TROUBLES RESPIRATOIRES
Cahier pratique
Fiche technique
Auteur(s) : Valentine Delacroix*, Juliette Israël**, Jean-Luc Cadoré***
Fonctions :
*VetAgro Sup
Campus vétérinaire de Lyon
1, avenue Bourgelat
69280 Marcy-l’Étoile
La toux est un réflexe de défense mis en jeu par le système respiratoire afin d’évacuer le mucus et les particules étrangères hors des bronches et de la trachée. Chez le cheval, la toux fait partie du tableau clinique de nombreuses affections, respiratoires ou non. Elle constitue un motif de consultation fréquent, notamment en raison de la gêne occasionnée à l’effort et de la baisse de performances qu’elle engendre. Aborder un cheval qui tousse nécessite d’établir un diagnostic différentiel large, dans le cadre d’une démarche diagnostique rigoureuse.
La toux est initiée par la stimulation de nocicepteurs situés principalement au niveau de la muqueuse du larynx et à la bifurcation trachéobronchique. Ces récepteurs répondent à des stimulations chimiques, mécaniques et thermiques [1]. Il est admis que le réflexe de toux chez le cheval est relativement peu sensible : il ne tousse que lorsqu’il a vraiment une bonne raison de le faire.
Le diagnostic différentiel des affections qui entraînent une toux est fondé sur différents critères : l’étiologie, la localisation des troubles (voies respiratoires hautes ou basses), les caractéristiques de la toux (chronique ou aiguë, forte ou faible, etc.). Le recueil précis de l’anamnèse, la réalisation d’un examen clinique complet et une caractérisation rigoureuse de la toux permettent d’orienter la démarche diagnostique selon les présentations cliniques les plus fréquemment rencontrées (tableau 1 et encadré 1).
Une toux sèche d’apparition aiguë, associée à une hypertrophie des nœuds lymphatiques mandibulaires, une hyperthermie, un jetage muqueux à muco-purulent et un abattement signent une affection d’origine virale ou bactérienne (tableau 2) [2, 3]. L’écouvillon pharyngé et le lavage transtrachéal sont à entreprendre pour rechercher virus et bactéries respiratoires. Des radiographies et échographies thoraciques peuvent également être réalisées afin d’explorer une atteinte du parenchyme pulmonaire. En cas de signes légers à modérés, ces examens sont parfois difficiles à interpréter. Néanmoins, les résultats sont significatifs dans le cadre de certaines affections comme la rhodococcose, qui entraîne la formation de consolidations du parenchyme pulmonaire très caractéristiques, et ils permettent alors d’évaluer la sévérité de l’atteinte.
Une toux sèche, chronique, survenant particulièrement lors de la mise à l’effort chez un cheval adulte doit rapidement orienter vers une inflammation chronique des petites voies respiratoires (“asthme modéré” ou “asthme sévère”, photo 1).
Cette affection consiste en une réaction d’hypersensibilité d’origine multifactorielle et survient à la suite d’une exposition à des particules contenues dans l’environnement (moisissures du foin, endotoxines bactériennes, gaz nocifs, etc.). Elle est à l’origine d’une inflammation des bronchioles, accompagnée d’un bronchospasme, de l’accumulation de mucus dans les voies respiratoires et de remodelages histologiques menant à l’obstruction de la lumière des bronchioles. La présentation est chronique : des crises d’inflammation sévère laissent place à des phases de rémission lorsque l’environnement est moins poussiéreux [5].
Le diagnostic est établi grâce au recueil précis de l’anamnèse, à l’observation des signes cliniques (tableau 3), à la réalisation d’un test de ventilation forcée (encadré 2) et d’un lavage broncho-alvéolaire (encadré 3). Une endoscopie est également conseillée : elle permet de visualiser l’accumulation de mucus dans la trachée et au niveau de la bifurcation trachéo-bronchique, ainsi que l’épaississement de la carène bronchique, signes caractéristiques de l’affection.
Les affections des voies hautes peuvent entraîner une toux, qui est alors plutôt grasse, survient par quintes et peut être associée à des signes de dysphagie ou à des bruits surajoutés à l’effort. L’endoscopie au repos et à l’exercice représente l’examen de choix afin de vérifier l’intégrité des structures inspectées.
• Les cavités nasales : en cas de sinusite, un jetage muco-purulent provenant des sinus peut être observé dans les cavités nasales. Il entraîne une irritation des voies respiratoires hautes et de la toux [7].
• Le pharynx : l’examen endoscopique permet de quantifier l’hyperplasie lymphoïde pharyngée rencontrée fréquemment chez le pursang à l’entraînement. L’hyperplasie est classée selon sa sévérité en quatre grades (1 à 4) et une toux est significativement plus souvent observée chez les chevaux présentant les grades les plus élevés [8, 9].
• L’épiglotte : la présence d’un kyste sous-épiglottique peut entraîner une dysphagie et une toux (photo 2) [10].
