Points clés de la gestion clinique des cas de myopathie atypique - Pratique Vétérinaire Equine n° 201 du 01/01/2019
Pratique Vétérinaire Equine n° 201 du 01/01/2019

Soins intensifs

Dossier

Les maladies du cheval au pâturage

Auteur(s) : Anne-Christine François*, Benoît Renaud**, Carla Cesarini***, Laureline Lecoq****, Hélène Amory*****, Christel Marcillaud-Pitel******, Pascal Gustin*******, Dominique-Marie Votion********

Fonctions :
*Département des
sciences fonctionnelles
(pharmacologie,
pharmacothérapie et
toxicologie), Fundamental
and Applied Research for
Animals and Health
(Farah),
faculté de médecine
vétérinaire, université de
Liège, Quartier Vallée 2,
Avenue de Cureghem,
4000 Liège, Belgique
**Pôle équin, Farah,
faculté de médecine
vétérinaire, université
de Liège
***Pôle équin, Farah,
faculté de médecine
vétérinaire, université
de Liège
****Pôle équin, Farah,
faculté de médecine
vétérinaire, université
de Liège
*****Pôle équin, Farah,
faculté de médecine
vétérinaire, université
de Liège
******Réseau
d’épidémiosurveillance en
pathologie équine (Respe),
4, rue Nelson-Mandela,
14280 Saint-Contest
*******Département des
sciences fonctionnelles
(pharmacologie,
pharmacothérapie et
toxicologie), Fundamental
and Applied Research for
Animals and Health
(Farah),
faculté de médecine
vétérinaire, université de
Liège, Quartier Vallée 2,
Avenue de Cureghem,
4000 Liège, Belgique
********Pôle équin, Farah,
faculté de médecine
vétérinaire, université
de Liège

Lorsque la douleur peut être contrôlée, il convient d’attendre 3 jours avant toute décision d’euthanasie, les chances de survie augmentant avec le temps qui passe. L’apport de la vitamine B2 semble indispensable.

Une étude récente menée sur des cas de myopathie atypique en Angleterre suggère que les chevaux hospitalisés ont un taux de survie meilleur que celui rapporté dans les publications précédentes [7]. Dans cette étude, 56 % des chevaux hospitalisés ont survécu, tandis que les taux de survie rapportés dans les données publiées sont généralement en dessous des 40 % [9, 17]. Dans cette même étude de cas anglais, le nombre moyen de jours d’hospitalisation était de 7 jours pour les survivants (de 5 à 15 jours) et de 3 jours pour les non-survivants (de 1 à 12 jours) [7].

En Belgique, à la clinique vétérinaire universitaire de Liège (CVU Liège), un taux de survie de 56 % a été constaté sur les cas de myopathie atypique hospitalisés à l’automne 2018 (36 chevaux, données non publiées). Le taux de survie varie d’une année à l’autre et d’un pays à l’autre, mais pour les cas de myopathie atypique franco-belges rapportés en 2018 via les sites internet du Réseau d’épidémiosurveillance en pathologie équine (Respe) et du groupe d’alerte de la myopathie atypique (Atypical Myopathy Alert Group, AMAG)(1) et pour ceux dont le suivi a été renseigné (224 sur les 377 rapportés), 16 % des équidés ont survécu et 84 % sont morts (chiffres à la date du 20/02/2019) [17]. Cette observation suggère l’intérêt d’hospitaliser les chevaux lorsque le diagnostic de myopathie atypique est suspecté afin de mettre en place des soins intensifs parfois difficiles à réaliser sur le terrain.

En attendant le vétérinaire : les premiers gestes

La myopathie atypique survient généralement sans prodrome. La plupart du temps, les équidés sont retrouvés par leur propriétaire en décubitus latéral alors que la veille, voire quelques heures avant, aucune anomalie de comportement n’avait été observée. La réactivité du propriétaire de l’animal malade et les premiers gestes qu’il met en place sont importants (encadré 1).

