Techniques d’examen buccal et dentaire chez le cheval - Pratique Vétérinaire Equine n° 193 du 01/01/2017
Pratique Vétérinaire Equine n° 193 du 01/01/2017

DENTISTERIE

Cahier pratique

Fiche technique

Auteur(s) : Monica Maria Balaguer*, Safaa Annouri**, Jean-Luc Cadoré***, Knut Nottrott****

Fonctions :
*VetAgro Sup,
Campus vétérinaire de Lyon,
Pôle équin,
69280 Marcy-l’Étoile

Les affections buccales chez le cheval sont assez fréquentes, mais le plus souvent sous-diagnostiquées en raison des symptômes généralement peu spécifiques, comme un amaigrissement, une diarrhée et des coliques.

Les signes cliniques des atteintes buccales sont rarement observés par le propriétaire à leur stade précoce. De plus, l’examen buccal de routine ne permet pas de diagnostiquer la majorité des affections, d’où l’intérêt de réaliser un examen rigoureux au moins une fois par an.

Anatomie dentaire

La denture du cheval est caractérisée par son aspect hypsodonte (avec une couronne longue), une molarisation des prémolaires, pour former une surface continue de broyage avec les molaires, et un rapprochement des deux rangées jugales inférieures (anisognathisme) [3].

Comme tous les mammifères domestiques, le cheval possède une dentition hétérogène incluant : les incisives (I), les canines (C), les prémolaires (P) et les molaires. Le système de nomenclature dentaire le plus communément employé est le système Triadan modifié, qui utilise trois chiffres pour identifier chaque dent (figure). Le premier chiffre se réfère au quadrant correspondant : 1 pour supérieur droit ; 2 pour supérieur gauche ; 3 pour inférieur gauche ; et 4 pour inférieur droit [1, 3].

Techniques d’examen buccal et dentaire

Éléments d’anamnèse

Avant de procéder à l’examen buccal proprement dit, le vétérinaire doit recueillir l’anamnèse auprès du propriétaire concernant l’âge et l’activité du cheval, le tempérament habituel et un possible changement, les vices, l’alimentation avec une description de la prise alimentaire, les antécédents pathologiques et la consistance des crottins. Il est nécessaire également de s’informer sur une prise ou une perte de poids, une manifestation de résistance au mors, ou une éventuelle baisse de performance [3]. Les dates des derniers examen et traitement dentaires et de la dernière vermifugation (avec spécification de la molécule administrée) doivent être vérifiées. Il est recommandé de contrôler aussi que la vaccination contre le tétanos est à jour. Tous ces éléments sont très utiles et complémentaires de l’examen buccal pour établir un diagnostic.

Matériel nécessaire

Le vétérinaire doit être équipé de plusieurs outils qui lui permettent de réaliser l’examen dans des conditions sécurisées. Un kit de base est nécessaire pour pratiquer certaines interventions (encadré).

Contention du cheval

L’examen buccal est un acte contrariant pour le cheval, voire douloureux, si une intervention thérapeutique (nivellement, extraction dentaire, etc.) s’ensuit. Des précautions doivent être prises en anticipant les éventuels dangers pour tout l’entourage, c’est une des responsabilités principales du vétérinaire. Ainsi, la sédation du cheval est presque toujours nécessaire pour réaliser l’examen dans les meilleures conditions. Plusieurs molécules peuvent être utilisées, notamment les α2-agonistes : la xylazine apporte de bons résultats à la dose de 0,3 à 1 mg/kg par voie intraveineuse (IV), la détomidine peut être employée à la dose de 0,02 mg/kg IV, notamment en cas d’intervention prolongée (durée d’action plus longue) [6].

L’examen doit être réalisé dans le calme, de préférence dans un travail. Il est impératif d’avoir un aide à la tête du cheval.

Examen buccal

Un examen clinique, dont les résultats doivent être corrélés avec l’examen buccal, est réalisé en premier.

Inspection et palpation externes

L’inspection externe, réalisée dans un premier temps sans sédation, consiste à examiner la tête du cheval pour évaluer la symétrie, la présence d’un éventuel gonflement ou de jetage nasal [4]. L’observation devrait s’effectuer aussi au moment du repas, ainsi des anomalies comme la chute du bol alimentaire, les chiques, des arrêts pourraient être détectés. Ensuite une palpation externe peut révéler des altérations extrabuccales (par exemple, une adénomégalie des nœuds lymphatiques mandibulaires, une atrophie des muscles masséters), de l’articulation temporo-mandibulaire, au niveau dentaire (par exemple, surdents, dents manquantes) ou la présence de douleur (photo 1). L’évaluation du mouvement latéral de la mandibule par rapport à la mâchoire supérieure, réalisable sans sédation préalable, mais plus facile chez le cheval tranquillisé, peut être utile pour juger la coaptation des surfaces occlusales (photo 2) [2, 3].

Examen interne

L’examen de la cavité buccale se déroule en combinant une inspection visuelle et une palpation. Avant la mise en place du spéculum, les incisives et la cavité buccale labiale sont examinées. Une première évaluation consiste à vérifier l’intégrité de la muqueuse buccale et à rechercher d’éventuels ulcères ou zones douloureuses (photo 3). L’intégralité des incisives doit soutenir la mise en place d’un pas-d’âne, pour cette raison les irrégularités occlusales de ces dents sont limées avant l’application de l’ouvre-bouche (photo 4). Ensuite la langue est examinée, pour rechercher des lésions souvent provoquées par des surdents (surtout des arcades inférieures), la migration des larves des gastérophiles ou des anomalies fonctionnelles [3]. Cet organe doit être manipulé avec vigilance, mais sans exercer de force pour éviter des douleurs et des blessures à l’hyoïde. Le palais est également examiné avec attention, notamment chez le poulain (recherche de fente palatine).

La cavité buccale est ensuite observée sous des angles différents et palpée sur l’ensemble des surfaces buccales, occlusales et linguales (photos 5 et 6). Les marges de la gencive doivent être uniformes. Les dents sont examinées en vérifiant la conformation, la position, le nombre et la présence d’anomalies. La hauteur de la couronne des dents jugales doit être égale en direction mésio-distale, mais plus grande sur le bord buccal des dents jugales supérieures et sur le bord lingual des dents jugales inférieures. La surface occlusale de chaque rangée est palpée et inspectée en recherchant des irrégularités. Un défaut de conformation sur une dent se répercute toujours sur la dent opposée [3]. Une palpation parallèle à une visualisation avec un pic dentaire permet de détecter les trous associés aux positions des ramifications pulpaires, des infundibuli des dents jugales supérieures.

L’usage d’un miroir adapté est recommandé pour mieux visualiser les dents distales et la présence d’éventuels diastèmes, qui doivent être nettoyés à l’aide d’un crochet dentaire (photo 7). Une investigation de leur profondeur s’enchaîne à l’aide d’une sonde parodontale [3].

L’anamnèse et les résultats de l’examen de la cavité buccale doivent être documentés sur une fiche dentaire.

Examen endoscopique

L’examen endoscopique oral permet une visualisation optimale et précise de la cavité buccale dans les zones les moins accessibles par les méthodes conventionnelles. Il permet également l’enregistrement des images pour un éventuel suivi. En l’absence d’un oroscope rigide, un endoscope flexible pourrait être utilisé [3].

Examen radiographique

L’examen radiographique est l’examen d’imagerie médicale le plus accessible et utile pour évaluer les parties associées aux dents par-delà la cavité buccale (racines dentaires, alvéoles, sinus, etc.). Néanmoins, l’interprétation des images radiographiques est assez difficile : une maîtrise de l’anatomie et la réalisation de clichés sous différentes incidences sont nécessaires pour établir un diagnostic [3].

Signes cliniques

L’affection buccale la plus fréquente est le développement de surdents : le cheval a alors tendance à développer des lésions de la muqueuse des joues et, dans les cas très sévères, à faire tomber les aliments au cours de la mastication ou encore à accumuler des boules alimentaires (cheval qui “fait magasin”) (photo 8) [2].

Les chevaux qui présentent une douleur buccale unilatérale essaient souvent d’utiliser le côté sain pour mastiquer. De même, leur port de tête est parfois anormal au cours du repas [1, 2]. Une occlusion en ciseaux au niveau des incisives est notée lors d’une mastication unilatérale chronique (photo 9).

Une résistance au mors ou de l’encensement peuvent aussi être notés lors d’affections douloureuses [2].

La présence de brins de fourrage ou de grains dans les crottins peut suggérer l’existence d’une anomalie dentaire : en effet, les aliments sont insuffisamment mastiqués pour être digérés par la flore intestinale [1, 2].

L’halitose est souvent présente lors d’affection parodontale, ou moins fréquemment en cas de carie dentaire à un stade avancé, parfois associée à une fracture dentaire [2].

Une mastication lente peut être observée chez le cheval qui, parfois, ne finit pas sa ration. En présence d’anomalies dentaires graves, une mauvaise digestion peut entraîner une perte de poids importante.

La présence d’un jetage nasal unilatéral purulent (parfois malodorant) chronique peut être le signe d’une sinusite secondaire (par exemple, atteinte du sinus maxillaire rostral ou caudal causée par l’infection des dents 08s à 11s supérieures) (photo 10). Les infections périapicales des dents 06s, 07s ou 08s supérieures peuvent entraîner un gonflement facial et/ou provoquer des fistules apico-alvéolo-cutanées et/ou un jetage médialement dans la cavité nasale sans sinusite associée. Chez les chevaux âgés, les infections apicales drainent souvent par l’espace parodontal de l’alvéole plus court [2].

Affections buccales fréquentes

Les affections buccales qui peuvent être observées sont nombreuses et très variées : certaines sont faciles à reconnaître et à traiter (par exemple, les anomalies de surface occlusales), d’autres peuvent représenter un véritable défi diagnostique et thérapeutique (infections apicales, tumeurs, etc.) (tableau).

  • 1. Budras KD, Sack WO, Röck S. Atlas de anatomía del caballo. Ediciones S, Barcelona. 2005:135p.
  • 2. Dixon PM, Dacre I. A review of equine dental disorders. Vet. J. 2005;169:165-187.
  • 3. Easley J, Dixon PM, Schumacher J. Equine dentistry. 3rd ed. 2010:23p.
  • 4. Herold I, Tilman S. Dentisterie équine. Éditions du Point Vétérinaire. 2014:184p.
  • 5. Johnston N. The Royal Veterinary College, university of London. Veterinary dentistry basics. 2002. http://www.rvc.ac.uk/review/dentistry/basics/triadan/other.html
  • 6. Pizzeta AL. Analyse des données scientifiques établies en dentisterie des équidés, Thèse vétérinaire, VetAgro Sup. 2015:145p.

CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN

ENCADRÉ : MATÉRIEL NÉCESSAIRE POUR UN EXAMEN BUCCAL

• Pour la contention : (tord-nez), travail, support de tête ou licol de suspension (facultatif) et sédatifs (obligatoire).

• Pour l’ouverture de la bouche : pas-d’âne, de préférence de type Haussmann.

• Pour l’examen de la cavité buccale :

– rince-bouche et seringue ;

– source de lumière : lampe frontale ou lampe magnétique (s’attachant au pas-d’âne) ;

– miroir à manche longue ;

– crochets dentaires ;

– sonde parodontale ;

– écarteur de la joue (optionnel) ;

– rétracteur de la langue (optionnel) ;

– endoscope/oroscope (optionnel, avancé).

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