Le consentement éclairé en pratique équine - Pratique Vétérinaire Equine n° 204 du 01/10/2019
Pratique Vétérinaire Equine n° 204 du 01/10/2019

LÉGISLATION

Cahier scientifique

Article de synthèse

Auteur(s) : Philippe Lassalas

Fonctions : Expert près la cour d’appel
de Versailles
49, avenue du Général Leclerc
78120 Rambouillet

L’obligation d’information et de recueil du consentement éclairé s’impose à tous les praticiens équins. Fruit d’une histoire marquée par la jurisprudence et ses évolutions, sa mise en œuvre suit des modalités pratiques particulières : quelle information, pour qui, comment ?

L’information du propriétaire de l’animal est devenue une composante incontournable de la pratique vétérinaire équine. Cette information et son corollaire, le recueil du consentement éclairé, sont nés d’une jurisprudence qui date d’une trentaine d’années et qui concernait exclusivement les opérations dites de convenance, pratiquées sur un animal en bonne santé préalable. Au fil des années et des attentes de la société, parallèlement à l’apparition de la notion de propriétaire “consommateur”, la jurisprudence a évolué pour étendre la notion d’information aux autres actes que les opérations de convenance.

La notion d’obligation de recueillir le consentement éclairé a finalement été inscrite dans les textes de loi qui concernent l’exercice de la médecine vétérinaire. Souvent vécue comme une contrainte administrative, éloignée d’une vision réductrice du métier de vétérinaire qui consisterait à simplement prodiguer des soins à des animaux, l’information du propriétaire de l’animal est aussi une occasion privilégiée de replacer le praticien au centre du savoir et de la connaissance. Les instances professionnelles ont travaillé bénévolement pour proposer aux praticiens équins des modèles de fiches d’information et de recueil du consentement éclairé qui facilitent cette démarche sur le terrain. Néanmoins, la mise en œuvre systématique de ces nouvelles pratiques se heurte aux habitudes de nombreuses structures qui ne les ont pas encore intégrées dans leur fonctionnement au quotidien. Pourtant, l’analyse des statistiques de mise en cause des vétérinaires, comme celles des médecins, démontre l’intérêt de recourir systématiquement au recueil du consentement de son client.

L’arrêt Agenais et l’obligation d’information

C’est en 1992, soit il y a près d’une trentaine d’années, que la Cour de cassation s’est exprimée pour la première fois au sujet de l’obligation du vétérinaire équin de recueillir le consentement éclairé de son client. L’arrêt Agenais, qui porte le nom du vétérinaire mis en cause, rendu le 10 juin 1992 par la plus haute juridiction nationale, avait en effet abouti à la condamnation du praticien équin, non sur la base d’une faute dans l’exercice de son art, mais sur le manquement à une obligation relative à l’information de son client.

Les magistrats devaient se prononcer à la suite d’un pourvoi formé par le praticien mis en cause, pourvoi qu’ils ont rejeté, considérant « qu’il appartenait au vétérinaire d’obtenir de la propriétaire de la jument l’autorisation de pratiquer une échographie de contrôle dans la mesure où cet acte comportait un risque mortel, si faible soit-il ». Cette première décision, qui n’a connu aucun revirement, gravait dans le marbre l’obligation de recueillir le consentement éclairé du propriétaire pour tout risque non exceptionnel lors d’une intervention dite de convenance.

Au fil des années, la notion de consentement éclairé a été étendue, dans la jurisprudence, aux castrations puis à toutes les interventions chirurgicales non urgentes. Ainsi, dans une décision en date du 3 octobre 2005, le tribunal de grande instance de Cherbourg précise : « Le vétérinaire doit aviser ses clients des conséquences possibles d’un examen, d’un traitement ou d’une intervention chirurgicale de leur animal, de façon à mettre le propriétaire en mesure de comparer les bienfaits estimés et les risques encourus (…) Le fait que Madame X. soit éleveur de chevaux ne dispense en rien un vétérinaire de son obligation de conseil et il appartient au Dr Vre Y. d’établir qu’il a bien informé sa cliente (…) Bien qu’elle ne revête aucun caractère obligatoire, une note d’information remise au client et signée par lui, avant l’opération, permet d’établir l’exécution du devoir de conseil. »

Consacrée par la jurisprudence, la notion d’information et de recueil du consentement éclairé a finalement été inscrite dans la loi, à la suite du décret du 13 mars 2015 qui a modifié le Code rural dont fait partie intégrante notre Code de déontologie : « Le vétérinaire (…) formule ses conseils et ses recommandations, compte tenu de leurs conséquences, avec toute la clarté nécessaire et donne toutes les explications utiles sur le diagnostic, sur la prophylaxie ou la thérapeutique instituée et sur la prescription établie, afin de recueillir le consentement éclairé de ses clients » (encadré 1).

Obtenir un consentement éclairé

Le consentement est le fait de donner son accord, d’accepter ou d’autoriser quelque chose. Pour être “éclairé”, il doit être précédé d’une phase d’information, dont le but est d’éclairer le propriétaire de l’animal à propos de l’intervention qui est le sujet du consentement.

Ainsi, les praticiens ne sont pas uniquement tenus de prodiguer des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science médicale vétérinaire, ce qui caractérise leur obligation en matière de soins. Ils sont également tenus à une obligation d’information destinée à recueillir le consentement éclairé de leur client préalablement à la mise en œuvre des soins.

Ainsi, deux obligations principales résultent du contrat qui lie le vétérinaire à son client. Ces deux obligations distinctes sont soumises à deux régimes différents en termes de preuve et de “charge de la preuve” :

– en matière de soins, l’obligation est une obligation de moyens : en cas de nonrespect, il appartient au client d’apporter la preuve d’une faute, comme le rappelle très précisément la Cour de cassation dans un arrêt daté du 31 janvier 1989 (encadré 2) ;

– en matière d’information, l’obligation est une obligation de résultat : il appartient au vétérinaire de rapporter la preuve de l’information qu’il a délivrée, ainsi que le précise une décision de la Cour de cassation du 25 février 1997 : « Celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation d’information doit rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation. » Comme tout contrat, celui-ci génère aussi des obligations pour le propriétaire de l’animal :

– en matière de soins, sa principale obligation est de régler la facture de la prestation du vétérinaire ;

– en matière d’information, il lui incombe d’informer le vétérinaire des éléments déterminants préalablement à la mise en œuvre de soins.

En effet, s’il est interdit au vétérinaire d’établir un diagnostic sans avoir au préalable réuni les commémoratifs nécessaires, il en découle logiquement que le propriétaire d’un animal ou son détendeur doit lui fournir tous les éléments d’information dont il dispose relatif à l’animal à examiner et à soigner, que ce soit en termes de comportement, d’antécédents médicaux ou de circonstances d’apparition des troubles à l’origine de l’intervention sollicitée.

Dans la mesure où le cheval ne parle pas, il est impératif que les personnes qui détiennent des informations à son sujet les communiquent au praticien avant toute intervention de sa part (photo 1).

Objet du commerce, les informations relatives au dossier médical d’un cheval devraient également être accessibles, mais il s’agit d’un autre débat.

Le Code de déontologie précise que le recueil du consentement éclairé concerne tous les actes du praticien, aussi bien en termes de prophylaxie, de diagnostic que de traitement. Cette disposition apparaît plus contraignante que les dispositions similaires prévues au sein du Code de déontologie médicale (qui concerne les médecins), lesquelles prévoient expressément des possibilités d’exonération.

Deux exceptions notables

La première clause d’exonération est l’urgence. En effet, en cas d’urgence, la priorité est de soigner le malade (homme ou animal) et non pas de lui faire signer un document.

Heureusement, même si le texte du Code de déontologie n’est pas suffisamment précis sur ce point, les tribunaux font la part des choses et il n’existe pas, à notre connaissance, de jurisprudence qui aurait condamné un praticien pour manquement à son obligation d’information dans un cas d’urgence médicale et/ou chirurgicale.

La seconde clause d’exonération est l’impossibilité d’informer. Lorsqu’un médecin urgentiste est au chevet d’un individu dans le coma, la question ne se pose pas d’obtenir directement de cet individu un quelconque consentement. Le consentement est alors recherché auprès des proches, s’ils sont joignables ! Et c’est bien là la problématique des praticiens équins qui sont rarement en contact direct avec le propriétaire décisionnaire des soins à mettre en œuvre. Le “client” du vétérinaire équin est rarement présent dans l’écurie au moment des soins, contrairement au propriétaire canin ou à l’éleveur avec lequel ceux qui exercent en clientèle canine ou rurale ont beaucoup plus facilement et fréquemment des échanges directs.