Les efforts physiques et le transport peuvent aggraver la destruction musculaire et devraient être évités. La décision de déplacer et/ou de transporter un animal dépend des conditions de terrain. Le traitement peut être envisagé sur place lorsque l’infrastructure et la disponibilité à la fois du vétérinaire et du propriétaire permettent la mise en place de soins intensifs. Dans la négative, il est nécessaire de prendre les mesures nécessaires pour conduire le cheval vers la clinique la plus proche. Dans les toutes premières heures de la maladie, les animaux sont souvent capables de se lever, ce qui rend possible leur acheminement, à leur rythme, vers un abri dans la prairie ou un moyen de transport en cas d’hospitalisation [24]. Un animal en décubitus risque de tomber en hypothermie [17, 24]. Dans ce cas, il convient d’utiliser des couvertures, voire des lampes chauffantes [20]. Le box doit être bien paillé pour prévenir des plaies de décubitus et un support confortable peut être placé sous la tête de l’animal malade.

L’intérêt de retourner régulièrement un cheval atteint de myopathie atypique est contestable, car il n’est pas rare de voir les difficultés respiratoires et l’hypoxémie s’aggraver chez un cheval atteint de myopathie atypique qui vient d’être retourné.

En aucun cas, l’animal ne doit être forcé à rester debout : la myopathie atypique s’attaque aux muscles posturaux dont la destruction est aggravée par les tensions générées par un système de levage. L’image clinique la plus fréquemment associée à la survie est celle d’un cheval couché se relevant tout seul ou d’un cheval restant debout et se mouvant de lui-même dans le box (photos 1a et 1b). Les chevaux qui restent debout mais figés sur place risquent de développer un œdème de la tête et de l’encolure, en raison d’un port bas de la tête induisant un mauvais retour veineux. Cela peut parfois nécessiter une trachéotomie pour permettre au cheval de respirer [24].

Prise en charge clinique par le vétérinaire

Lorsque l’anamnèse et l’examen clinique conduisent à la présomption du diagnostic de myopathie atypique, il est nécessaire de s’assurer, par palpation transrectale, que le cheval ne présente pas une distension vésicale. Celle-ci est présente chez 58 % des chevaux palpés atteints de myopathie atypique [17]. La vidange de la vessie (par pression transrectale ou cathétérisme) peut lever l’inconfort, voire la douleur associés à la distension [24].

Il n’existe aucun traitement curatif de la myopathie atypique. Le traitement symptomatique d’un syndrome de myopathie aiguë, quelle qu’en soit l’origine, consiste à perfuser en corrigeant les déséquilibres électrolytiques et acido-basiques, ainsi qu’à fournir une analgésie [25].

Le support thérapeutique spécifique de la myopathie atypique a pour objectifs de favoriser l’élimination de la toxine, de fournir une source d’énergie aux muscles atteints et de soutenir la fonction mitochondriale [8, 19, 20, 21]. À notre connaissance, la majorité des chevaux ayant survécu n’ont pas conservé de séquelles. Néanmoins, une étude par électrocardiographie et échocardiographie suggère que des anomalies cardiaques pourraient persister chez certains survivants [22]. Un examen clinique général et cardiaque approfondi sur un plus grand nombre de survivants permettrait d’avoir une meilleure appréciation sur le risque de séquelles.

Prise en charge non spécifique

Fluidothérapie

Le programme de fluidothérapie doit être individualisé sur la base des déséquilibres observés (tableau) [20]. Les perfusions visent à restaurer une hydratation adéquate, corriger les déséquilibres acido-basiques et électrolytiques, et favoriser l’excrétion rénale de la myoglobine, ainsi que celle de la toxine (l’hypoglycine A) et de ses métabolites toxiques [8, 15, 21, 25]. Elles améliorent ainsi les fonctions cardiovasculaire, respiratoire, musculaire, rénale et digestive [21]. Les perfusions sont aussi une voie d’administration d’une source d’énergie aux muscles atteints.

Restaurer une hydratation adéquate

Les chevaux atteints de myopathie atypique présentent généralement un temps de remplissage capillaire supérieur à la norme, ainsi que des muqueuses congestives signant un état de déshydratation [4, 24]. En première intention, la fluidothérapie doit être agressive avec un apport en bolus de 20 l pour un cheval de 500 kg, suivie de 0,1 l de fluides par kilogramme de poids vif les 24 premières heures. Il est recommandé d’administrer des fluides par voie intraveineuse (IV) jusqu’à ce que l’urine redevienne claire (photo 2). La voie IV permet de combiner l’apport de diverses molécules (glucose, électrolytes, etc.). Elle peut être associée à de la réhydratation orale, idéalement via une sonde nasogastrique fine(2) gardée en place pour une administration de fluides en continu. Sa mise en place n’est pas facile, mais l’introduction d’une sonde nasogastrique de large diamètre est déconseillée chez un cheval en décubitus latéral.

