Réalisation d’une autopsie de cheval sur le terrain - Pratique Vétérinaire Equine n° 202 du 01/04/2019
Pratique Vétérinaire Equine n° 202 du 01/04/2019

ANATOMO-PATHOLOGIE

Cahier pratique

Fiche technique

Auteur(s) : Adriana Barba Sanchez*, Anaïs Faure**, Emma Santosuosso***, Gaëlle Richard****, Ronald Roumé*****, Jean-Luc Cadoré******

Fonctions :
*Département hippique et
département de pathologie
morphologique et clinique
Université de Lyon, VetAgro Sup,
campus vétérinaire
1, avenue Bourgelat
69280 Marcy-l’Étoile

L’autopsie est l’examen de l’ensemble des organes d’un cadavre effectué afin de tenter d’identifier la cause de la mort. Elle constitue un véritable outil diagnostique, par exemple lors de mort subite, mais revêt également un aspect réglementaire en cas de procédure officielle (litige, demande par l’assurance). Dans ce cas, c’est à la discrétion du praticien d’en référer à un anatomopathologiste spécialisé. Les conditions de réalisation de cet examen doivent respecter les règles de sécurité sanitaire du lieu (préférer des surfaces faciles à désinfecter à une surface en herbe, par exemple) et de l’opérateur, même si les risques zoonotiques sont relativement faibles dans l’espèce équine [1].

Idéalement, l’autopsie doit être pratiquée dans un délai très court après la mort de l’animal pour éviter toute détérioration importante.

Recueil des commémoratifs et de l’anamnèse

Le recueil des commémoratifs et de l’anamnèse est la première étape et permet d’orienter l’autopsie vers les principaux organes suspects (encadré).

Matériel

Le matériel nécessaire comprend un couteau de haute qualité, un coupecôtes (élagueur), une scie à métaux, des ciseaux, des sacs à fermeture éclair en plastique, des récipients pour échantillons, des tubes de sang (tubes avec acide éthylène diamine tétra-acétique [EDTA] et secs), des écouvillons stériles secs et avec milieu de transport, des étiquettes d’identification et un appareil photo numérique. Pour se protéger et rester propre, sont recommandés des bottes, une casaque jetable type vêlage, des gants, un masque et une charlotte (photos 1a et 1b) [4].

Conduite de l’examen

Une approche standardisée permet au praticien de pouvoir mieux reconnaître les véritables lésions des modifications négligeables [2].

Inspection externe du cadavre

L’inspection générale du cadavre permet d’estimer le moment de la mort (rigidité cadavérique, puis putréfaction, puis distension gazeuse). Entre 3 et 6 heures, une raideur cadavérique est observée, au-delà de 12 heures, c’est le début de la putréfaction [2].

Inspection du tégument

L’inspection du tégument permet d’évaluer la présence de lésions cutanées, d’un emphysème sous-cutané ou d’oedèmes, avant de commencer la dissection du cadavre (photo 2) [3].

Inspection des muqueuses

L’inspection des muqueuses du cadavre permet d’évaluer l’état vasculaire dans lequel l’animal est mort. Des muqueuses blanc porcelaine orientent vers un choc hypovolémique (hémorragie), des muqueuses cyanosées indiquent un état d’asphyxie. L’observation de pétéchies et de muqueuses congestionnées évoque une inflammation sévère (endotoxémie). Cependant, la couleur des muqueuses peut être modifiée selon la position du cadavre et sa conservation [1].

Inspection des orifices naturels

L’observation des orifices naturels du cadavre permet d’évaluer les diverses émissions (en quantité et en qualité) et d’en faire des prélèvements, si nécessaire.

Un éventuel jetage doit être caractérisé : mousseux et rosé, il est caractéristique d’un oedème pulmonaire aigu, alors qu’une émission sanguinolente peut être liée à une hémorragie pulmonaire ou des poches gutturales (photo 3) [2].

Ouverture du cadavre et inspection des grandes cavités

Une incision cutanée sous forme d’une fenêtre est réalisée de l’arrière du flanc jusqu’en arrière des côtes (photo 4). La cavité abdominale puis la cavité thoracique sont ouvertes. Un examen général est effectué, puis des échantillons sont collectés. Un éventuel épanchement devrait être qualifié et quantifié en prélevant de manière aseptique, à l’aide d’une seringue, un échantillon.

