Les hématomes sous-cutanés chez le cheval : un traitement controversé - Pratique Vétérinaire Equine n° 196 du 01/10/2017
Pratique Vétérinaire Equine n° 196 du 01/10/2017

THÉRAPEUTIQUE

Cahier pratique

Fiche pratique

Auteur(s) : Caroline Marguet

Fonctions : 41e groupe vétérinaire - École militaire d’équitation
Quartier du Carrousel
77307 Fontainebleau Cedex

Face à un hématome souscutané, la conduite à tenir n’est pas toujours évidente, et le choix d’un traitement est controversé : drainer ou laisser évoluer la collection ainsi formée ? Après un rappel des notions de physiopathologie, cette fiche présente les différentes options thérapeutiques, leurs avantages et leurs inconvénients.

Définition

Un hématome correspond à l’accumulation périvasculaire de sang à la suite de la lésion d’un vaisseau sanguin [3]. Lorsqu’un vaisseau est lésé, le sang se répand dans les tissus environnants, dans la mesure où la pression sanguine à l’intérieur du vaisseau est supérieure à la pression extérieure [12]. Le sang extravasé forme une collection localisée dans un tissu [1, 3, 7]. Une poche liquidienne bien circonscrite se crée le plus souvent dans le tissu sous-cutané à la suite d’un traumatisme [8]. Elle ne doit pas être confondue avec une ecchymose, qui n’est qu’une infiltration diffuse de sang ne déformant pas la peau [3].

Physiopathologie

Lorsque l’épanchement sanguin se forme, les facteurs de coagulation sont activés, ce qui aboutit à la formation d’un caillot de fibrine [5]. In vitro et à 37 °C, le caillot forme une masse compacte après 24 heures [10]. La fibrinolyse intervient ensuite : c’est une protéolyse réalisée par une enzyme, la plasmine ou fibrinolysine, qui provient du plasminogène, lui-même activé par la fibrinolysoplastine [5, 10]. Cette lyse débute après 72 heures [10]. Le taux de plasminogène est proportionnel à l’activité fibrinolytique [10]. S’il est présent en petite quantité, le sang accumulé disparaît rapidement. Si l’hématome est considérable, la résorption complète est encore possible, mais cela n’est pas systématique et l’hématome peut persister. Dans ce cas, le sérum est réabsorbé par les vaisseaux sanguins et lymphatiques, et seule la fibrine se maintient.

Diagnostic

Dans un premier temps, une masse sous-cutanée fluctuante et rarement douloureuse est observée rapidement après le traumatisme (photos 1a et 1b) [4, 8]. Le diagnostic différentiel doit être fait avec un abcès qui se développe plus progressivement, est moins fluctuant, présente une paroi souvent plus épaisse et qui est douloureux à la palpation. Suivant la localisation, il convient également de différencier un hématome d’une hernie, notamment en région abdominale ventrale [4]. L’examen échographique est utile pour établir le diagnostic d’hématome. Une masse d’échogénicité moyenne, grisâtre et plus ou moins organisée selon le stade d’évolution est observée, puis, au fur et à mesure qu’un caillot se forme, la structure apparaît alors hétérogène (photo 2). La confirmation peut être ensuite obtenue par ponction de la masse dans des conditions d’asepsie strictes [4, 8, 9]. Au début de l’évolution, du sang en nature peut être retiré, puis, en raison de l’organisation du caillot, c’est du sérum qui est ainsi collecté.

Traitement

Lors de la phase initiale, le cheval doit être maintenu au repos et du froid peut être appliqué sur l’hématome pour limiter le saignement (hydrothérapie à l’eau froide sans pression) [4, 11]. L’administration d’un anti-inflammatoire comme de la phénylbutazone peut également être envisagée [11]. Les petits hématomes (volume inférieur à 50 ml) se résolvent généralement sans intervention chirurgicale [4]. En revanche, face à une masse de taille considérable, et lorsque le saignement a cessé, le praticien doit décider d’une conduite thérapeutique : laisser évoluer l’hématome ou réaliser son drainage.

Traitement conservateur

Certains auteurs déconseillent l’ouverture et le drainage [9]. S’il est décidé de laisser un hématome évoluer naturellement, sa résorption peut parfois être espérée. Cette approche présente l’avantage de réduire le risque d’une infection secondaire de la cavité et d’éviter une éventuelle hémorragie difficile à contrôler [6]. Cependant, cela entraîne une guérison plus lente ou incomplète évoluant souvent vers la constitution d’une masse fibrosée [9]. De plus, la formation d’un abcès par colonisation bactérienne hématogène de l’hématome reste une complication possible [9].

Traitement chirurgical

Le traitement chirurgical, recommandé par d’autres auteurs, consiste à pratiquer une incision de 2 à 4 cm, par exemple au point le plus déclive de la tuméfaction, préférable à une ponction qui ne permet pas d’éliminer le caillot [2, 4, 6, 9, 11].

L’ouverture permet le drainage du sérum et le curetage des caillots, l’objectif étant de rapprocher la peau du tissu sous-cutané pour favoriser la cicatrisation [4]. La cavité est ensuite rincée à l’aide de povidone iodée diluée (0,1 à 1 %) ou de chlorhexidine diluée (0,05 %) [4].

Cette intervention ne doit être réalisée que lorsque le saignement a cessé. Il est donc nécessaire d’attendre plusieurs jours (généralement 7 à 10 jours) après le traumatisme, afin d’être certain que l’hémorragie est jugulée, qu’un caillot est formé et que l’hématome a commencé à s’organiser [4, 8, 9, 11]. Cela peut se faire sur cheval debout tranquillisé, après réalisation d’une anesthésie locale [4].

Une antibioprophylaxie est envisageable par précaution, notamment si l’ouverture pratiquée est large. Une antibioprophylaxie de première intention (benzylpénicilline, par exemple) est généralement suffisante. L’administration d’un anti-inflammatoire non stéroïdien est recommandée en cas de douleur. Un pansement peut être appliqué pendant 24 à 48 heures, et la cavité rincée quotidiennement à l’aide d’une solution antiseptique diluée. La cicatrisation se fait par seconde intention. La résolution est plus rapide et permet d’espérer une cicatrisation complète (photos 3a et 3b) [4].

Comment choisir ?

Avant de décider du traitement à mettre en place face à un hématome, plusieurs éléments sont à prendre en compte : le stade d’évolution, la localisation, la consistance et le volume de la masse, son aspect à l’examen échographique, l’activité du cheval et les contraintes opérationnelles. L’option chirurgicale paraît intéressante lorsque du sang en nature est présent dans la cavité et/ ou que le caillot ne présente pas une consistance trop ferme, c’est-à-dire quand l’hématome est fluctuant à la palpation. Le drainage est alors réalisé facilement et permet un retour rapide au travail. Pour cela, il est impératif d’attendre que le saignement ait cessé. En revanche, dans le cas d’un hématome déjà organisé, l’incision donne accès à un caillot de consistance dure qui est difficile à extraire et le traitement conservateur est alors préférable. Dans tous les cas, la décision thérapeutique doit être réfléchie et tenir compte des différents facteurs, et il appartient au praticien de peser le pour et le contre de chaque option en fonction de la situation rencontrée.

1. Garnier M, Delamarre J. Dictionnaire illustré des termes de médecine, 29e éd. Maloine. 2006:384. 2. Higgins AJ, Wright IM. The equine manual. Saunders. 1999:352. 3. Kafle P. Haematoma in farm animals and its management. Rampur Campus, Chitwan 2011:2-3. 4. Logas DB, Barbet JL. Integument: Pathophysiology and principles of therapy. In: Equine medicine and surgery, 5th ed., vol. II, Colahan PT, Merritt AM, Moore JN, Mayhew IG, eds. Mosby. 1999:1800-1868. 5. Mudge MC. Hemostasis, surgical bleeding, and transfusion. In: Equine surgery, 4th ed. Auer JA, Stick JA, eds. Saunders Elsevier. 2012:35-47. 6. Pascoe RRR, Knottenbelt DC. Manual of equine dermatology. WB Saunders. 1999:217. 7. Quevauvilliers J, Fingerhut A. Dictionnaire médical. Masson. 1999:418. 8. Scott DW, Miller WH. Equine dermatology, 2nd ed. Saunders Elsevier. 2011:398. 9. Stashak TS, Theoret CL. Equine wound management, 2nd ed. Blackwell Publishing. 2008:367. 10. Van Lierde H. Vademecum biologique du vétérinaire. Prodim. 1989:204-240. 11. Walmsley JP. The stifle. In: Diagnosis and management of lameness in the horse, 2nd ed., Ross MW, Dyson SJ, eds. Saunders Elsevier. 2011:532-549.12. Wright S. Physiologie appliquée à la médecine. Flammarion médecine-sciences. 1980:52-57.

CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN