Un cas de comportement agressif chez un cheval intersexué 64XX associé à un hermaphrodisme vrai - Pratique Vétérinaire Equine n° 202 du 01/04/2019
Pratique Vétérinaire Equine n° 202 du 01/04/2019

REPRODUCTION

Cahier scientifique

Cas clinique

Auteur(s) : Mélodie Mack-Daurelle*, Maëlle Farfan**, Mélanie Danais***, Céline Mespoulhès-Rivière****

Fonctions :
*Clinique équine ENVA
7, avenue du Général-de-Gaulle
94700 Maisons-Alfort
**Clinique équine ENVA
7, avenue du Général-de-Gaulle
94700 Maisons-Alfort
***Equi Vet Services
BP4, chemin des Vaches
60580 Coye-la-Forêt
****Clinique équine ENVA
7, avenue du Général-de-Gaulle
94700 Maisons-Alfort

Lors d’une anomalie du comportement, le diagnostic différentiel est une étape essentielle, plusieurs causes étant envisageables. Une évaluation clinique complète suivie de multiples examens complémentaires permet d’établir le diagnostic.

Les anomalies du développement sexuel comprennent l’ensemble des anomalies relatives au développement de l’appareil reproducteur, que ce soit à l’échelle des chromosomes et des gènes, des gonades ou du tractus génital. Chez le cheval, elles sont sous-diagnostiquées en raison du phénotype normal souvent observé, ainsi que de leur étiologie et de leur pathogénie encore incertaines à ce jour. Il est donc intéressant de recenser les cas tels que celui présenté ici, qui concerne une jument hermaphrodite vraie. Ce type d’anomalie se définit par la présence concomitante de tissus testiculaire et ovarien au sein d’un même individu. Ce cas met en évidence une morphologie atypique et discute des causes potentielles.

Cas clinique

Commémoratifs

Une jument d’origine constatée âgée de 5 ans, utilisée dans le cadre d’une activité de concours de saut d’obstacles (CSO), est présentée à l’École nationale vétérinaire d’Alfort (ENVA) pour une stérilisation en raison de son comportement agressif. Elle est issue d’un étalon selle français et d’une jument haflinger (photo 1).

Anamnèse

En 2013, la jument, âgée de 18 mois, montre un comportement difficile en main et tente de saillir sa mère au pré. En 2015, son débourrage est entrepris, mais se révèle compliqué, car la pouliche est agressive envers ses congénères. À l’âge de 4 ans, elle possède une musculature très développée par rapport à une jument de la race considérée. Son agressivité étant davantage contrôlée, une saison de concours est initiée, mais est arrêtée dès le printemps 2017 avec le début de la saison de reproduction. En effet, la propriétaire ne parvient pas à canaliser sa jument sur les paddocks, car celle-ci se cabre régulièrement. Elle lui administre alors un traitement phytothérapique à base de curcuma et de pomme verte (Ovary Stab ®) qui favorise la régulation du cycle ovarien, mais qui n’a aucun effet sur sa jument. Mi-juin, elle fait appel à sa vétérinaire traitante qui réalise une échographie transrectale. L’ovaire gauche présente une architecture testiculaire tandis que l’ovaire droit n’est pas visualisé. Afin d’expliquer le trouble comportemental de la jument, compatible avec une tumeur ovarienne, un bilan des hormones sexuelles (prolactine, estradiol, progestérone et testostérone) est également effectué. Ce dernier révèle une testostéronémie très élevée (six fois la valeur seuil chez une jument), ainsi qu’une hyperprolactinémie (tableau 1). Au vu des résultats hormonaux, de l’examen échographique et du comportement ingérable de la jument, la vétérinaire décide de la référer à l’ENVA pour une stérilisation.

Examen clinique

Début juillet 2017, la jument est présentée à l’ENVA. À l’examen physique, elle montre un bon état général. Sa musculature est très développée et la jument est bréhaigne (présence de crochets, soit des dents 104 et 204). Son clitoris est hypertrophié, contractile, avec une fosse urétrale, et d’aspect comparable à un gland (photos 2a et 2b). En région inguinale, la jument possède des mamelles et des anneaux inguinaux externes très larges. L’échographie de cette région ne révèle pas de testicule inguinal. À la palpation et à l’échographie transrectales, l’utérus n’est pas identifié et aucun anneau inguinal interne n’est palpé. Les ovaires sont petits (3,53 × 4,37 cm à gauche, 1,98 × 3,55 cm à droite), sans fosse ovulatoire palpable et leur architecture est modifiée à gauche (échogénicité hétérogène sans visualisation de follicules ou de corps jaunes) et testiculaire à droite (échogénicité homogène, photos 3a et 3b).

Diagnostic différentiel

Les anomalies comportementales chez une jument peuvent être liées à une mauvaise éducation, mais il convient auparavant d’éliminer une origine hormonale ou douloureuse, en particulier au niveau de l’appareil locomoteur. En effet, il est montré que les juments dites “pisseuses” et faisant preuve d’agressivité présentent, dans un tiers des cas, une douleur ostéoarticulaire [4]. Cependant, ce type de douleur n’explique guère le comportement de la jument présentée dans ce cas envers ses congénères au box. Une hyperprolactinémie est également souvent observée chez ces juments “pisseuses”, mais il reste à expliquer si celle-ci est le marqueur ou la cause d’une attitude anormale, en particulier d’une anxiété. En outre, une hypertestostéronémie n’est pas observée dans ce cadre.

Deux autres causes peuvent justifier la production excessive de certaines hormones expliquant un comportement agressif chez une jument :

- un phénomène néoplasique, tel qu’une tumeur ovarienne des cellules de la granulosa. L’hormone la plus fréquemment sécrétée est la prolactine, en lien avec une forte production d’estradiol et d’autres estrogènes. Dans de rares cas, ces tumeurs sécrètent aussi de la testostérone. Cela est donc compatible avec le dosage hormonal de la jument. Cependant, l’échographie transrectale est peu en faveur de cette hypothèse (absence d’hypertrophie des ovaires, pas de structure en nid d’abeille, utérus non visualisé), de même que le jeune âge de la jument (80 % des juments présentant ce type de tumeur ont plus de 6 ans) ;

- une anomalie du développement sexuel (présence de tissu testiculaire). Cette hypothèse est privilégiée, notamment en raison des anomalies morphologiques observées. Cependant, des examens complémentaires sont nécessaires pour la confirmer.

Intervention chirurgicale

Le bilan préopératoire (numération et formule sanguines, biochimie, électrocardiogramme, test au sac) ne révèle aucune anomalie contre-indiquant la chirurgie et un protocole de mise à jeun est mis en place. Le matin de l’intervention, un traitement anti-inflammatoire (flunixine à la dose de 1,1 mg/kg par voie intraveineuse [IV]) et antibiotique (pénicilline à raison de 22 000 UI/kg par voie intramusculaire [IM]), ainsi qu’un sérum antitétanique (1 500 UI par voie sous-cutanée [SC]) sont administrés. La laparoscopie est réalisée dans un travail sous neuroleptanalgésie (bolus de détomidine [10 µg/kg] et de butorphanol [20 µg/kg] suivi par une perfusion continue de détomidine à 5 µg/kg/h). L’utérus d’apparence flasque et les ovaires appendus par un méso long et lâche sont visualisés, contrairement aux oviductes (photos 4a et 4b). L’exérèse de la gonade gauche puis de la droite est réalisée après la section du mésovarium au Ligasure® et l’élargissement de la porte d’entrée ventrale gauche.

Une endoscopie du tractus génital est ensuite effectuée et révèle deux cols utérins successifs (photos 5a et 5b). Le premier col, nommé col utérin-like, semble être présent à la limite entre le vestibule du vagin et le vagin, tandis que le second délimite effectivement le vagin de l’utérus. L’utérus est très petit et paraît peu tonique. Il se termine à la bifurcation des cornes utérines qui sont très courtes et aveugles (photo 6).

Enfin, le tractus urinaire est également visualisé par endoscopie et ne révèle aucune anomalie, si ce n’est l’abouchement ectopique de l’urètre, à côté de l’entrée du col utérin-like (photo 7).

En phase postopératoire, la jument reçoit de la pénicilline le soir de l’intervention et le traitement anti-inflammatoire est maintenu pendant 5 jours, avec un relais par voie orale (phénylbutazone à la dose de 2,2 mg/kg deux fois par jour). Elle quitte la clinique 4 jours après l’intervention et les points cutanés sont retirés 10 jours plus tard. La jument est progressivement remise au travail à partir du mois d’août. Son comportement change radicalement en moins de 15 jours après la stérilisation, puisque sa propriétaire rapporte qu’elle est devenue calme et ne présente plus aucune agressivité envers les autres chevaux.

Examens complémentaires

Les gonades sont envoyées au Laboratoire d’anatomie pathologique vétérinaire (LAPV) pour une analyse histopathologique (photo 8). Elles comportent à la fois :

- du tissu ovarien : présence de follicules primaires bordés par des cellules de la granulosa et entourés de cellules fusiformes comparables à celles de la thèque, en l’absence d’ovocytes (photo 9a) ;

- du tissu testiculaire : présence de tubes séminifères composés de cellules de Sertoli séparées par du tissu collagénique et d’une substance amorphe calcifiée dans leur lumière (en l’absence de spermatogonies et de spermatozoïdes), ainsi que de grandes cellules vacuolisées acidophiles qui s’apparentent aux cellules de Leydig (photo 9b).

En raison de la présence concomitante des deux types de tissus gonadiques, les gonades de la jument sont catégorisées comme des ovotestis.

Afin de rechercher l’origine de la présence des ovotestis, un caryotype est réalisé par la plate-forme de cytogénétique de l’ENVT. Pour cela, une culture cellulaire des leucocytes de la jument est effectuée, à partir de sang prélevé sur un tube hépariné. Son caryotype est 64XX, donc normal chez une jument.

Discussion

Anomalies du développement sexuel et inversion sexuelle

Le développement des gonades et des voies génitales est sous contrôle génétique et hormonal (encadré 1 et figure 1). Ces régulations, parfois défaillantes, sont à l’origine d’altérations regroupées sous le terme d’anomalies du développement sexuel (ADS). Il existe trois types d’ADS : primaire, secondaire et ambiguë, selon la localisation de l’incohérence (encadré 2 et figure 2). L’ADS ambiguë correspond aux cas d’hermaphrodisme, comme le cas présenté [10].

Si la classification en ADS est aujourd’hui retenue, notamment en médecine humaine, il existe une autre classification des incohérences entre le caryotype et le phénotype sexuel, appelée inversion sexuelle. Ainsi, une inversion sexuelle XY correspond à un caryotype XY et à un phénotype femelle, quelle que soit la nature des gonades (testicules, soit ADS secondaire, ou ovaires, soit ADS primaire). De même, une inversion sexuelle XX correspond à un caryotype XX et à un phénotype mâle, quelle que soit la nature des gonades (ovaires, soit ADS secondaire, ou testicules, soit ADS primaire) [18]. Toutefois, chez le cheval, aucun cas d’inversion sexuelle XX ne présente une ADS secondaire [11].

Anomalies du développement sexuel primaires

Le gène SRY joue un rôle primordial dans le développement de l’appareil reproducteur mâle chez l’homme, il est donc systématiquement recherché lors d’ADS. Chez le cheval, le gène SRY semble aussi jouer un rôle important puisque les anomalies du chromosome Y concernent fréquemment le gène SRY avec des délétions de ce dernier (tableau 2) [9]. Comme chez l’homme, le gène SRY est recherché lors d’ADS et explique les ADS primaires des chevaux 64XY. Les chevaux 64XY avec des ovaires n’ont pas le gène SRY (64XY SRY-négatif) ou présentent des mutations et/ou des délétions de ce gène qui aboutissent à une protéine SRY non fonctionnelle (64XY SRY-positif).

Chez l’homme, les ADS primaires 46XX s’expliquent pour 80 à 90 % des individus par une translocation du gène SRY sur le chromosome X au cours de l’appariement des chromosomes sexuels pendant la méiose, puis par son expression lors du développement des gonades embryonnaires avec la formation de testicules [2]. Au contraire, aucun cas d’un cheval 64XX SRY-positif n’est rapporté à ce jour [18]. Cela peut s’expliquer par une localisation différente du gène SRY chez le cheval. Chez l’homme, le gène SRY est très proche de la région pseudo-autosomique, c’est-à-dire la région commune aux chromosomes X et Y qui permet leur appariement lors de la méiose chez le mâle. Sa translocation pendant la méiose est ainsi possible. En revanche, le gène SRY du cheval est compris dans une région spécifique au chromosome Y, ce qui rend sa présence sur le chromosome X par recombinaison fort peu probable [14]. Pour les 10 à 20 % des hommes 46XX SRY-négatif avec une ADS primaire, une surexpression de certains gènes présents sur le chromosome X (dont le gène SOX9) et qui induisent un développement testiculaire est décrite. C’est pourquoi des études ont cherché à déterminer l’implication de gènes sur le chromosome X du cheval susceptibles d’expliquer le développement testiculaire de chevaux 64XX. Par exemple, les séquences nucléotidiques de 15 gènes impliqués dans le développement sexuel ont été recensées chez 6 juments 64XX SRY-négatif présentant une ADS, ainsi que chez 2 juments et 2 mâles témoins [13]. Chez les 6 juments atteintes d’ADS, aucune mutation identique n’a été identifiée pour un gène et les variations multiples des séquences nucléotidiques présentes chez les juments atteintes sont retrouvées chez les chevaux sains. L’étiologie de l’inversion sexuelle XX (ou ADS primaire 64XX) chez le cheval demeure donc inconnue.

Anomalies du développement sexuel secondaires

Seuls des cas de pseudohermaphrodisme mâle (sexe génétique XY, présence de testicules non fonctionnels et phénotype femelle) sont décrits chez le cheval.

L’origine de ces ADS secondaires s’expliquerait par des mutations des récepteurs androgéniques (AR). Ainsi, une substitution du nucléotide adénosine en guanine a été mise en évidence sur le premier codon du gène AR présent sur le chromosome X [15]. Celle-ci entraîne la formation d’un récepteur aux hormones androgéniques non fonctionnel, donc un défaut de développement du tractus génital mâle en dépit du développement correct des testicules. En outre, cette mutation est transmissible puisqu’elle a été retrouvée chez 2 juments issues de la même mère, porteuse de cette mutation.

Anomalies de développement sexuel ambiguës

Lors d’ADS ambiguë, les gonades sont mixtes et l’individu est appelé hermaphrodite vrai. Il existe alors une grande variabilité, que ce soit pour le sexe génétique, le sexe gonadique ou le sexe phénotypique. Ainsi, les caryotypes rapportés chez les chevaux en cas d’hermaphrodisme vrai sont 64X0, 64XX, 64XY ou des caryotypes en mosaïque (certaines cellules au caryotype XX et d’autres au caryotype XY, ou triploïdie XXY de certaines cellules, ou encore association de XX/XY/XXY/X0). En ce qui concerne les gonades, certains individus ont un ovaire et un testicule, d’autres deux ovaires et deux testicules, d’autres encore un ovotestis et un ovaire ou un testicule, voire deux ovotestis. Enfin, le phénotype est souvent ambigu, mais parfois sans anomalie apparente, mâle ou femelle [3].

Dans le cas d’un caryotype en mosaïque, la présence des deux types de parenchymes gonadiques s’explique aisément. Pour le caryotype 64XY, l’absence d’expression du gène SRY ou de la fonctionnalité de la protéine SRY dans certaines cellules se traduit par la présence de parenchyme ovarien, tandis que son expression dans d’autres cellules induit la présence de parenchyme testiculaire. Enfin, pour les caryotypes 64X0 ou 64XX, la présence de parenchyme testiculaire n’est pas élucidée, comme dans le cas des inversions sexuelles XX [13]. Toutefois, il serait intéressant de réaliser une analyse plus complète du caryotype. En effet, dans le cas décrit, le caryotype a été déterminé uniquement à partir des leucocytes. Or la détermination du caryotype d’un poulain hermaphrodite a montré qu’il était 64XX pour l’ensemble des leucocytes analysés, ainsi que pour 15 % de ses fibroblastes, alors qu’il possédait une triploïdie 96XXY pour les fibroblastes restants. La présence du chromosome Y dans certaines cellules de ce poulain peut ainsi expliquer l’expression du gène SRY, donc le développement du tissu testiculaire [12].

