Événements indésirables postvaccinaux : étude rétrospective des données de pharmacovigilance - Pratique Vétérinaire Equine n° 205 du 01/01/2020
Pratique Vétérinaire Equine n° 205 du 01/01/2020

Vaccination

Dossier

Vaccination chez les équidés

Auteur(s) : Sandrine Rougier*, Sylviane Laurentie**

Fonctions :
*Anses-ANMV
14, rue Claude Bourgelat
35300 Fougères

La vaccination est avant tout un acte médical, elle n’est donc pas sans risques. L’analyse des données de pharmacovigilance collectées permet d’anticiper et de mieux appréhender les éventuels effets indésirables, qu’ils soient connus ou inattendus.

Pour prévenir les principales maladies infectieuses équines présentes sur le territoire français, de nombreux vaccins sont à la disposition des vétérinaires. Ainsi, sept valences, incluses dans plus de vingt spécialités, sont actuellement accessibles, seules ou associées : grippe équine, tétanos, rhinopneumonie équine, rage, fièvre du Nil occidental (ou fièvre de West Nile), gourme et artérite virale équine. Si la vaccination contre la grippe est obligatoire pour tout rassemblement équestre, celle contre les herpès-viroses équines ne le sont que pour les chevaux de course (trotteurs et pur-sang). Cependant, des situations particulières, d’ordre géographique ou réglementaire, nécessitent parfois de réévaluer la couverture vaccinale adaptée à chaque animal (photo 1).

La banalisation de la vaccination ne doit pas faire oublier qu’il s’agit avant tout d’un acte vétérinaire, et que le praticien se doit de maîtriser la balance bénéfice/risque de chaque vaccin injecté (photo 2). La particularité du vaccin est qu’il est habituellement destiné à des individus en bonne santé. Son bénéfice individuel est différé et hypothétique, alors que le risque encouru est le plus souvent immédiat (photo 3). Il est donc nécessaire que le vétérinaire connaisse les limites et les risques liés à cet acte afin d’en informer au préalable le propriétaire ou le détenteur de l’animal.

La pharmacovigilance vétérinaire a pour objet la surveillance, l’évaluation, la prévention et la gestion du risque d’effet indésirable résultant de l’utilisation des médicaments. Concrètement, son objectif est de recenser tout événement en lien avec un médicament vétérinaire, que celui-ci soit connu ou inconnu, attendu ou inattendu, afin d’adapter les résumés des caractéristiques des produits (RCP) et de prendre les mesures adéquates pour une utilisation optimale du produit. La pharmacovigilance est ainsi indispensable pour assurer la sécurité d’emploi des médicaments après leur mise sur le marché.

Dans l’espèce équine, une précédente étude montre que les principales classes thérapeutiques impliquées dans un événement indésirable sont les vaccins (26,6 %), suivis par les médicaments qui agissent sur le système nerveux (17,7 %), les antiparasitaires internes (16,2 %) et les antibiotiques (15,6 %) [6]. Cette nouvelle étude rétrospective, menée sur trois ans, est ainsi destinée à établir une synthèse des principaux événements rapportés à l’Agence nationale du médicament vétérinaire (Anses-ANMV) à la suite d’un acte vaccinal chez le cheval.

Matériels et méthodes

Sur la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018, 233 déclarations relatives à un événement indésirable survenu chez des chevaux à la suite d’une vaccination ont été rapportées auprès de l’Anses-ANMV. Ces déclarations concernent des cas graves ou non graves (encadré 1), apparus spontanément sur le territoire français durant la période concernée. Les réactions pour lesquelles une autre cause que l’acte vaccinal était suspectée (imputation N “improbable” selon la classification ABON, encadré 2) n’ont pas été retenues dans l’analyse. Lorsque plusieurs vaccins étaient impliqués dans l’événement, sans possibilité d’établir un lien de causalité pour l’un d’eux, ce vaccin imputé N a été exclu de l’analyse, mais le cas a été gardé en incluant uniquement le vaccin dont l’implication était confirmée.

Seuls les vaccins spécifiques aux équidés ont été pris en considération. Ainsi, ceux contre la rage, destinés à de nombreuses espèces animales sensibles, ont été écartés de cette étude.

Les chiffres des ventes des différents vaccins sur la période considérée ont été fournis par les titulaires respectifs des autorisations de mise sur le marché (AMM). Il a été estimé qu’une dose vaccinale vendue correspondait à un cheval vacciné.

L’incidence des effets indésirables et des manques d’efficacité a été calculée conformément aux règles définies dans le volume 9B de la réglementation des médicaments vétérinaires dans l’Union européenne(1), en divisant le nombre total de chevaux ayant réagi au cours de la période par une estimation du nombre de chevaux vaccinés durant la même période.

Les tests statistiques utilisés pour analyser une possible association entre un signe clinique ou un événement et les vaccins sont ceux habituellement recommandés au niveau européen pour la détection de signal en pharmacovigilance [3, 4, 5], notamment le proportional reporting ratio (PRR) et le test du Chi2. Dans les bases de données de pharmacovigilance, le PRR sert à identifier des disproportions de déclaration pour un couple médicament/entité clinique. Le test du Chi2, utilisé en parallèle du PRR, est calculé à partir du même tableau de contingences. Le PRR s’interprète comme un risque relatif. Trois cas de figure peuvent se présenter pour les associations vaccin-effet indésirable testées :

– l’association est significativement sous-représentée ou surreprésentée ;

– aucune différence significative n’est mise en évidence ;

– les effectifs de l’association ne permettent pas la réalisation du calcul, donc aucune conclusion ne peut être tirée quant à la représentation de cette association.

Résultats

Déclarations retenues et vaccins concernés

Parmi les 233 déclarations reçues, trois ont été exclues de toute analyse en raison de la non-confirmation du lien de causalité entre l’événement et le vaccin (imputation N). Sur les 230 déclarations restantes, quatre d’entre elles ont concerné l’association de deux vaccins injectés simultanément, mais dont l’un d’eux a pu être exclu de tout lien avec l’événement (imputation N). Les quatre vaccins ainsi écartés sont Equip® FT (1 cas), Pneumequine® (1) et ProteqFlu-Te® (2). Comme une déclaration peut concerner plusieurs médicaments, 268 vaccins sont finalement impliqués dans les 230 déclarations analysées sur la période (tableau 1).

Au total, 13 spécialités vaccinales sont incriminées dans au moins un événement indésirable durant ces trois années. Elles concernent les vaccins contre la grippe seule ou associée au tétanos, les vaccins contre la rhinopneumonie, contre la gourme ou contre le tétanos seul. Aucun événement indésirable consécutif à une vaccination contre la fièvre de West Nile ou l’artérite virale n’est rapporté sur la période d’étude.

Caractéristiques de la population équine analysée

Les 230 déclarations analysées incluent 527 chevaux (plusieurs animaux au sein d’un effectif peuvent présenter une réaction similaire après l’injection du même vaccin). La race est indéterminée dans 160 cas (69,6 %). Les 30 % restants regroupent des races variées, principalement le selle français (21), le trotteur (8) ou le pursang (7). Aucune différence n’est observée quant au sexe des chevaux atteints, lorsqu’il est renseigné (86 femelles et 61 mâles). Enfin, l’âge n’est précisé que dans 134 déclarations, soit pour 190 chevaux. La majorité d’entre eux (112 sur 190) sont adultes (âge compris entre 7 et 18 ans), mais il y a également 32 foals (âge inférieur ou égal à 1 an), 37 jeunes équidés (âgés de 1 à 6 ans) et 9 chevaux âgés (entre 19 et 30 ans).

