Réalisation d’une auscultation thoracique chez le cheval - Pratique Vétérinaire Equine n° 196 du 01/10/2017
Pratique Vétérinaire Equine n° 196 du 01/10/2017

MÉDECINE GÉNÉRALE

Cahier pratique

Fiche pratique

Auteur(s) : Solenn Le Corre*, Paul Camdeborde**, Jean-Luc Cadoré***

Fonctions :
*Université de Lyon, VetAgro Sup
Campus vétérinaire de Lyon
Département hippique
69280 Marcy-l’Étoile

L’auscultation thoracique fait partie intégrante de l’examen clinique général du cheval. En effet, si la plupart du temps une simple mesure de la fréquence cardiaque semble suffisante, de nombreuses informations peuvent être livrées par une bonne auscultation.

Ainsi, une multitude d’affections cardio-vasculaires ou respiratoires sont détectables à la simple pose d’un stéthoscope sur l’aire thoracique d’un cheval, après avoir analysé la courbe respiratoire. Cet examen ne doit donc pas être négligé, dans le cadre d’une visite de transaction, d’une simple consultation vaccinale ou même avant toute sédation.

Il convient de réaliser l’auscultation thoracique dans un endroit calme et isolé des bruits extérieurs.

De chaque côté du thorax, un examen des aires cardiaque et pulmonaire est indiqué.

Auscultation cardiaque

Réalisation de l’examen

Une bonne auscultation cardiaque requiert du temps. Complète et méthodique, elle comporte notamment l’examen des quatre zones valvulaires.

De plus, le vétérinaire doit mesurer la fréquence cardiaque (entre 28 et 44 battements par minute [bpm] chez l’adulte, jusqu’à 120 bpm chez le poulain), s’assurer de la régularité du rythme, et analyser les éventuels bruits anormaux ou surajoutés.

À gauche sont audibles le fonctionnement des valves pulmonaire, aortique et mitrale, tandis que la valve tricuspide peut être auscultée à droite (figure 1). Les projections anatomiques du fonctionnement des quatre valves sont les suivantes :

– valve mitrale : cinquième espace intercostal (EIC) à gauche, à la pointe du cœur ;

– valve aortique : du troisième au quatrième EIC à gauche, sous la pointe de l’épaule à la base du cœur ;

– valve pulmonaire : troisième EIC à gauche à la base du cœur, plus en amont ;

– valve tricuspide : du troisième au quatrième EIC à droite en zone médio-cardiaque (photos 1a et 1b).

En raison de leur position respective, afin d’effectuer une auscultation cardiaque complète, il est nécessaire de lever le membre antérieur et de le tirer vers l’avant pour mieux dégager l’aire de projection du cœur et réaliser l’auscultation de chaque côté dans de bonnes conditions.

Chez la plupart des chevaux (96,6 % des chevaux de sport), les quatre bruits cardiaques normaux peuvent être détectés, soit B4-B1-B2 et B3 (figure 2) [1]. Cependant, ils ne sont pas toujours tous audibles dans la même aire d’auscultation, leur point d’intensité maximale (PIM) pouvant varier. Les plus facilement détectables sont B1 et B2, qui correspondent respectivement au “boum” et au “ta” caractéristiques des battements cardiaques.

Lorsque le type de stéthoscope le permet, il est utile d’en utiliser les deux côtés : celui du diaphragme accentue les sons de haute fréquence (B1 et B2) et la partie concave, les sons de basse fréquence (B3 et B4).

Quelles anomalies rechercher ?

Atténuation des bruits cardiaques

Les battements cardiaques sont parfois “étouffés”. Ce phénomène peut avoir pour origine la conformation thoracique ou se produire à l’auscultation de chevaux obèses. Il arrive également qu’un composant liquide ou tissulaire masque les bruits du cœur. C’est notamment le cas lors d’épanchement péricardique ou pleural, ou encore en présence de masses (tumeur, abcès).

Arythmies

Le rythme normal du cheval est dit “sinusal”. Il existe cependant des variations physiologiques ou pathologiques audibles à l’auscultation. Le rythme devient alors régulièrement irrégulier ou irrégulièrement irrégulier (tableau 1) [5].

Les signes cliniques associés à l’auscultation cardiaque doivent permettre d’établir un diagnostic différentiel, et ainsi de déterminer si l’arythmie est physiologique ou pathologique. Lors d’une suspicion de dysrythmie, un électrocardiogramme (ECG) au repos et à l’effort est indiqué pour confirmer ou infirmer le diagnostic, et affiner le pronostic. Parfois, un ECG longue durée (Holter) complète l’auscultation.

Souffles

→ Le souffle est systolique s’il survient entre B1 et B2, diastolique entre B2 et B1, continu s’il est audible sans interruption en systole et en diastole.

→ Il est possible de qualifier le souffle de “pan” s’il couvre l’ensemble des bruits B1 et B2, ou de “holo” s’il concerne seulement le deuxième bruit cardiaque. Selon qu’il commence au début, au milieu ou à la fin d’une phase, les préfixes “proto”, “méso” ou “télé” sont utilisés respectivement.

→ Les souffles sont gradés de I à VI (tableau 2).

Les particularités (moment d’apparition, intensité) du souffle ausculté doivent être recherchées afin de le caractériser le plus précisément possible, et d’en déterminer l’origine et les causes potentielles (tableau 3 et encadré).

Tout comme lors d’arythmie cardiaque, des examens complémentaires sont nécessaires afin de confirmer le diagnostic et d’affiner le pronostic. Pour cela, une échocardiographie-Doppler est l’examen de choix.

Auscultation pulmonaire

Réalisation de l’examen

L’auscultation de l’appareil respiratoire débute par la trachée, où les bruits sont le plus audibles. Chez le cheval, les sons entendus à l’auscultation pulmonaire correspondent à la turbulence des mouvements d’air à travers l’arbre trachéo-bronchique. Ils peuvent varier en intensité selon la zone auscultée et sont généralement plus facilement perceptibles à droite qu’à gauche. Cependant, des variations interindividuelles considérables sont à prendre en compte lors de l’examen. Les bruits respiratoires sont notamment moins audibles chez les équidés en surpoids que chez les chevaux maigres ou jeunes. Ils le sont difficilement chez un cheval adulte sain.

Des repères d’auscultation sont utiles à connaître afin d’examiner la majeure partie de l’aire pulmonaire (photo 2).

Les limites caudo-ventrales sont les suivantes :

– dix-septième EIC en regard du tuber coxae ;

– seizième EIC en regard du tuber ischii ;

– treizième EIC en regard du mi-thorax ;

– dixième EIC en regard de l’articulation scapulo-humérale ;

– sixième EIC en regard de l’olécrane.

Les muscles de l’épaule constituent la limite craniale de l’aire d’auscultation pulmonaire, tandis que ceux du dos en représentent la limite dorsale.

L’auscultation débute à mi-hauteur du thorax en région cranio-ventrale, ce qui correspond à la bifurcation trachéo-bronchique. Puis sont examinées les régions dorsales et diaphragmatiques, qui sont silencieuses chez le cheval adulte sain et au repos.

L’auscultation des poumons fait suite à une percussion thoracique, réalisée par une méthode digito-digitale chez le poulain et préférentiellement avec un objet lourd tel qu’un marteau ou une cuvette plessimétrique chez l’adulte (photo 3). Les parties aériques doivent produire un son résonant, contrairement aux structures tissulaires. Cet examen est habituellement indolore. S’il est douloureux, une pleurésie ou une fracture de côte est suspectée. Un test de ventilation forcée est également à inclure dans l’examen de base de l’auscultation respiratoire (photo 4). Il permet d’amplifier les sons respiratoires et d’évaluer la capacité fonctionnelle de l’arbre trachéo-bronchique en jugeant de la bonne tolérance et de la récupération du cheval à cet examen. La récupération est appréciée par un retour plus ou moins rapide (moins de six mouvements) aux fréquence et amplitude respiratoires de base. L’utilisation d’un sac d’environ 40 l est recommandée. Toutefois, aucune standardisation de ce test n’existe actuellement.

Que rechercher ?

Lors de l’auscultation de l’aire pulmonaire, il convient de se poser trois questions, en gardant à l’esprit l’examen d’un cheval sain (tableau 4) [4] :

– les bruits respiratoires sont-ils anormalement augmentés ?

– les bruits respiratoires sont-ils anormalement diminués ?

– existe-t-il des bruits surajoutés ?

Les bruits surajoutés peuvent être :

– des crépitations, courtes, explosives et discontinues, correspondant à l’égalisation soudaine des pressions de deux compartiments lors de l’ouverture brutale de voies respiratoires obstruées. Elles se produisent généralement en fin d’inspiration ;

– des sifflements, musicaux, correspondant à la vibration des parois respiratoires ou de masses proches des parois, qui sont donc rétrécies, et qui peuvent se produire durant l’inspiration ou l’expiration.

Un sifflement polyphonique est ainsi indicateur de multiples sites d’obstruction. Ces bruits peuvent être transmis par la paroi de l’arbre bronchique jusqu’à la trachée ;

– des frottements, se rapportant à la friction des feuillets pariétal et viscéral de la plèvre l’un contre l’autre lorsqu’ils sont enflammés (situation rare).

Conclusion

L’auscultation thoracique est un outil indispensable et précieux qui peut permettre la détection précoce de nombreuses affections respiratoires ou cardio-vasculaires. Il est nécessaire pour cela de connaître les particularités de ces dernières ainsi que les composantes normales d’une auscultation thoracique afin d’en obtenir le maximum d’informations, qu’elle soit réalisée dans le cadre d’une consultation médicale ou d’une simple visite de routine.

  • 1. Kriz NG, Hogson DR, Rose RJ. Prevalence and clinical importance of heart murmurs in racehorses. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2000;216(9):1441-1445.
  • 2. Mair T, Love S, Schumacher J et coll. Equine medicine, surgery and reproduction. 2nd ed. Ed. Elsevier, St. Louis. 2012:624p.
  • 3. Reed SM, Bayly WM, Sellon DC. Equine internal medicine. 3rd ed. Ed. Saunders, St. Louis. 2010:1488p.
  • 4. Rush B, Mair T. Equine respiratory diseases. Ed. Blackwell Science. 2004:344p.
  • 5. Slack J, Boston RC, Soma RC, Reef VB. Occurrence of cardiac arrhythmias in Standardbred racehorses. Equine Vet. J. 2015;47(4):398-404.

CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN

ENCADRÉ : SOUFFLES PHYSIOLOGIQUES

→ Des souffles non pathologiques sont fréquemment audibles chez les chevaux adultes et les nouveau-nés.

→ Deux tiers de ces souffles sont protosystoliques ou protodiastoliques.

→ Chez les nouveau-nés, le souffle peut persister jusqu’à l’âge de 1 à 2 mois.