• Le larynx : l’examen permet de déceler une hémiplégie laryngée ou encore un déplacement dorsal du voile du palais. Ces deux affections, responsables de bruits surajoutés à l’effort (bruit de “cornage” caractéristique), sont parfois à l’origine d’une toux (photo 3) [11].
• Les poches gutturales : un empyème ou une mycose des poches gutturales peuvent provoquer une irritation et un œdème des voies respiratoires hautes (photo 4) et entraîner une toux, ainsi qu’une dysphagie par atteinte des nerfs qui cheminent à proximité (nerfs facial, glossophayngé, vague, accessoire et hypoglosse) [12].
• Trachée et œsophage : lorsqu’un éventuel corps étranger est bloqué dans ces structures, une toux forte et quinteuse se déclenche. De plus, chez le cheval de course présentant une contre-performance, l’accès à la trachée avec l’endoscope permet de déceler une hémorragie pulmonaire induite à l’effort si celle-ci est récente.
D’autres affections, moins fréquemment rencontrées, peuvent entraîner une toux. Ces pistes sont à explorer lorsque les hypothèses principales ont été écartées.
La toux d’origine parasitaire est parfois difficile à diagnostiquer : elle est le plus souvent fugace et s’accompagne de signes peu spécifiques pouvant s’apparenter à ceux de l’inflammation chronique des petites voies respiratoires. Les parasites les plus fréquemment responsables d’une pneumonie vermineuse sont des nématodes (tableau 4) [13].
Une toux peut se manifester chez des chevaux atteints d’une affection cardiaque, comme l’insuffisance cardiaque gauche. Elle se présente sous une forme chronique, plutôt faible et sourde, et est associée à un ensemble de signes cliniques reflétant une défaillance cardiovasculaire : anomalie à l’auscultation cardiaque, pâleur des muqueuses et temps de recoloration capillaire allongé, pouls jugulaire rétrograde, œdème sous-cutané, effusion pleurale, etc. [14]. Le diagnostic passe par la réalisation d’un électrocardiogramme et d’une échocardiographie.
Aborder un cheval qui tousse requiert le recueil complet de l’anamnèse et une caractérisation précise du type de toux, afin d’orienter le diagnostic et le choix des examens complémentaires et d’envisager un traitement adapté.
CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN
• Points clés de l’anamnèse chez un cheval qui tousse :
– commémoratifs : âge, mode de vie, qualité du fourrage et de la litière ;
– anamnèse : contagiosité, épidémies en cours au sein de l’écurie ou de la région, déplacements récents du cheval.
• Points clés de l’examen clinique chez un cheval qui tousse :
– détection d’une d’hyperthermie, d’une hypertrophie des nœuds lymphatiques mandibulaires, d’un jetage, auscultation thoracique, fréquence et courbe respiratoires ;
– caractéristiques de la toux : aiguë ou chronique, grasse ou sèche, présente au repos ou à l’effort.
• Matériel
Un sac plastique de 30 l environ, une aide pour la contention, un stéthoscope.
• Technique
Apposer le sac sur les naseaux du cheval le plus hermétiquement possible pendant trois minutes. La technique doit être systématisée : utiliser un sac de même contenance et ausculter le thorax de la même manière afin de pouvoir comparer les résultats. L’examen doit concerner l’ensemble du parenchyme pulmonaire, ainsi que la trachée.
• Résultats
Ce test, qui permet d’augmenter la fréquence et l’amplitude des mouvements respiratoires, facilite l’analyse de la courbe respiratoire et l’auscultation des bruits. En cas d’inflammation des petites voies respiratoires, l’examen est mal toléré par le cheval, qui tente rapidement de s’y soustraire, et peut déclencher une toux. Des râles expiratoires et des sifflements sont alors audibles. La récupération après le test est plus lente que la normale (supérieure à six respirations pour un test toléré pendant trois minutes).
• Matériel
– Un cathéter nasopharyngé (10 mm de diamètre environ) ou un endoscope permettant l’aspiration de liquide ;
– 225 ml de NaCl ;
– 25 ml de lidocaïne ;
– 5 seringues de 50 ml ;
– alpha2-agonistes pour la sédation.
• Méthode
Instiller une première seringue contenant 25 ml de lidocaïne et 25 ml de NaCl, puis rapidement poursuivre avec l’instillation des 200 ml restants. Réaspirer directement 50 à 80 % du liquide envoyé. Chez les chevaux atteints d’inflammation chronique des petites voies respiratoires, les volumes de liquide récoltés lors du lavage broncho-alvéolaire sont significativement plus faibles en raison de l’obstruction des voies respiratoires et du bronchospasme.
• Résultats
– Cytologie chez un cheval sain : 400 cellules/mm3, moins de 5 % de neutrophiles, 40 à 90 % de macrophages, 30 à 60 % de lymphocytes.
– Cytologie chez un cheval atteint d’inflammation chronique des petites voies respiratoires : inflammation modérée (neutrophilie > 15 %) à marquée (neutrophilie > 25 %), réduction du nombre de macrophages et de lymphocytes.
D’après [7].