Corriger les déséquilibres acido-basiques

Les animaux atteints de myopathie atypique présentent fréquemment des désordres acido-basiques, souvent d’origine mixte [16]. Une acidose métabolique est généralement la résultante de la modification des concentrations sériques en lactate et en électrolytes. La production de lactate résulte des conditions hypoxiques causées par la défaillance cardiaque, le choc cardio­vasculaire, l’hypoventilation, la mauvaise utilisation de l’oxygène par les mitochondries, ainsi que par l’activité diminuée de la fonction mitochondriale [16]. La lactatémie n’est pas toujours hors normes chez les animaux atteints. Selon une étude rétrospective de cas anglais, elle contribuerait à évaluer le pronostic(3) [7].

La respiration peut affecter le pH de l’organisme. L’acidose et l’alcalose respiratoires ont toutes deux été rapportées chez les cas. La dyspnée et l’hypoventilation dues à la dysfonction des muscles respiratoires conduisent à la diminution de la pression partielle en oxygène du sang artériel, avec pour risque une acidose respiratoire. Si nécessaire, en clinique, de l’oxygène peut être administré à l’équidé atteint de myopathie atypique via une sonde nasale reliée à des bouteilles d’oxygène (photo 3). À l’inverse, l’hyperventilation, en réponse à la douleur, au stress ou en compensation de l’atteinte débutante des muscles respiratoires, peut mener à une alcalose respiratoire [16].

Corriger les déséquilibres électrolytiques

Lors de myopathie d’effort, la destruction massive des cellules musculaires et la libération de leur contenu engendrent des troubles électrolytiques qui ne sont pas systématiquement observés lors de myopathie atypique, malgré l’importance du processus de rhabdomyolyse [4, 16, 24, 27]. Dès lors, la correction de ces déséquilibres nécessite de les identifier.

Très fréquemment, les animaux sont en hypocalcémie. Une hypocalcémie peut cependant passer inaperçue lorsqu’un dosage du calcium total plutôt que de sa fraction ionisée, métaboliquement active, est réalisé [3, 24]. La mesure du taux sérique de calcium total participe à l’évaluation du pronostic de survie, ce taux total étant plus fréquemment dans les normes chez les survivants [3, 7].

Gestion de la douleur

Alors que les myopathies induites par l’effort sont douloureuses, les enquêtes épidémiologiques indiquent que l’expression des cas de myopathie atypique est variable : 21 % des animaux présentent une douleur légère voire absente, 35 % une douleur d’intensité moyenne, et 44 % une douleur sévère (Votion et coll., données non publiées) (encadré 2). L’administration d’anti-inflammatoires et d’analgésiques n’est pas recommandée en routine. L’utilisation de ces médicaments doit être réservée aux chevaux présentant des signes de douleur sévère.

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont préférés aux opioïdes en raison des effets secondaires indésirables de ces derniers, comme la dépression respiratoire, la constipation et la diminution du rythme cardiaque. Les AINS sont cependant toxiques pour les reins. Cette néphrotoxicité s’ajoute à la surcharge rénale résultant de la filtration des métabolites en excès, des composés toxiques et de la myoglobine, bien qu’aucune évidence histologique de lésions rénales n’ait été constatée chez des chevaux atteints de myopathie atypique [6]. Le kétoprofène (2,2 mg/kg IV) ou le méloxicam (0,6 mg/kg IV) sont préférés à la phénylbutazone ou à la flunixine pour les chevaux présentant une douleur d’intensité moyenne. Néanmoins, lors de douleurs sévères, nous privilégions la flunixine méglumine (1,1 mg/kg) seule ou en association éventuellement à de la kétamine à faible dose (0,05 à 0,1 mg/kg par voie intramusculaire [IM] trois à quatre fois par jour), pour ses effets antalgiques. Par mesure de précaution, l’analgésie est à cesser dès que possible.