Cavité abdominale

Lors de la ponction du péritoine, il est recommandé de veiller à ne pas perforer les organes sous-jacents ; l’usage d’une canule peut être utile. La topographie des organes est observée et les éventuelles anomalies sont notées. Les coliques sont fréquemment associées à des déplacements ou à des torsions, qui peuvent être aisément identifiés lors de l’autopsie [2].

Une dissection des différents organes est ensuite pratiquée, en commençant par l’ensemble du tube digestif avec la rate, puis le foie et l’appareil urinaire et génital, à la recherche de lésions possibles sur ces derniers, permettant ainsi le prélèvement d’échantillons divers (dont les noeuds lymphatiques) (photos 5 et 6) [1].

Cavité thoracique

Le diaphragme doit d’abord être ponctionné pour vérifier la pression négative, puis il est séparé des côtes. Ces dernières sont coupées à la jonction chondro-costale ou costo-vertébrale (photo 7).

L’ensemble des viscères thoraciques est disséqué en extrayant la trachée et l’oesophage à l’entrée du thorax et en isolant le coeur et les gros vaisseaux de l’appareil respiratoire [2].

Encéphale

L’examen du cerveau est essentiel en cas de mort inattendue ou de maladie nerveuse. En cas de suspicion d’affection nerveuse, il peut être plus approprié d’expédier l’intégralité du crâne dans un laboratoire de diagnostic capable d’extraire le cerveau en minimisant tout risque d’exposition à d’éventuelles zoonoses, dont la rage. Pour retirer la tête de la carcasse, celle-ci doit être en hyperextension. Une incision de la peau et des muscles en arrière des oreilles permet d’atteindre l’articulation atlanto-occipitale, qui est désarticulée après incision de l’ensemble des tissus mous depuis le haut de la nuque jusqu’à la région rétromandibulaire [2].

Photographies et prélèvements

Idéalement, les photographies doivent être prises avec un appareil de bonne qualité, et les organes nettoyés sont placés sur une surface propre et avec une unité de mesure (double décimètre ou équivalent) posé à côté [1].

Des prélèvements, toujours identifiés de façon indélébile, de liquides (sang, liquide d’épanchement, urine, liquide synovial, liquide cérébro-spinal), de tissus (tels que le parenchyme rénal ou hépatique, les muscles, le tissu adipeux ou l’os) ou de matières fécales peuvent être réalisés afin d’effectuer plusieurs types d’analyses : histopathologiques, cytologiques (du liquide cérébrospinal ou péritonéal, par exemple), sérologiques, de recherche d’agents infectieux, toxicologiques.

En particulier, lors d’une demande d’analyse histopathologique, un résumé de l’anamnèse et des commémoratifs ainsi qu’une description des signes et des lésions doivent être joints. L’épaisseur du prélèvement doit être la plus fine possible (5 cm), et la pièce mise dans un volume de formol égal à 10 fois le sien [4].

Fermeture du cadavre

Le cadavre est fermé avec du fil ou de la ficelle solides afin que l’équarrisseur puisse enlever le cadavre sans risque de rupture [2].

Rédaction du rapport

Une fois l’autopsie terminée, un rapport détaillé doit être rédigé. Toutes les observations faites pendant l’examen y sont reportées avec une description précise de chaque lésion : taille, position, forme, couleur, consistance, aspect à la coupe, odeur, etc. [1]. Enfin, une interprétation préliminaire des lésions est proposée, en attendant les résultats d’éventuels examens complémentaires demandés.

  • 1. Cadec N. Étiologie des morts subites chez le cheval. Thèse ENV Lyon. 2014:184p.
  • 2. Frank C, Madden DJ, Duncan C. Field necropsy of the horse. Vet. Clin. North Am. Equine Pract. 2015;31:233-245.
  • 3. Royer M, Cadoré JL. Prise en charge pratique de l’urgence d’origine toxicologique. Nouv. Prat. Vét. Équine. 2018;45(12):33-37.
  • 4. Sally N, Fairfield B. How to perform an equine field necropsy. AAEP Proceedings. 2009;55:313-331.

CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN

ENCADRÉ : COMMÉMORATIFS ET ANAMNÈSE

→ Anamnèse : contexte de la mort, autres animaux atteints.

→ Estimation du moment de la mort, environnement et alimentation, événement météorologique (lors de mort subite).

→ Conditions de conservation du cadavre.

→ Position du cadavre (le type de décubitus peut provoquer une congestion des organes à cause de l’hypostase).

→ Identification de l’animal.

D’après [4].

Abonné à Pratique Vétérinaire Equine, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr