Anesthésies tronculaires du membre antérieur chez le cheval - Pratique Vétérinaire Equine n° 200 du 01/10/2018
Pratique Vétérinaire Equine n° 200 du 01/10/2018

PATHOLOGIE LOCOMOTRICE

Cahier pratique

Fiche pratique

Auteur(s) : Solenn Le Corre*, Paul Camdeborde**, Carmelo Magri***, Jean-Luc Cadoré****

Fonctions :
*Université de Lyon,
VetAgro Sup
Campus vétérinaire de Lyon
Département hippique
69280 Marcy-l’Étoile

Les anesthésies tronculaires, autrement appelées anesthésies étagées ou locorégionales, consistent à injecter une dose d’anesthésique local en périphérie d’un nerf afin de désensibiliser la partie du membre innervée par celui-ci.

Si les anesthésies tronculaires sont fréquemment utilisées lors d’examens locomoteurs afin de localiser le site d’une boiterie, elles peuvent également être utiles dans d’autres circonstances, comme lors d’interventions chirurgicales, afin d’augmenter l’analgésie de la région à traiter par la réalisation de blocs nerveux.

Ainsi, un prérequis indispensable aux anesthésies tronculaires est une bonne connaissance de l’anatomie nerveuse du membre antérieur (figure 1).

Matériel

Le matériel nécessaire comprend :

- des compresses, de la solution iodée ou de la chlorhexidine et de l’alcool afin de préparer le site d’injection ;

- des seringues et des aiguilles. Pour les anesthésies de la partie distale du membre, des seringues de 2 ml et des aiguilles de 25 G suffisent. Pour les anesthésies hautes, des seringues de 5 voire 10 ml et des aiguilles de 20 à 25 G sont nécessaires ;

- des gants en latex ;

- un tord-nez pour la contention du cheval ;

- un flacon d’anesthésique local, mépivacaïne (1) ou lidocaïne à 2 % (photo). Un troisième agent peut également être utilisé : la bupivacaïne (2) 0,5 %. Le choix de l’agent anesthésique varie selon les praticiens (tableau 1). Il convient d’utiliser le plus petit volume d’anesthésique possible, pour éviter une diffusion plus importante que celle souhaitée.

Préparation du cheval

Que ce soit dans le cadre d’un diagnostic de boiterie ou pour permettre une analgésie, il est nécessaire d’effectuer une bonne contention dans un endroit adapté. Cette contention peut être effectuée de manière chimique dans le cadre d’une anesthésie pour permettre une meilleure analgésie. Cependant, dans le cadre d’un examen locomoteur, il vaut mieux éviter de tranquilliser le cheval afin de ne pas influencer le résultat de l’examen. L’utilisation d’un tord-nez par une personne expérimentée peut ainsi se révéler nécessaire.

Si la réalisation d’une anesthésie digitale sans tranquillisation n’est pas envisageable, de l’acépromazine (à la dose de 0,04 mg/kg par voie intraveineuse [IV]) ou de la xylazine (à la dose de 0,4 mg/kg IV) peuvent être utilisées sans altérer l’évaluation locomotrice de manière significative [2].

Le site d’injection doit idéalement être tondu ou rasé, puis nettoyé. Un nettoyage à l’aide d’une solution antiseptique est suivi d’un rinçage à l’alcool avant injection. Pour certaines anesthésie (par exemple, palmaire basse), les conditions d’asepsie doivent être plus rigoureuses, en raison du risque de contamination des structures synoviales adjacentes : une asepsie chirurgicale et le port de gants stériles sont alors recommandés.

Technique

Les injections peuvent être réalisées membre à l’appui ou au soutien selon l’anesthésie (tableaux 2 et 3 et figures 2 à 4).

Délai d’action

Une fois l’injection réalisée, il convient d’attendre un certain délai entre celle-ci et le test de désensibilisation.

Ce délai varie selon l’anesthésie réalisée. Les anesthésies distales peuvent agir rapidement (5 à 10 minutes), tandis que les blocs nerveux plus proximaux nécessitent davantage de temps (20 minutes) en raison de la taille plus importante des nerfs et de leurs positions moins superficielles.

Lorsque le délai d’action est passé, il est important de tester la sensibilité cutanée locale afin d’évaluer l’anesthésie. L’injection doit être répétée lorsque la région testée est toujours sensible aux stimuli dans un délai de temps raisonnable.

Pour tester la désensibilisation, un stimulus nociceptif (pointe d’un stylo ou d’une pince, par exemple) est appliqué sur la peau recouvrant la région visée par l’anesthésie. Les yeux du cheval sont cachés afin d’éviter des réactions à la simple vue de l’acte.

Il est conseillé de comparer la réponse sur le membre controlatéral, en effet certains chevaux stoïques ne répondent pas aux stimuli, même si l’anesthésie n’a pas fonctionné.

Complications

Bien que les complications restent rares, il est possible d’observer des cas d’infection sous-cutanée au site d’injection ou des structures synoviales (synovite) adjacentes. En effet, le risque de contamination articulaire existe lors de certaines anesthésies à proximité d’articulations.

Des complications liées à l’interprétation sont également à prendre en considération. Il existe des faux positifs dus à la diffusion de l’agent anesthésique, de par la localisation de l’injection, du volume trop important de la solution injectée, ou lorsque le délai entre l’injection et l’examen locomoteur est rallongé.

Des faux négatifs peuvent également être provoqués lors d’une erreur technique (site d’injection inadapté, injection IV), de l’utilisation d’une solution anesthésique périmée ou d’une variation anatomique. Il est ainsi important de tester la sensibilité cutanée afin d’objectiver l’efficacité du bloc nerveux [1].

Enfin, il convient d’écarter tout risque de fracture de stress qui, une fois anesthésiée, risquerait de s’aggraver lors de l’examen dynamique. En cas de suspicion clinique, des examens radiographiques préalables doivent ainsi être réalisés.

Conclusion

Les anesthésies tronculaires sont un outil diagnostique précieux couramment employé lors d’examen de boiterie. Il reste cependant nécessaire de les associer à un examen statique et à des tests fonctionnels complets, et de rester critique face à des résultats pouvant varier selon plusieurs facteurs. Ces anesthésies peuvent, dans le cadre d’un diagnostic de boiterie, être complétées par des anesthésies intra-articulaires permettant d’identifier plus précisément la localisation d’une éventuelle lésion.

  • (1) Administration hors autorisation de mise sur le marché (AMM).

  • (2) Médicament à usage humain.

  • 1. Denoix JM. Anesthésie sémiologique nerveuse antébrachiale chez le cheval. Prat. Vét. Équine. 1993;25 (3):173-180.
  • 2. Doherty T, Valverde A, Schumacher J, Castro FA. Manual of equine anesthesia and analgesia. Ed. Wiley-Blackwell, Ames. 2006:376p.
  • 3. König HE, Liebich HG. Veterinary anatomy of domestic mammals: textbook and colour atlas, 6 th ed. Ed. Schattauer, Stuttgart. 2014:824p.
  • 4. Moyer W, Schumacher J. A guide to equine joint injection and regional anesthesia. Ed. Veterinary Learning Systems. Yardley. 2007:109p.
  • 5. Ross MW, Dyson SJ. Diagnosis and management of equine lameness. 2nd ed. Elsevier Saunders, St Louis. 2010:1168p.
  • 6. Werner HW. How to perform basic nerve blocks in the field. Proceedings of the 13th International Congress of the World Equine Veterinary Association. 2013. http://docplayer.net/20695331-Proceedings-of-the-13th-international-congress-of-the-world-equine-veterinary-association-weva.html

CONFLIT D’INTÉRÊTS :

AUCUN

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