine)] × 100.

Abonné à Pratique Vétérinaire Equine, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr