Bilan sur l’herpèsvirus équin EHV-1 - Pratique Vétérinaire Equine n° 206 du 01/04/2020
Pratique Vétérinaire Equine n° 206 du 01/04/2020

WORKSHOP

Cahier scientifique

Vu, lu, entendu…

Auteur(s) : Anne Couroucé

Le 4e workshop Havemeyer s’est tenu à Beaufort, en Caroline du Nord (États-Unis), en octobre 2018. Au total, 31 scientifiques représentant 13 pays y ont participé. Le représentant français était Stéphane Pronost, du laboratoire Labéo (Frank Duncombe) à Caen.

L’herpèsvirus de type 1 (EHV-1) est un alphaherpèsvirus associé à des affections respiratoires chez les jeunes chevaux, ainsi qu’à des avortements en fin de gestation et/ou des signes neurologiques (myéloencéphalopathie, equine herpesvirus myeloencephalopathy ou EHM). Le virus demeure à l’état latent dans les ganglions trigéminaux et dans les lymphocytes du sang périphérique.

Épidémiologie et gestion

De nombreuses zones d’ombre demeurent autour de l’infection par l’EHV-1. Il serait notamment utile de déterminer la fréquence et les facteurs de risque associés à la réactivation virale. Néanmoins, pour étudier la sortie de latence du virus, de nouveaux outils sont nécessaires pour distinguer une infection primaire d’une réactivation.

Aux États-Unis, par exemple, parmi les 7 632 cas équins de fièvre avec signes respiratoires ou neurologiques recensés, 2,3 % étaient positifs à la PCR pour EHV-1 à partir d’écouvillons nasopharyngés. En Afrique du Sud, une épidémie d’avortements dus à EHV-1 est décrite chez des juments gestantes non vaccinées, issues de deux grands élevages. Une détection précoce de l’infection par PCR, l’application de la règle DISH (pour disinfect, isolate, sample, hygiene) et la vaccination des mères gestantes a permis de contrôler l’épizootie avec succès.

Dans des conditions expérimentales, EHV-1 peut rester stable dans l’eau et le sol jusqu’à trois semaines. La transmission indirecte pourrait expliquer la diffusion interespèces du virus (des équidés aux non-équidés) notamment via les points d’eau.

Pathogénie

L’interaction entre les cellules mononuclées du sang périphérique (PBMC) infectées par l’EHV-1 et les cellules endothéliales est un élément crucial, mais peu documenté, de la pathogénie des avortements et de la myélopencéphalopathie. Un modèle in vitro a permis de mettre en évidence l’existence de particules virales entières à la surface des PBMC, qui sont protégées des anticorps neutralisants.

Un autre élément clé de la pathogénie des avortements et de la myéloencéphalopathie dus aux herpèsvirus est le développement de microthrombi au sein des microvaisseaux qui alimentent le placenta et la moelle épinière, entraînant un infarctus et une perte de fonction. L’interaction in vitro entre les plaquettes et des cellules endothéliales de la carotide infectées par l’EHV-1 est étudiée. Cela ouvre la voie à l’utilisation de traitements alternatifs (comme l’héparine) dans la prévention des thrombus chez les chevaux infectés.

L’avortement dû à l’EHV-1 survient généralement chez les juments après le cinquième mois de gestation. Toutefois, l’infection de mères gestantes avant cette date pourrait avoir des effets sur l’efficacité de la reproduction.

Diagnostic et virologie

Le diagnostic rapide de l’infection par l’EHV-1 et l’identification des chevaux à risque est une étape capitale pour gérer et contrôler une épizootie.

Des biomarqueurs présents dans les sécrétions nasales, incluant des cytokines et des isotypes d’immunoglobulines G (IgG), ont été étudiés pour déterminer si les chevaux étaient susceptibles d’être infectés par l’EHV-1, donc de présenter un risque pour la propagation du virus au sein d’un effectif. En utilisant la technologie multiplex, les chevaux présentant un taux bas d’interféron alpha, de chémokine ligand 3, de CD14 soluble et un ratio d’anticorps spécifiques EHV-1 IgG4/7 : IgG1 supérieur à 10 étaient sujets à des réinfections, soit immédiatement après l’infection expérimentale, soit durant la phase de convalescence, plus de 21 jours plus tard. Davantage de travaux sont nécessaires sur le sujet, mais ces méthodes pourraient fournir des outils pour déterminer la susceptibilité d’un individu à l’infection ou le risque de propagation du virus au sein d’un foyer endémique.

