THÉRAPEUTIQUE
Cahier pratique
Fiche pratique
Auteur(s) : Caroline Marguet
Fonctions : 41e groupe vétérinaire - École militaire d’équitation
Quartier du Carrousel
77307 Fontainebleau Cedex
Face à un hématome souscutané, la conduite à tenir n’est pas toujours évidente, et le choix d’un traitement est controversé : drainer ou laisser évoluer la collection ainsi formée ? Après un rappel des notions de physiopathologie, cette fiche présente les différentes options thérapeutiques, leurs avantages et leurs inconvénients.
Un hématome correspond à l’accumulation périvasculaire de sang à la suite de la lésion d’un vaisseau sanguin [3]. Lorsqu’un vaisseau est lésé, le sang se répand dans les tissus environnants, dans la mesure où la pression sanguine à l’intérieur du vaisseau est supérieure à la pression extérieure [12]. Le sang extravasé forme une collection localisée dans un tissu [1, 3, 7]. Une poche liquidienne bien circonscrite se crée le plus souvent dans le tissu sous-cutané à la suite d’un traumatisme [8]. Elle ne doit pas être confondue avec une ecchymose, qui n’est qu’une infiltration diffuse de sang ne déformant pas la peau [3].
Lorsque l’épanchement sanguin se forme, les facteurs de coagulation sont activés, ce qui aboutit à la formation d’un caillot de fibrine [5]. In vitro et à 37 °C, le caillot forme une masse compacte après 24 heures [10]. La fibrinolyse intervient ensuite : c’est une protéolyse réalisée par une enzyme, la plasmine ou fibrinolysine, qui provient du plasminogène, lui-même activé par la fibrinolysoplastine [5, 10]. Cette lyse débute après 72 heures [10]. Le taux de plasminogène est proportionnel à l’activité fibrinolytique [10]. S’il est présent en petite quantité, le sang accumulé disparaît rapidement. Si l’hématome est considérable, la résorption complète est encore possible, mais cela n’est pas systématique et l’hématome peut persister. Dans ce cas, le sérum est réabsorbé par les vaisseaux sanguins et lymphatiques, et seule la fibrine se maintient.
Dans un premier temps, une masse sous-cutanée fluctuante et rarement douloureuse est observée rapidement après le traumatisme (photos 1a et 1b) [4, 8]. Le diagnostic différentiel doit être fait avec un abcès qui se développe plus progressivement, est moins fluctuant, présente une paroi souvent plus épaisse et qui est douloureux à la palpation. Suivant la localisation, il convient également de différencier un hématome d’une hernie, notamment en région abdominale ventrale [4]. L’examen échographique est utile pour établir le diagnostic d’hématome. Une masse d’échogénicité moyenne, grisâtre et plus ou moins organisée selon le stade d’évolution est observée, puis, au fur et à mesure qu’un caillot se forme, la structure apparaît alors hétérogène (photo 2). La confirmation peut être ensuite obtenue par ponction de la masse dans des conditions d’asepsie strictes [4, 8, 9]. Au début de l’évolution, du sang en nature peut être retiré, puis, en raison de l’organisation du caillot, c’est du sérum qui est ainsi collecté.
Lors de la phase initiale, le cheval doit être maintenu au repos et du froid peut être appliqué sur l’hématome pour limiter le saignement (hydrothérapie à l’eau froide sans pression) [4, 11]. L’administration d’un anti-inflammatoire comme de la phénylbutazone peut également être envisagée [11]. Les petits hématomes (volume inférieur à 50 ml) se résolvent généralement sans intervention chirurgicale [4]. En revanche, face à une masse de taille considérable, et lorsque le saignement a cessé, le praticien doit décider d’une conduite thérapeutique : laisser évoluer l’hématome ou réaliser son drainage.
Certains auteurs déconseillent l’ouverture et le drainage [9]. S’il est décidé de laisser un hématome évoluer naturellement, sa résorption peut parfois être espérée. Cette approche présente l’avantage de réduire le risque d’une infection secondaire de la cavité et d’éviter une éventuelle hémorragie difficile à contrôler [6]. Cependant, cela entraîne une guérison plus lente ou incomplète évoluant souvent vers la constitution d’une masse fibrosée [9]. De plus, la formation d’un abcès par colonisation bactérienne hématogène de l’hématome reste une complication possible [9].
Le traitement chirurgical, recommandé par d’autres auteurs, consiste à pratiquer une incision de 2 à 4 cm, par exemple au point le plus déclive de la tuméfaction, préférable à une ponction qui ne permet pas d’éliminer le caillot [2, 4, 6, 9, 11].
L’ouverture permet le drainage du sérum et le curetage des caillots, l’objectif étant de rapprocher la peau du tissu sous-cutané pour favoriser la cicatrisation [4]. La cavité est ensuite rincée à l’aide de povidone iodée diluée (0,1 à 1 %) ou de chlorhexidine diluée (0,05 %) [4].
Cette intervention ne doit être réalisée que lorsque le saignement a cessé. Il est donc nécessaire d’attendre plusieurs jours (généralement 7 à 10 jours) après le traumatisme, afin d’être certain que l’hémorragie est jugulée, qu’un caillot est formé et que l’hématome a commencé à s’organiser [4, 8, 9, 11]. Cela peut se faire sur cheval debout tranquillisé, après réalisation d’une anesthésie locale [4].
Une antibioprophylaxie est envisageable par précaution, notamment si l’ouverture pratiquée est large. Une antibioprophylaxie de première intention (benzylpénicilline, par exemple) est généralement suffisante. L’administration d’un anti-inflammatoire non stéroïdien est recommandée en cas de douleur. Un pansement peut être appliqué pendant 24 à 48 heures, et la cavité rincée quotidiennement à l’aide d’une solution antiseptique diluée. La cicatrisation se fait par seconde intention. La résolution est plus rapide et permet d’espérer une cicatrisation complète (photos 3a et 3b) [4].
Avant de décider du traitement à mettre en place face à un hématome, plusieurs éléments sont à prendre en compte : le stade d’évolution, la localisation, la consistance et le volume de la masse, son aspect à l’examen échographique, l’activité du cheval et les contraintes opérationnelles. L’option chirurgicale paraît intéressante lorsque du sang en nature est présent dans la cavité et/ ou que le caillot ne présente pas une consistance trop ferme, c’est-à-dire quand l’hématome est fluctuant à la palpation. Le drainage est alors réalisé facilement et permet un retour rapide au travail. Pour cela, il est impératif d’attendre que le saignement ait cessé. En revanche, dans le cas d’un hématome déjà organisé, l’incision donne accès à un caillot de consistance dure qui est difficile à extraire et le traitement conservateur est alors préférable. Dans tous les cas, la décision thérapeutique doit être réfléchie et tenir compte des différents facteurs, et il appartient au praticien de peser le pour et le contre de chaque option en fonction de la situation rencontrée.
CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN