Approche pratique du plan de fluidothérapie pour le cheval adulte - Pratique Vétérinaire Equine n° 194 du 01/04/2017
Pratique Vétérinaire Equine n° 194 du 01/04/2017

Soins intensifs

Dossier

La fluidotherapie en pratique

Auteur(s) : Isabelle Desjardins

Fonctions : Pôle Equin VetAgro Sup,
Université de Lyon,
1, avenue Bourgelat,
69280 Marcy-l’Étoile
isabelle.desjardins@vetagro-sup.fr

Un plan de fluidothérapie adéquat nécessite le choix du fluide et du débit d’administration, ainsi qu’un suivi attentif de la réponse clinique et des paramètres sanguins.

La fluidothérapie est une part importante du traitement de tout animal en soins intensifs. Le principe de la fluidothérapie est de restaurer le volume plasmatique, de compenser les déficits en eau et les pertes, et de maintenir l’équilibre en eau et en électrolytes. Elle permet également de minimiser les effets secondaires de nombreux médicaments (anti-inflammatoires, antibiotiques, etc.). Chaque espèce et chaque classe d’âge possèdent des particularités physiologiques et électrolytiques à connaître pour bien adapter le plan de fluidothérapie. Particulièrement chez le cheval adulte, d’importants volumes de liquide sont nécessaires et une déplétion en potassium et en calcium est très fréquente. Certaines maladies sont aussi typiquement associées à des déséquilibres acido-basiques et électrolytiques spécifiques.

L’optimisation du volume de fluide à administrer et de sa composition permet d’être plus rapidement efficace. La mise en place du plan de fluidothérapie comporte plusieurs étapes simples (encadré 1 et figure 1).

Particularités physiologiques du cheval adulte sur le plan hydroélectrolytique

Lors de privation de nourriture, la consommation d’eau peut chuter de 50 % sans qu’une déshydratation n’apparaisse, car la teneur en eau de l’urine et des crottins diminue parallèlement.

Les chevaux sont diffLe type de nourriture a un impact profond sur la consommation d’eau. L’herbe étant constituée de plus de 90 % d’eau, les chevaux au pré boivent peu. Les besoins en eau sont augmentés chez les chevaux à l’effort, pour remplacer les pertes en sueur, chez les équidés en diarrhée, et lors de climat chaud et humide.

érents des petits animaux en ce qui concerne la réserve intestinale d’eau et d’électrolytes, qui est substantielle (10 à 12 % du poids vif) et peut être mobilisée en cas de pertes ou de défaut d’apport d’eau, mais qui s’épuise en 2 à 4 jours.

La plupart des fourrages sont riches en potassium et pauvres en sodium. Les chevaux sains et bien hydratés consommant du fourrage ont une urine riche en potassium (200 à 400 meq/l) et pauvre en sodium (0 à 50 meq/l). Lors de déshydratation et d’anorexie ou de mise à jeun, la capacité rénale à réabsorber du sodium est plus efficace que celle de réabsorption du potassium, d’où des “pertes obligatoires urinaires” en potassium et une hypokaliémie qui s’installe rapidement (d’autant que la plupart des fluides cristalloïdes de réhydratation sont peu riches en potassium). L’hypokaliémie résultante contribue à une faiblesse musculaire et est un facteur de risque d’iléus postopératoire.

Le cheval est également une espèce unique pour l’absence de régulation du métabolisme calcique au niveau intestinal. Les chevaux absorbent avec la nourriture un excès de calcium, éliminé sous forme de cristaux de carbonate de calcium dans l’urine. Lors de mise à jeun ou de dysorexie, une hypocalcémie est très commune, qui peut exacerber une faiblesse musculaire, diminuer la contractilité cardiaque et contribuer au ralentissement du transit intestinal. Ainsi, la complémentation en potassium et en calcium des solutés de perfusion est très souvent employée [15].

Comment évaluer cliniquement les perturbations hydroélectrolytiques et acido-basiques ?

Examen clinique : notions de perfusion et d’hydratation

La déshydratation correspond à une perte tissulaire en eau. Celle-ci peut être interstitielle et s’évaluer par la modification de paramètres physiques, ou intracellulaire et non mesurable directement par des paramètres physiques (photo 1 et tableau 1). Une perfusion adéquate des tissus repose sur un volume intravasculaire suffisant et une bonne fonction cardiaque. Une hypoperfusion est la conséquence d’une déplétion de ce volume intravasculaire (hypovolémie). Une déshydratation modérée peut se produire sans hypoperfusion et, dans ce cas, les paramètres cliniques sont normaux. L’hypoperfusion est plus dangereuse pour l’animal que la déshydratation. Il convient de restaurer la perfusion et l’hydratation du milieu interstitiel avant de pouvoir déterminer le volume d’eau nécessaire pour combler une déshydratation intracellulaire [5, 17].

Le test du pli de peau reflète bien le volume du compartiment interstitiel et le site le plus sensible pour évaluer l’élasticité cutanée est la paupière supérieure (tableau 2). Les autres signes de déshydratation sont la sécheresse de la muqueuse buccale et l’oligurie [4].

Examens complémentaires

L’hématocrite et les protéines totales (plutôt les solides totaux évalués par réfractométrie) sont des tests simples utilisables pour évaluer l’hydratation, sous forme de cinétique. Ils sont souvent élevés lors de déshydratation/hémoconcentration (évaluation de la volémie et reflet de l’état d’hydratation de l’interstitium). Une hémoconcentration/déshydratation peut être masquée ou sous-évaluée lors d’anémie concomitante, qui diminue “artificiellement” l’hématocrite.

Une densité urinaire spécifique supérieure à 1 030 indique que la réponse rénale à la déshydratation est adéquate (concentration urinaire et réabsorption d’eau).

Les déséquilibres électrolytiques dépendent de la nature de la maladie primaire. Une hémoconcentration s’accompagne souvent d’hypernatrémie et d’hyperchlorémie.

Le pH sanguin est physiologiquement maintenu dans un intervalle très restreint : 7,35 à 7,45 pour le sang veineux. Le statut acido-basique du cheval est altéré secondairement à toute une variété de processus pathologiques.

La pression oncotique ou colloïde (force créée essentiellement par les protéines plasmatiques ne pouvant traverser les capillaires) doit être supérieure à 15 mmHg pour maintenir l’eau dans le compartiment vasculaire et prévenir la fuite vers l’interstitium. Lorsque la perfusion tissulaire diminue et que l’apport en oxygène tissulaire est réduit, le métabolisme devient anaérobie, d’où la formation de lactates. L’hyperlactatémie est un indicateur d’une perfusion et d’une oxygénation tissulaires inadéquates [4].

La créatinine sanguine est un paramètre très tardif pour révéler une déshydratation et une hypoperfusion avancées [9].

Quel mode de réhydratation choisir ?

Choix de la voie d’administration

→ La fluidothérapie orale offre une bonne solution alternative à la voie intraveineuse pour un traitement d’entretien, chez des chevaux incapables de déglutir ou présentant une impaction de côlon(1). Cette modalité est idéale pour les chevaux à déshydratation légère à modérée (5 à 7 %) dont le tractus gastro-intestinal est capable d’absorber l’eau (absence de colique et de reflux gastrique). Si la déshydratation est plus sévère, l’absorption digestive peut être compromise par la diminution de la perfusion sanguine intestinale [15]. Enfin, la réhydratation entérale est contre-indiquée lors d’obstruction intestinale complète, d’iléus partiel ou total et de décubitus latéral permanent [11]. Lors d’obstruction laryngo-pharyngée, cette modalité d’administration est aussi à proscrire.

→ Lors d’endotoxémie clinique, d’hypovolémie sévère et/ou d’état de choc, la voie intraveineuse est obligatoire [11].

→ La voie intrarectale est une solution alternative intéressante de réhydratation : l’absorption des liquides est rapide, bien tolérée et facile à mettre en œuvre (sonde nasogastrique positionnée à la demande à environ 10 cm de l’anus). Un volume continu de 5 ml/kg/h a été testé, de même qu’une administration fragmentée de 2 l à chaque fois [6, 10].

Choix du type de cathéter intraveineux

Le site d’insertion du cathéter est une veine jugulaire perméable. En cas d’hématome, de thrombose ou de périphlébite, la veine ne doit pas être cathétérisée. Une solution alternative possible chez l’adulte est la veine thoracique latérale.

La zone doit être préalablement tondue et préparée de façon aseptique afin de prévenir toute infection sous-cutanée et/ou vasculaire.

Les cathéters les plus employés sont en téflon ou en polyuréthane (moins thrombogènes mais plus coûteux). Le choix dépend essentiellement de la durée de perfusion prévue et de la propension du cheval à développer une thrombose veineuse/thrombophlébite.

Les cathéters en téflon doivent être changés tous les 3 jours au maximum, alors que ceux en polyuréthane peuvent être laissés en place plusieurs semaines. Les chevaux en endotoxémie et/ou en réaction inflammatoire systémique (quelle que soit la maladie initiale) sont prompts à développer des thrombophlébites en raison de leur état “procoagulable”.

Le diamètre habituel du cathéter pour un adulte est de 14 g. Si un débit supérieur à 5 l/h est souhaitable, un cathéter de 12 g ou deux cathéters de 14 g sont à employer. Si la veine thoracique latérale est le site choisi, le diamètre du cathéter doit être réduit, ou bien un cathéter “over the wire” peut être posé (avec un débit réduit d’administration) [9, 15].

Choix du type de tubulure

Une tubulure longue et flexible est nécessaire chez le cheval laissé en liberté dans son box, avec un diamètre suffisant pour permettre un débit adapté. Les tubulures hélicoïdales sont particulièrement pratiques chez les chevaux agités et/ou présentant des signes de colique, et permettent de limiter les occlusions de ligne et les déconnections [12].

Quelle quantité de fluide ?

L’équation permettant d’évaluer la quantité de fluide à administrer est la suivante :

besoins d’entretien + pourcentage de déshydratation clinique + pertes actives (+ éventuelle nécessité de surhydratation).

Les besoins d’entretien sont évalués à 50 ml/kg/j. Ils varient physiologiquement selon le climat et la température extérieure, l’activité du cheval et sa nourriture (herbe versus fourrage sec).

Le pourcentage de déshydratation s’évalue cliniquement à partir de 5 % (en deçà, seule une perte de poids survient, mais ce n’est pas un paramètre facile à suivre).

Des pertes en eau physiologiques surviennent avec la respiration, la salivation, la miction et la défécation.

Les pertes “pathologiques” correspondent à un ptyalisme, à un reflux nasogastrique, à une diarrhée et à la formation d’un troisième compartiment (intestinal, péritonéal, pleural ou musculaire).

En cas d’insuffisance rénale (non oligo-anurique) ou de stase digestive, une surhydratation temporaire de l’animal est recherchée [4, 15].

Quel débit ?

Pour les déshydratations légères à modérées, le déficit en fluide doit être corrigé sur 6 à 24 heures. Le volume total de fluide calculé est divisé par 6 à 24, pour obtenir le débit en l/h.

Lorsque la déshydratation est sévère et que l’animal est en état de choc, l’objectif est de résoudre cette condition le plus rapidement possible, avec de petits volumes de liquide. Il est possible de donner 20 ml/kg/h sur 30 à 60 minutes (10 l en moyenne pour un cheval de 400 à 500 kg), puis d’ajuster le débit selon la réponse clinique [8, 14]. Un cathéter téflon intraveineux jugulaire de 12 à 14 g permet un débit maximal de 5 à 10 l/h. Si celui-ci est insuffisant, un second cathéter peut être posé. Une pompe péristaltique augmente le débit à 20 l/h, mais l’air contenu dans le sac peut être pompé dans la veine également, d’où la nécessité d’une surveillance rapprochée. Les pompes électriques ne fournissent un débit que de 999 ml/h au maximum [9].

Quel fluide choisir ?

Les besoins en fluides intraveineux sont différents selon qu’il s’agit de restaurer immédiatement le volume plasmatique et des électrolytes sanguins (thérapie de réanimation), ou de maintenir l’hydratation de l’organisme et l’équilibre ionique au fil du temps (thérapie d’entretien) (tableau 3) [12, 14-16].

La thérapie de réanimation ne se pratique que par voie intraveineuse (IV) et emploie des solutés dont la composition est proche de celle du plasma (de type Ringer lactate). Pour l’entretien, des solutés permettant de sauvegarder les concentrations électrolytiques des milieux extra- et intracellulaires sont employés (figure 2).

Fluidothérapie de réanimation

Une association de solutés de remplissage vasculaire est souvent utilisée (photo 2).

Il s’agit de solutés cristalloïdes isotoniques ou hypertoniques et de colloïdes. Le choix dépend de la nécessité ou de la priorité d’expansion rapide du volume intravasculaire ou de réhydratation, et de la présence éventuelle de pertes sévères en protéines.

Les solutés cristalloïdes isotoniques (chlorure de sodium [NaCl] 0,9 %, Ringer lactate) reconstituent le volume circulant en quelques minutes et se distribuent à l’ensemble du compartiment extracellulaire en 30 à 60 minutes. Le volume extracellulaire étant trois fois le volume plasmatique, trois fois plus de liquides doivent être administrés pour obtenir l’expansion du volume plasmatique souhaitée. Le simple fait de restaurer la volémie, quel que soit le fluide isotonique utilisé (NaCl ou Ringer lactate), permet une régulation du déséquilibre acido-basique. Il est ainsi possible d’utiliser du NaCl isotonique chez un cheval en acidose métabolique, même si ce soluté est “acidifiant”.

Une contre-indication à l’utilisation du Ringer lactate est l’hyperkaliémie secondaire à une nécrose musculaire massive, un uropéritoine ou une crise d’hyperkaliémie paralysante périodique.

Les solutés cristalloïdes hypertoniques (NaCl 7,2 %) attirent par osmose de l’eau de l’interstitium vers le réseau vasculaire en quelques minutes pour environ 30 minutes. Cet effet bénéfique n’est maintenu que si des cristalloïdes isotoniques sont administrés ensuite. Les indications en sont l’hypovolémie sévère, l’état de choc (hypovolémique, endotoxémique, septique) et les hémorragies externes sévères (2 à 4 ml/kg de poids vif IV rapide).

Lorsque l’augmentation de l’hématocrite est proportionnellement supérieure à celle des protéines totales (en g/l), un défaut de pression osmotique est à suspecter et une administration de colloïdes doit être considérée pour maintenir ou augmenter la capacité du plasma à retenir l’eau.

Chez un cheval en hypoalbuminémie (concentration d’albumine inférieure à 20 g/l), la perfusion de cristalloïdes isotoniques seuls à gros débit entraîne des œdèmes interstitiels sévères par dilution des protéines présentes dans le plasma. Dans les cas d’hypoprotéinémie, le plasma est ainsi utilisé pour maintenir la pression oncotique et retenir les liquides dans l’espace intravasculaire (8 à 10 ml/kg en une fois, soit environ 4 l de plasma pour un cheval adulte de 500 kg).

Les colloïdes synthétiques exercent une pression oncotique à l’intérieur du compartiment sanguin. Ils sont indiqués en cas d’hypoprotéinémie sévère, en remplacement du plasma, et d’hémorragie externe sévère (hydroxyéthylamidon 6 %, 4 à 10 ml/kg).

Fluidothérapie d’entretien

Tous les solutés isotoniques commercialement disponibles en France (NaCl isotonique 0,9 %, Ringer lactate) ont une composition électrolytique proche de celle du plasma et sont donc par définition des solutés de remplissage vasculaire. Ils sont utilisés pour la fluidothérapie IV d’entretien, mais tendent à apporter trop de sodium et de chlore et pas assez de potassium, de calcium ni d’eau libre pour répondre aux besoins globaux de l’organisme (compartiments intra- et extracellulaire). Ils sont ainsi souvent enrichis en potassium et en calcium, voire en magnésium, et administrés en parallèle avec le dextrose 5 % qui est une solution isotonique dans l’outre, mais devient une source d’eau libre dès que le dextrose a été métabolisé. Les excès de sodium et de chlore sont pris en charge par le rein lorsque sa fonction est normale. Lors de fluidothérapie prolongée sur plusieurs jours, il est conseillé de surveiller la fonction rénale quotidiennement et l’ionogramme plasmatique (sodium, chlore, potassium et calcium ionisé) une ou deux fois par jour afin d’ajuster la composition des solutions administrées. Une complémentation du soluté initial en chlorure de potassium (20 à 40 mmol/l) et/ou en borogluconate de calcium 23 % (150 à 250 mg/kg IV lente, soit 325 à 540 ml pour un cheval de 500 kg) s’avère nécessaire en cas d’hypokaliémie ou hypocalcémie.

