Les compléments alimentaires dédiés à la croissance musculaire - Pratique Vétérinaire Equine n° 208 du 01/10/2020
Pratique Vétérinaire Equine n° 208 du 01/10/2020

NUTRITION

Cahier pratique

Fiche pratique

Auteur(s) : Thibault Frippiat

Fonctions : Equine Sports Medicine
Laren (Pays-Bas)

Cette fiche pratique est un relevé des connaissances pertinentes actuelles sur les ingrédients utilisés dans les compléments alimentaires destinés au développement musculaire. Après ceux dédiés au soutien articulaire, il s’agit probablement des compléments alimentaires pour chevaux les plus souvent utilisés, en particulier chez les jeunes lors de la mise à l’entraînement. Face à la rareté des études cliniques, il est difficile de conclure sur des effets cliniques probants. D’autant que les ingrédients sont discutés de manière individuelle, alors qu’ils sont souvent associés dans les compléments alimentaires. La croissance musculaire est le résultat d’un équilibre entre la protéolyse et la protéosynthèse, en faveur de la dernière. Outre les compléments alimentaires, d’autres facteurs entrent en jeu dans la protéosynthèse, notamment la ration journalière, un entraînement adéquat et le statut hormonal. Ces deux derniers facteurs ne sont pas abordés dans cette fiche.

Apports protéiques

Protéines brutes

Avant d’analyser les acides aminés, il est important d’évaluer l’apport en protéines dans la ration. Pour cela, la notion de protéine brute est généralement utilisée. Il s’agit d’une évaluation du taux de protéines totales d’un aliment, déterminée en multipliant par 6,25 sa teneur en azote. Les protéines brutes comprennent les protéines vraies et d’autres substances renfermant de l’azote, telles que l’ammoniac, les acides aminés et les nitrates. Pour un cheval sans besoin supplémentaire particulier, l’apport en protéines brutes dans la ration devrait être en moyenne de 1,26 g/kg de poids corporel (1,08 g/kg au minimum, 1,44 g/kg au maximum), selon le National Research Council américain [8]. À ces apports s’ajoutent les besoins spécifiques, par exemple pour les jeunes en croissance, les juments gestantes et en lactation, ainsi que les chevaux à l’entraînement (tableau 1).

Acides aminés

Une vingtaine d’acides aminés participent à la formation de la majorité des protéines chez le cheval. Parmi ceux-ci, dix sont considérés comme essentiels, car le cheval n’est pas en mesure de les synthétiser (tableau 2). La lysine est considérée comme le premier acide aminé essentiel limitant. Par conséquent, l’apport idéal des acides aminés essentiels est exprimé en proportion de la quantité de lysine présente dans le muscle du cheval. Les autres acides aminés, non essentiels, peuvent être produits par le cheval à condition que son alimentation lui fournisse un apport adéquat en protéines. Si la ration ne contient pas suffisamment de protéines brutes pour la production des acides aminés non essentiels, le cheval va décomposer les tissus corporels moins critiques (par exemple, les muscles) afin d’obtenir les protéines dont il a besoin pour constituer ces acides aminés destinés à des fonctions plus critiques (par exemple, la production de lait pour le poulain).

Complémentation en acides aminés

La ration idéale contient une bonne proportion d’acides aminés, aussi bien essentiels que non essentiels. L’amélioration de la qualité des protéines, c’est-à-dire l’apport en acides aminés essentiels dans des proportions idéales, permet de réduire potentiellement la quantité globale de protéines dans la ration. Un exemple de source qualitative d’acides aminés essentiels est le soja, présent dans la plupart des rations pour chevaux. La carence et l’excès d’acides aminés doivent être évités. En effet, en plus d’être inutiles, la conversion d’acides aminés et leur catabolisme lors d’un excès important sont des processus inefficaces, donc non souhaités lorsque l’objectif est la croissance de la masse musculaire. Dans une étude menée chez 22 jeunes chevaux, l’addition de lysine et de thréonine pendant la première année de vie a montré un effet positif sur la croissance [14].