Prise en charge spécifique à la myopathie atypique

Favoriser l’élimination de l’hypoglycine A et de son métabolite toxique

La fluidothérapie contribue aussi à éliminer l’hypoglycine A, qui est hydrosoluble et est excrétée par voie rénale, ainsi que d’autres métabolites acteurs et/ou témoins de l’intoxication [2, 14]. L’hypoglycine A est métabolisée dans le foie en un métabolite toxique, l’acide méthylcyclopropyl­acétique, trouvé sous forme de MCPA-carnitine dans le sang et l’urine, mais également sous forme de MCPA-glycine dans l’urine [14, 23]. Il est dès lors légitime de discuter de l’intérêt d’administrer de la carnitine et/ou de la glycine pour favoriser l’élimination du MCPA (encadré 3).

L’élimination de l’hypoglycine A peut également s’envisager en amont de son absorption intestinale. Une étude in vitro montre que le charbon actif adsorbe l’hypoglycine A [11]. L’intérêt d’utiliser des adsorbants ou des laxatifs comme la paraffine reste à démontrer chez le cheval présentant les signes de myopathie atypique. En effet, il existe un délai entre l’absorption de la toxine et l’apparition des signes cliniques (un cheval sorti de prairie peut déclencher la maladie jusqu’à 4 à 5 jours plus tard). Il n’est donc pas certain que la toxine soit toujours présente dans le système gastro-intestinal lorsque les signes cliniques se déclarent.

Fournir une source d’énergie aux muscles atteints

Le métabolisme de l’hypoglycine A produit du MCPA qui se conjugue au coenzyme A pour former du MCPA-CoA, un inhibiteur des acyl-CoA déshydrogénases qui interviennent dans le métabolisme des acides gras à courtes et moyennes chaînes. Ce MCPA-CoA inhibe aussi le système des acylcarnitine-CoA transférases qui interviennent dans le transport des acides gras à longues chaînes dans la mitochondrie où ils doivent subir la β-oxydation. Ainsi, l’organisme ne peut plus utiliser les lipides comme substrats énergétiques et des intermédiaires du métabolisme lipidique, les acylcarnitines, s’accumulent dans le sang [26].

La voie glycolytique est en revanche préservée [6]. Le glucose est un substrat énergétique utilisable par la cellule musculaire des chevaux atteints de myopathie atypique. Il peut être administré par perfusion (à 2 mg/kg/min, soit 20 à 25 ml/100 kg/h de glucose 50 % en milieu hospitalier ou 200 à 240 ml/100 kg/h de glucose 5 % sur le terrain). Il est important de contrôler régulièrement la glycémie avec un glucomètre, car les chevaux sont généralement en hyperglycémie [24]. Ainsi, dans ce contexte, l’apparition d’une fourbure est redoutée et doit être surveillée, surtout chez les chevaux qui restent debout et sont donc prédisposés à cette affection. La glycémie doit être maintenue entre 4,4 et 9 mmol/l ou 80 et 160 mg/dl [20]. Lors d’hyperglycémie, de l’insuline peut être administrée afin de diminuer la glycémie sanguine via l’entrée du glucose dans les cellules. La dose requise est à moduler en fonction des besoins, en commençant par 0,1 UI/kg par voie sous-cutanée. Si une perfusion continue est préférée, l’administration s’effectue à la dose de 0,07 UI/kg/h. Différentes formes existant commercialement avec une biodisponibilité différente, les doses sont à moduler en conséquence. L’administration d’insuline s’effectue impérativement avec un contrôle strict de la glycémie.

Les cas de myopathie atypique sont rarement anorexiques. Si l’animal est capable de déglutir correctement, il devrait être encouragé à manger afin de soutenir au mieux son métabolisme énergétique tout en empêchant des variations trop importantes de sa glycémie. Une alimentation pauvre en lipides et riches en glucides rapides et semi-rapides (herbe, foin de bonne qualité, luzerne, pommes, carottes) fournit de l’énergie assimilable par le cheval malade [20]. De petites quantités d’aliments devraient être proposées régulièrement durant la journée.

Certains animaux développent un œdème de la tête qui peut entraver la déglutition. En cas d’anorexie et/ou de dysphagie, un tube nasogastrique peut être mis en place afin d’alimenter le cheval. Si cette option est impossible parce que le cheval est en décubitus latéral, qu’il oppose trop de résistance ou parce qu’il présente des signes de coliques, une alimentation parentérale exempte de lipides doit être préférée. Cependant, il n’existe pas de données publiées sur l’alimentation par voie IV chez le cheval atteint de myopathie atypique.