Se pose alors la question du mandat dont dispose éventuellement le dépositaire du cheval ou celui qui le présente au vétérinaire. La question est d’autant plus délicate en pratique équine que les propriétaires sont parfois multiples et que l’existence de copropriétaires n’est pas systématiquement portée à la connaissance du praticien. Là encore, un échange d’information est indispensable entre le vétérinaire et celui qui sollicite son intervention : il ne s’agit pas d’une information à sens unique, mais d’une véritable communication.

S’il est exact que le vétérinaire doit interroger la personne qui lui présente le cheval, celle-ci doit aussi spontanément lui délivrer toutes les informations relatives au cheval dont elle a connaissance : identité du ou des propriétaires, activité, antécédents, comportement, etc.

Les aspects liés à la nature de l’information qui doit être délivrée par le vétérinaire peuvent classiquement être distingués en tenant compte du fond et de la forme. La forme, tout d’abord : la jurisprudence précise qu’en matière d’information, celleci doit être claire, loyale et appropriée. La notion de clarté de l’information est à opposer à un langage trop scientifique qui rendrait le propos incompréhensible pour celui qui est censé être informé. Une possibilité consiste à remplacer des mots précis et scientifiquement exacts par des termes plus généraux, mais compris du public auquel le vétérinaire s’adresse. Par exemple, l’expression « desmopathie du ligament accessoire du fléchisseur profond du doigt » peut utilement être remplacée par « lésion de la bride carpienne », une structure connue de tous les acteurs du milieu du cheval dès les premiers cours d’hippologie. La loyauté consiste à ne pas chercher à influencer son interlocuteur en lui dissimulant, par exemple, que certaines techniques non pratiquées par le praticien concerné pourraient être parfaitement adaptées au cas présenté. L’information doit enfin être appropriée, c’est-à-dire adaptée à la situation présente et pas uniquement au cas général.

En matière de tarif, le Code de déontologie précise également que « le vétérinaire fournit le prix du service, lorsque le prix est déterminé au préalable ou, à défaut, une méthode de calcul de ce prix ou un devis pour un type de service donné ». Deux décisions récentes, émanant de tribunaux d’instance, ont rejeté les demandes de paiement de leurs honoraires à des vétérinaires qui n’avaient pas au préalable informé leurs clients du tarif de leur intervention.

Sur le fond, l’information doit permettre à l’interlocuteur de connaître les différentes possibilités diagnostiques, les alternatives thérapeutiques, les principaux risques inhérents à chaque acte technique envisagé et de faire un choix en connaissance de cause, après avoir mis en balance les bénéfices attendus et les risque encourus.

Risques inhérents à tout acte vétérinaire

La notion de risque associé à tout acte médical et/ou chirurgical est fondamentale. Sauf à ne jamais regarder les publicités à la télévision, aucun téléspectateur français ne peut ignorer que « tout médicament peut exposer à des risques ; demandez conseil à votre pharmacien ». Ces publicités qui tournent en boucle l’hiver pour lutter contre les maux de gorge mâchent le travail des vétérinaires (et des médecins) en matière d’information au sujet des médicaments. Elles ont aussi l’avantage de responsabiliser le client en lui enjoignant de solliciter un conseil et d’être proactif pour recueillir l’information dont il a besoin.

En réalité, ce ne sont pas que les médicaments qui présentent un risque, mais tous les actes vétérinaires sans exception. Et c’est justement en raison du caractère risqué (riskiness en anglais) de tous les actes vétérinaires que le praticien n’est soumis qu’à une obligation de moyens en matière de soins, outre le fait qu’il n’a pas l’obligation de guérir, mais uniquement de soigner. En effet, le législateur ne veut pas empêcher les vétérinaires d’exercer leur métier, donc de prendre des risques. Si le contrat de soins était assorti d’une obligation de résultat ou d’une obligation de moyens renforcée, imposant au vétérinaire d’apporter la preuve de son absence de faute, nombre de praticiens ne pratiqueraient plus certains actes pour ne pas s’exposer à des condamnations. Ainsi, puisqu’il doit prendre des risques pour exercer son métier, le vétérinaire n’est soumis qu’à une obligation de moyens… et à son corollaire, l’obligation d’information sur les risques encourus.

Ces derniers peuvent être catégorisés selon leur fréquence et leur gravité. Si un risque mineur et fréquent échappe à l’information délivrée par le vétérinaire, il est peu probable que cela aura une conséquence néfaste pour lui. La discussion avec le client mécontent portera le plus souvent sur la prise en charge des frais vétérinaires consécutifs à la complication intervenue. À l’inverse, les risques graves, même s’ils sont peu courants, doivent impérativement être portés à la connaissance du client par le vétérinaire. S’il n’est pas aisé de placer le curseur de gravité d’un risque, laquelle peut être appréciée différemment selon la sensibilité individuelle de chacun, il est facile de concevoir qu’une complication ayant pour conséquence une intervention chirurgicale, une invalidité, voire la mort, nécessite un signalement spécifique.

Prouver l’information délivrée

Puisque c’est au praticien équin de rapporter la preuve de l’information qu’il a délivrée d’une part, et du consentement qu’il a recueilli d’autre part, plusieurs modalités pratiques s’offrent à lui.

La première des méthodes, qui doit être systématiquement envisagée, est l’information orale :

– aucun document ne dispense de l’information orale donnée par le vétérinaire ;

– aucun texte de loi et aucune décision de jurisprudence oblige le vétérinaire à recueillir le consentement de son client par écrit ;

– aucun texte de loi et aucune décision de jurisprudence oblige le client du vétérinaire à attester par sa signature avoir reçu l’information.

L’oralité est la base d’une communication réussie. Or très souvent, un manque de communication orale est à l’origine de la mise en cause de la responsabilité civile professionnelle des vétérinaires équins. Lorsqu’elle est donnée oralement, l’information permet de désamorcer bon nombre de conflits ultérieurs, sauf en cas de mauvaise foi ou de perte de mémoire de la part du client.

En matière d’information, la preuve de l’information peut être rapportée par tous moyens. En matière civile, elle est ainsi rapportée par l’aveu, le témoignage, les écrits et les faisceaux de présomption. En matière de force probante, l’aveu est beaucoup plus fort que le témoignage, les écrits signés par le client sont plus forts que les écrits du seul vétérinaire.

Néanmoins, en pratique, il est vivement conseillé au vétérinaire équin de consigner sur son ordonnance les éléments principaux relatifs aux échanges d’information intervenus avec son client. Par exemple, à la suite d’une consultation pour des coliques nécessitant une éventuelle intervention chirurgicale, si le propriétaire refuse d’hospitaliser son animal, il peut être utile pour le vétérinaire de le mentionner sur son ordonnance. Si ce n’est pas le rôle initial de l’ordonnance, elle constitue cependant un document écrit en deux exemplaires sur lequel le praticien peut consigner les conseils et les recommandations prévus dans le Code de déontologie.

De même, l’administration, la prescription ou la délivrance d’un médicament pourront utilement être complétées, en dehors des informations légalement prévues, par une information sur les risques inscrite sur l’ordonnance. Par exemple, la prescription d’un médicament à base de pénicilline-procaïne pourra rappeler, outre la posologie :

– de réaliser les injections dans le box par voie intramusculaire stricte ;

– de vérifier l’absence de sang au point d’injection ;

– d’alterner les points d’injection ;

– de veiller au risque de réaction allergique potentiellement fatale.

À défaut de témoigner formellement de l’information reçue par le propriétaire, tout document écrit par le vétérinaire témoigne de l’information délivrée, et c’est déjà un début de commencement de preuve.

Enfin, en matière d’opération de convenance et d’intervention chirurgicale programmée, les praticiens équins disposent de nos jours de formulaires mis à leur disposition par leurs instances professionnelles, en particulier l’Association vétérinaire équine française (Avef) et la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV). Le premier document établi par l’Avef, téléchargeable sur son site web, est issu de la conférence de consensus sur la castration, organisée en 2002. Il a fait l’objet d’une actualisation, présentée lors du congrès de l’Avef 2019, qui sera disponible sur le site début 2020. Un autre document, corédigé par l’Avef et la SNGTV, concerne les risques inhérents au suivi gynécologique chez la jument (encadré 3). L’Avef met aussi à la disposition de ses membres un document d’information et de recueil du consentement éclairé avant les interventions chirurgicales sous anesthésie générale. Enfin, un document sur les risques inhérents aux infiltrations, également présenté au congrès 2019, sera mis en ligne en début d’année 2020.

Bien entendu, il est vivement recommandé d’utiliser systématiquement ces documents. C’est le caractère systématique qui n’est pas encore entré dans les pratiques habituelles de certains praticiens, notamment parce que cela bouscule des habitudes prises depuis de nombreuses années (encadré 4).

Si l’information orale incombe au praticien, à l’inverse, l’envoi des documents d’information peut aisément être délégué aux assistants ou au secrétariat de la structure vétérinaire, dès la demande de rendez-vous. Par exemple, lorsqu’un client prend rendez-vous pour une castration ou une intervention chirurgicale, le secrétariat doit recevoir la consigne de systématiquement envoyer, notamment par mail, les documents d’information et de recueil du consentement éclairé. Pour le suivi gynécologique, le document correspondant doit être rempli lors du dépôt de la jument au haras ou avant le premier examen.

Comme la preuve de l’information délivrée peut être rapportée par tous moyens, il convient d’archiver les documents d’une année sur l’autre pour disposer d’un moyen pour justifier de l’information délivrée et du consentement recueilli. L’archivage de cette preuve revêt alors un aspect fondamental, puisqu’il faudra retrouver, le moment venu (c’est-à-dire lors de la mise en cause), le fameux document signé en début de saison ou les années précédentes.

À l’heure du numérique, le stockage sous forme dématérialisée des documents préalablement scannés représente la meilleure solution. Certains logiciels vétérinaires permettent d’ailleurs de recueillir directement le consentement et la signature du client sur une tablette (photos 2a à 2c).

Responsabilité civile, une problématique collective

Bien qu’elle soit souvent vécue comme une contrainte administrative, l’obligation d’information présente en réalité de multiples avantages, pour le praticien en particulier et la profession en général. La mise en œuvre du consentement éclairé pour la castration a ainsi divisé par vingt, en trois ans, la part des sinistres “castration” du principal assureur en responsabilité civile professionnelle (RCP) des vétérinaires équins français (tableau). Cet impact, en termes d’assurance, n’est pas négligeable. Ainsi, à l’inverse, les médecins qui réalisent les échographies prénatales avaient vu leur cotisation d’assurance en RCP augmenter de plusieurs dizaines de milliers d’euros, à la suite d’une erreur de diagnostic au cours d’une grossesse, avant que les primes ne baissent à nouveau après la diffusion systématique d’un document commun indiquant que « tout examen échographique, même conduit avec compétence, comporte des limites ».

Pour ceux qui n’en auraient pas encore conscience, il convient de rappeler que l’assurance en RCP des vétérinaires équins est une problématique collective, et non individuelle, dès lors qu’elle repose sur un faible nombre d’assurés, un grand risque financier et un nombre peu élevé d’acteurs sur le marché de l’assurance. Enfin, à l’heure où il est possible d’obtenir sur Internet toute sorte d’information, y compris des fake-news, n’est-il pas judicieux pour le vétérinaire de se positionner vis-à-vis de son client comme celui qui a la connaissance et qui doit être l’interlocuteur privilégié pour répondre aux interrogations légitimes qu’il se pose au sujet de la santé de son cheval ?

Conclusion

Le recueil du consentement éclairé de son client est devenu une obligation pour le praticien équin au fil des changements de la jurisprudence et de la législation. Cette évolution relativement récente du cadre réglementaire de l’exercice de notre profession est parfois vécue comme une nouvelle contrainte administrative, alors qu’elle est aussi une opportunité pour replacer le vétérinaire au cœur du savoir et de la connaissance de la santé du cheval. La société évolue ; elle génère de nouvelles exigences pour tous les professionnels et de nouveaux droits pour le client “consommateur”. Avec le développement d’Internet, ce dernier a accès à une multitude d’informations qui ne sont pas nécessairement adaptées à la situation réelle de son animal.

Le praticien équin, par sa connaissance globale de la santé équine, peut retrouver une place privilégiée vis-à-vis de son client en lui consacrant quelques minutes pour discuter, échanger et communiquer au sujet de la santé de son cheval.

Le métier de vétérinaire équin ne consiste pas seulement à prodiguer les meilleurs soins techniques à un cheval, mais à soigner un animal qui avant tout appartient à un client. Ce dernier a besoin d’informations pour témoigner sa confiance au vétérinaire. Recueillir le consentement éclairé de son client, c’est obtenir sa confiance.

CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN

ÉLÉMENTS À RETENIR

• Aucun acte médical ou traitement non urgent ne doit être (appliqué sans un consentement libre et éclairé) … mis en œuvre sans un consentement préalable.

• La communication (des risques associés à chaque intervention est l’un des devoirs des vétérinaires) sur les risques inhérents à chaque intervention est une obligation.

• Des formulaires conformes à la réglementation pour recueillir le consentement sont disponibles en ligne sur le site de l’AVEF.

ENCADRÉ 1 : EXTRAIT DU CODE DE DÉONTOLOGIE VÉTÉRINAIRE

• Article R. 242-48 : devoirs fondamentaux

I. Le vétérinaire doit respecter le droit que possède tout propriétaire ou détenteur d’animaux de choisir librement son vétérinaire.

II. Il formule ses conseils et ses recommandations, compte tenu de leurs conséquences, avec toute la clarté nécessaire et donne toutes les explications utiles sur le diagnostic, sur la prophylaxie ou la thérapeutique instituée et sur la prescription établie, afin de recueillir le consentement éclairé de ses clients.

ENCADRÉ 2 : OBLIGATION DE MOYENS EN MATIÈRE DE SOINS ET SES CONSÉQUENCES

Selon l’arrêt de la Cour de cassation, 1re chambre civile, du 31 janvier 1989 (extrait), « il se forme entre un vétérinaire et son client un contrat comportant pour le praticien l’engagement de donner, moyennant des honoraires, des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science ; la violation même involontaire de cette obligation peut être sanctionnée par une responsabilité contractuelle dans la mesure où elle procède d’une faute qu’il appartient au client de prouver ».

ENCADRÉ 3 : FORMULAIRES POUR LES OPÉRATIONS DE CONVENANCE

Ces documents ont été respectivement rédigés par l’Avef avec la SNGTV et par l’Avef seule.

ENCADRÉ 4 : CONSÉQUENCES DU DÉFAUT DE RECUEIL DU CONSENTEMENT ÉCLAIRÉ

L’absence d’information et de recueil du consentement éclairé est à l’origine, lorsqu’une complication intervient, d’une perte de chance pour le propriétaire de renoncer à l’intervention à l’origine de cette complication ou d’en choisir une autre moins risquée. En termes de chiffrage, cette perte de chance est calculée en déterminant d’abord le préjudice subi, du point de vue du propriétaire, puis en appliquant un coefficient de perte de chance, déterminé selon les observations d’un expert ou par les magistrats saisis.

Dans certains cas, en l’absence d’information, la perte de chance consécutive peut être nulle. Ainsi, dans sa décision du 3 février 2017, le tribunal de grande instance d’Evry s’est prononcé sur la responsabilité d’un vétérinaire qui n’avait pas informé le propriétaire d’un cheval de course au trot des risques inhérents aux infiltrations paravertébrales : « Au regard de la gravité des troubles neurologiques, le vétérinaire était tenu d’avertir le propriétaire du cheval de ce risque, peu important qu’il ne se réalise qu’exceptionnellement (…). Le vétérinaire ne peut prétendre qu’il était dispensé de son obligation d’information au motif que les propriétaires du cheval étaient des professionnels avertis. En effet, cette seule qualité ne leur permet pas nécessairement de connaître les risques médicaux d’une infiltration (…). Les propriétaires ne démontrent pas qu’ils auraient refusé l’infiltration si le vétérinaire les avait informés du risque de la survenue de troubles neurologiques (…). Le tribunal relève que, eu égard au faible risque encouru (estimé à 0,01 % par l’expert judiciaire), les demandeurs n’auraient certainement pas laissé le cheval sans soin, ceci afin de ne pas compromettre ses chances lors des courses à venir (…). En conséquence de tout ce qui précède, à défaut pour les demandeurs de démontrer une faute de la part du vétérinaire lors de la pratique des infiltrations, ou d’un préjudice résultant du défaut d’information quant aux risques d’une telle pratique, il convient de les débouter de toutes leurs demandes. »

Abonné à Pratique Vétérinaire Equine, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr