NUTRITION
Cahier pratique
Fiche pratique
Auteur(s) : Thibault Frippiat
Fonctions : Equine Sports Medicine
Laren (Pays-Bas)
Cette fiche pratique est un relevé des connaissances actuelles sur les ingrédients utilisés dans les compléments alimentaires destinés à la protection musculaire. Cette appellation recouvre les ingrédients censés prévenir ou traiter les dommages au niveau des cellules musculaires induits lors de l’effort, le plus souvent dus au stress oxydatif.
Le stress oxydatif est le résultat d’un déséquilibre entre la production et l’élimination des radicaux libres. En prévention, deux types d’ingrédients protecteurs des cellules musculaires sont utilisés : ceux qui capturent les radicaux libres, et les antioxydants qui préviennent la production des radicaux libres.
Les ingrédients sont abordés de manière individuelle, alors qu’ils sont souvent associés dans les compléments alimentaires.
Il existe trois formes de superoxyde dismutase (SOD), une métalloprotéine qui catalyse la dismutation des anions superoxydes en oxygène et en peroxyde d’hydrogène. Deux formes sont couplées au cuivre et au zinc (SOD1 cytoplasmique et SOD3 extracellulaire), tandis que la troisième est couplée au manganèse (SOD2) et située dans la matrice et la paroi des mitochondries, protégeant ces dernières du stress oxydatif généré lors de la respiration cellulaire. La SOD commerciale est extraite à partir de phytoplancton marin, de foies de bovins, de raifort (Armoracia rusticana), de melon (Cucumis melo) et de certaines bactéries (photos 1a et 1b). La SOD non protégée étant réduite en acides aminés lors de la digestion, il convient de s’assurer qu’elle est bien protégée pour être absorbée correctement par l’organisme. Chez la souris, une complémentation orale en SOD induit une augmentation significative de l’activité des enzymes antioxydantes circulantes, associée à des hématies plus résistantes à l’hémolyse induite par un stress chimique [18]. Chez l’homme, la complémentation en SOD entraîne la réduction de l’activité plasmatique de la créatine phosphokinase (CPK) et du stress oxydatif [1]. Chez le cheval, la complémentation en SOD pendant 60 jours induit une plus grande résistance des érythrocytes à l’hémolyse due au stress oxydatif, ainsi qu’une augmentation réduite de la CPK plasmatique générée par l’entraînement [15].
Le sélénium, un oligoélément essentiel, est un cofacteur de la glutathion peroxydase (GPx). Cette enzyme participe à la neutralisation des peroxydes d’hydrogène. Les carences en sélénium sont en général dues à une faible teneur en cet élément dans les sols agricoles, donc dans les produits fourragés, et résultent en une concentration réduite en GPx dans les tissus musculaires. Pour cette raison, la complémentation en sélénium est très fréquente et documentée chez tous les animaux de rente. Chez le cheval à l’entraînement, cette complémentation est associée à une augmentation de la concentration plasmatique de GPx, mais pas de sa concentration musculaire (encadré) [4, 19].
Dans les compléments alimentaires, le sélénium se présente sous la forme organique ou inorganique. Le sélénium inorganique le plus souvent utilisé est le sélénite de sodium. Le sélénium organique, couplé à un acide aminé (sélénocystine, sélénocystéine et sélénométhionine), est obtenu par fermentation, en particulier de la levure Saccharomyces cerevisiae. S’il induit une plus grande concentration plasmatique en sélénium par comparaison avec la forme inorganique, aucune différence n’a été mise en évidence entre les deux formes quant à l’activité de la GPx [5].
Il est important de doser correctement le sélénium dans la ration et les compléments alimentaires. En effet, un excès peut se révéler toxique, voire fatal, chez le cheval [8].
La vitamine E, dont la forme la plus souvent rencontrée dans les compléments alimentaires est l’α-tocophérol, est liposoluble. Cette vitamine a la capacité de capter des radicaux libres, principalement dans les membranes lipidiques. Les besoins en vitamine E sont augmentés lors de l’effort, et une diminution de ses concentrations plasmatiques et musculaires est observée chez les chevaux lors de l’entraînement [2]. Les carences en vitamine E sont à l’origine d’une augmentation des peroxydations lipidiques, tandis qu’une complémentation entraîne une baisse de ces peroxydations chez le cheval à l’exercice [14].
La forme semble jouer un rôle dans l’accroissement de la concentration sérique de la vitamine E [3, 9]. Un excès ne semble pas nocif chez le cheval, raison pour laquelle la vitamine E est régulièrement ajoutée à la ration dans cette espèce. Une étude montre cependant qu’un excès de vitamine E n’a aucun effet positif sur l’équilibre antioxydant chez le cheval à l’entraînement [20].
La vitamine C, ou acide ascorbique, est hydrosoluble. Contrairement à l’homme, le cheval n’a pas de besoin alimentaire spécifique en acide ascorbique dans des circonstances normales, car celui-ci est synthétisé dans le foie à partir du glucose.
Cependant, une diminution de sa concentration plasmatique chez le cheval est observée après l’effort [13]. Chez l’homme, la complémentation en vitamine C entraîne une augmentation du pouvoir antioxydant plasmatique, mais sans prévenir les dommages musculaires lors de l’effort [22]. Dans une étude menée chez 16 chevaux, la vitamine C obtenue à partir de l’églantier (fruit accessoire de la rose) induirait une réduction de la libération des anions oxydants (photo 2) [21].
Le resvératrol, un polyphénol de la classe des stilbènes, est présent dans la pelure de certains fruits comme les raisins rouges, les cacahuètes ou les mûres. Son intérêt est grandissant chez l’homme pour ses propriétés antioxydantes, anti-inflammatoires et potentiellement anti-infectieuses, notamment lorsqu’il est utilisé comme protecteur cutané ou contre les infections respiratoires virales (de type coronavirus). Chez le cheval, le resvératrol a montré des effets antioxydants après 4 semaines de complémentation chez des individus atteints de boiterie [11].
Le β-hydroxy β-méthylbutyrate et le γ-oryzanol sont deux ingrédients étudiés pour la croissance de la masse musculaire. Dans une étude menée chez le cheval, ils montrent une action préventive sur les lésions musculaires induites par l’exercice, mise en évidence par une diminution des CPK et des lactates plasmatiques après l’effort [16].
Le méthyl sulphonyl méthane (MSM) a été discuté pour ses effets sur les articulations. Son utilisation chez le cheval ne semble pas provoquer de conséquences néfastes. Une étude réalisée chez 24 chevaux de saut d’obstacles rapporte un effet protecteur du MSM sur l’équilibre antioxydant [12]. Cette protection semble potentialisée par la complémentation simultanée en vitamine C.
L’astaxanthine, un pigment rouge qui appartient à la famille des caroténoïdes, aurait une forte activité en tant qu’inhibiteur de la peroxydation lipidique au niveau de la membrane cellulaire. Il est largement utilisé dans les compléments en alimentation humaine. Chez 63 chevaux trotteurs, une complémentation en astaxanthine couplée à la carnitine, un acide aminé, a montré un effet atténuant sur les lésions musculaires induites par l’effort [17].
Le cerisier acide (Prunus cerasus) est un arbre fruitier du genre Prunus, de la famille des Rosaceae. Le jus de ses fruits, les griottes, présenterait des propriétés antioxydantes (photo 3). Chez l’homme, les symptômes engendrés par les lésions musculaires après l’effort seraient diminués par l’ingestion de jus de griottes [6]. Chez le cheval, son administration est associée à une diminution de l’activité plasmatique de l’enzyme musculaire aspartate aminotransférase [10].
CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN
Dans une étude, les paramètres du stress oxydatif ont été évalués sur une période de 3 mois chez 28 jeunes trotteurs à l’entraînement. Les chevaux étaient séparés en deux groupes : le premier a reçu un placebo et le second un complément alimentaire à base d’acide ascorbique (vitamine C), d’α-tocophérol (vitamine E), de β-carotène (provitamine A), de cuivre, de zinc et de sélénium.
L’entraînement pendant 3 mois a perturbé l’équilibre antioxydant dans le groupe contrôle, avec une baisse significative des éléments antioxydants (notamment la superoxyde dismutase, la glutathion peroxydase et le sélénium). Chez les chevaux complémentés, la glutathion peroxydase et le sélénium n’ont pas diminué après la période d’entraînement, montrant l’intérêt de cet apport chez le cheval à l’entraînement.
D’après [7].