Fréquence et nature des événements indésirables

Manque d’efficacité

Un manque d’efficacité est rapporté par 6 déclarations, toutes incriminant le vaccin contre la gourme Equilis® StrepE. Il concerne 20 chevaux, issus du même élevage, mais dans des troupeaux différents. Aucune conclusion n’a pu être émise pour ces cas (imputés O “non classables”) en l’absence de test d’identification de la bactérie (culture, PCR), malgré la présence de signes caractéristiques. L’incidence du manque d’efficacité de ce vaccin est ainsi considérée comme rare.

Effets indésirables

Un effet indésirable au sens strict, consécutif à un acte vaccinal, est rapporté dans 224 cas, dont 50 jugés graves. Parmi ces derniers, 30,4 % sont survenus dans la demi-heure suivant la vaccination et 25 % dans les 24 heures. De même, plus de la moitié (55,7 %) des cas sans gravité ont été observés moins de 24 heures après l’injection. Parmi les 262 vaccins potentiellement en lien avec un effet indésirable, 80 sont imputés probables (soit 30,5 %), 117 possibles (44,7 %), 45 non concluants (17,2 %) et 20 inclassables (7,6 %). Dans 177 cas, un seul vaccin a été administré et pour 33 d’entre eux (28,2 %), la réaction est considérée comme grave.

L’incidence des effets indésirables s’est révélée rare pour 4 vaccins (ProteqFlu®, ProteqFlu-Te®, BioEquin H® et Pneumequine®) et très rare pour les 8 autres (tableaux 1 et 2).

Réactions au point d’injection

Dans 140 déclarations, incluant 415 chevaux, au moins une réaction au point d’injection est rapportée. OEdème (42,9 %), douleur (32,1 %), abcès (19,3 %) et inflammation (18,6 %) sont les signes locaux les plus souvent observés. Une raideur de l’encolure est mentionnée dans 15 % des cas. Cependant, dans 37,4 % des déclarations, la nature exacte de la réaction au site d’injection n’est pas précisée.

ProteqFlu-Te® est le plus fréquemment mis en cause (70,7 %), mais l’incidence des réactions locales avec ce vaccin (1,94 pour 10 000 chevaux vaccinés) reste faible. Les réactions locales sont toutefois surreprésentées après l’injection de ProteqFlu-Te® (PRR = 1,36, p < 0,01), alors que ce risque est sous-représenté avec BioEquin H® (PRR = 0,38, p < 0,001).

Réactions d’hypersensibilité de type 1 et anaphylaxie

Une réaction d’hypersensibilité de type 1 a concerné 20 cas, soit autant de chevaux atteints. Dans 17 de ces cas, une réaction de type anaphylactique est décrite. Les vaccins incriminés sont, par ordre décroissant de fréquence, mais aussi parfois associés : BioEquin H® (13), ProteqFlu-Te® (6), Pneumequine® (3), ProteqFlu® (2) et Equilis® Prequenza Te (1). Le risque d’anaphylaxie s’est ainsi révélé très rare pour tous les vaccins (incidence comprise entre 1 réaction sur 13 106 chevaux vaccinés avec BioEquin H® et 1 réaction sur 3 400 451 chevaux avec Equilis® Prequenza Te). BioEquin H® est significativement surreprésenté lors de réactions d’hypersensibilité de type 1, toute nature confondue (PRR = 9,10, p < 0,001), tandis que ProteqFlu-Te® est sous-représenté pour ces réactions (PRR = 0,30, p < 0,01).

Symptômes digestifs

Après la vaccination, 10 chevaux ont déclaré des symptômes de coliques, dont 1 cas considéré comme probable, 4 comme possibles et 5 non concluants. Ces coliques sont survenues dans la journée qui a suivi l’injection chez 4 d’entre eux, le jour suivant pour 3 chevaux, deux jours après pour 2 et quatorze jours plus tard pour le dernier. Les vaccins impliqués sont ProteqFlu-Te® (6 cas), ProteqFlu® (2), Equilis® Prequenza Te (2) et Pneumequine® (1). D’autres signes plus généraux, tels qu’une anorexie, une léthargie, une douleur locale et/ou raideur, ont souvent précédé l’épisode digestif, notamment lorsque celui-ci est apparu au-delà des 24 heures postvaccinales. Compte tenu du faible nombre de cas, aucune analyse statistique n’a été réalisée.

