Chirurgie
Dossier
Auteur(s) : Karine Pader*, Bruno Baup**
Fonctions :
*La Clinique du cheval
Centre hospitalier
vétérinaire équin
3910, route de Launac
31330 Grenade
La plupart des abcès externes ont un très bon pronostic après débridement chirurgical. Lorsque le processus infectieux se développe en profondeur, une cellulite septique peut mettre en jeu la vie du cheval.
Les chevaux sont des proies qui tentent en permanence d’échapper à d’éventuels prédateurs par la fuite. Ils sont particulièrement sujets aux traumatismes et certains accidents peuvent mener à la persistance de corps étrangers menant à la formation d’abcès et de plaies qui ne cicatrisent pas. Les abcès de pied sont très fréquents en pratique vétérinaire équine et constituent la cause la plus fréquente de boiterie aiguë chez le cheval. Cet article décrit la présentation clinique, la démarche diagnostique et la prise en charge thérapeutique de plusieurs type d’abcédations chez le cheval.
Les abcès de pied se développent lors de l’entrée de bactéries dans la boîte cornée via des petites brèches ou lors de la pénétration de la sole par des cailloux pointus ou des corps étrangers. Une bleime peut également être à l’origine d’un abcès : l’hématome solaire constitue un milieu de culture idéal pour les bactéries, ces dernières pouvant alors traverser facilement les tubules de la boîte cornée. Un processus infectieux se développe donc entre les régions du podophylle et du kéraphylle et entraîne l’accumulation de pus.
La pression à l’intérieur du sabot augmentant, la douleur provoque une boiterie sévère, voire de soutien, sur le membre atteint. La forme clinique la plus classique est celle d’un cheval en quasi-suppression d’appui avec une boîte cornée chaude par rapport à l’autre pied et un pouls digité augmenté à frappé. La pince à sonder provoque généralement, mais pas de manière systématique, une douleur exacerbée et localisée lors de pression de la corne. Le membre distal est parfois œdématié et certains chevaux peuvent présenter de l’hyperthermie.
Les abcès de pied génèrent une boiterie marquée et le diagnostic différentiel inclut une fracture, une plaie pénétrante ayant touché une structure noble (os, tendon, structure synoviale) ou encore une cellulite septique.
Les abcès de pied sont généralement diagnostiqués sur la base de l’anamnèse, de l’examen physique et de la palpation-percussion de la paroi à l’aide d’une pince à sonder. Parfois, le diagnostic peut être confirmé par :
- un examen radiographique du pied, qui permet d’identifier des images radiotransparentes en faveur de la présence de pus et/ou de gaz dans la boîte cornée (photo 1) ;
- une anesthésie tronculaire (anesthésie digitale proximale ou sésamoïdienne abaxiale), qui, souvent, ne permet pas d’abolir complètement la boiterie, compte tenu de la sévérité du processus inflammatoire en place.
Généralement, le retrait du fer est nécessaire pour permettre une évaluation complète du pied. C’est à partir de cet instant que la collaboration avec le maréchal-ferrant de l’écurie est indispensable. Après nettoyage du pied à la rénette, la zone la plus sensible de la sole identifiée à la pince est explorée et grattée. Le parage doit rester très superficiel, de manière à blanchir toutes les fissures, mais ne doit en aucun cas atteindre les structures sensibles. Deux cas de figure vont alors se présenter :
- une fissure noirâtre apparaît et du pus gris ou noir est libéré de la zone lésée (photo 2). Pour favoriser le drainage, le point de sortie doit être agrandi en superficie, afin de retirer les tissus nécrotiques et d’accélérer le processus de cicatrisation. La zone lésée doit être agrandie superficiellement pour permettre un bon drainage, mais pas en profondeur, pour ne pas risquer d’atteindre les structures sensibles et très vascularisées du pied ;
- en phase initiale ou aiguë, la collection n’est pas “mûre”. Le pied est alors préparé pour une deuxième visite ou celle du maréchal-ferrant : un bandage avec un cataplasme est appliqué sur la sole pour ramollir la corne du pied et favoriser le drainage (encadré). Ce type de bandage peut être appliqué et changé après 48?heures. Passé ce délai, c’est en général le maréchal-ferrant qui intervient et qui draine l’abcès. Les pansements maturatifs sont prolongés jusqu’à ce que le drainage cesse et que le processus infectieux soit résolu (photo 3). C’est seulement une fois cette étape franchie que la corne doit être séchée, avant de pouvoir retirer les bandages et placer un nouveau fer. Pour éviter une persistance de la boiterie, la principale erreur à ne pas commettre est de ferrer trop précipitamment sur une plaie insuffisamment drainée. Afin de sécher et durcir la corne, le maréchal-ferrant peut utiliser une plaque de cuir sous laquelle il place divers matériaux, selon les préférences (sulfate de cuivre, Bétadine sucrée, étoupe imbibée de goudron de Norvège, préparations du commerce du type Sole Pack®, etc.).
Dans certains cas plus compliqués qui nécessitent des soins locaux sur une longue période, une plaque de traitement peut être mise en place (photo 4). Elle permet de traiter le pied sans avoir besoin de le garder dans un bandage.
Les abcès de pied se traitent bien sans qu’un recours aux antibiotiques ne soit nécessaire. Si, malgré les traitements, la boiterie ou le drainage persiste, une investigation plus poussée doit être réalisée, car il est probable qu’une maladie sous-jacente soit présente, comme un kératome, un séquestre osseux ou une ostéite septique de la phalange distale (photos 5 et 6).
Une fistule est définie ici comme une affection dans laquelle un canal mène à l’expulsion de pus au niveau de la peau.
Les fistules sont des affections chroniques qui se développent généralement à la suite d’un traumatisme ou de la persistance d’un corps étranger. Une étude répertoriant 37 cas de corps étrangers a permis de recenser un contexte traumatique chez 20 chevaux affectés (54 %) [6]. Un séquestre osseux peut être responsable de la formation d’une fistule puisqu’il est rejeté par l’organisme de la même manière qu’un corps étranger. Les corps étrangers peuvent se localiser à n’importe quel endroit du corps à la suite d’un traumatisme, et leur diagnostic peut se révéler difficile lorsqu’ils sont inertes (par exemple, épine noire) ou bien lorsqu’ils sont localisés en profondeur d’une structure osseuse (par exemple, axialement à la scapula). Le matériau le plus souvent impliqué lors de pénétration par un corps étranger est le bois [6]. Les autres types de matériaux liés à des fistules incluent le métal, les poils, le sable, les dents (kyste dentigère), les graviers, le verre et le plastique.
Les chevaux reçus en consultation pour des fistules ou des abcès à corps étranger présentent très souvent un gonflement localisé ou une plaie qui ne cicatrise pas, malgré des soins locaux ou l’administration d’antibiotiques.
Une fistule est pathognomonique de la présence d’un corps étranger ou d’un séquestre osseux. Le diagnostic différentiel est plutôt orienté vers l’identification précise de la nature du corps étranger. Lors de gonflement localisé, le diagnostic différentiel se fait entre un abcès, un hématome et un sérome(1).
Le meilleur moyen diagnostique pour identifier des corps étrangers est l’examen échographique du gonflement ou du trajet fistulaire [6]. Cette méthode est relativement opérateur-dépendante ; pourtant, avec l’expérience, elle est extrêmement sensible et spécifique. Dans le cas d’une fistule, l’échographie permet de suivre la direction du trajet fistulaire et de déterminer la profondeur du corps étranger. Ce dernier est caractérisé par la projection d’un cône d’ombre en profondeur (photo 7). Le clinicien doit garder à l’esprit que certains matériaux, tel le bois, ont tendance à migrer loin de la plaie d’entrée. Le diagnostic échographique peut être plus compliqué en présence d’air au sein du trajet fistulaire ou du gonflement localisé (en présence de bactéries anaérobies, par exemple), ou bien dans le cas d’une localisation en profondeur par rapport à un os, empêchant la pénétration des ondes échographiques et la détection du corps étranger.
L’examen radiographique de la région affectée peut permettre l’identification des corps étrangers radio-opaques, comme un séquestre osseux ou du métal, mais ne permet pas de détecter les autres corps étrangers, tels que le bois (photo 8). L’injection de produit de contraste dans le trajet fistulaire et la réalisation d’un cliché radiographique (fistulographie) peuvent aider à identifier des corps étrangers radiotransparents. Les séquestres osseux ne sont pas détectables lors de l’examen radiographique réalisé immédiatement après le traumatisme. En effet, lors de lésion exposant une structure osseuse, la formation d’un séquestre doit être suspectée et le client informé qu’un contrôle radiographique est à réaliser 10 à 15 jours plus tard (photo 9).
Le retrait du corps étranger ou du séquestre osseux est le traitement de choix des fistules ou des abcès à corps étranger. L’examen bactériologique des fistules ou des abcès ne mène pas à des résultats intéressants concernant le choix du traitement antibiotique. En effet, l’administration d’antibiotiques n’est pas nécessaire une fois le corps étranger ou le séquestre osseux retiré. Aussi l’administration d’antibiotiques seule ne mène pas à la résolution du processus infectieux et le corps étranger doit être retiré. Les bactéries peuvent en effet se protéger au sein d’un biofilm de glycocalyx sur le corps étranger, le colonisant sans être atteintes par les antibiotiques administrés. L’exérèse du corps étranger, sous sédation ou sous anesthésie générale, reste donc le seul traitement efficace. Le chirurgien dispose de plusieurs méthodes d’exploration du trajet fistulaire ou de l’abcès et choisit en fonction de la localisation du trajet fistulaire et de la nature du corps étranger.
Lors d’un gonflement localisé en faveur d’un abcès à corps étranger, un guidage échographique permet de placer des aiguilles de manière stratégique pour orienter la lame de scalpel et l’extraction du corps étranger, tout en limitant au minimum la taille de l’incision. Cette méthode est principalement utilisée lors de retrait de corps étrangers relativement inertes et/ou de petite taille (épine noire, par exemple). Après extraction du corps étranger, le site chirurgical est lavé à l’aide de sérum physiologique et la plaie est fermée par première intention.
La deuxième méthode consiste à utiliser une sonde cannelée pour guider le trajet de la lame de scalpel au sein de la fistule. Elle permet d’ouvrir le trajet fistulaire sur la peau de manière à faciliter l’extraction du corps étranger. Une inspection préopératoire par examen échographique est très utile afin de reconnaître les trajets fistulaires qui vont en profondeur ou les structures vitales environnantes (vaisseaux sanguins, structures synoviales, etc.).
Enfin, la dernière méthode qui peut se révéler complémentaire des autres est l’injection dans la fistule de bleu de méthylène sous pression (photo 10). Cette technique permet de teinter le trajet fistulaire de bleu, et ainsi d’orienter le chirurgien vers le corps étranger, en suivant les traces du processus pathologique. Cette méthode a permis de diminuer de moitié le taux de récidives dans les cas de traitement chirurgical de kyste pilonidal (kyste contenant un poil ou un cheveu) chez l’homme [4]. Une fois le corps étranger retiré, les bords du trajet fistulaire sont curetés afin de retirer la majorité des contaminants bactériens et de favoriser la cicatrisation. La plaie n’est refermée que partiellement, de manière à ce qu’elle cicatrise de l’intérieur vers l’extérieur. Dans les suites opératoires, des soins locaux sont effectués car la plaie continue à drainer pendant environ 15 jours ; puis, si l’ensemble des corps étrangers a été retiré, la plaie se referme définitivement, et le pronostic vital et sportif est excellent. Une réserve est à émettre dans le cas de corps étrangers en bois, car ces derniers ont tendance à se fragmenter en plusieurs morceaux et à migrer, rendant l’exérèse chirurgicale complète difficile [6]. Un drainage persistant au-delà de 1 mois ou tout nouveau drainage doit motiver une nouvelle consultation, voire une exploration chirurgicale.
Les abcès externes sont des accumulations de pus superficielles au niveau du tronc ou des membres, corrélées à un processus infectieux localisé.
La formation d’un abcès externe peut être due à des complications d’une injection intramusculaire, par exemple, ou à la migration par les chaînes lymphatiques d’agents bactériens tels que Streptococcus equi subsp. equi ou Streptococcus equi subsp. zooepidemicus. Un autre agent fréquemment responsable d’abcès externes est Corynebacterium pseudotuberculosis, une bactérie à Gram + intracellulaire facultative présente partout dans le monde, mais dont la maladie (lymphangite ulcéreuse) est surtout rencontrée aux États-Unis, en Californie et au Texas [2, 9, 11, 14]. Le mode d’infection est mal connu, mais il semble que l’entrée dans l’organisme se fasse via des abrasions cutanées et que les mouches telles que Haematobia irritans, Stomoxys calcitrans ou Musca domestica agissent en qualité de vecteurs [19].
Quel que soit l’agent étiologique, les chevaux ayant développé des abcès externes présentent des signes cliniques similaires. L’examen clinique peut révéler une hyperthermie, particulièrement dans les cas d’abcès erratique lié à Streptococcus equi subsp. equi, agent responsable de la gourme. Les cas classiques de cette affection très fréquente dans notre pays se manifestent par un jetage nasal muqueux à mucopurulent, de l’abattement et une hypertrophie des nœuds lymphatiques sous-mandibulaires, tandis que lors d’une forme métastatique, la manifestation clinique dépend de l’organe affecté(2).
D’autres signes cliniques, en relation avec la localisation de l’abcès, sont des difficultés à baisser la tête lors d’abcès dans l’encolure, une boiterie lors d’abcès localisé aux membres, etc. Si l’abcès est superficiel, un gonflement chaud et douloureux à la palpation est présent. Les signes locaux peuvent être plus difficiles à apprécier si l’abcès est localisé plus en profondeur dans les tissus musculaires. C’est souvent le cas lors d’infection à Corynebacterium pseudotuberculosis, où l’infection se fait souvent en profondeur de la région axillaire ou de la région du triceps brachial [16]. Un œdème diffus est souvent présent superficiellement et caractérisé par un signe du godet positif.
Le diagnostic différentiel se fait entre un abcès, un hématome et un sérome(1). Le clinicien doit alors exclure la présence d’un corps étranger au sein de l’abcès.
Le diagnostic des abcès externes peut être établi en combinant les résultats des examens clinique et physique, des bilans hématologiques et des examens complémentaires, comme l’échographie.
Le premier signe d’alerte est souvent une perte d’appétit ou de l’abattement liés à l’état fébrile du cheval ou à la douleur. Lorsque les signes locaux sont absents, un bilan hématobiochimique peut guider le clinicien vers la présence d’un processus infectieux. Les résultats hématologiques révèlent souvent une leucocytose neutrophilique (> 10 000 leucocytes/µl) ou bien des leucocytes dans les normes et une anémie (hématocrite < 30 %) en faveur d’un processus infectieux chronique. Les protéines de phase aiguë (PPA) de l’inflammation sont systématiquement augmentées, en particulier la protéine amyloïde A sérique (SAA). En cas d’hypertrophie des nœuds lymphatiques sous-mandibulaires, il convient de réaliser une endoscopie des poches gutturales.
Lorsqu’un gonflement localisé est présent, ou qu’un œdème diffus est observé, un examen échographique de la région devrait être réalisé. Dans les premiers jours de formation de l’abcès, un tissu inorganisé, avec une échogénicité variable, est alors visible. Dans les jours suivants, l’abcès s’organise et est délimité par une capsule (photo 11). Dans certains cas où le pus est très épais, la masse visible à l’échographie peut évoquer une masse solide (photo 12). Une ponction échoguidée aide alors à faire la différence et à établir un diagnostic de certitude. Un prélèvement peut être acheminé au laboratoire pour examen bactériologique afin de déterminer l’agent pathogène responsable.
Une fois l’abcès externe identifié avec certitude, son drainage chirurgical est le traitement de choix. Il est important de laisser l’abcès mûrir quelques jours jusqu’au stade où une capsule est visible à l’échographie, avant de réaliser son débridement chirurgical, afin que le drainage soit plus efficace. Celui-ci peut se faire sous tranquillisation et à l’aide d’un anesthésique local instillé en région sous-cutanée, de manière à rendre l’incision au scalpel indolore pour le cheval. Le clinicien peut se servir de l’échographe pour guider la localisation du site du drainage et la profondeur. Une incision verticale de 5 cm au moins doit être réalisée à l’aspect le plus ventral de l’abcès, afin de favoriser le drainage. La longueur de l’incision est importante, car elle vise à prévenir une fermeture prématurée de l’abcès, ce dernier devant être vidangé complètement et les tissus devant cicatriser de l’intérieur vers l’extérieur. Au besoin, un drain de Penrose est employé afin de maintenir la plaie ouverte pendant la période postopératoire (photo 13). Il peut être retiré 2 jours après sa mise en place, et des lavages quotidiens permettent ensuite de résoudre l’infection dans les jours suivant le drainage chirurgical. L’administration d’antibiotiques n’est pas systématique dans ce cas et un antibiotique de premier choix, tels des sulfamides, devrait être privilégié.
La cellulite septique est une infection des tissus sous-cutanés. Les processus infectieux impliquant les tissus mous sont classés en fonction des couches atteintes. Ainsi, l’érysipèle (communément appelé lymphangite chez le cheval) est une infection de l’épiderme et des vaisseaux lymphatiques. Si les tissus en profondeur, comme le fascia musculaire ou les muscles, sont infectés, les termes à employer sont alors respectivement fasciite et pyomyosite. Souvent, ces diverses conditions se recoupent chez le même animal.
La cellulite septique fait généralement suite à une plaie pénétrante profonde et délabrante dans laquelle un processus infectieux aigu va se propager rapidement dans les plans tissulaires. Ces infections sont, pour la plupart, dues à Staphylococcus et Streptococcus spp. [1, 15]. Staphylococcus aureus et le groupe A des Streptococcus spp. peuvent produire des superantigènes, des protéines à faible poids moléculaire capables, dans des cas très rares, de produire un choc septique chez le cheval [8]. Certaines formes de cellulite septique à Clostridium spp. sont plus graves car elles se compliquent d’une fasciite et d’une pyomyosite. Les clostridioses se développent souvent à la suite de complications liées à l’injection intramusculaire de substances irritantes (flunixine méglumine, vitamine B12, vaccins, par exemple), mais des plaies pénétrantes peuvent aussi être à leur origine (photo 14) [12]. Les autres rares formes de cellulite septique décrites chez le cheval incluent les infections à Salmonella spp. ou à Rhodococcus equi chez le poulain [17, 18].
Les signes cliniques associés à une cellulite septique à staphylocoques chez le cheval incluent une hyperthermie, de l’abattement, des muqueuses pâles et un temps de remplissage capillaire augmenté. Les chevaux présentent localement un œdème diffus avec de la chaleur et de la douleur à la palpation et une boiterie de soutien si un membre est atteint. Dans les cas extrêmes, l’abattement peut s’aggraver dans les 48 heures suivantes et même conduire à la mort de l’animal. Si l’infection est circonscrite, la peau forme des pustules nécrotiques et les tissus sous-cutanés apparaissent jaunâtres, laissant s’écouler des sérosités correspondant au drainage des vaisseaux lymphatiques. Lors de clostridiose, un gonflement localisé et associé à de l’emphysème sous-cutané se développe dans les 6 à 72 heures suivant l’injection intramusculaire ou la plaie, résultant en une endotoxémie qui peut être mortelle [10]. Dans de nombreux cas, le gonflement et l’emphysème sous-cutané se propagent de manière extensive, alors que les chevaux atteints présentent généralement des signes cliniques systémiques (tachycardie, tachypnée, fièvre, abattement, déshydratation).
En raison de la gravité des signes cliniques observés en cas de cellulite septique, le diagnostic différentiel inclut l’atteinte de structures vitales comme les structures articulaires, ou une fracture en cas d’atteinte des membres.
Les cas de cellulite septique peuvent être diagnostiqués sur la base de l’anamnèse et des signes cliniques présents. Un examen clinique complet, un bilan hématobiochimique, un examen échographique et une ponction à l’aiguille pour examen cytologique et bactériologique devraient être réalisés en première intention. Le bilan sanguin révèle généralement une leucocytose neutrophilique, une hypoalbuminémie et une hyperfibrinogénémie [5]. L’examen échographique met en évidence une accumulation liquidienne sous-cutanée et, dans le cas de fasciite ou de pyomyosite, des images aériques (structures linéaires hyperéchogènes) sont visibles dans les plans profonds. L’examen microbiologique (cultures aérobie et anaérobie) et l’obtention d’un antibiogramme sont fondamentaux dans les cas de cellulite septique car ils permettent de guider le clinicien dans le choix des antibiotiques à utiliser.
Lors d’atteinte systémique, le cheval est perfusé par voie intraveineuse, de manière à corriger les déséquilibres électrolytiques et un traitement analgésique et antibiotique est mis en place. La prise en charge rapide de l’animal est importante pour améliorer les chances de succès thérapeutique. Le débridement chirurgical est indiqué d’urgence dans les cas sévères de fasciite ou de pyomyosite afin d’éliminer les tissus nécrotiques, de diminuer la quantité d’agents bactériens et de rompre avec le milieu anaérobie (en cas de clostridiose, par exemple). Un traitement parentéral à large spectre à base de ß-lactamines (pénicilline) et d’aminoglycosides (gentamicine) est indiqué, compte tenu de la prévalence des infections à staphylocoques ou à streptocoques. Dans ces cas, l’antibiothérapie est fondamentale et la durée du traitement dépend de la gravité des signes cliniques, des agents pathogènes impliqués et du profil de l’antibiogramme. Souvent, l’administration d’antibiotiques se fait au-delà de la résolution des signes cliniques, soit pendant plusieurs semaines. Des perfusions locorégionales d’antibiotiques (amikacine, par exemple) peuvent être ajoutés au plan thérapeutique et s’avérer très efficaces lors de cellulite septique du membre distal, surtout dans les cas où l’antibiothérapie systémique ne permet pas de résoudre les signes cliniques [3].
Les autres facettes de la gestion d’une cellulite septique chez le cheval impliquent des soins locaux (lavages, débridement chirurgical), la prise en charge du membre controlatéral pour la prévention d’une fourbure et, enfin, le traitement de la douleur. Les douleurs modérées sont généralement contrôlées par l’administration d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, alors qu’en cas de douleur intense, le recours à des méthodes alternatives, comme l’administration d’opioïdes (morphine ou butorphanol 0,1 mg/kg par voie intramusculaire, quatre fois par jour), une analgésie épidurale (morphine 0,2 mg/kg ; xylazine 0,2 mg/kg dans 15 ml de NaCl, toutes les 24 heures) ou la mise en place de patchs de fentanyl, peut être nécessaire [7, 13].
La plupart des abcès rencontrés chez le cheval sont associés à un très bon pronostic tant qu’ils sont superficiels et n’impliquent pas de structures nobles. Le traitement passe principalement par un débridement chirurgical et un drainage. Une antibiothérapie raisonnée devrait être systématique et faire appel à des molécules de première intention uniquement, et préférablement par voie orale. Les cellulites septiques sont des processus plus graves qui ont tendance à s’étendre en superficie et en profondeur. Dans ces cas, une antibiothérapie à large spectre (ß-lactamines et aminoglycosides) est indiquée, dans l’attente des résultats de l’analyse bactériologique et de l’antibiogramme.
(1) Voir l’article “Étiopathologie, diagnostic et principes thérapeutiques des abcès chez le cheval” de K. Pader, dans ce numéro.
(2) Voir l’article “Le point sur la gourme du cheval” d’A. Léon et coll. Prat. Vét. Équine. 190;48:26-32.
CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN
→ En présence d’un abcès de pied, le drainage est fondamental et peut être réalisé via un parage superficiel ou par application d’un cataplasme si la collection n’est pas “mûre”.
→ Une fistule est pathognomonique d’un corps étranger ou d’un séquestre osseux, et le seul traitement efficace consiste à retirer le corps étranger ou le séquestre osseux.
→ Le diagnostic des abcès externes peut être établi en combinant les résultats des examens clinique et physique, des bilans hématologiques et des examens d’imagerie, notamment l’échographie.
→ La cellulite septique est une infection grave des tissus sous-cutanés, elle nécessite une prise en charge rapide et l’administration d’une antibiothérapie à large spectre.
→ Le cataplasme le plus courant pour le pied du cheval est l’enveloppement de graines de lin cuites (une poignée de graines de lin cuites au bain-marie jusqu’à obtention de mucilage, puis application sur le pied). Même si cette méthode est très efficace, la cuisson reste fastidieuse. Le lin peut alors être remplacé par du son simplement mélangé avec de l’eau de Javel diluée.
→ Une méthode consiste à utiliser un pansement commercialisé (Animalintex®) ; il s’agit d’un cataplasme à appliquer sur la sole mouillé à l’eau chaude et recouvert d’un bandage.
→ Des bandages humidifiés à l’aide de Javel diluée (trois cuillerées à soupe dans une casserole d’eau) peuvent également être mis en place au contact de la sole. Le pied est alors maintenu dans des couches-culottes mouillées régulièrement à l’eau chaude. Les poches de perfusion de 3 ou 5 litres vides sont étanches et très résistantes, et constituent une enveloppe idéale pour ce type de pansement. Il peut être conservé pendant 48 heures. Il suffit, pour l’humidifier, de verser la solution de Javel par le haut du bandage.
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