Le film lacrymal chez le cheval : rôle et anomalies - Pratique Vétérinaire Equine n° 197 du 01/01/2018
Pratique Vétérinaire Equine n° 197 du 01/01/2018

OPHTALMOLOGIE

Cahier scientifique

Article de synthèse

Auteur(s) : Franck Ollivier*, Sébastien Monclin**

Fonctions :
*Clinique d’ophtalmologie vétérinaire
**Ophtalmo vétérinaire Inc.,
5666 rue Sherbrooke,
Montréal, Québec,
H4A 1W7 Canada
***Université de Liège
Faculté de médecine vétérinaire,
département des sciences cliniques,
avenue de Cureghem 3,
4000 Liège (Sart-Tilman), Belgique

De nombreuses affections oculaires sont la manifestation d’une modification du film lacrymal. Connaître la composition de celui-ci est très important pour mettre en place un traitement adéquat.

Porte d’entrée des images dans l’œil, la cornée est la structure oculaire qui possède le plus grand pouvoir de réfraction. Elle doit donc rester transparente et sa surface régulière [36, 44]. La santé de la cornée est influencée par l’humeur aqueuse, la pression intraoculaire, les paupières et le film lacrymal. Trois sortes de production de larmes existent : basale, réflexe et psychique. La production basale de larmes est réalisée de façon constante et permet le fonctionnement normal du film lacrymal. La production additionnelle de larmes est induite par une réponse réflexe à une irritation de la cornée, de la conjonctive ou de la muqueuse nasale. L’homme est la seule espèce pour laquelle une stimulation psychique de la production de larmes a été démontrée. Le film lacrymal ne fait pas vraiment partie de la cornée, mais y est intimement associé sur le plan tant anatomique que fonctionnel. Cet article présente les aspects fonctionnels et cliniques du film lacrymal chez le cheval.

Origine, structure et rôles du film lacrymal

Le film lacrymal est classiquement décrit comme la superposition de trois couches structurellement et fonctionnellement uniques : externe lipidique, intermédiaire aqueuse et interne mucineuse (figure 1, et encadré 1 et photos 1a et 1b complémentaires sur http://www.lepointveterinaire.fr). Cependant, il semble maintenant établi que ces couches ne sont pas si distinctes et que le film lacrymal est un gel mucinique [43]. L’épaisseur de ce dernier n’est pas connue chez le cheval, mais elle est estimée à 3 µm chez l’homme [26].

Le film lacrymal peut être perçu comme un système à trois phases dont les composants forment un équilibre dynamique [43]. Il sert à lubrifier la surface de la cornée et prévient sa déshydratation. Le flux des larmes, associé à l’action nettoyante du clignement des paupières, est un élément essentiel de la défense passive de la cornée, dont la fonction est de protéger la cornée contre les traumatismes, les agents pathogènes, et d’évacuer les déchets. En plus de sa vocation nutritive, le film lacrymal joue un rôle important dans les activités antimicrobiennes, anti-inflammatoires et protéolytiques présentes sur la surface cornéenne.

La formation de ce système tristratifié dépend non seulement de la production normale des composants du film, mais aussi de la bonne intégrité des paupières, de leurs mouvements et de la mobilité adéquate du globe oculaire [43].

Les insuffisances quantitatives ou qualitatives d’un des composants du film lacrymal peuvent en altérer la dynamique et ainsi compromettre la fonction des larmes.

L’élément le plus important du film lacrymal étant sa portion aqueuse, une insuffisance de production de cette phase serait synonyme d’un déficit quantitatif de larmes. Les anomalies ou insuffisances des couches lipidique ou mucineuse sont considérées comme des défaillances qualitatives.

Les anomalies de distribution du film lacrymal peuvent être dues à une buphtalmie, à une lagophtalmie, à une parésie des paupières, à une anesthésie ou hypoesthésie de la cornée, ou à une déformation des paupières ou de la membrane nictitante. Elles entraînent un défaut de couverture, et provoquent une rupture du film précornéen et une sécheresse concomitante de la surface oculaire. Ces troubles doivent être différenciés des insuffisances quantitatives ou qualitatives primaires du film lacrymal [21].

Désordres quantitatifs du film lacrymal

Insuffisance lacrymale

La kératoconjonctive sèche (KCS), ou “l’œil sec”, est une maladie rare chez le cheval [23, 50]. L’insuffisance de la phase aqueuse entraîne une déshydratation et une inflammation de la conjonctive et de la cornée, une douleur oculaire, une atteinte progressive de la cornée, voire un déficit visuel.

Chez le cheval, la KCS est le plus souvent due à une toxine, à un traumatisme, à un parasite ou à un processus dysimmunitaire atteignant la glande lacrymale. Cependant, la cause la plus commune est un déficit de l’innervation parasympathique de la glande accompagnant le nerf facial (nerf crânien VII) qui résulte d’une fracture de l’os styloïde ou de la mandibule [51]. Les KCS neurogènes à la suite d’un traumatisme au niveau de la tête et d’une dénervation de la glande lacrymale ne sont pas rares chez le cheval [23, 32]. Les KCS peuvent aussi être associées à une atteinte du vestibule ou de l’oreille moyenne.

Spiess et coll. ont décrit un cas de KCS bilatérale associée à une inflammation granulomateuse éosinophilique des glandes lacrymales principale et accessoire due à une migration parasitaire (Thelazia lacrymalis) [50]. Des empoisonnements par Astragalus lentiginosus entraînent des signes généraux et une diminution de la production de larmes (par atteinte des neurones et des cellules sécrétrices de la glande lacrymale) chez le cheval et dans d’autres espèces, notamment dans l’est des États-Unis. La dégénérescence du système nerveux central est, en effet, associée à un déficit visuel et à un œil sec [23, 56]. Un cas de KCS idiopathique unilatérale a été décrit [61]. Les autres causes de KCS, décrites chez le chien, n’ont pas été observées chez le cheval : KCS dysimmunitaire (cause principale chez le chien), hypoplasie congénitale de la glande, KCS médicamenteuse après l’administration de sulfamidés ou d’atropine. D’ailleurs, l’excision chirurgicale de la glande lacrymale de la membrane nictitante ne diminue pas de façon significative la production de larmes et ne prédispose pas à la KCS chez le cheval, contrairement au chien [14, 21, 23, 58]. Cette différence repose sans doute sur la contribution minimale de la glande de la membrane nictitante à la production de larmes chez les équidés. En revanche, l’anesthésie générale entraîne une diminution temporaire de la production lacrymale dans les deux espèces [6].

Les signes cliniques de la KCS chez le cheval varient selon la durée et la sévérité de la maladie, mais sont similaires quelle qu’en soit la cause. Il peut s’agir d’un blépharospasme, d’une hyperémie des conjonctives, d’une apparence irrégulière, mate ou dépolie de la cornée, d’une vascularisation cornéenne, d’ulcérations cornéennes récurrentes ou d’un écoulement mucopurulent. Une conjonctivite chronique ou récurrente modérée est parfois le seul signe précoce de KCS [23, 32]. Dans ce cas de figure, le diagnostic est fondé sur une diminution de la production de larmes évaluée par un test de Schirmer. Dans les cas chroniques, une vascularisation superficielle et une pigmentation de la cornée sont souvent présentes (photo 2). Le diagnostic repose sur les signes cliniques typiques. Les colorations (fluorescéine et rose Bengale) peuvent aussi mettre en évidence une anomalie du film lacrymal ou de la cornée (photos 3a et 3b et encadré 2 complémentaire sur http://www.lepointveterinaire.fr). L’évaluation des individus atteints d’une KCS devrait inclure un examen à la recherche d’une éventuelle maladie systémique, et une appréciation du fonctionnement des paupières et des réflexes palpébraux. Une analyse cytologique cornéenne, ainsi qu’une culture microbiologique peuvent être utiles dans certains cas.

Le test de Schirmer représente la méthode de référence pour quantifier la production de larmes (photo 4 et encadré 3 complémentaire sur http://www.lepointveterinaire.fr) [10]. Des valeurs du test de Schirmer I (TSI) situées entre 15 et 10 mm/min peuvent faire suspecter une insuffisance lacrymale quantitative, alors que des valeurs inférieures à 10 mm/min sont considérées comme étant le signe évident d’une insuffisance lacrymale quantitative [9, 17]. L’origine de la KCS devrait, si possible, être identifiée afin de pouvoir être traitée. Le traitement médical traditionnel se fonde sur l’administration de substituts de larmes, d’antibiotiques locaux et d’agents mucolytiques. Les larmes artificielles doivent être appliquées fréquemment de manière à maintenir une cornée la plus saine possible. La faible tolérance des chevaux à un traitement fréquent et prolongé peut être un facteur limitant [32, 42, 50]. Un antibiotique à large spectre en onguent ou en collyre doit parfois être administré pour contrôler l’infection qui peut survenir en cas de KCS en raison d’un nettoyage inadéquat de la surface oculaire [42, 50, 51]. Des agents mucolytiques ou anticollagénolytiques comme le N-acétyl-cystéine(1) peuvent être bénéfiques pour minimiser l’accumulation de débris mucoïdes et prévenir la dégradation enzymatique de la cornée, surtout si un ulcère cornéen est présent. Des agents lacrymogènes tels que des agents cholinergiques (pilocarpine(2)) et immunomodulateurs (cyclosporine A(1)) peuvent être envisagés dans le traitement de la KCS chez le cheval. L’administration locale de pilocarpine(2) (solution de 0,25 à 4 %, quatre à six fois par jour) a montré des résultats variables [42, 50, 51]. La cyclosporine A(1) en traitement topique (0,2 à 2 %, deux fois par jour) peut restaurer la production basale de larmes, surtout dans les cas de KCS d’origine dysimmunitaire [32, 42]. La transposition du canal de la parotide est un traitement chirurgical de cette maladie et, bien qu’elle soit rarement effectuée chez le cheval, elle a été efficace dans un cas de KCS unilatérale idiopathique [61]. Le pronostic quant au contrôle à long terme de la KCS dans l’espèce équine reste mauvais, principalement en raison de la difficulté à effectuer les traitements (contraignants, fréquents et longs) [14, 23].

Syndrome de l’œil sec par évaporation

La cornée du cheval est large et proéminente, et, par conséquent, la perte du film lacrymal par évaporation est importante. La distribution du film lacrymal et sa perte sont liées : cet équilibre repose sur la sensitivité normale de la cornée et le fonctionnement des paupières. La perte de sensitivité cornéenne et/ou celle de fonction du nerf facial peuvent engendrer un syndrome de l’œil sec par évaporation possiblement associé à une kératite d’exposition, même chez un cheval qui présente une production de larmes normale. Ainsi, en plus de la mesure de la production de larmes, l’évaluation du fonctionnement des paupières et de la sensitivité de la cornée (en observant le clignement normal des paupières, la réponse à la menace, le réflexe cornéen, le réflexe d’éblouissement, etc.) est cruciale lors de l’examen d’un œil sec chez le cheval [9, 32]. Le traitement implique une application régulière de lubrifiants oculaires ou de larmes artificielles. Une blépharorraphie temporaire ou une lentille de contact cornéenne sont bénéfiques dans certains cas, si la cause ne peut pas être gérée d’une autre façon [32].

Les désordres qualitatifs du film lacrymal peuvent engendrer aussi un syndrome de l’œil sec par évaporation en raison d’une mauvaise répartition du film sur la surface oculaire.

Écoulement oculaire anormal

Un écoulement oculaire anormal dû à un excès de production de larmes correspond à un larmoiement. À l’origine, une stimulation réflexe due à l’inflammation des muqueuses oculaires, nasales ou sinusales et/ou à des affections entraînant une douleur oculaire est souvent présente. Les causes les plus courantes d’irritation de la surface du globe sont les kératites, les ulcères de cornée, les corps étrangers, les dermoïdes, le distichiasis, le trichiasis, l’entropion, l’ectropion, les uvéites, les glaucomes, les lacérations de la paupière ou de la cornée, et la présence de parasites oculaires [16, 18, 21]. Dans une étude conduite au Collège de médecine vétérinaire de l’université de Floride, le flux du film lacrymal (FFL) a été mesuré chez 41 chevaux sains (soit 82 yeux) et chez 25 chevaux atteints d’un ulcère de cornée sur l’un des deux yeux. Les larmes ont été collectées grâce à des tubes capillaires en verre et le temps nécessaire pour la récolte a été mesuré afin de calculer le FFL. Celui-ci était significativement plus élevé dans les yeux blessés (ulcère cornéen) que dans les yeux sains (tableau 1 complémentaire sur http://www.lepointveterinaire.fr). Les causes de la production excessive de larmes doivent donc être éliminées avant de traiter une anomalie de drainage des larmes. Le système de drainage naso-lacrymal est facilement dépassé par une augmentation de la production de larmes et particulièrement lors d’un blépharospasme qui réduit l’efficacité des canaux lacrymaux [39].

Un écoulement oculaire anormal chez le cheval est moins fréquemment le résultat d’un blocage partiel ou total des canaux lacrymaux (épiphora) que d’une augmentation de la production de larmes. Les causes d’épiphora les plus fréquentes incluent l’absence ou l’atrésie d’un point lacrymal (ou des deux), l’obstruction des canaux lacrymaux (provoquée par un traumatisme, un corps étranger, un processus néoplasique ou inflammatoire, une fracture de l’os maxillaire ou frontal) et la fermeture incomplète des paupières [16, 18, 21]. Un écoulement anormal est souvent un trouble mineur, bien qu’il puisse indiquer un inconfort, une douleur ou une maladie oculaire qui devrait donc être recherchée [14, 16, 23].

Désordres qualitatifs du film lacrymal

Insuffisance ou anomalie de la couche mucinique

Une production insuffisante de mucine engendre une perte de stabilité du film lacrymal et, par conséquent, une sécheresse de la cornée. Une conjonctivite chronique ou la formation excessive d’un tissu cicatriciel conjonctival peut entraîner une perte de cellules à gobelet et une insuffisance en mucine [9, 21, 35].

Le temps de rupture du film lacrymal (TRFL) représente un test utile pour le diagnostic des anomalies de la couche mucinique des larmes (encadré 4 complémentaire sur http://www.lepointveterinaire.fr). Réaliser un comptage des cellules à gobelet à partir d’une biopsie de conjonctive peut aussi être intéressant pour confirmer une anomalie affectant cette couche [23].

Insuffisance ou anomalie de la couche lipidique

Les meibomites, souvent d’origine dysimmunitaire, peuvent être associées à un œil sec par évaporation. Une inflammation des glandes de Meibomius est, en effet, susceptible d’engendrer une sécrétion anormale de lipides ou une altération des lipides sécrétés, et, par conséquent, une fragilité de la couche lipidique du film lacrymal et une mauvaise distribution de celui-ci sur la surface oculaire. Les blépharites, ou blépharo-conjonctivites, peuvent aussi affecter la production de lipides. La mesure du TRFL est réalisable afin de diagnostiquer une anomalie de la couche lipidique du film lacrymal. À notre connaissance, un seul cas d’insuffisance lipidique du film lacrymal chez un cheval a été décrit pour le moment [9]. Dans ce cas, parmi les signes cliniques, une blépharo-conjonctivite et une meibomite chronique avec une occlusion et un engorgement des glandes sont décrites. Le test de Schirmer, le fonctionnement du nerf facial et la sensitivité cornéenne sont normaux, mais la fréquence de clignement des paupières est augmentée [9].

Anomalies de la couche aqueuse

La couche aqueuse du film lacrymal est un mélange complexe d’électrolytes, de petites molécules (eau, glucose), de glycoprotéines et de protéines. Encore peu d’informations sont à disposition en ce qui concerne la composition du film lacrymal normal du cheval [5, 16, 22, 29, 30]. Certaines affections de la cornée pourraient être des manifestations de désordres qualitatifs du film lacrymal et particulièrement de la couche aqueuse. Les variations du pH du film équin représentent un facteur déterminant concernant le confort de l’animal, la tolérance à certains médicaments topiques et la susceptibilité à contracter des infections [28, 35]. En effet, certains agents pathogènes (bactéries ou champignons) sont sensibles au pH et, par conséquent, les variations de celui-ci au niveau du film lacrymal contribuent aux modifications de la flore bactérienne et fongique de la cornée du cheval. Un traitement donné de façon systémique ou topique pourrait avoir des effets sur la composition du film lacrymal. Par exemple, Glaze et coll. ont mentionné une augmentation marquée des immunoglobulines (Ig) A et GT dans le film lacrymal de chevaux infestés par Onchocerca cervicalis et traités avec de la diéthylcarbamazine(2) [19].

L’activité protéolytique du film lacrymal a été étudiée chez des chevaux sains et chez des chevaux atteints d’un ulcère cornéen. Les enzymes protéolytiques ont un rôle essentiel dans les tissus et notamment au niveau de la cornée où elles participent au renouvellement et au remodelage du stroma cornéen [12, 29, 30, 48, 53]. L’activité des enzymes protéolytiques (métalloprotéines matricielles [MPM] et élastase neutrophilique [EN]) est contrebalancée par les inhibiteurs de protéases physiologiquement présents dans les tissus et notamment dans la cornée (inhibiteurs tissulaires de MPM [ITMPM], α1-IP, α2-M), empêchant ainsi une dégradation excessive des tissus sains [24, 53-55, 59]. Une quantité excessive de protéases peut alors créer un déséquilibre entre celles-ci et leurs inhibiteurs responsable d’une dégradation pathologique du collagène et des protéoglycanes de la cornée [13, 53]. Par rapport aux autres animaux, lors d’ulcère cornéen, la cornée du cheval présente la collagénolyse stromale la plus sévère [16]. Cette dégradation rapide du collagène du stroma cornéen chez les chevaux atteints d’un ulcère de la cornée semble être due à la grande variété d’enzymes protéolytiques agissant sur le collagène, les protéoglycanes et les autres composants de la matrice extracellulaire du stroma. Certains micro-organismes, les cellules inflammatoires, les cellules épithéliales de la cornée et les fibroblastes produisent et sécrètent des enzymes protéolytiques [13, 31, 53].

Les deux familles importantes d’enzymes affectant la cornée sont les MPM et les protéases sériques dont l’EN

(encadré 5, photo 5 et figure 2 complémentaires sur http://www.lepointveterinaire.fr) [12, 13, 48]. Ollivier et coll. ont étudié l’activité protéolytique dans le film lacrymal de 10 chevaux atteints d’une kératite ulcérative unilatérale durant leur traitement et jusqu’à la guérison. Ils ont montré que cette activité diminue au fur et à mesure que l’ulcère régresse (encadré 6 et figure 3 complémentaire sur http://www.lepointveterinaire.fr) [39]. Ainsi, l’activité moyenne des MPM diminue de façon significative (- 82,4 %) entre le jour d’admission de l’animal pour la mise en œuvre du traitement et celui de la disparition de l’ulcère cornéen (tableau 2 complémentaire sur http://www.lepointveterinaire.fr). La mesure de l’activité protéolytique dans le film lacrymal du cheval atteint d’une kératite ulcérative peut ainsi représenter un bon moyen de suivre la progression de la maladie. Par conséquent, un des objectifs du traitement des ulcères de cornée chez le cheval devrait consister à régulariser l’activité protéolytique présente dans le film lacrymal [16]. L’utilisation d’inhibiteurs de protéases est donc recommandée dans la prise en charge des kératites ulcératives afin de ralentir la progression des ulcères stromaux, de favoriser la guérison épithéliale et de réduire la fibrose de la cornée (tableau 3) [16, 45, 60]. Ollivier et coll. ont évalué les effets in vitro de ces différents composés sur l’activité protéolytique du film lacrymal du cheval et ont confirmé leur action inhibitrice importante [38]. Comme ces molécules agissent par différents mécanismes pour inhiber les différentes familles de protéases, il est bénéfique de les combiner au cours d’un même traitement [45, 53, 59, 60].

Conclusion

Le film lacrymal est d’une importance capitale dans la physiologie et la pathologie de la cornée.

De nombreuses recherches fondamentales sont encore nécessaires sur ce sujet. Tant que des informations telles que la composition biochimique, le pH, les interactions entre le film et les agents pathogènes, certaines insuffisances du film ne sont pas disponibles, il n’est pas possible de définir précisément les relations de cause à effet entre les affections de la surface oculaire et les désordres du film lacrymal.

  • (1) Utilisation hors résumé des caractéristiques du produit (RCP).

  • (2) Médicament humain.

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CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN

ÉLÉMENTS À RETENIR

→ Chez le cheval, la production de larmes est assurée principalement par la glande lacrymale orbitaire et accessoirement par la glande de la membrane nictitante.

→ Le film lacrymal contient des protéines solubles qui contribuent à la santé cornéenne.

→ Tout œil rouge, enflammé ou douloureux devrait être testé à la coloration à la fluorescéine.

→ Les inhibiteurs de protéases sont recommandés pour le traitement des kératites ulcéreuses chez le cheval afin de ralentir la progression des ulcères stromaux, de favoriser la guérison épithéliale et de réduire la fibrose de la cornée.

ENCADRÉ 6 : ÉVOLUTION DE L’ACTIVITÉ PROTÉOLYTIQUE DU FILM LACRYMAL DURANT LA GUÉRISON D’UNE KÉRATITE ULCÉREUSE CHEZ UN CHEVAL

Un cheval mâle castré de 7 ans est présenté pour un ulcère stromal antérieur de la cornée de l’œil droit (photos 6a à 6d). L’animal a seulement reçu un traitement médical (des instillations topiques de sérum autologue, d’antifongiques, d’antibiotiques et d’atropine, et une administration systémique d’anti-inflammatoire non stéroïdien). Noter l’évolution clinique de l’œil à J1 (6a), à J2 (6b), à J5 (6c) et à J37 (6d).

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