Polyuro-polydipsie : pathogénie et démarche diagnostique - Pratique Vétérinaire Equine n° 198 du 01/04/2018
Pratique Vétérinaire Equine n° 198 du 01/04/2018

Médecine interne

Dossier

L’appareil urinaire du cheval adulte : imagerie et troubles fonctionnels

Auteur(s) : Tanguy Hermange*, Anne Couroucé**

Fonctions :
*Centre international de
santé du cheval d’Oniris
(Cisco), École nationale
vétérinaire, agro-alimentaire et de l’alimentation
Nantes-Atlantique (Oniris),
44307 Nantes

Plusieurs mécanismes interviennent dans le contrôle de l’homéostasie hydrique et diverses sont les causes qui peuvent les perturber. La démarche diagnostique à suivre lors d’une polyuro-polydipsie vous est présentée.

La consommation d’eau de boisson est estimée en moyenne entre 50 et 60 ml/kg/j (soit environ 25 à 30 l/j pour un cheval de 500 kg), et la production d’urine entre 15 et 30 ml/kg/j (soit environ 7,5 à 15 l/j) [8, 14].

Les besoins hydriques sont plus proportionnels à la taille qu’au poids du cheval. Le tissu graisseux contenant peu d’eau, les chevaux avec une note d’état corporelle élevée ont proportionnellement des besoins moindres. De nombreux autres facteurs comme l’âge, le régime alimentaire, l’exercice, la lactation et l’environnement (température, humidité) interviennent et peuvent faire varier la consommation d’eau dans une certaine mesure.

La polyuro-polydipsie (PUPD) est définie respectivement par une production d’urine et une consommation d’eau inappropriées et anormalement élevées. On parle de polydipsie lorsque la consommation d’eau est supérieure à 100 ml/kg/j (soit supérieure à 50 l/j) et de polyurie lorsque la production d’urine est supérieure à 50 ml/kg/j (soit supérieure à 25 l/j) [8]. La PUPD constitue un motif de consultation relativement peu fréquent en médecine vétérinaire équine, mais il doit faire l’objet d’une investigation attentive car c’est le signe d’une défaillance des mécanismes homéostatiques contrôlant l’équilibre hydrique.

Physiologie générale de l’équilibre hydrique

L’homéostasie hydrique est régulée, d’une part, par la prise de boisson influencée par les facteurs agissant sur le centre de la soif et, d’autre part, par les pertes hydriques au niveau rénal régulées par les facteurs influençant la filtration glomérulaire et la réabsorption tubulaire.

→ Le centre de la soif est situé en région antéroventrale au troisième ventricule et antéro-latérale aux noyaux préoptiques. Le stimulus majeur est une augmentation de l’osmolarité extracellulaire qui entraîne une déshydratation intracellulaire. Lors d’hypotension ou d’hypovolémie, une stimulation est également possible via des barorécepteurs périphériques, la libération d’angiotensine et une intégration centrale. Lors de sécheresse buccale, des mécanorécepteurs dans l’oropharynx peuvent aussi intervenir (figure 1).

→ Au niveau rénal, la capacité à concentrer les urines est contrôlée par trois grands mécanismes : l’hormone antidiurétique (ADH ou vasopressine), la présence d’un nombre suffisant de néphrons sensibles à l’ADH et l’existence d’un gradient hyperosmotique dans la medulla rénale (cortico-papillaire).

L’ADH est produite en réponse à la stimulation d’osmorécepteurs localisés dans l’hypothalamus antérieur à proximité des noyaux supraoptiques antéro-ventralement au troisième ventricule, proches du centre de la soif. Une fois stimulés, ces osmorécepteurs activent les cellules des noyaux supraoptiques qui transmettent le signal aux terminaisons nerveuses dans l’hypophyse postérieure (neurohypophyse) où l’ADH est excrétée. Tout comme le centre de la soif, la stimulation de barorécepteurs lors d’hypotension et d’hypovolémie peut aussi influencer ces noyaux. Une fois excrétée dans la circulation générale, l’ADH va agir sur trois récepteurs : V1a, V1b et V2. Les récepteurs V1 ont un rôle vaso-actif (vasoconstriction). Le récepteur V2 est situé sur la membrane des cellules épithéliales des tubules contournés distaux et des tubes collecteurs. Une fois activé par l’ADH, il stimule la synthèse d’aquaporines 2 et leur insertion sur la membrane apicale. Les aquaporines permettent alors les mouvements d’eau selon le gradient osmotique présent (figure 2). L’ADH augmente également la perméabilité à l’urée en régulant les transporteurs dans l’interstitium de la medulla rénale.

Le transport actif d’ions dans l’anse ascendante de Henlé, via le cotransport Na-K-2Cl et l’imperméabilité à l’eau dans cette partie a pour conséquence la création d’un gradient osmotique cortico-papillaire dans l’interstitium de la medulla rénale. Ce gradient, renforcé par la réabsorption locale de l’urée, permet et facilite les mouvements d’eau via les aquaporines situées au niveau des tubes contournés distaux et des tubes collecteurs (figure 3).

Plus secondairement, le système rénineangiotensine-aldostérone participe également à la réabsorption de l’eau et à la production d’urine. La rénine est libérée par l’appareil juxta-glomérulaire de l’artériole afférente lors d’hypotension, de stimulation sympathique ou de chute du taux de filtration glomérulaire, et permet le clivage de l’angiotensinogène en angiotensine I, clivée par la suite en angiotensine II par l’enzyme de conversion. Citée précédemment comme un des facteurs activateurs du centre de la soif, la libération d’angiotensine II a également un effet direct de libération d’aldostérone par les glandes surrénales, de stimulation de la réabsorption d’eau et de sodium par le tubule proximal, et de libération d’ADH par la neurohypophyse.

Au vu de cette physiologie générale, il est possible de comprendre que, lors de polyurie, qu’elle soit primaire ou secondaire à une polydipsie, la densité urinaire se trouve diminuée. Pour autant, en fonction de l’affection sous-jacente, le cheval peut conserver ou non sa capacité à concentrer les urines [3, 9, 14].

Mécanismes et entités pathologiques

Plusieurs affections et mécanismes pathogéniques peuvent être à l’origine d’une PUPD (figure 4).

Entités impliquant une polydipsie comme mécanisme primaire

La potomanie, ou polydipsie psychogène, est la cause la plus commune de polydipsie chez le cheval. Ce vice comportemental est lié au confinement et/ou à l’ennui de l’animal. Des changements de régime alimentaire, d’environnement et d’écurie ont également été impliqués. Une consommation excessive de sels a été décrite comme une cause de polydipsie primaire, via une stimulation des osmorécepteurs du centre de la soif. À notre connaissance, un seul cas a été décrit et une consommation importante semble nécessaire [3]. La pouliche atteinte était nourrie avec des concentrés contenant 1 % de sel et avait aussi une pierre à sel à volonté. En sus de la PUPD, un amaigrissement, une raideur, des trémulations musculaires, une hyposthénurie et une augmentation des fractions de sodium et de chlore étaient présents [3].

Chez l’homme, des affections impliquant directement les osmorécepteurs des centres de la soif sont décrites [8]. Très proches de l’hypophyse, ces centres pourraient également être touchés chez le cheval lors de dysfonctionnement de la pars intermedia de l’hypophyse (DPIH), par compression à la suite d’une hypertrophie de la glande. En cas de polydipsie primaire entraînant une polyurie secondaire, la capacité à concentrer les urines est normalement conservée. Lors de polyurie prolongée, cette dernière peut provoquer la perte du gradient osmotique cortico-papillaire, donc une perte de la capacité à concentrer les urines, et par là même entretenir une polyurie par diminution des mouvements passifs d’eau [3, 4, 9, 14].

Entités impliquant une polyurie comme mécanisme primaire

Insuffisance rénale

L’insuffisance rénale aiguë (IRA) débute généralement par une anurie ou une oligurie, et est ensuite suivie d’une phase de polyurie. Lors de lésions tubulaires importantes, un retour à la normale peut prendre plusieurs semaines, voire ne pas être possible. Ainsi, 33 % des chevaux insuffisants rénaux chroniques présentent une PUPD et une diminution de la capacité à concentrer les urines [9].

Lors d’IRA, des signes de déshydratation et d’azotémie sont présents avec habituellement des facteurs prédisposants/déclenchants : hémolyse, exposition à des substances néphrotoxiques, ou rhabdomyolyse. Lors d’insuffisance rénale chronique (IRC), les signes cliniques et paracliniques généralement observés sont un amaigrissement, une dysorexie, une azotémie, une anémie, une hypoprotéinémie, une hypercalcémie et une hypophosphatémie [19, 23].

Dysfonction de la pars intermedia de l’hypophyse

Une PUPD est présente chez environ 30 % des individus atteints de DPIH avec des variations en fonction des études (photo 1) [11, 12]. Sa pathogénie n’est pas encore élucidée parfaitement, mais pourrait être multifactorielle. Une hyperglycémie et une hypercortisolémie sont ponctuellement présentes chez certains chevaux. Une diurèse hyperglycémique et une inhibition de l’ADH au niveau central ou rénal par le cortisol sont donc possibles chez certains individus. Comme évoqué précédemment, et bien que cela ne soit pas formellement démontré, l’hypertrophie de la pars intermedia pourrait comprimer l’hypophyse postérieure, interférer avec la production/libération d’ADH et ainsi créer un diabète insipide neurogénique secondaire. La réponse positive à l’administration d’un analogue de l’ADH (desmopressine) observée dans certains cas va dans le sens de cette hypothèse [16].

Diabète insipide

Le diabète insipide est caractérisé par une polyurie importante associée à des anomalies liées à l’ADH. Ces dernières peuvent être d’origine centrale ou périphérique.

→ Lors de diabète insipide central ou neurogénique, la production d’ADH est insuffisante et implique un dysfonctionnement de l’hypothalamus ou de l’hypophyse postérieure. Ce diabète semble néanmoins rare chez le cheval, avec seulement quatre cas décrits dans les données publiées, dont deux semblaient idiopathiques, l’un secondaire à une encéphalite, l’autre à un DPIH [2, 5, 10, 22].

→ Lors de diabète insipide néphrogénique, la production d’ADH est adéquate, mais les cellules épithéliales des tubes collecteurs rénaux sont insensibles. Ce phénomène peut avoir une origine primaire, c’est-à-dire sans anomalie structurelle ou métabolique. Chez l’homme, une anomalie génétique liée au chromosome X a été décrite. Chez le cheval, cela pourrait également être le cas, comme le laissent suspecter deux cas observés chez des poulains apparentés [20]. Quelques autres cas ont également été publiés [1, 15]. Lors de diabète insipide néphrogénique secondaire, une altération de la sensibilité des néphrons à l’ADH secondaire à une affection rénale intercurrente ou à des complications (hypoxie, thrombo-embolie) est présente. Les affections incriminées sont alors nombreuses, telles que des lésions ischémiques, une pigmenturie, une infection chronique, une obstruction urinaire, une exposition à des toxiques (gentamicine, anti-inflammatoires non stéroïdiens [AINS], polymyxine), ou, moins couramment, une glomérulonéphrite, une anomalie congénitale, une helminthose rénale ou une amyloïdose [6, 19, 21, 25].

Diabète mellitus

Le diabète mellitus est diagnostiqué par la mise en évidence d’une hyperglycémie persistante.

→ Le diabète de type 1 lié à un déficit en insuline (insulino-dépendant) est rare chez le cheval.

→ Le diabète de type 2 lié à une résistance des tissus périphériques à l’insuline (insulino-résistant) a été décrit chez des animaux atteints de DPIH et de syndrome métabolique équin (SME) (photo 2). Très occasionnellement, une association avec une tumeur bilatérale de la granulosa, une pancréatite ou une poly-dysendocrinie autoimmune a été décrite [23]. Le seuil maximal rénal de réabsorption du glucose est estimé à 180 à 200 mg/l. En cas de glycémie supérieure à ces valeurs, le glucose passe dans les urines, crée un appel d’eau et une polyurie osmotique (donc une polydipsie secondaire). Chez certains chevaux, ce seuil pourrait être diminué à 150 mg/l dans des conditions données [8, 23].

Endotoxémie et sepsis

L’endotoxémie et les affections septiques (péritonites et métrites notamment) sont également rapportées comme cause de PUPD. La pathogénie impliquerait la production de prostaglandines E2 à l’origine d’une vasodilatation de l’artériole afférente rénale, donc d’une augmentation du flux sanguin rénal. Une diminution de la sensibilité à l’ADH par hypercortisolémie est également évoquée [8, 9, 14, 23].

Polyurie iatrogénique

Les diurétiques (furosémide, thiazidiques, mannitol), les corticostéroïdes et les agonistes α2-adrénergiques ont un effet direct sur la production d’urine et peuvent entraîner une PUPD iatrogénique.

→ Les corticoïdes diminuent la sécrétion d’ADH au niveau central et la sensibilité des néphrons à l’ADH, induisant une polyurie (et une polydipsie secondaire).

→ Les agonistes α2-adrénergiques sont, d’une part, hyperglycémiants et présentent, d’autre part, une action inhibitrice locale de l’ADH sur les tubes collecteurs [8, 23].

→ En cas d’insulinorésistance ou de débit de perfusion trop important, l’administration de glucose peut être à l’origine d’une hyperglycémie et d’une diurèse osmotique secondaire.

Perte du gradient cortico-papillaire

La perte du gradient cortico-papillaire est un syndrome dans lequel l’hyperosmolarité de la medulla rénale est réduite en raison d’une PUPD prolongée, et ce quelle que soit la cause. La perte du gradient réduit la capacité du rein à réabsorber l’eau et participe à l’entretien de la PUPD [8, 9, 14, 23].

Autres causes

Dans d’autres espèces, quelques autres causes ont été rapportées. Celles-ci sont suspectées de façon anecdotique chez le cheval : insuffisance hépatique sévère, polycythémie, hypercalcémie et déficience en potassium, par exemple [8, 14, 23].

Démarche diagnostique

Lors de PUPD, le diagnostic peut être établi en suivant une démarche rigoureuse.

Commémoratifs et anamnèse

Pour étayer le diagnostic différentiel, un recueil précis des commémoratifs et de l’anamnèse est important. Les affections congénitales sont retrouvées plus fréquemment chez des individus jeunes, alors que la prévalence globale de la PUPD augmente avec l’âge. Des cas de diabète insipide néphrogénique primaire lié à un défaut génétique ont ainsi été suspectés chez 2 poulains pur-sang apparentés, alors que les DPIH sont diagnostiqués principalement chez les chevaux de plus de 15 ans. Un recueil de la chronicité, du milieu de vie et des changements éventuels, du régime alimentaire, ainsi que des suppléments et des traitements préalables sont des éléments clés dans l’anamnèse. Lors d’IRC, notamment, les chevaux présentent généralement un amaigrissement et un appétit modifié [3, 4, 9, 14].

Examen clinique

Bien que souvent normal, un examen clinique complet doit être réalisé afin de rechercher une affection sous-jacente. Lors de DPIH, une hypertrichose, une atrophie musculaire, des dépôts anormaux de gras, des infections chroniques et une fourbure peuvent être rapportés. L’état clinique d’hydratation doit aussi être évalué [3, 4, 9, 14].

Mesure de la consommation hydrique et de la production d’urine

La mesure de la quantité d’eau bue sur 24 heures permet de confirmer la polydipsie, particulièrement si celle-ci n’est pas évidente, et également de grader sa sévérité, ce qui peut orienter le diagnostic différentiel. La PUPD est en effet plus importante dans le cadre d’une PUPD psychogène et d’un diabète insipide que lors de DPIH ou d’IRC.