L’administration d’un soluté hypotonique et du dextrose 5 % doit être réalisée lentement (1 à 4 ml/kg/h) afin de perturber minimalement la tonicité et la composition du plasma (risques de dommage cellulaire des hématies en cas d’hypotonicité et de dilution des électrolytes plasmatiques).

Quelle dynamique du plan de fluidothérapie intraveineuse ?

La réponse clinique au plan de fluidothérapie institué doit être suivie de façon rapprochée, en termes de minutes pour la réanimation, en termes d’heures pour l’entretien, en prenant en compte les paramètres d’hydratation et de perfusion du cheval : couleur des muqueuses buccales, humidité, temps de remplissage capillaire, température des extrémités [12, 14, 15].

Il est important de vérifier que, au maximum dans les 2 heures suivant l’institution de la thérapeutique liquidienne, le cheval urine. Si cela n’est pas le cas, une palpation transrectale permet d’évaluer l’état de réplétion de la vessie. Lorsque celle-ci est vide, la créatinine sanguine doit être impérativement dosée (risque d’insuffisance rénale oligo-anurique).

Un monitoring clinique et paraclinique permet d’ajuster continuellement le plan de fluidothérapie. Le volume de pertes peut changer brutalement (diarrhée plus profuse, moins de reflux gastrique, etc.) motivant un nouveau calcul du débit de fluides.

→ Le suivi de la lactatémie une ou deux fois par jour et celui de l’hématocrite et des protéines totales (toutes les 2 à 24 heures selon l’état cardio-vasculaire du cheval) permettent de confirmer ou d’infirmer que le débit de fluide est suffisant et de déterminer le degré d’hémodilution.

→ Les solutés utilisés pour la fluidothérapie d’entretien sont à complémenter selon les déséquilibres électrolytiques constatés, et ce de façon régulière.

→ Le potassium est trente fois plus concentré dans le compartiment intracellulaire que dans le compartiment extracellulaire, et le volume intracellulaire est deux fois le volume extracellulaire. Un cheval anorexique sous fluidothérapie pauvre en potassium va donc rapidement devenir hypokaliémique, particulièrement si des pertes de potassium par une diarrhée ou un reflux sont présentes. Une complémentation en potassium dans du Ringer lactate à raison de 20 mmol/l est suffisante pour rencontrer les besoins en potassium d’un cheval à fonction rénale normale et est sécuritaire même si le débit de fluides est cinq à dix fois le débit dit “d’entretien” (débit maximal sécuritaire du potassium : 0,5 mmol/kg/mn) (photo 3).

→ L’hypocalcémie est fréquente lors de jeun ou d’anorexie, du borogluconate de calcium peut être ajouté à du Ringer lactate à 0,3 g/l soit 7,5 mmol/l au maximum. La calcémie doit être suivie et la complémentation interrompue pour prévenir une hypercalcémie (arythmogène).

→ Si une acidose métabolique sévère persiste avec un déficit en base d’au moins 8 à 10 mEq/l, du bicarbonate de sodium (NaHCO3) peut être ajouté à la perfusion. Il est préférable d’utiliser une solution isotonique (1,4 %) plutôt qu’hypertonique (8,4 % habituellement), celle-ci étant obtenue en ajoutant 150 meq de NaHCO3 à 1 litre d’eau stérile. La quantité de NaHCO3 en meq/l à administrer se calcule : poids vif en kg x 0,5 (l/kg) x (25 – HCO3 dosé). La moitié de la complémentation est donnée la première heure, puis le reste par la suite si la concentration en NaHCO3 est toujours basse.