Cependant, les auteurs concluent qu’il ne s’agit pas simplement d’ajouter des acides aminés, mais d’augmenter la qualité de ceux-ci dans la ration. L’apport de ces deux acides aminés combinés, lysine et thréonine, présenterait un effet plus important que l’apport de la seule lysine [4]. D’autre part, une complémentation avec ces deux acides aminés permettrait la conservation de la masse musculaire chez des chevaux âgés [3]. Cependant, deux études mettent en avant la difficulté de tirer des conclusions sur l’effet de l’ajout d’un acide aminé particulier à la ration [5, 6].

Le moment de la complémentation en acides aminés semble également jouer un rôle. Dans ce cadre, lorsque celle-ci est réalisée 1 heure après l’effort, elle aurait un effet positif sur la quantité d’acides aminés dans le muscle [15].

Créatine

La créatine est un dérivé d’acides aminés (glycine, arginine et méthionine) qui joue un rôle dans l’apport d’énergie aux cellules musculaires, en particulier pour la contraction des muscles. Chez l’homme, la créatine est régulièrement citée dans les études sur l’effet de l’entraînement sur la croissance musculaire, et elle fait souvent partie des ingrédients dans les compléments alimentaires [9]. Elle est présente en grande quantité dans la viande rouge, et son absorption et sa distribution vers les muscles semblent décevantes chez les herbivores, dont le cheval [13].

En effet, une complémentation en créatine pendant 90 jours n’a pas montré d’impact sur l’hypertrophie du muscle long du dos chez 12 chevaux arabes [1].

β-hydroxy β-méthylbutyrate

Le βhydroxy β-méthylbutyrate (HMB), un métabolite de l’acide aminé essentiel leucine, est depuis peu souvent utilisé chez l’homme pour améliorer la croissance musculaire lors de l’entraînement. Contrairement aux hormones anabolisantes qui induisent une hypertrophie des muscles en augmentant la synthèse des protéines musculaires, le HMB est censé agir comme un agent anticatabolique, minimisant la dégradation des protéines et les dommages aux cellules qui peuvent survenir lors d’un exercice intense.

Le HMB est présent en faibles quantités dans certains aliments pour cheval, comme la luzerne. Les études sur son effet chez l’homme ou l’animal sont contradictoires [11]. Chez les chevaux, une complémentation pendant 32 semaines a montré un intérêt pour la réduction des dommages musculaires induits par l’exercice [10].

Autres ingrédients

Gamma-oryzanol

Le γ-oryzanol est un mélange de lipides dérivés du riz (Oryza sativa), principalement présents dans la fraction grasse du son de riz et dans l’huile de riz (photo). Il présenterait des vertus antioxydantes et certains lui confèrent un effet anabolique. Selon une étude menée chez le cheval, sa complémentation aiderait à prévenir les éventuels dommages musculaires consécutifs à l’effort [10]. Chez l’homme, le γ-oryzanol induirait une augmentation de la production de testostérone [2]. Cependant, son administration chez 6 chevaux n’a pas montré d’effet sur le taux plasmatique de testostérone et aucune étude n’a mis en évidence d’action sur la croissance musculaire [7]. Pendant un temps, le γ-oryzanol a été répertorié parmi les substances contrôlées par la Fédération équestre internationale (FEI), mais il ne l’est plus aujourd’hui.

Spiruline

La spiruline est un produit à base de cyanobactéries du genre Arthrospira, des bactéries photosynthétiques microscopiques bleues, généralement séchées et broyées. La spiruline n’est ni une plante, ni une algue. Elle est cependant très riche en protéines. Son intérêt dans la croissance musculaire n’est pas encore démontré à l’heure actuelle.

Caféine

Des études décrivent un effet ergogénique (c’est-à-dire stimulant en termes de performances) sur la force musculaire de l’ingestion de caféine 1 heure avant l’effort chez l’homme. Un tel effet n’a pas été montré chez le cheval de course [12]. De plus, la caféine est considérée comme une substance prohibée pour les courses et les concours de la FEI.

Vitamines et minéraux

Bien que controversée, la complémentation en minéraux et vitamines, en particulier en magnésium, zinc, chromium et vitamine D, présenterait un intérêt pour la croissance de la masse musculaire chez l’homme. Dans ce cadre, il s’agit généralement de traiter un déficit en ces nutriments, alors que de telles carences ne sont pas fréquentes chez le cheval. Aucune étude ne montre l’intérêt de la complémentation en ces ingrédients pour l’augmentation de la masse musculaire du cheval.

  • 1. D’Angelis FHF, Mota MDS, Freitas EVV et coll. Aerobic training, but not creatine, modifies longissimus dorsi muscle composition. J. Equine Vet. Sci. 2007;27 (3):118-122.
  • 2. Eslami S, Esa NM, Marandi SM et coll. Effects of gamma-oryzanol supplementation on anthropometric measurements and muscular strength in healthy males following chronic resistance training. Indian J. Med. Res. 2014;139 (6):857-863.
  • 3. Graham-Thiers PM, Kronfeld DS. Amino acid supplementation improves muscle mass in aged and young horses. J. Anim. Sci. 2005;83 (12):2783-2788.
  • 4. Graham PM, Ott EA, Brendemuhl JH et coll. The effect of supplemental lysine and threonine on growth and development of yearling horses. J. Anim. Sci. 1994;72 (2):380-386.
  • 5. Mastellar SL, Coleman RJ, Urschel KL. Controlled trial of whole body protein synthesis and plasma amino acid concentrations in yearling horses fed graded amounts of lysine. Vet. J. 2016;216:93-100.
  • 6. Mastellar SL, Moffet A, Harris PA et coll. Effects of threonine supplementation on whole-body protein synthesis and plasma metabolites in growing and mature horses. Vet. J. 2016;207:147-153.
  • 7. Mößeler A, Licht S, Wilhelm L et coll. Can oral intake of gamma-oryzanol (experimentally given orally as pure substance) result in doping relevant testosterone levels in the urine of mares and geldings? In: EAAP Scientific Series. 2010;128:293-298.
  • 8. National Research Council. Nutrient Requirements of Horses: Sixth Revised Edition. Washington, DC. National Academies Press. 2007:360p.
  • 9. Nunes JP, Ribeiro AS, Schoenfeld BJ et coll. Creatine supplementation elicits greater muscle hypertrophy in upper than lower limbs and trunk in resistance-trained men. Nutr. Health. 2017;23 (4):223-229.
  • 10. Ostaszewski P, Kowalska A, Szarska E et coll. Effects of β-hydroxy-β-methylbutyrate and γ-oryzanol on blood biochemical markers in exercising Thoroughbred race horses. J. Equine Vet. Sci. 2012;32 (9):542-551.
  • 11. Sanchez-Martinez J, Santos-Lozano A, Garcia-Hermoso A et coll. Effects of beta-hydroxy-beta-methylbutyrate supplementation on strength and body composition in trained and competitive athletes: a meta-analysis of randomized controlled trials. J. Sci. Med. Sport. 2018;21 (7):727-735.
  • 12. Savage KA, Colahan PT, Tebbett IR et coll. Effects of caffeine on exercise performance of physically fit Thoroughbreds. Am. J. Vet. Res. 2005;66 (4):569-573.
  • 13. Schuback K, Essén-Gustavsson B, Persson SGB. Effect of creatine supplementation on muscle metabolic response to a maximal treadmill exercise test in Standardbred horses. Equine Vet. J. 2000;32 (6):533-540.
  • 14. Staniar WB, Kronfeld DS, Wilson JA et coll. Growth of Thoroughbreds fed a low-protein supplement fortified with lysine and threonine. J. Anim. Sci. 2001;79 (8):2143-2151.
  • 15. Van den Hoven R, Bauer A, Hackl S et coll. Changes in intramuscular amino acid levels in submaximally exercised horses: a pilot study. J. Anim. Physiol. Anim. Nutr. (Berl). 2010;94 (4):455-464.

CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN

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