Le séquençage d’EHV-1 est un outil important pour les études épidémiologiques et pour suivre l’évolution virale. La région ORF68 est utilisée comme marqueur pour déterminer les souches d’EHV-1 et la mutation ORF30 G2254/D752 ou A2254/N752 comme indicateur potentiel de la neurovirulence. La majorité (43 %) des 286 EHV-1 isolés en Irlande entre 1990 et 2017 était des virus de clade 7. Une association statistiquement significative est apparue entre ORF30 G2254/D752 et la présence d’une hypervirulence de type neurologique.

Modèles d’infection

Les nombreux modèles d’infection in vitro et in vivo ont permis de mieux comprendre la pathogénie d’EHV-1 et de renforcer la protection contre ce virus. Toutefois, le développement de modèles in vivo pour l’encéphalomyélite est restreint en raison de limitations techniques, mais également éthiques.

L’infection primaire de l’appareil respiratoire doit passer la barrière mucocilliaire pour réussir à pénétrer dans l’épithélium respiratoire. Il est montré que des récepteurs à EHV-1 sont localisés sur la partie basale de ce dernier. De ce fait, une interruption de l’intégrité de l’épithélium respiratoire facilite l’accès du virus à ces récepteurs. D’autres éléments, comme les pollens du pâturin des prés (Kentucky blue grass), ont le même effet in vitro. Selon l’hypothèse avancée, l’exposition à ces pollens dans l’environnement pourrait altérer l’intégrité de l’épithélium, augmentant ainsi la possibilité d’une infection à EHV-1 chez le cheval. Cela permettrait à un plus grand nombre de particules virales de pénétrer et de se répliquer dans l’organisme, même si le cheval présente une bonne immunité.

Immunité, protection et thérapeutique

Les recherches se poursuivent pour mettre au point des vaccins ciblant l’EHV-1, susceptibles de prévenir l’apparition des signes cliniques, notamment l’avortement et la myéloencéphalopathie. Néanmoins, la tâche se révèle difficile.

Les chevaux dotés d’une importante quantité de lymphocytes T cytotoxiques spécifiques d’EHV-1 (CTL), avec un phénotype CD8+, présentent une virémie intracellulaire réduite et sont protégés de l’aspect clinique de la maladie. Toutefois, l’activité des CTL est difficile à mesurer in vitro.

Kydd JH, Lunn DP, Osterrieder K. Report on the fourth international Havemeyer workshop on equid herpesviruses (EHV) EHV-1, EHV-2 and EHV-5. Equine Vet. J. 2019;51:565-568.

ENCADRÉ : LES POINTS CLÉS SUR L’EHV-1

• La compréhension de la pathogénie du virus progresse : la façon dont l’infection par l’EHV-1 est associée aux peripheral blood mononuclear cells (PBMC) est décrite, avec des virions protégés des anticorps neutralisants. En outre, il est montré que l’infection par l’EHV-1 des cellules endothéliales a des effets locaux sur la thrombose et la fonction plaquettaire, donc un impact sur la pathogénie.

• Les modèles in vivo d’infection par l’EHV-1 représentent des outils importants pour démontrer l’impact des gènes viraux sur la virulence et la réponse de l’hôte.

• L’immunité protectrice peut être prédite et quantifiée en utilisant la réponse à des cytokines intranasales et des immunoglobulines g.

• La présence de l’EHV-1 peut être décelée au moins 70 jours après l’infection dans un certain nombre de tissus, comme la moelle épinière et les yeux, mais également dans les testicules, sachant que d’autres études sont maintenant nécessaires pour déterminer les implications de cette découverte. Des pistes pour de futures recherches sont d’ores et déjà explorées, la plus importante d’entre elles étant la vaccination qui permettrait de contrôler les manifestations cliniques de cette herpèsvirose, en particulier l’avortement et les troubles neurologiques.

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