À propos de 68 cas d’accrochement néphrosplénique traités par roulage sous anesthésie générale - Pratique Vétérinaire Equine n° 199 du 01/07/2018
Pratique Vétérinaire Equine n° 199 du 01/07/2018

GASTRO-ENTÉROLOGIE

Cahier scientifique

Article original

Auteur(s) : Thomas Normand*, Yan Santinelli**, Olivier Carette***, Benoit Tainturier****, Vincent Gouzer*****, Caroline Marguet******, Jérôme Arnauld des Lions*******

Fonctions :
* 2e centre médical des Armées
de Versailles, 41e groupe vétérinaire
de Fontainebleau, rue des Archives,
BP 70059, 77303 Fontainebleau Cedex 01
** 2e centre médical des Armées
de Versailles, 41e groupe vétérinaire
de Fontainebleau, rue des Archives,
BP 70059, 77303 Fontainebleau Cedex 01
*** 1er centre médical des Armées de Paris,
23e groupe vétérinaire de Paris,
Garde républicaine, 18, boulevard Henri-IV,
75181 Paris Cedex 04
ema.cnsd.csem.veterinaire@intradef.gouv.fr
**** 1er centre médical des Armées de Paris,
23e groupe vétérinaire de Paris,
Garde républicaine, 18, boulevard Henri-IV,
75181 Paris Cedex 04
ema.cnsd.csem.veterinaire@intradef.gouv.fr
***** 1er centre médical des Armées de Paris,
23e groupe vétérinaire de Paris,
Garde républicaine, 18, boulevard Henri-IV,
75181 Paris Cedex 04
ema.cnsd.csem.veterinaire@intradef.gouv.fr
****** 1er centre médical des Armées de Paris,
23e groupe vétérinaire de Paris,
Garde républicaine, 18, boulevard Henri-IV,
75181 Paris Cedex 04
ema.cnsd.csem.veterinaire@intradef.gouv.fr
******* 2e centre médical des Armées
de Versailles, 41e groupe vétérinaire
de Fontainebleau, rue des Archives,
BP 70059, 77303 Fontainebleau Cedex 01

L’efficacité du roulage lors d’une prise en charge précoce des chevaux et en présence d’une équipe maîtrisant la technique est illustrée par cette étude rétrospective réalisée en milieu vétérinaire.

L’accrochement néphrosplénique est un déplacement dorsal d’anses intestinales qui viennent se localiser entre le rein gauche et la rate sur le ligament néphrosplénique [5, 8]. Les anses concernées sont en général les portions ventrale et dorsale gauche du côlon ascendant, mais l’accrochement d’anses de côlon flottant ou d’intestin grêle est également décrit [1, 2].

Également appelée entrappement néphrosplénique par analogie avec le terme anglo-saxon d’entrapment, cette affection représenterait jusqu’à 9, voire 17 % des cas de coliques, selon certains auteurs [2, 9, 12]. La prévalence augmenterait avec le format du cheval. Très couramment rencontrée chez les chevaux germaniques Warmblood, elle serait moins répandue chez le selle français et encore plus rare chez le pur-sang.

La compression des anses intestinales déplacées dans l’espace néphrosplénique est à l’origine de coliques d’expression très variable chez le cheval, mais le plus souvent d’intensité modérée, du moins en début d’évolution [1, 2, 5, 7, 10]. Elle augmente selon la longueur d’intestin impliquée, la distension gazeuse et la surcharge alimentaire [7, 8, 10].

L’objectif de cet article est d’évaluer l’efficacité d’une approche thérapeutique visant à utiliser en première intention une technique de roulage sous anesthésie générale sur des cas d’accrochement néphrosplénique pris en charge en milieu militaire à l’Antenne vétérinaire de Fontainebleau entre 1995 et 2016. Dans cette structure, aucun acte n’est facturé. Le facteur économique du propriétaire n’est donc pas pris en compte dans le choix de la technique à adopter pour la prise en charge des accrochements néphrospléniques.