Tests diagnostiques(1)

Biologie clinique

Un bilan hémato-biochimique (incluant a minima une numération et une formule sanguines, l’urée, la créatinine, les électrolytes, la glycémie, le fibrinogène et les protéines totales) et une analyse d’urine doivent être réalisés pour orienter le diagnostic différentiel (tableau 1 et figure 5).

L’urine normale du cheval adulte est dite hypersthénurique (elle est plus concentrée que l’ultrafiltrat glomérulaire), avec une densité comprise entre 1,025 et 1,050 et une osmolarité entre 900 et 1 200 mOsm/kg.

Une urine isosthénurique est une urine dont la densité est proche de celle du sérum (densité urinaire : 1,008 à 1,014 ; osmolarité urinaire : 260 à 300 mOsm/kg).

L’hyposthénurie (densité < 1,008 ; osmolarité < 260 mOsm/kg) indique que la capacité à diluer les urines est intacte. Une urine hyposthénurique est donc plus probable lors de PUPD d’origine psychogène que lors d’IRC ou de perte du gradient cortico-papillaire, où l’urine est généralement isosthénurique (tableau 2) [8].

L’analyse des fractions d’excrétion (sodium, chlore, potassium, calcium, phosphate) permet d’explorer la fonction rénale. Les augmentations de la fraction excrétée (Fe) du sodium (FeNa > 1 %) et du phosphate (FePO4 > 1 %) sont les plus significatives pour marquer une atteinte rénale. Les facteurs pouvant modifier ces fractions sont le régime alimentaire, la consommation excessive de sels, un exercice léger, une fluidothérapie ou des diurétiques. L’alimentation en particulier peut avoir un impact important sur la FePO4, et, à moins de réaliser une vidange vésicale complète et une dissolution des cristaux abondants, ces derniers empêchent une mesure fiable du calcium urinaire chez le cheval [9, 23]. urines. Le test doit être réalisé uniquement chez des animaux qui ne présentent aucun signe de déshydratation ou d’azotémie. L’animal est préalablement pesé, la vessie vidée par sondage et la densité urinaire mesurée. Une diète hydrique est instaurée et la densité urinaire est mesurée toutes les 6 à 12 heures. Le test est arrêté lorsque la densité urinaire dépasse 1,025. Le test doit être interrompu si le cheval perd plus de 5 % de son poids, s’il devient azotémique ou s’il est cliniquement déshydraté. L’osmolarité urinaire peut également être mesurée, elle doit être supérieure à deux à trois fois celle du sérum, c’est-à-dire 900 à 1 200 mOsm/kg.

Test de privation hydrique modifié

Lors d’échec du test de privation hydrique, un test de restriction hydrique modifié est réalisable. Comme évoqué précédemment, lors de PUPD prolongée certains individus perdent leur capacité à concentrer les urines en raison de la perte du gradient osmotique cortico-papillaire. Dans un premier temps, ce gradient peut être restauré en limitant, sous surveillance de l’hydratation, la prise de boisson à 40 ml/kg/j pendant 3 à 4 jours. Dans un second temps, une fois le gradient restauré, un nouveau test de restriction hydrique peut être réalisé.

Test de Hickey-Hare

Utilisé classiquement pour différencier une PUPD psychogène d’un diabète insipide, le test de Hickey-Hare se réalise en perfusant un soluté hypertonique de NaCl à 2,5 % à 0,25 ml/kg/min pendant 45 minutes. Chez un cheval normal comme lors de PUPD psychogène, une réduction de la quantité d’urine et une augmentation de la densité urinaire sont observées. Lors de diabète insipide, l’urine ne se concentre pas (densité < 1,025) et l’animal reste polyurique.

Mesure de la concentration en ADH

Lors de privation hydrique, la concentration en ADH augmente d’une valeur basale de 1,53 ± 0,36 pg/ml à 4,32 ± 1,12 pg/ml après 24 heures [7]. La mesure de concentrations sériques d’ADH lors du test de privation hydrique ou de perfusion d’un hypertonique peut alors permettre de différencier un diabète insipide central d’un diabète néphrogénique où une augmentation nette est observée.

Néanmoins, les valeurs basales d’ADH varient d’une étude à l’autre : de 2,4 ± 0,5 à 6,3 ± 1,0 pg/ml [13, 18, 24]. Ces variations pourraient être liées à la procédure d’analyse. Dans une étude, un poulain diagnostiqué avec un diabète insipide central sur la base d’un test de réponse à la desmopressine avait une valeur d’ADH basse (0,31 pg/ml), mais pas différente de celle de poulains contrôles du même âge [10]. Plusieurs mesures avec une cinétique plutôt qu’une valeur basale semblent donc indispensables. Enfin, le dosage de la vasopressine se fait principalement par une technique radio-immunologique et nécessite un laboratoire spécialisé (généralement un département spécialisé de centre hospitalier universitaire).

Administration de vasopressine ou de desmopressine

L’ADH est une hormone très conservée dans le règne animal et sa séquence d’acides aminés est la même chez le cheval et chez l’homme [17]. L’administration de vasopressine de synthèse ou d’un analogue structural (l’acétate de desmopressine, Minirin®) provenant de médicaments humains peut donc être envisagée, et permettre de différencier un diabète insipide central d’un diabète insipide néphrogénique. Chez l’homme, la desmopressine présente l’avantage d’avoir une action antidiurétique augmentée et prolongée, et vasopressive réduite.

Pour l’ADH, les voies d’administration classiquement décrites chez le cheval sont la voie intramusculaire (0,25 à 0,5 U/kg) et la perfusion continue (2,5 mU/kg dans du glucose 5 % sur 1 heure). Néanmoins, aucune spécialité à base d’ADH n’est disponible en France.

Pour la desmopressine, la spécialité injectable est difficile d’accès. L’injection intraveineuse (0,05 µg/kg) de la spécialité endonasale accessible (Minirin® 0,1 mg/ml solution endonasale) diluée dans du sérum physiologique stérile a été décrite, tout comme l’utilisation de la même solution par voie oculaire, avec un certain succès [10, 23]. Une goutte de solution dans chaque œil représenterait une dose d’environ 10 µg de desmopressine.

Chez un cheval normal et lors de diabète insipide central, l’urine se concentre à une densité comprise entre 1,020 et 1,060, 90 minutes après l’administration. Lors de diabète insipide néphrogénique, la production d’urine concentrée en à l’ADH ou à la desmopressine n’est pas possible ; seule une discrète augmentation de la densité urinaire peut être notée dans certains cas.

Conclusion

La polyuro-polydipsie est un signe clinique relativement peu fréquent, et résulte d’un déséquilibre entre les facteurs influençant la prise de boisson et ceux régulant la réabsorption de l’eau au niveau rénal. Les causes de ces déséquilibres sont nombreuses et varient en fonction de la gravité : d’une PUPD psychogène relativement fréquente et aux conséquences limitées pour l’animal à une IRC plus rare mais au pronostic vital réservé. Une démarche clinique rigoureuse associée à des tests d’exploration clinique permet d’orienter au mieux le diagnostic.

  • (1) Les remarques et les tests ici détaillés s’appliquent au cheval adulte, et non au poulain nouveau-né chez qui l’urine est iso- ou hyposthénurique.

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CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN

Éléments à retenir

→ La polyuro-polydipsie (PUPD) résulte d’un déséquilibre entre les facteurs régulant la consommation d’eau et son élimination.

→ Lors de polydipsie primaire, une PUPD psychogène est fréquente, alors que, lors de polyurie primaire, un dysfonctionnement de la pars intermedia de l’hypophyse (DPIH), une insuffisance rénale, un diabète insipide ou un diabète sucré sont à considérer.

→ En sus d’un examen clinique et d’analyses hémato-biochimiques, une analyse urinaire et un test de restriction hydrique permettent d’explorer les principales causes.

→ Un dosage de l’hormone antidiurétique et un test de réponse à la desmopressine sont possibles pour différencier un diabète insipide central d’un diabète insipide néphrogénique.

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