RÈGLES D’ÉCRITURE SCIENTIFIQUE
Cahier scientifique
Médecine factuelle
Auteur(s) : Jean-Michel Vandeweerd*, Fanny Hontoir**
Fonctions :
*Université de Namur (UNamur)
Urvi-Narilis (unité de recherche vétérinaire
intégrée-Namur
Research Institute for Life Sciences)
Rue de Bruxelles, 61, 5000 Namur, Belgique
**Clinique vétérinaire équine
18, rue des Champs, La Brosse
78470 Saint-Lambert-des-Bois
***Université de Namur (UNamur)
Urvi-Narilis (unité de recherche vétérinaire
intégrée-Namur
Research Institute for Life Sciences)
Rue de Bruxelles, 61, 5000 Namur, Belgique
La discussion confronte les observations de l’auteur aux publications précédentes. Les intérêts cliniques de son étude sont mis en avant et l’impact des éventuelles limites est relativisé pour convaincre le lecteur de l’approche proposée.
Les praticiens sont à la source de cas cliniques intéressants qu’ils désirent rapporter à la communauté scientifique [20]. Ils mettent également au point des techniques diagnostiques ou thérapeutiques utiles, qu’ils souhaitent communiquer. Dans deux articles récents, nous avons vu comment écrire une introduction, et élaborer puis décrire les matériels et les méthodes en évitant les biais [21, 22]. Une partie importante du manuscrit est représentée par la discussion des cas décrits ou des résultats.
L’introduction se limite strictement à faire le point sur le sujet de l’article en s’appuyant sur les données existantes. Dans la discussion, l’auteur confronte ses observations et résultats à ce qui a déjà été publié, mais il peut y communiquer ses avis et idées. Nous proposons, dans cet article, d’illustrer la rédaction d’une discussion en prenant pour exemple une étude ex vivo qui vise à évaluer la prévalence d’une communication entre la bourse podotrochléaire et l’articulation interphalangienne distale chez le cheval (figure).
La diffusion des médicaments ou des anesthésiques locaux d’une cavité synoviale à l’autre peut influencer le diagnostic et le traitement des boiteries provenant du pied. La prévalence des communications entre l’articulation interphalangienne distale et la bourse podotrochléaire a été documentée précédemment par observation anatomique et examen radiographique avec contraste. Dans une étude, l’injection de milieu de contraste dans la bourse podotrochléaire de 25 membres a mis en évidence cinq communications, dont quatre considérées comme étant d’origine iatrogène, alors qu’aucune communication n’a été observée dans 25 autres membres lors d’injection de l’articulation interphalangienne distale [8]. Une autre étude arthrographique sur 20 membres recevant une injection au niveau soit de la bourse, soit de l’articulation n’a mis en évidence aucune communication [9]. Un autre groupe de recherche a rapporté des résultats contrastés avec d’une part trois cas de communication sur neuf chevaux et d’autre part deux cas sur 35 chevaux [2, 3]. De plus, aucune de ces études n’a identifié précisément la localisation anatomique de la communication.
Afin de mieux identifier les communications potentielles entre les cavités synoviales, la tomodensitométrie axiale contrastée (contrast CT) par injection de produit de contraste dans l’articulation interphalangienne distale est utilisée dans l’étude que nous choisissons comme exemple dans cet article (photo 1) [17]. Soixante-six paires d’extrémités digitées provenant d’un abattoir sont injectées avec 10 ml d’un mélange de 3 ml de contraste Ultravist 370 mg (Iopromide 768,86 mg/ml, équivalent iode 370 mg/ ml, Bayer NV, Diegem, Belgium) et de 7 ml de NaCl 0,9 % (Viaflo, Baxter, Lessines, Belgium), à l’aide d’une aiguille 21 G-38 mm, par le récessus dorsal de l’articulation interphalangienne distale. La présence d’une communication, sa localisation et les changements structuraux éventuels sont identifiés.
En général, il est préconisé de débuter la discussion des résultats en les résumant en quelques lignes. Dans cet exemple, il serait donc possible de lire : « Notre étude montre que l’opacification de la bourse podotrochléaire est observée dans 5,3 % des membres (7/132) ou 7,6 % des chevaux (5/66). Dans un cas, elle s’est produite au travers du ligament T, et dans les six autres au travers du ligament sésamoïdien distal. Dans trois cas, la communication au travers du ligament sésamoïdien distal est associée à la présence d’un fragment du bord distal de l’os sésamoïde distal. La communication est bilatérale chez 2 des 5 chevaux » (photo 2).
Les résultats primaires de l’étude, correspondant à son premier objectif (établir la prévalence des communications entre les cavités synoviales), doivent être comparés à ceux proposés dans les publications existantes par d’autres groupes. Il serait donc possible de lire : « Des études précédentes par arthrographie ont conclu à une prévalence de 0 à 2 % [2, 4, 8, 9]. De plus, les études évaluant la diffusion de médicaments injectés lors de traitement n’ont pas suggéré de communication, que l’injection ait eu lieu dans la bourse podotrochléaire ou l’articulation interphalangienne distale [5, 12, 15] ». Si les résultats diffèrent, il est utile de suggérer des explications des divergences. Dans notre exemple, celles-ci pourraient provenir de la voie d’injection, du volume de milieu de contraste injecté et de la modalité d’imagerie. Si ces éléments semblent logiques, il convient idéalement de les justifier par des références scientifiques. Prenons l’idée d’une communication qui n’est pas mise en évidence de la même façon si le produit de contraste est injecté par la bourse podotrochléaire plutôt que par l’articulation interphalangienne distale. La suite de la discussion répondra aux questions suivantes : 1/ Dans les données publiées, des éléments corroborant cette idée existent-ils ? 2/ Si c’est le cas, quelle en est l’explication ? 3/ Quel est l’impact de cette idée sur l’interprétation des résultats de l’étude ?
Il serait donc possible de lire, en réponse à la première question : « Des études précédentes ont comparé les deux modalités d’injection. La majorité des communications ont été mises en évidence lors d’injection de la bourse podotrochléaire, un des auteurs suggérant que cette communication pouvait être d’origine iatrogène et non réelle [2, 3, 8] ». Puis en réponse à la deuxième question : « Ceci peut s’expliquer par la proximité anatomique de la bourse podotrochléaire et de l’articulation interphalangienne distale [6]. Le risque de pénétrer les structures anatomiques environnantes lors d’injection ou de bursoscopie de la bourse podotrochléaire est décrit [10, 14, 16, 18] ».
Enfin, en réponse à la troisième question, la formulation suivante est envisageable : « Le risque de pénétration de l’articulation interphalangienne distale lors d’injection de la bourse podotrochléaire par un abord palmaire augmente de 20 %, selon la technique utilisée [16, 18]. À l’opposé, il est considéré que l’injection de l’articulation interphalangienne distale par un abord dorsal aboutit à l’administration du produit exclusivement dans cette articulation. Dans notre étude, nous avons dès lors choisi d’utiliser un abord dorsal de l’articulation et les communications ne peuvent pas être considérées comme étant d’origine iatrogène ».
Une discussion du volume injecté (10 ml) devrait aussi être menée, expliquant l’impact éventuel d’un volume supérieur à celui utilisé dans d’autres études similaires (5 ml), quoique inférieur à celui utilisé lors d’études anatomiques (25 ml), qui ne montrent pas de rupture de la membrane synoviale [4]. L’intérêt d’une acquisition en 3D (CT) ferait aussi partie de la discussion.
Dans cette partie de la discussion, il s’agit de présenter les limites des méthodes mises en place et de l’impact qu’elles peuvent avoir sur l’interprétation des résultats.
Dans notre exemple, une première limite concerne la sélection des cas. Les membres proviennent de l’abattoir. Les chevaux sont de race et d’âges différents. Aucune information clinique sur leur passé et leur santé n’est disponible. Toutefois, ces animaux faisant partie de la filière viande n’ont normalement pas subi d’intervention chirurgicale (bursoscopie, par exemple) qui aurait pu être à l’origine d’une communication iatrogène. La discussion vise donc ici à reconnaître la faiblesse, mais aussi à relativiser son impact. Par ailleurs, l’utilisation de membres provenant de l’abattoir est la seule méthode permettant un échantillon de grande taille et une démarche éthique. Les relecteurs devraient normalement être satisfaits et convaincus de cette approche de la discussion.
Une autre limite de la méthode est l’utilisation de membres détachés. Ceux-ci sont en général conservés congelés, puis décongelés pour les manipulations. Il n’est donc pas exclu qu’un processus de lyse des tissus puisse modifier les résultats de l’étude. Dans la discussion, il serait possible de trouver la phrase suivante référencée : « Cependant, chez le lapin, il a été prouvé que les propriétés mécaniques des ligaments n’étaient pas altérées par un cycle de congélation-décongélation [13, 23]. Le risque d’une communication artéfactuelle liée à une modification de la résistance des tissus est donc faible ».
Les résultats secondaires sont ceux qui correspondent à des observations accessoires réalisées ; dans notre exemple, il s’agissait de déterminer si des lésions étaient observables en association avec les communications mises en évidence. Il serait possible d’écrire ceci dans la discussion, donnant libre court à une idée personnelle : « L’association d’une communication et de la présence d’un fragment du bord distal de l’os sésamoïde distal aurait pu indiquer une origine traumatique de cette communication. » Cette idée serait ensuite justifiée par les données publiées : « Ces fragments ont des origines diverses : calcification du ligament sésamoïdien distal, fracture du bord distal de l’os sésamoïde distal, fracture d’un enthésiophyte à l’insertion du ligament sésamoïdien distal [7, 19]. Leur présence n’est toutefois pas toujours associée à des signes cliniques. On les trouve chez 4 à 7 % de chevaux non boiteux et chez 13 à 40 % de chevaux présentant un syndrome naviculaire [1, 11, 24] ». Puis l’idée serait fortement relativisée sur le plan statistique : « Dans notre étude, même si l’ odd ratio (9.667 ; 95 % IC 1.87 à 50.01) montre une association positive entre la présence du fragment et la communication, le faible nombre de fragments et de communications ne permet pas d’inférence statistique. »
Il est important de rendre l’article intéressant en suggérant les intérêts cliniques de l’étude. Les publications doivent viser à améliorer les prises de décision médicales. Il est dès lors indispensable de voir dans quel contexte les observations menées peuvent être appliquées.
Dans notre exemple, trois intérêts cliniques de la connaissance de l’existence de communications entre les cavités synoviales peuvent être identifiés : l’impact sur l’interprétation des anesthésies locales lors d’examen de boiterie, le passage des médicaments administrés d’une cavité à l’autre et le risque de contamination d’une cavité synoviale lors d’infection de l’autre. Ces idées sont facilement illustrées par d’autres études déjà publiées.
En suivant le canevas que nous venons de proposer, l’auteur parviendra à discuter de façon structurée ses résultats, en avançant progressivement des idées intéressantes, confrontées constamment aux publications existantes et, de ce fait, nuancées, à la satisfaction des relecteurs.
CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN
→ La discussion porte uniquement sur les résultats observés.
→ Les idées présentées par l’auteur doivent être appuyées et nuancées au moyen des données scientifiques existantes.
→ Une discussion est une histoire racontée de façon logique, objective et intéressante.