Matériel et méthode

Population

Tous les animaux sont issus d’effectifs militaires. Les cas appartiennent en grande majorité à l’École militaire d’équitation (EME) de Fontainebleau. L’antenne vétérinaire étant installée au sein de cette structure, les animaux sont pris en charge dès les premiers symptômes. Le diagnostic et le traitement peuvent donc être précoces. Certains chevaux issus d’autres sections équestres militaires sont référés et arrivent à l’antenne vétérinaire après des délais de transport de plusieurs heures et une prise en charge locale plus ou moins rapide. Pour l’ensemble des cas, le délai entre les premiers symptômes et l’hospitalisation est en moyenne de 9 heures avec un écart type de 18,9 heures (figure 1). Le délai le plus long de la série est de 90 heures.

Il s’agit de chevaux âgés de 3 à 21 ans, de race selle français pour la plupart. La moyenne d’âge est de 9,4 ans avec un écart type de 5,1 ans. La répartition des sexes est de 46 hongres (67,65 %), de 21 femelles (30,88 %) et de 1 mâle entier (1,47 %).

Les chevaux ayant présenté deux épisodes d’accrochement néphrosplénique à plus de 2 semaines d’intervalle ont été comptabilisés comme deux cas distincts. Cinq chevaux ont récidivé. L’écart minimal constaté dans cette étude entre deux accrochements néphrospléniques est de 353 jours.

Examen clinique et démarche diagnostique

Un bilan médical est systématiquement réalisé lors de la prise en charge et renouvelé régulièrement. L’intensité de la douleur est quantifiée à partir de l’importance des symptômes exprimés, et des fréquences cardiaque et respiratoire. Une auscultation abdominale est réalisée afin d’évaluer la présence et la qualité des bruits digestifs dans les quatre quadrants classiquement décrits. L’état d’hydratation est apprécié au moment de l’hospitalisation par le taux d’hématocrite complété, si nécessaire, par le dosage des protéines plasmatiques. Le temps de remplissage capillaire est mesuré après une pression digitale sur la muqueuse gingivale. Ces examens sont renouvelés quotidiennement, voire plusieurs fois par jour si les valeurs sont hors des normes physiologiques.

La présence d’un reflux gastrique ou de gaz est contrôlée par sondage nasogastrique. L’examen est renouvelé si le cheval ne peut pas être couché dans les 2 heures suivant le diagnostic. L’appréciation d’une météorisation visible à l’examen externe par diminution ou disparition du creux d’un ou des deux flancs est systématiquement réalisée.

Une palpation transrectale est effectuée lors de la prise en charge et permet d’évaluer la dilatation des anses digestives et les variations de la topographie abdominale. Le diagnostic de déplacement dorsal du côlon à gauche avec accrochement néphrosplénique est établi par palpation transrectale par deux vétérinaires afin d’améliorer la fiabilité du diagnostic. La présence d’une bride tendue depuis le quadrant supérieur gauche vers le quadrant inférieur droit est fortement évocatrice d’un accrochement néphrosplénique. Le bord dorsal de la rate est souvent difficile à palper et cet organe peut se déplacer en prenant une orientation plus horizontale que sa position verticale physiologique.

Depuis 1999, un examen échographique du flanc gauche est systématiquement réalisé, qui permet dans de nombreux cas de confirmer le diagnostic. Une sonde sectorielle de 3,5 à 7 MHz est utilisée. Le flanc gauche est échographié, en général dans le dix-septième espace intercostal (EIC) et, si nécessaire, dans le seizième EIC ou en arrière de la dernière côte. L’examen est commencé en région dorsale au niveau d’une ligne horizontale passant par la pointe de la hanche, de manière à visualiser la masse commune lombaire, puis est poursuivi en se déplaçant ventralement. La visualisation du rein gauche et du bord dorsal de la rate permet d’écarter la présence d’un accrochement néphrosplénique (photo 1). En cas de déplacement dorsal à gauche du côlon, les images du rein gauche et du bord dorsal de la rate sont masquées par un ou plusieurs cônes d’ombre, induits par les portions intestinales déplacées (photo 2).