Épidémiologie des anomalies du développement sexuel

Les ADS sont observées chez de nombreuses races équines telles que le quarter horse, le paso fino, le trotteur, le pur-sang et le poney, avec une prévalence de quelques pourcents [11]. Cependant, cette prévalence est difficile à établir et certainement sous-estimée. En effet, le phénotype est parfois peu affecté et le premier signe clinique rencontré est une stérilité qui peut ne pas être détectée si le cheval n’est pas mis à la reproduction. Par ailleurs, des études de prévalence des anomalies chromosomiques ont été réalisées. Ainsi, les caryotypes de 500 jeunes chevaux issus de différentes races, pris au hasard et a priori au phénotype normal (1), ont été analysés. Les résultats révèlent une prévalence d’anomalies des chromosomes sexuels de 2 %, tous chevaux confondus, et de 3,7 % parmi les juments, avec le plus communément un caryotype en mosaïque 63X/64XX (7 chevaux sur les 10 atteints d’une anomalie des chromosomes sexuels) [5]. En raison du jeune âge des chevaux, l’exploration des organes génitaux internes n’a souvent pas pu être effectuée, ce qui ne permet pas de relier l’ensemble des anomalies de caryotype à des ADS. En outre, des chevaux sans anomalies de caryotype peuvent présenter une ADS. Une étude des caryotypes, portant uniquement sur des chevaux atteints d’une ADS, rapporte que les plus fréquemment représentés (39,6 %) sont également les caryotypes en mosaïque 63X/64XX ou en monosomie (63X). Ensuite, 34 % des chevaux étudiés présentaient un caryotype 64XY avec un phénotype femelle (inversion sexuelle XY) et 26,4 % un caryotype 64XX avec un phénotype mâle (inversion sexuelle XX) [11]. En raison de la difficulté à établir la prévalence des ADS chez le cheval, le facteur d’héritabilité n’est également pas défini. Dans le cas décrit, la mère de la jument hermaphrodite n’a eu que celle-ci comme descendance et il n’existe a priori pas d’autres cas d’ADS connus dans la descendance du père.

Particularités morphologiques du cas clinique

Dans le cas présenté, l’originalité réside dans la description phénotypique des voies sexuelles. En effet, si de nombreux cas d’hermaphrodisme rapportent la présence d’un clitoris péniforme, l’abouchement urétral ectopique sur le col utérin-like et le double col utérin sont atypiques. Aucun cas similaire d’abouchement urétral n’est décrit à ce jour, aussi bien chez le cheval que chez l’homme. Quant au col utérin-like, il pourrait s’apparenter au septum vaginal transversal, une anomalie rare chez l’homme liée à un défaut de fusion des canaux de Müller. Cependant, ce type d’anomalie gynécologique ne fait pas partie des modifications retrouvées chez les personnes atteintes d’ADS et l’aspect morphologique ressemblant à un col utérin n’est pas observé [16].

Conclusion

Lors d’anomalies comportementales comme celles décrites dans le cas présenté, un examen clinique complet, incluant l’évaluation attentive de l’appareil uro-génital, peut amener à suspecter une anomalie du développement sexuel. Des examens complémentaires tels que les dosages hormonaux et la détermination du caryotype, ainsi que la recherche d’ADS au sein du pedigree, permettent d’affiner simplement cette suspicion. En outre, l’analyse histopathologique des gonades, réalisée après la stérilisation, permet de confirmer le diagnostic en confrontant les résultats avec le caryotype et le phénotype du cheval. La stérilisation, effectuée ici par laparoscopie sous neuroleptanalgésie, est une méthode efficace avec un faible niveau de risque. Cependant, si le diagnostic est établi et les difficultés liées au comportement résolues, la pathogénie de l’hermaphrodisme chez le cheval présente encore des zones d’ombre.

  • (1) L’exploration des gonades par voie transrectale n’a pas été réalisée en raison du jeune âge des chevaux.

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  • 5. Bugno M, Slota E, Koscielny M. Karyotype evaluation among young horse populations in Poland. Schweiz. Arch. Tierheilkd. 2007;149:227-232.
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CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN

ÉLÉMENTS À RETENIR

→ Les anomalies du développement sexuel sont des affections sous-diagnostiquées chez le cheval.

→ Elles correspondent à une incohérence entre le sexe génétique et le sexe phénotypique, mais leurs expressions sont très polymorphes, que ce soit au niveau du caryotype, des gonades ou de l’appareil génital externe.

→ Des anomalies d’attitude, comme de l’agressivité marquée, sont la conséquence de diverses affections, d’origine hormonale (tumeur ovarienne ou testiculaire), génétique (intersexualité) ou purement comportementale.

→ La stérilisation est une méthode efficace lors d’anomalies du comportement liées à des troubles hormonaux.

ENCADRÉ 1 : PHYSIOLOGIE DU DÉVELOPPEMENT DE L’APPAREIL REPRODUCTEUR

Lors de l’embryogenèse, les cellules germinales primordiales migrent vers les crêtes génitales et s’implantent dans l’épithélium cœlomique. Cet épithélium forme les cordons sexuels qui entourent les cellules germinales et se différencient en cellules de soutien au sein des gonades. Par ailleurs, les conduits mésonéphrotiques et paramésonéphrotiques sont ébauchés et le développement de l’un de ces conduits va constituer les voies génitales, mâles et femelles respectivement [6].

→ Régulation génétique

Chez différentes espèces, l’implication de certains gènes dans le développement des gonades et des voies génitales est démontrée. Ainsi, chez l’homme, les gènes SF1 et Wt1, et de manière plus incertaine les gènes M33 et ceux codant pour des récepteurs à insuline, induisent la différenciation des gonades en testicules en activant le gène SRY, tandis que leur mutation ou l’absence de leur expression entraîne une différenciation des gonades en ovaires [9]. Lors de la différenciation des gonades en testicules, les cellules des cordons sexuels expriment le gène SRY, ce qui conduit à la production de protéines SRY qui stimulent la production de l’hormone anti-Müllerienne (AMH), la multiplication et la différenciation des cellules germinales primordiales et l’expression du gène SOX9. Ce dernier exprime la protéine SOX9 qui induit la différenciation testiculaire en permettant la formation des cellules de Sertoli et effectue un rétrocontrôle négatif sur l’expression du gène SRY [1]. Quant à la différenciation des gonades en ovaires, elle s’effectue par défaut. En effet, aucun gène n’a été mis en évidence comme étant un régulateur majeur du développement des organes et des voies génitales femelles. En dépit de la présence d’un gène majeur, certaines protéines, comme la b-caténine, jouent un rôle important dans la différenciation des ovaires et du tractus génital femelle. Chez le cheval, cependant, les gènes régulateurs de la différenciation sexuelle ne sont pas encore déterminés [7].

→ Régulation hormonale

La régulation génétique s’accompagne d’une régulation hormonale. Ainsi, dans le cadre du développement testiculaire, lorsqu’un nombre suffisant de cellules de l’épithélium cœlomique sont différenciées en cellules de Sertoli, des signaux induisent la migration des cellules du mésonéphros vers les gonades et leur différenciation en cellules musculaires, péritubulaires, périvasculaires ou endothéliales, afin d’aboutir à l’architecture testiculaire. Les cellules de Sertoli produisent également l’AMH qui induit la dégénérescence du conduit paramésonéphrotique. Quant aux cellules de Leydig, elles sécrètent la testostérone, la dihydrotestostérone et l’insulin-like 3 qui stimulent le développement des testicules, ainsi que celui du conduit mésonéphrotique en tractus génital mâle. Pour le développement de l’appareil sexuel femelle, l’absence de stimulation hormonale sur le conduit mésonéphrotique aboutit à sa régression et l’absence de sécrétion d’AMH permet la non-inhibition du développement du conduit paramésonéphrotique en voies génitales femelles [17].

ENCADRÉ 2 : CLASSIFICATION DES ANOMALIES DU DÉVELOPPEMENT SEXUEL

Déterminer le type d’anomalie du développement sexuel (ADS) permet d’établir l’origine de ce développement anormal. Il est par conséquent important, en cas de phénotype sexuel inattendu, d’identifier le caryotype de l’individu, ainsi que la nature des gonades, pour caractériser le type d’ADS.

→ Une ADS primaire correspond à une incohérence entre le sexe génétique (caryotype) et le sexe gonadique (cheval de caryotype mâle 64XY avec des ovaires, donc un phénotype femelle, ou de caryotype femelle 64XX avec des testicules, donc un phénotype mâle).

→ Une ADS secondaire, ou pseudo-hermaphrodisme, est une incohérence entre le sexe gonadique et le sexe phénotypique (cheval 64XY avec des testicules et un phénotype femelle, ou cheval 64XX avec des ovaires et un phénotype mâle).

→ Une ADS ambiguë, ou hermaphrodisme vrai, peut faire intervenir des mécanismes spécifiques aux ADS primaires, ainsi qu’aux ADS secondaires.

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