Soutenir la fonction mitochondriale

La vitamine E contribue à la protection des cellules contre les radicaux libres produits essentiellement lors du métabolisme des acides gras. Chez l’homme, elle est utilisée avec la carnitine, la riboflavine et le sélénium chez des patients atteints de divers troubles de la fonction mitochondriale. Chez les chevaux atteints de myopathie atypique, l’administration de vitamines et d’antioxydants (vitamines B, C, E, sélénium, carnitine) a été identifiée comme facteur pronostic positif [18]. L’intérêt spécifique de chaque vitamine et du sélénium dans le cas particulier de la myopathie atypique reste à démontrer, car le mécanisme pathologique a été peu étudié. En outre, leur utilisation réclame de la prudence, car certaines vitamines participeraient également au métabolisme de l’hypoglycine A en MCPA [13].

La vitamine B2 (riboflavine) semble être le traitement le plus “spécifique” de la myopathie atypique et devrait toujours être administrée aux chevaux atteints. Les déshydrogénases inhibées par le MCPA utilisent la flavine adénine dinucléotide (FAD) comme coenzyme. Cette FAD est dérivée de la riboflavine. Bien que la concentration en riboflavine sérique ne soit pas significativement différente chez les chevaux atteints de myopathie atypique versus des cas contrôles, l’apport de vitamine B2 permettrait de contrecarrer la séquestration de la FAD par le MCPA-CoA en augmentant la concentration en FAD intramitochondriale [26]. Ainsi, l’administration de riboflavine contribuerait à restaurer la capacité des cellules musculaires à utiliser les lipides comme substrats énergétiques [5]. La luzerne est une excellente source naturelle de riboflavine ainsi que, dans une moindre mesure, le foin. La levure est très riche en riboflavine. Les céréales et les produits dérivés ne le sont pas.

Divers complexes multivitaminés contiennent de la vitamine B2 et la dose recommandée est de 44 µg/kg par jour per os ou par voie parentérale. Cette dose est indicative, car son efficacité n’a pas été validée dans le cadre de chevaux atteints de myopathie atypique [8]. Si la présentation pharmaceutique le permet, la voie IV devrait être privilégiée, mais certaines spécialités huileuses sont à administrer par voie IM stricte. Dans ce cas, les muscles fessiers sont préférés aux muscles de l’encolure, plus souvent touchés par la myopathie atypique.

Conclusion

Malgré le taux de mortalité important lié à la myopathie atypique, la mise en place d’une gestion médicale telle que détaillée ici (incluant a minima l’administration de vitamine B2) augmente de manière significative les chances de survie de l’animal.

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CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN

Éléments à retenir

• Il n’existe pas d’antidote à la myopathie atypique.

• Traiter symptomatiquement un équidé atteint augmente ses chances de survie.

• Les traitements prioritaires sont une fluidothérapie et l’administration de riboflavine (vitamine B2).

• Les équidés qui sont toujours vivants au troisième jour après l’apparition des premiers signes ont 50 % de chances de survivre.

ENCADRÉ 1 : CONSEILS AU PROPRIÉTAIRE FACE À UN CAS PROBABLE DE MYOPATHIE ATYPIQUE

1. Déplacer un cheval aggrave la destruction musculaire ; il ne convient donc pas de déplacer inutilement l’animal malade. Le propriétaire doit décider rapidement si sa disponibilité et ses infrastructures permettent d’assurer des soins intensifs. Dans la négative, il convient de transporter au plus vite le cheval vers une clinique. Si le cheval est soigné sur place et qu’il peut encore se déplacer, il est recommandé de le conduire à son propre rythme dans un abri (si celui-ci se trouve à proximité) où il sera plus facile de mettre en œuvre les soins intensifs.

2. Rendre le box confortable (paille ou copeaux en abondance).

3. Ne pas obliger le cheval à rester debout ni le forcer à se relever, au risque d’aggraver les lésions musculaires.

4. Ne pas créer de stress ou de dépenses énergétiques inutiles.

5. Prendre la température rectale et réchauffer le cheval si nécessaire (si température rectale < 37 °C).

6. Bouchonner l’animal délicatement s’il transpire et éviter qu’il ne se refroidisse (couverture, paille, lampe chauffante, etc.).

7. Si le cheval a faim, lui donner à manger, mais en s’assurant qu’il peut déglutir (donner des concentrés pour chevaux par petites fractions).

8. Si le cheval est encore debout, lui donner de l’eau sucrée à boire.

9. Si possible, récolter l’urine afin de visualiser sa couleur. Une urine couleur café est observée dans plus de 90 % des cas [18].

10. Parcourir la prairie à la recherche de samares et/ou de plantules d’érable sycomore afin de confirmer l’exposition à la toxine, l’hypoglycine A.

ENCADRÉ 2 : QUAND ENVISAGER L’EUTHANASIE ?

Il n’est pas toujours aisé de déterminer le moment d’euthanasier un cheval atteint de myopathie atypique, car celui-ci présente des images cliniques variables : debout, il a l’air de bien se porter, mais couché, il semble très douloureux.

Certains critères peuvent orienter vers la décision de pratiquer une euthanasie :

– une douleur importante de l’animal non résolue par médication et/ou vidange vésicale ;

– une dégradation de la PaO2 avec aggravation de la dyspnée ;

– une dégradation clinique avec augmentation de l’activité sérique des CK malgré les traitements mis en place ;

– un pronostic négatif calculé à partir des taux sériques d’acétylcarnitine (C2), de décadienoylcarnitine (C10:2) et de stéarylcarnitine (C18) [3, 7, 24].

Les chances de survie augmentent avec le temps qui passe. Si la gestion de la douleur le permet, une décision d’euthanasie ne devrait pas être prise dans les 3 premiers jours.

CK : créatines kinases ; PaO2 : pression partielle en oxygène dans le sang artériel.

ENCADRÉ 3 : CARNITINE ET GLYCINE : ONT-ELLES UN INTÉRÊT ?

• La carnitine exerce plusieurs fonctions au sein de la cellule. Elle participe au métabolisme énergétique en assurant le transport des acides gras à longues chaînes du cytosol vers la mitochondrie où ces derniers subissent la β-oxydation ; elle contribue à la détoxification par élimination de groupements acyles excédentaires par la voie urinaire sous forme acylcarnitines [26]. De plus, la L-carnitine augmente les niveaux sanguins de leptine qui à son tour augmente la sensibilité tissulaire à l’insuline [12]. Cette amélioration de la sensibilité à l’insuline est recherchée chez les chevaux atteints de myopathie atypique qui sont généralement en hyperglycémie [24]. Cependant, cette augmentation de sensibilité à l’insuline à la suite de l’administration de L-carnitine n’est pas démontrée chez le cheval [12]. La carnitine pourrait néanmoins être utilisée afin d’augmenter l’élimination des acylcarnitines excédentaires. Sa biodisponibilité orale étant faible, la voie intraveineuse est recommandée à raison de 10 g/50 ml de L-carnitine dans une solution saline héparinée pour un cheval de 500 kg, soit 20 mg/kg en administration lente[10]. Cette voie d’administration nécessite la réalisation d’une préparation maison. Par la voie orale, les doses recommandées varient de 5 à 50 g de L-carnitine par cheval et par jour [28]. À la clinique vétérinaire universitaire de Liège, la dose administrée est de 5 g, trois fois par jour pour un cheval de 500 kg.

• L’intérêt d’utiliser la glycine pour favoriser l’élimination du MCPA est suggéré dans une étude réalisée chez des rats recevant une administration d’hypoglycine A, par voie intrapéritonéale, et de glycine en même temps, ce qui ne correspond pas à la réalité de terrain de l’intoxication à l’hypoglycine A des équidés [1]. En outre, des effets secondaires sévères sont rapportés chez l’homme et l’animal aux doses utilisées dans l’étude menée sur les rats. Sur ces bases, l’administration de glycine n’est actuellement pas recommandée.

MCPA : acide méthylcyclopropylacétique.

REMERCIEMENTS

Les vétérinaires sentinelles du Respe, les membres de l’AMAG, tous les cliniciens des cliniques universitaires et privées ainsi que les vétérinaires praticiens et les propriétaires des chevaux qui nous ont communiqué des cas sont chaleureusement remerciés. Sans leur aide, il n’aurait pas été possible d’effectuer les études à la base de cet article de synthèse. Les auteurs remercient également l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE, France) ainsi que les fonds spéciaux pour la recherche de l’université de Liège (Belgique) et la Wallonie agriculture SPW (service public de Wallonie, Belgique) pour leur soutien financier.

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