En cas de déplacement du côlon à gauche sans accrochement, la rate est repoussée vers le plan sagittal et des anses intestinales sont palpées entre celle-ci et la paroi abdominale gauche. Le ligament néphrosplénique reste en général palpable. À l’échographie, le rein gauche est partiellement visible et la rate est difficile à imager. Si elle apparaît, elle est coupée ou absente sur la zone correspondant à la présence d’anses intestinales.

Traitement

Une injection par voie intraveineuse de dipyrone à la dose de 20 mg/kg est réalisée dans les 30 minutes qui suivent la prise en charge des cas de coliques.

Lorsque le diagnostic est établi, les chevaux sont roulés sous anesthésie générale en première intention, sous réserve que leur état général soit satisfaisant et qu’aucune autre lésion intestinale ne soit suspectée. Le délai moyen entre le début des symptômes et le roulage est de 12 heures avec un écart type de 20,6 heures (figure 2). La technique utilisée s’inspire de celle décrite par Kalsbeek en 1989 [11].

Un sondage nasogastrique est réalisé avant l’anesthésie pour s’assurer de la vacuité stomacale. Sur les 68 cas, 3 (4,4 %) présentaient un reflux ayant nécessité une vidange de l’estomac avant le couchage.

Une perfusion de soluté salé isotonique, dont le débit est adapté à l’état d’hydratation du cheval, est mise en place afin de maintenir une voie veineuse.

Description de la technique

Le cheval est placé en décubitus latéral droit dès la phase de couchage. Lorsque l’anesthésie est suffisante pour assurer un bon relâchement musculaire, un massage énergique du flanc gauche est effectué. Dans notre structure, la manœuvre est réalisée dans un local équipé d’un palan. L’utilisation de plates-longes passées dans des anneaux muraux peut également être envisagée.

Le massage est exécuté à l’aide des deux mains en appuyant fermement à plusieurs reprises et en imprimant un mouvement ondulatoire avec les poignets. La progression se fait dorso-ventralement depuis le creux du flanc en suivant une direction parallèle au cercle de l’hypochondre. L’opérateur veille à ne pas appuyer directement sur les dernières côtes pour prévenir tout risque de fracture. Le membre postérieur gauche peut être détaché et écarté caudalement de manière à faciliter le massage. Cette opération est répétée plusieurs fois alors que les membres du cheval sont encore en contact avec le sol (photos 3a à 3d).

Les quatre membres sont ensuite relevés progressivement à l’aide d’un palan par paliers de 20 cm environ pour réaliser une rotation du cheval, vu de derrière, dans le sens des aiguilles d’une montre. À chaque étape, le massage est renouvelé 10 fois. Ces manipulations nécessitent un effort physique important. Quand cela est possible, il est recommandé de changer de manipulateur en cours d’opération pour préserver l’efficacité du massage.

Lorsque le cheval est incliné selon un angle de 80° par rapport au sol, il est basculé pour être placé en décubitus latéral gauche et l’abdomen est secoué énergiquement pendant 1 à 2 minutes.

Ensuite, l’animal est de nouveau placé en décubitus latéral droit en repassant par la position de décubitus dorsal. La procédure est répétée plus rapidement en diminuant le nombre de paliers jusqu’au décubitus latéral gauche. Un troisième passage peut être effectué si une différence significative n’est pas ressentie entre le début et la fin de la manipulation. Il est possible dans certains cas de sentir un assouplissement du creux du flanc gauche durant le massage. Cette constatation peut correspondre au glissement de l’anse accrochée qui se réoriente vers sa position physiologique.

Chez les chevaux de cette série, l’émission de gaz pendant les manipulations, au cours du réveil ou après le relevé de l’animal a souvent été un signe qui accompagne la réussite du traitement.

Pour le réveil, l’animal est laissé dans la position de décubitus latéral droit. De retour au box, le cheval fait l’objet d’une surveillance médicale attentive avec des examens cliniques réguliers.

Suivi

Au moins 2 heures après le réveil, une échographie de contrôle et une palpation transrectale sont réalisées afin de vérifier la résolution de l’accrochement néphrosplénique.

Si ces examens sont réalisés trop rapidement, leur interprétation peut être délicate en raison de la persistance d’anses intestinales entre la paroi abdominale et la rate, ou à proximité de l’espace néphrosplénique (photo 4).

Un suivi médical est ensuite réalisé pendant encore 48 heures afin d’évaluer la survenue d’éventuelles complications (iléus postanesthésique, récidive d’accrochement, perforation intestinale, mise en évidence d’une autre entité pathologique, etc.).

En cas d’échec du premier roulage, un second est réalisé dans un délai de 12 à 24 heures si l’état général du cheval le permet. Dans les autres cas, une chirurgie par le flanc ou la ligne blanche est envisagée. Pour les 7 chevaux de notre série ayant nécessité une intervention chirurgicale, le délai moyen entre les premiers symptômes et la chirurgie a été de 53 heures (figure 3).

Résultats

De 1995 à 2016, les accrochements néphrospléniques ont représenté 4,88 % des cas de coliques pris en charge à l’antenne vétérinaire de Fontainebleau pour un nombre total de 1 435 cas de coliques. Le taux de récidive est de 17,65 %.

En raison de l’état clinique satisfaisant des chevaux, aucune chirurgie n’a été pratiquée en première intention. Pour les 68 cas considérés de 1995 à 2016, un roulage a rapidement été mis en œuvre après l’établissement du diagnostic de certitude.

Pour 59 cas, soit 86,76 %, le roulage a permis de traiter avec succès l’accrochement.

Deux cas, non résolus après le premier roulage, ont fait l’objet d’un second roulage qui a permis de résoudre le déplacement pour chacun des chevaux. Le taux de réussite global de cette série, en intégrant le second roulage éventuel, est donc de 89,7 %. Les sept autres cas (10,3 %) n’ont pu être résolus par la technique de roulage et ont nécessité le recours à une chirurgie.

Discussion

Population

Cette série est extraite d’un grand nombre de cas de coliques (1 435) issus d’une population assez stable et bien connue (effectifs militaires). Le pourcentage d’accrochements néphrospléniques (4,88 %) est plus faible que les chiffres déjà publiés par d’autres auteurs [3, 7, 9]. Ces données sont probablement plus proches de la réalité du terrain car elles ne présentent aucun biais de sélection. En effet, toutes les coliques de l’effectif présent sur site, même les plus bénignes, sont prises en charge par l’antenne vétérinaire. Ce pourcentage peut être minoré si tous les cas de coliques des sections équestres militaires sont comptabilisés, y compris ceux qui n’ont pas été référés.

Le taux de récidive (17,65 %) est élevé par rapport à certaines données publiées, mais il est à corréler avec le suivi sur le long terme des effectifs, facilité en milieu militaire [9, 12].

Prise en charge

Alors que les études publiées à ce jour donnent un taux de réussite oscillant entre 50 et 81,8 % selon les auteurs, le taux de succès global du roulage sous anesthésie générale décrit dans cette étude confirme que le pronostic lors d’accrochement néphrosplénique peut être très bon, à condition que l’animal soit pris en charge dès les premiers symptômes, que le diagnostic soit établi rapidement avec certitude et que la structure d’accueil bénéficie d’une équipe médicale complète et habituée aux manipulations thérapeutiques mises en œuvre [2, 5, 6, 8, 13]. Des résultats assez proches mais moins performants avaient déjà été publiés pour le même site [2].

Dans notre structure, le temps entre l’apparition des premiers symptômes et la prise en charge médicale est assez court pour tous les chevaux provenant de l’EME, ce qui fait probablement une différence majeure par rapport à une clientèle civile plus classique.

La prise en charge rapide des cas d’accrochement néphrosplénique permet de réduire les risques de complications, comme l’impaction ou les phénomènes d’ischémie à l’origine de nécroses intestinales, et probablement d’améliorer le taux de réussite.

Technique

Cette technique de roulage, simple à mettre en œuvre, permet d’obtenir de très bons résultats malgré l’absence de suspension par les membres postérieurs parfois décrite [3, 4, 15].

Une étude associant la technique du roulage avec une palpation transrectale relève des résultats sensiblement identiques aux nôtres (92,5 % de réussite) [11]. Cependant, cette méthode présente des risques non négligeables de déchirure rectale. C’est pourquoi elle est aujourd’hui déconseillée par certains auteurs et non utilisée en milieu militaire [10].

Dans d’autres travaux, l’association du roulage avec un traitement à base de phényléphrine semble augmenter les taux de réussite. Des résultats supérieurs à 80 % sont obtenus avec cette association [6, 13].

La phényléphrine est un adrénergique α1-sympathomimétique qui induit une vasoconstriction et une splénocontraction, réduisant jusqu’à 28 % le volume de la rate [14]. L’administration de 3 à 4 µg/kg/min sur 10 minutes environ permet d’obtenir une splénocontraction qui libère de l’espace entre la paroi abdominale et la rate, favorisant ainsi le décrochement des anses déplacées [10]. À cette dose, la marge de sécurité est acceptable vis-à-vis des effets secondaires.

Cependant, lors de la mise en œuvre de la technique de roulage, le poids de la rate congestionnée suffit à lui seul pour ouvrir l’espace entre la paroi abdominale et cet organe, par simple gravité [8]. Une réduction artificielle du poids de la rate pourrait s’opposer à ce phénomène. De plus, en raison des nombreux effets secondaires décrits (tachycardies, arythmies, etc.), nous préférons ne pas utiliser de phényléphrine pour le roulage afin de ne pas augmenter les risques déjà induits par l’anesthésie générale.

Il est important que l’état du cheval soit bon à l’admission pour envisager une réduction de l’accrochement par roulage. Le bilan médical réalisé en amont, complété par les analyses sanguines (taux d’hématocrite, dosage des protéines totales), permet d’écarter d’éventuelles contre-indications à l’anesthésie.

Pour un animal présenté avec un bilan cardio-vasculaire dégradé, une intervention chirurgicale serait envisagée en première intention afin d’augmenter les chances de réussite. La technique de roulage n’étant pas efficace à 100 %, il serait en effet préjudiciable pour l’animal de cumuler les anesthésies générales en cas d’échec de la procédure. Dans notre série, tous les équidés ont présenté un état satisfaisant après la prise en charge médicale initiale (sondage nasogastrique, administration d’antalgiques, trocardage éventuel du cæcum en cas de météorisation importante).

Notre méthode est réalisée sous anesthésie fixe et dure entre 20 et 30 minutes, ce qui est très souvent bien toléré par les chevaux. Elle nécessite la présence d’au moins trois personnes : un anesthésiste, un opérateur et un assistant pour les manipulations du cheval endormi. Il est préférable qu’elle soit exécutée dans une structure équipée d’un bloc chirurgical prêt à être activé.

Outre l’administration de dipyrone, voire de flunixine méglumine, certains auteurs préconisent comme solution alternative thérapeutique la mise en place d’une fluidothérapie associée à une sédation régulière à base d’α2-agonistes. La détomidine est la plus fréquemment utilisée à la dose de 10 à 40 µg/kg. Ces molécules sont à l’origine d’une analgésie, d’une diminution du transit et d’un relâchement des organes abdominaux qui permettrait de résoudre l’accrochement. Toutefois, leur rôle exact dans la réduction de cette affection n’est pas précisément connu [5]. Des doses importantes et répétées, toutes les 1 à 2 heures, sont nécessaires pour résoudre l’affection sans avoir recours à d’autres méthodes de traitement. Les résultats restent toutefois inférieurs à ceux obtenus avec la technique de roulage décrite dans cet article. Une étude rétrospective sur 101 cas a montré un taux de succès de 71,9 % par traitement médical sans anesthésie générale [7]. Ces protocoles médicaux évitent le recours à une anesthésie générale. Ils peuvent être mis en œuvre par une équipe médicale réduite, mais restent contraignants sur la durée. Pour sa part, le roulage mobilise une équipe complète, mais pendant un temps plus bref, et peut ainsi raccourcir de manière très significative la durée de traitement. En revanche, sa maîtrise technique est indispensable à son succès.

La palpation transrectale de contrôle n’est pas réalisée sous anesthésie générale car la topographie des viscères abdominaux est souvent modifiée immédiatement après le roulage et en raison des risques accrus de perforation rectale lors de la fouille en décubitus latéral [10].

Échecs et complications

Les échecs du roulage ne sont pas toujours explicables. Un long délai de prise en charge peut favoriser la survenue d’une impaction en amont de l’accrochement. Celle-ci augmente ainsi les pressions exercées sur le ligament néphrosplénique et s’oppose à la mobilité des anses déplacées. Il semble aussi que les anses d’intestin grêle ou de côlon flottant soient plus difficiles à décrocher par roulage, probablement en raison de leur petit calibre [2].

Une météorisation importante rend également difficile le massage abdominal. Dans ce cas, il peut être nécessaire de réaliser un trocardage du cæcum par le creux du flanc droit, le trocardage par le flanc gauche étant beaucoup plus risqué en raison de la mobilité des anses du côlon [7].

La présence d’une seconde entité pathologique, non diagnostiquée avant le roulage, peut expliquer certains échecs. Au cours de notre pratique, des cas d’adhérences du côlon au plafond de la cavité abdominale et à proximité de la loge néphrosplénique ont été très similaires à un accrochement néphrosplénique lors de la palpation transrectale.

Aucune complication n’a été identifiée à la suite des roulages effectués à l’antenne vétérinaire de Fontainebleau dans la période considérée de l’étude.

Conclusion

Sur les 68 cas d’accrochement présentés, traités par roulage en première intention, 89,7 % ont pu être résolus. Cette technique confirme donc toute son efficacité et reste un traitement de choix pour les structures bénéficiant d’une équipe médicale formée, maîtrisant bien la procédure et dotées du matériel de réanimation nécessaire afin de réaliser une anesthésie générale dans les meilleures conditions. Elle reste, à ce jour, plus efficace et plus rapide qu’un traitement médical, mais requiert la mise en œuvre d’une anesthésie générale et la prise en compte des risques associés.

Enfin, l’éventualité d’un échec du roulage doit toujours être envisagée avant le couchage. Cette manipulation doit donc être préférentiellement réalisée dans une structure hospitalière bénéficiant d’un bloc chirurgical prêt à recevoir l’animal en cas d’échec ou de complications.

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CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN

ÉLÉMENTS À RETENIR

→ Les accrochements néphrospléniques représentent environ 5 % des cas de coliques pris en charge en milieu militaire à l’antenne vétérinaire de Fontainebleau.

→ La technique de roulage utilisée dans cette étude consiste à masser vigoureusement le creux du flanc gauche avec des mouvements de glissement en relevant progressivement les membres du cheval.

→ Le roulage est une technique efficace de prise en charge médicale des accrochements néphrospléniques en l’absence d’indication chirurgicale immédiate.

→ L’éventualité d’un échec du roulage doit toujours être envisagée avant le couchage de manière à anticiper une prise en charge chirurgicale rapide.

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