→ En cas d’hyperlipémie, du dextrose 5 % est ajouté au plan de fluidothérapie cristalloïde, à raison de 1 à 2 ml/kg/h, ou en alternative du dextrose 50 % (avec une pompe) à la dose de 0,5 ml/kg/h [13].

Enfin, le cathéter intraveineux pour rester fonctionnel doit être flushé au moins toutes les 6 heures avec du NaCl hépariné (10 UI/ml). Le bouchon perforable du cathéter est à nettoyer à l’alcool avant toute injection et à changer quotidiennement.

Quand et comment sevrer de la fluidothérapie ?

Lorsque le cheval est hydraté normalement, que les déséquilibres électrolytiques et acido-basiques sont corrigés, qu’aucune situation pathologique (comme l’endotoxémie ou une insuffisance rénale) ne persiste et que le cheval peut boire spontanément sans pertes (dysphagie) ni danger (reflux gastrique), la fluidothérapie peut être interrompue.

Il n’existe pas d’évidence scientifique permettant de favoriser un sevrage “brutal” (quelques heures) à progressif (plusieurs jours). Selon la quantité de sodium reçue dans le soluté utilisé, l’animal va s’adapter sur quelques jours jusqu’à récupérer une prise de boisson physiologique. Le fait de nourrir de nouveau l’animal favorise également la prise d’eau spontanée [5, 15].

Les erreurs à ne pas commettre

Certaines erreurs simples retardant les effets cliniques bénéfiques de la réhydratation peuvent être évitées (encadré 2).

Conclusion

La fluidothérapie est un traitement essentiel permettant de limiter les effets délétères sur le fonctionnement organique des déséquilibres hydroélectrolytiques et acido-basiques, de prévenir ou d’atténuer les effets secondaires de médicaments administrés en parallèle, ainsi que de maintenir la perfusion tissulaire lors d’endotoxémie ou de réaction inflammatoire systémique. Le type de fluide, le débit d’administration sont à choisir attentivement et un suivi des paramètres cliniques et paracliniques est indispensable pour déterminer la durée et la nature de cette fluidothérapie.

  • (1) Voir aussi l’article “La réhydratation orale chez le cheval” du même auteur, dans ce même numéro.

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CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN

ENCADRÉ 1 : DÉCISION DU PLAN DE FLUIDOTHÉRAPIE

→ Plan de réhydratation initial :

voie intraveineuse, entérale, rectale ;

choix du fluide ;

débit calculé en l/h.

→ Complémentations du soluté choisi.

→ Voies complémentaires d’administration (orale, rectale).

→ Monitoring de la réponse et adaptation du débit.

→ Arrêt de la fluidothérapie.

D’après [15].

Éléments à retenir

→ Le soluté cristalloïde isotonique polyionique le plus employé en France est le Ringer lactate, dont la composition électrolytique est proche de celle du plasma sanguin.

→ Les besoins d’entretien moyens en eau pour un cheval adulte sont de 50 ml/kg/j.

→ L’équation permettant d’évaluer la quantité de fluide à administrer est : besoins d’entretien + pourcentage de déshydratation clinique + pertes actives.

→ La quantité de fluide isotonique à administrer initialement en urgence lors de déshydratation sévère et/ou d’état de choc est de 20 à 40 ml/kg/h.

ENCADRÉ 2 : ERREURS COURANTES EN FLUIDOTHÉRAPIE CHEZ LE CHEVAL ADULTE

→ Réaliser une mauvaise estimation du poids du cheval. Un ruban barymétrique peut être utilisé (pas pour les races lourdes ni pour les poneys).

→ Administrer les liquides trop lentement lors d’état de choc. De petits volumes peuvent être perfusés très rapidement en surveillant la réponse de l’animal traité.

→ Ne pas complémenter en potassium les liquides administrés chez un cheval à jeun ou dysorexique.

→ Administrer un liquide riche en sodium à un cheval susceptible de développer des œdèmes, en raison d’une cardio­pathie/insuffisance cardiaque, d’une insuffisance rénale, d’une hypertension portale.

→ Perfuser des fluides en excès à un cheval en insuffisance rénale oligurique.

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