Raideurs

Une raideur généralisée après la vaccination est rapportée dans 46 cas. ProteqFlu-Te® est cité dans 26 déclarations, suivi de BioEquin H® (6 déclarations) et ProteqFlu® (4). Les autres vaccins mentionnés de façon plus ponctuelle (1 ou 2 déclarations) sont Equilis® Prequenza Te, Equip® EHV 1,4, Pneumequine®, Equip® FT, Pneumabort® et Tetapur®. Seuls les trois premiers ont pu faire l’objet d’une analyse statistique. Aucune différence statistiquement significative entre ces vaccins n’a pu être établie pour ce symptôme.

Ataxie

Au total, 32 cas d’ataxie sont rapportés, notamment après l’administration de ProteqFlu-Te® (17 cas) et/ou de BioEquin H® (11). Ce dernier vaccin s’est révélé significativement surreprésenté dans les cas d’ataxie (PRR = 4,88, p < 0,01).

Effets systémiques

Dans 54,3 % des déclarations, des effets systémiques sont également décrits, tels qu’une hyperthermie (23,4 %), une fatigue/léthargie (16,5 %), un décubitus (5,6 %), des troubles de l’appétit (3,9 %) ou une douleur/inconfort général (3 %). Ces atteintes de l’état général peuvent résulter d’effets indésirables touchant diverses fonctions (anaphylaxie, coliques, etc.), mais, dans une moindre mesure, être également les seules manifestations observées. Seuls ProteqFlu-Te®, BioEquin H® et Equip® EHV 1,4 ont pu faire l’objet d’une analyse statistique, et seule l’association BioEquin H® et décubitus s’est révélée significativement surreprésentée (PRR = 4,20, p < 0,01).

Réactions graves

Les réactions sont jugées graves dans 50 déclarations (22,3 %), touchant 54 chevaux. Les principaux vaccins impliqués sont ProteqFlu-Te® et BioEquin H® (19 cas chacun), suivis par Equilis® Prequenza Te et Pneumequine® (6 cas chacun), puis Equip® EHV 1,4 et ProteqFlu® (5 cas chacun). Quel que soit le vaccin, le risque de réaction sévère demeure toutefois très rare. Cependant, BioEquin H® (PRR = 2,51, p < 0,001) et Equilis® Prequenza Te (PRR = 2,39, p < 0,02) sont significativement surrepresentés lors de réactions graves.

Mortalité

Une issue fatale est rapportée dans 31 cas, soit autant de chevaux morts à l’issue de la vaccination. Parmi eux, 5 cas sont imputés A (probables) et 19 cas B (possibles). Les vaccins concernés sont BioEquin H® (16), ProteqFlu-Te® (14), ProteqFlu® (4), Pneumequine® (3), Equilis® Prequenza Te (2), Equip® EHV 1,4 (2) et Equip® F (1). Une réaction fatale de type anaphylactique, confirmée ou fortement suspectée, est rapportée dans 16 cas. Une mortalité soudaine, sans signe précurseur, est déclarée dans 6 cas et une dégradation des signes neurologiques dans 5 cas. Des coliques sont fatales dans 1 cas, et une injection intravasculaire fortement suspectée est mentionnée. Dans 3 cas, des signes généraux compatibles avec une réaction postvaccinale courante et sans gravité au premier abord sont cités, mais la mort de l’animal est survenue avant de pouvoir en déterminer l’origine exacte. Quel que soit le vaccin injecté, la mortalité demeure finalement un événement très rare. Toutefois, BioEquin H® est significativement surreprésenté dans les cas de mortalité postvaccinale (PRR = 5,22, p < 0,001).

Discussion

Cette étude rétrospective, qui s’étend de 2016 à 2018, a permis d’obtenir une synthèse des événements indésirables rapportés à l’Anses- ANMV après un acte vaccinal chez les équidés. Durant ces trois années, 233 rapports ont été reçus. Rapporté au million de chevaux recensés sur le territoire [8] et à une couverture vaccinale d’environ 70 % de la population [9], presque un cheval vacciné sur 9 000 serait donc l’objet d’un événement postvaccinal. Or, à l’instar de ce qui est observé dans les autres espèces, la sous-déclaration dans la filière équine ne peut être écartée, même si elle n’a jamais été quantifiée. Toutefois, quelle que soit l’espèce concernée, les cas déclarés représenteraient environ 10 % des cas réels [7]. Malgré ce phénomène de sous-déclaration, cette étude permet de mettre en évidence les principales réactions postvaccinales rencontrées sur le terrain, même si les fréquences exposées ici ne sont que des estimations. Le système de pharmacovigilance étant fondé sur la déclaration spontanée, les vétérinaires ont un rôle majeur à jouer dans la promotion de la santé animale. Cela reste néanmoins dépendant de la participation de chaque professionnel et de sa motivation à déclarer (encadré 3).

Les événements indésirables postvaccinaux rapportés chez les chevaux apparaissent en grande majorité non graves (tableaux 3 et 4), contrairement à ce qui est observé pour les autres espèces [1, 2]. Parmi ceux-ci, les réactions locales au site d’injection prédominent largement puisque 61 % des déclarations les mentionnent. Certaines réactions locales sont parfois jugées graves, notamment dans le cas où elles nécessitent une intervention chirurgicale ou lorsqu’elles sont invalidantes pour l’activité de l’animal. Le risque de réactions locales est rappelé dans les différents RCP et est ainsi généralement bien connu des praticiens. Des mesures peuvent alors être adoptées pour éviter que l’éventuelle réaction n’interfère avec l’utilisation de l’équidé (par exemple, prévoir un délai suffisant avant une compétition). Toutefois, le caractère attendu de ces réactions conduit certainement à leur sous-déclaration. Il est effectivement admis que les effets indésirables connus des praticiens, et particulièrement ceux sans gravité, sont moins rapportés que les effets graves et/ou inattendus. De la même façon, les événements indésirables émanant de produits récents semblent davantage déclarés. Pour ces raisons, les réactions locales rapportées dans notre étude sont probablement de gravité supérieure à celles qui peuvent être réellement observées sur le terrain. Bien que le plus souvent bénignes et transitoires, les réactions localisées au point d’injection peuvent aussi être à l’origine de signes plus handicapants, notamment chez un animal en activité. Ainsi, une raideur localisée à l’encolure peut parfois gêner son extension, et par conséquent réduire la prise alimentaire, comme en cas d’hyperthermie transitoire. Ainsi, certains chevaux particulièrement sensibles présenteront indirectement un épisode de coliques consécutif à ces symptômes postvaccinaux courants. Le syndrome “coliques” est difficile à relier directement à la vaccination, d’autant que son étiologie est très variée. Les coliques sont l’expression d’une douleur, le plus souvent abdominale, dont l’origine est digestive ou extradigestive. Une myosite pourra ainsi induire une douleur abdominale, tout comme une anorexie favorisera le développement d’ulcères gastriques. Il est alors nécessaire de garder en mémoire ce risque indirect, qui survient généralement quelques jours après l’acte vaccinal, et d’en informer le propriétaire ou le gardien de l’animal, afin qu’une surveillance soit assurée. Les réactions d’hypersensibilité de type 1, et en particulier celles de type anaphylactique, sont des effets bien connus des vaccins, quelles que soient la valence et l’espèce concernée. Bien que très rares, ces réactions nécessitent une intervention vétérinaire d’urgence, et le pronostic est d’autant plus favorable que la prise en charge est rapide. Dans notre étude, BioEquin H® s’est révélé significativement surreprésenté dans les cas d’anaphylaxie. Ce vaccin n’a pas d’AMM en France, mais à la suite d’une rupture d’approvisionnement de Pneumequine® et Equip® EHV 1,4 en 2016 et 2017 sur le territoire, il a fait l’objet d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) à l’échelle nationale sur la base de l’AMM délivrée en République tchèque. Le recours à un produit nouveau peut soulever une certaine méfiance chez le vétérinaire, voire engendrer, de façon non intentionnelle de sa part, une surdéclaration des événements induits par ce vaccin, le temps de maîtriser davantage la balance bénéfice/risque. Toutefois, cette surdéclaration ne présage nullement de la nature des effets rapportés, même s’il est probable que les événements graves le seront de façon plus systématique. BioEquin H® n’est pas associé à un autre vaccin dans 17 cas, ce qui facilite l’évaluation du lien de causalité entre l’événement et l’injection : 8 réactions de type anaphylactique sont rapportées, voire suspectées, à la suite de l’utilisation de ce vaccin seul. Ainsi, un risque accru de survenue de ce type d’événement ne peut être écarté avec BioEquin H®, bien qu’il demeure inexpliqué.

Conclusion

La vaccination, bien que désormais banalisée, ne doit pas faire oublier qu’il s’agit avant tout d’un acte vétérinaire et qu’il convient de bien maîtriser la balance bénéfice/risque de chaque vaccin injecté, selon chaque animal. Il est ainsi conseillé de sensibiliser le propriétaire à l’apparition d’éventuels signes après une vaccination, car une prise en charge précoce permet d’améliorer le pronostic et de réduire le mécontentement du client. La balance bénéfices/risques des vaccins penche toutefois largement en faveur de leur emploi, à condition de les utiliser de façon raisonnée, selon les besoins de chaque animal et en respectant les recommandations, notamment en matière de délais entre deux rappels. La connaissance des effets indésirables et de leur incidence constitue la première étape de la surveillance postvaccinale.

  • (1) Volume 9B of the Rules governing medicinal products in the European Union: Guidelines on pharmacovigilance for medicinal products for veterinary use, october 2011.

  • 1. Anses-ANMV. Surveillance des médicaments vétérinaires en post-AMM, rapport annuel 2016. Disponible sur https://www.anses.fr/fr/content/documents-pharmacovigilance (consulté le 27/08/2019).
  • 2. Anses-ANMV. Surveillance des médicaments vétérinaires en post-AMM, rapport annuel 2017. Disponible sur https://www.anses.fr/fr/content/documents-pharmacovigilance (consulté le 27/08/2019).
  • 3. EMA. Guideline on the use of statistical detection methods in the Eudravigilance data analysis system. 2008 (ref. EMA/106464/2005 rev. 1).
  • 4. EMA. Recommendation on pharmacovigilance surveillance and signal detection of veterinary medicinal products. 2015;14.
  • 5. Evans SJ, Waller PC, Davis S. Use of proportional reporting ratios (PRRs) for signal generation from spontaneous adverse drug reaction reports. Pharmacoepidemiol. Drug Saf. 2001;10 (6):483-486.
  • 6. Fresnay E. Bilan des effets indésirables déclarés chez le cheval. Prat. Vét. Équine. 2017;195:50-55.
  • 7. Fresnay E, Laurentie S, Orand JP. La sousdéclaration en pharmacovigilance vétérinaire : étude de cas d’événements indésirables dus aux médicaments vétérinaires. Bulletin des GTV. 2015;80:95-102.
  • 8. IFCE. Filière équine française, chiffres clés 2017. Disponible sur https://www.ifce.fr/wp-content/ uploads/2017/11/OESC-Chiffres-cl%C3%A9s-2017.pdf (consulté le 27/08/2019).
  • 9. SIMV. Observatoire national de la vaccination. À paraître prochainement sur https://www.simv.org/

CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN

ENCADRÉ 1 : DÉFINITIONS D’UN EFFET INDÉSIRABLE GRAVE ET D’UN EFFET INATTENDU CHEZ L’ANIMAL

• Cas grave : un effet indésirable grave provoque des symptômes permanents ou prolongés. Il se traduit par une anomalie ou une malformation congénitale, provoque un handicap ou une incapacité importante chez l’animal traité, susceptible de mettre sa vie en danger ou d’entraîner sa mort. Par exemple, certains signes classent systématiquement la réaction comme grave : cécité, surdité, insuffisances fonctionnelles organiques persistantes, tumeurs, troubles locomoteurs affectant les déplacements, décubitus, paralysie, réaction locale nécessitant des soins chirurgicaux, anaphylaxie, état de choc, coma, œdème pulmonaire aigu, avortement, mortinatalité, malformations des nouveau-nés, etc.

• Cas inattendu : un effet indésirable inattendu est celui dont la nature, la sévérité ou l’évolution ne concordent pas avec les caractéristiques connues du médicament telles qu’elles figurent dans le résumé des caractéristiques du produit et la notice d’utilisation.

Éléments à retenir

• La vaccination reste avant tout un acte vétérinaire, parfois à l’origine d’événements indésirables. Bien que rares, leur nature doit être connue et maîtrisée par le praticien, afin d’informer au préalable le propriétaire du cheval des risques encourus. Cette étude a pour objectif d’établir une synthèse des différents événements postvaccinaux rapportés chez les chevaux de 2016 à 2018.

ENCADRÉ 2 : SYSTÈME ABON D’IMPUTATION DES ÉVÉNEMENTS INDÉSIRABLES EN MÉDECINE VÉTÉRINAIRE

L’ensemble des données disponibles, confrontées aux données bibliographiques et aux précédents cas enregistrés, conduit à une imputation, c’est-à-dire à un classement des cas dans l’une des catégories (A, B, O, N) prévues par les lignes directrices de l’Agence européenne du médicament. Elle exprime le lien entre le médicament administré et les signes cliniques observés : A (probable), B (possible), O1 (non concluant), O (non classable), N (improbable).

Pour l’évaluation de l’imputabilité, plusieurs facteurs sont à considérer :

– association dans le temps, incluant une éventuelle disparition ou une reprise des symptômes à l’arrêt du traitement ou lors d’administrations répétées, ou une correspondance anatomique (notamment avec le site d’injection ou d’application du médicament) ;

– profil pharmaco-toxicologique, concentrations sanguines et expérience acquise sur le médicament ;

– présence d’éléments cliniques ou pathologiques caractéristiques ;

– exclusion des autres causes possibles ;

– exhaustivité et fiabilité des données fournies par la déclaration du cas ;

– mesure quantitative du degré de contribution d’un médicament au développement d’un effet indésirable (relation dose-effet).

ENCADRÉ 3 : DÉCLARER LES SUSPICIONS D’EFFETS INDÉSIRABLES

La déclaration par le vétérinaire des événements observés s’effectue par plusieurs voies.

• En ligne sur le nouveau site de télédéclaration : https://pharmacovigilance-anmv.anses.fr/

• À l’aide des formulaires à adresser au Centre de pharmacovigilance vétérinaire de Lyon (CPVL), téléchargeables sur https://pharmacovigilance-anmv.anses.fr/ ou sur http://www.vetagro-sup.fr/ recherche-expertise/centre-pharmacovigilance-veterinaire-lyon/

• Par téléphone auprès du CPVL : cet appel doit être suivi du renvoi de la fiche de déclaration fournie par le centre.

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