Fermeture de l’espace néphrosplénique sous laparoscopie - Pratique Vétérinaire Equine n° 193 du 01/01/2017
Pratique Vétérinaire Equine n° 193 du 01/01/2017

Chirurgie digestive

Dossier

Traitement de l’accrochement néphrosplénique

Auteur(s) : Mélanie Perrier

Fonctions : Clinique vétérinaire
du Grand Renaud,
72650 Saint-Saturnin

Pour prévenir les accrochements néphrospléniques du côlon, la fermeture sous laparo­scopie de l’espace entre la rate et le rein est une option efficace et peu invasive. Plusieurs techniques sont présentées.

En général, une fermeture chirurgicale de l’espace néphrosplénique est préconisée lorsqu’un cheval a présenté au moins deux épisodes de coliques imputables à un accrochement néphrosplénique. Plusieurs interventions chirurgicales de prévention des déplacements et/ou des torsions du côlon ont été décrites au cours des dernières années. Parmi elles, la résection du côlon, la colopexie et la fermeture de l’espace néphrosplénique ont été indiquées [5, 8, 9]. La fermeture par laparoscopie semble présenter moins de complications postopératoires, être plus cosmétique et nécessiter une période de récupération plus courte comparée aux autres interventions mentionnées (tableau) [7, 11]. Seule la fermeture de l’espace néphrosplénique par laparoscopie est décrite dans cet article.

Technique

Pour la fermeture de l’espace néphrosplénique par laparoscopie, les chevaux sont en général mis à jeun au moins 12 heures avant la procédure, afin de limiter le volume des viscères, donc les risques de dommages iatrogènes lors de l’insertion des trocarts, et d’optimiser la visualisation sous laparoscopie.

Les chevaux sont traités avec de la flunixine méglumine (1,1 mg/kg, par voie intraveineuse, deux fois par jour) et de la procaïne pénicilline (22 000 UI/kg, par voie intramusculaire, deux fois par jour), à partir de 30 minutes avant le début de la procédure, puis pendant les 5 jours qui suivent. Ils sont restreints dans un travail et tranquillisés avec une injection intraveineuse de détomidine (0,01 mg/kg) et de butorphanol (0,01 mg/kg), à renouveler si besoin au cours de l’intervention. Des protocoles d’injection intraveineuse lente permettent de contrôler finement le degré de sédation et d’analgésie.

Dans notre expérience, la réalisation d’une anesthésie épidurale à l’aide de xylazine (80 mg) et de lidocaïne à 2 % (3 ml) diluées dans une solution à 0,9 % de chlorure de sodium (environ 6 ml) est efficace.

Il est conseillé de réaliser une palpation transrectale avant de commencer la procédure afin de s’assurer que le côlon est dans une position anatomique correcte et que l’espace néphrosplénique n’est pas encombré.

La fosse paralombaire gauche est tondue et préparée de manière conventionnelle pour une procédure aseptique. Les sites prévus pour l’introduction des instruments et du laparoscope sont désensibilisés à l’aide de lidocaïne à 2 % (environ 10 ml par site). Trois ports d’entrée sont créés : le premier est situé dans le 17e espace intercostal au niveau de l’aspect ventral du tuber coxæ (entrée du laparoscope et des instruments, port 1), le deuxième dans la fosse paralombaire à mi-chemin entre la 18e côte et mi-tuber coxæ (entrée du laparoscope et des instruments, port 2) et le troisième dans la fosse paralombaire 3 cm en dessous du deuxième (entrée des instruments, port 3) (photo 1). Pour prévenir la création d’un pneumothorax, le chirurgien doit s’assurer de placer les instruments en arrière du diaphragme.

Certains chirurgiens décrivent seulement deux ports d’entrée pour la technique (le premier n’est pas réalisé), mais ils préconisent l’utilisation d’un trocart de diamètre plus élevé (soit un instrument fait sur-mesure, soit le corps modifié d’une seringue de 60 ml) permettant ainsi une manipulation plus aisée des instruments.

Des publications décrivent que l’abdomen est insufflé jusqu’à 12 à 15 mmHg à l’aide d’une canule à trayon insérée dans l’abdomen au niveau du deuxième port d’entrée. Récemment, il est cependant rapporté que la fermeture de l’espace néphrosplénique peut être réalisée sans insufflation préalable de l’abdomen [1].

Pour le premier et le deuxième port d’entrée, une incision cutanée d’environ 1,5 cm est réalisée à l’aide d’une lame de scalpel n° 10. Elle est prolongée à travers le fascia du muscle oblique externe. Un trocart de laparoscope en acier inoxydable de 10 mm de diamètre et de 15 à 20 cm de long est alors inséré dans l’abdomen à l’aide d’un mandrin de trocart à pointe arrondie. Puis un laparoscope de 57 cm de long, de 10 mm de diamètre avec un angle de 30 degrés est introduit dans la canule pour permettre une exploration générale de l’abdomen.

Le troisième port est créé en incisant la peau sur environ 4,5 cm, puis en prolongeant l’incision au muscle oblique externe. Un trocart de 15 cm de long et de 40 mm de diamètre en acier inoxydable est inséré sous observation directe à l’aide du laparoscope.

L’espace néphrosplénique est visualisé avec un laparoscope (photo 2). La fermeture de cet espace est réalisée à l’aide d’un surjet continu (polyglyconate 0, polyester tressé résorbable 2, polyester monofilament résorbable 1) qui débute à l’aspect le plus cranial de l’espace néphrosplénique et se prolonge en direction de la partie caudale (photo 3). En général, le premier point de suture est placé entre le fascia périrénal et l’aspect dorso-médial de la capsule de la rate. Le surjet est ensuite réalisé dans une direction dorso-ventrale, tout d’abord au travers du ligament néphrosplénique, dans un endroit opposé au bord dorsal de la rate, puis dans une direction ventro-dorsale, à travers l’aspect dorso-médial de la capsule de la rate. La suture est tenue sous tension par un assistant au fur et à mesure que le surjet est réalisé. Un nœud Roeder modifié est placé en fin de suture. Le site de chirurgie est visualisé pour contrôler d’éventuelles hémorragies qui, dans ce cas, sont stoppées par compression, électrocoagulation ou emploi d’épinéphrine diluée (selon l’hémorragie constatée) (photo 4).

Le premier et le deuxième port sont fermés par des sutures cutanées simples à l’aide de points en X avec un fil de nylon 2-0. Pour le troisième port, le fascia du muscle oblique externe est apposé, dans un premier temps, à l’aide d’un surjet continu et de polyglyconate 0, ensuite la peau est apposée par des points simples en X avec un fil de nylon 2-0.

Phase postopératoire

Un repos au box et une marche en main pendant 15 jours sont préconisés à la suite de l’intervention, suivis de 2 semaines dans un petit paddock individuel. Un retour progressif à l’exercice peut être envisagé 4 à 6 semaines après la procédure si aucune complication n’est rencontrée. Si le cheval a subi une laparotomie par la ligne blanche récemment, le protocole de confinement est allongé.

Complications

Parmi les complications associées à l’intervention chirurgicale, une des plus couramment répertoriées est la déchirure des tissus apposés par la suture, en particulier en regard de la capsule de la rate. La faiblesse des nœuds est souvent une autre cause dans les procédures sous laparoscopie.

Plusieurs instruments à utiliser avec ce type d’accès ont été développés afin d’augmenter la sûreté des nœuds tels que l’Endo Stich®, le Lapra-ty®, clips résorbables, ou encore un pousse-nœud extracorporel (photo 5). Enfin, une cicatrisation incomplète a également été décrite, résultant d’une récidive d’accrochement néphrosplénique sur un cas [2]. Pour essayer de pallier ces complications, plusieurs variations de la technique chirurgicale décrite ci-dessus sont également rapportées dans les données publiées.

Nouvelles techniques

Barbed knotless suture

Albanese et coll. ont décrit l’utilisation de “barbed knotless suture” à la place des sutures plus conventionnelles(1) [1]. Celle-ci est composée d’un copolymère d’acide glycolique et de carbonate de triméthylène disponible sur une aiguille semi-circulaire de 37 mm et d’un diamètre métrique 0 (photo 6). Ce type de fil ressemble à un fil de fer barbelé et présente des encoches sur toute sa longueur. Il permet ainsi de réaliser une ligne de suture sans placer de nœud ni au début ni à la fin et de réduire le temps de l’intervention, et offre un apprentissage plus rapide par rapport aux techniques habituelles de suture sous laparoscopie. De plus, ce type de matériel fournit plusieurs points d’ancrage lors de la fermeture de plaies ou de l’apposition de tissus, permettant ainsi une meilleure distribution des forces de tension sur toute la ligne de suture. Il serait donc moins susceptible de se détendre à la suite d’un relâchement des nœuds (non réalisés avec ce type de suture). Ces sutures permettent également d’augmenter la surface d’adhésion entre les tissus, facilitant la cicatrisation.

Prothèse

L’utilisation de prothèse pour la fermeture de l’espace néphrosplénique a été développée avec l’objectif de créer un mécanisme de formation d’adhérences qui éliminerait le risque de fermeture incomplète de l’espace, comme il a été rapporté dans un cas de suture par la technique classique [2, 4, 6]. Elle permet également une fermeture de l’espace sans application de forces excessives. Cette fermeture se fait par dépôt de tissus fibreux autour de la prothèse, permettant son incorporation aux tissus environnants. La contraction des tissus qui suit entraîne un mouvement axial des bords dorsaux de la rate qui viennent ainsi en contact avec le fascia périrénal.

Cette technique nécessitant un certain temps pour que l’espace se contracte et se ferme, des récidives d’accrochement ou des adhésions de l’intestin au site chirurgical sont possibles dans la période postopératoire. La prothèse est placée sur la surface dorsale de la rate, et ancrée à la rate et au fascia périrénal à l’aide de petits ressorts hélicoïdaux en titane, toujours sous contrôle laparoscopique.

Sutures endoscopiques (Endo Stich®)

Dans une étude récente de Bracamonte et coll., une suture 0 faite d’un copolymère de glycolide et de lactide (120 cm de long, Polysorb Endo Stich® disposable loading unit, Covidien) équipée d’une aiguille droite de 9 mm et montée sur un système de suture endoscopique articulé de 10 mm (Sils® Stitch 10 mm, Covidien) est utilisée afin de simplifier la fermeture de l’espace néphrosplénique sous laparoscopie [3]. Plusieurs complications dont le bris répété de l’aiguille et la déchirure des tissus le long de la ligne de suture ont été notées pendant la procédure, jugée peu fiable pour la fermeture de l’espace néphrosplénique à ce stade.

Pronostic

Dans un article récent de Nelson et coll., les fréquences de la réapparition des signes de coliques chez les chevaux ayant ou non subi une fermeture de l’espace néphrosplénique sous laparoscopie sont comparées [10]. Dans cet article, 211 chevaux ayant présenté un total de 231 épisodes d’accrochement néphrosplénique ont été inclus. Parmi les 29 chevaux ayant subi une fermeture de l’espace néphrosplénique avec un suivi post­opératoire supérieur ou égal à 1 an, 62 % n’ont plus présenté de signes de coliques, 35 % ont eu de rares épisodes de coliques et 3 % des épisodes de coliques répétés. En comparaison, 88 chevaux n’ont pas subi de fermeture de l’espace et pour ces cas, 50 % n’ont plus présenté de signes de coliques, 48 % ont eu de rares épisodes de coliques et 2 % de nombreux épisodes de coliques sur un suivi d’au moins 1 an depuis la sortie de l’hôpital. Ainsi, d’après cet article, les chevaux ayant subi une fermeture laparoscopique de l’espace néphrosplénique présentent un nombre réduit d’épisodes de coliques comparés aux chevaux n’ayant pas eu d’intervention chirurgicale.

Conclusion

La fermeture de l’espace néphrosplénique sous laparoscopie est une méthode efficace pour prévenir les accrochements néphrospléniques. Les inconvénients de l’intervention chirurgicale résident dans la nécessité d’un matériel spécialisé et d’une technicité particulière engendrant un certain coût. En revanche, cette technique ne requiert pas d’anesthésie générale ni de réhabilitation prolongée, tout en étant plus cosmétique que les autres techniques plus invasives. Cependant, il convient de rappeler aux propriétaires qu’elle permet de prévenir seulement les accrochements néphrospléniques et non pas les déplacements à gauche ni les volvulus du côlon.

  • 1. Albanese V, Hanson RR, McMaster MA et coll. Use of a barbed knotless suture for laparoscopic ablation of the nephrosplenic space in 8 horses. Vet. Surg. 2016;45(6):824-830.
  • 2. Barrell EA, Kamm JL, Hendrickson DA. Recurrence of renosplenic entrapment after renosplenic space abalation in a 7 year old stallion. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2011;239:504-507.
  • 3. Bracamonte JL, Duke-Novakovski T. A pilot study evaluating laparoscopic closure of the nephrosplenic space using an endoscopic suturing device in standing horses. Can. Vet. J. 2016;57(6):651-654.
  • 4. Burke MJ, Parente EJ. Prosthetic mesh for obliteration of the nephrosplenic space in horses: 26 clinical cases. Vet. Surg. 2016;45(2):201-207.
  • 5. Driscoll N, Baia P, Fischer AT et coll. Large colon resection and anastomosis in horses: 52 clinical cases (1996-2006). Equine Vet. J. 2008;40:342-347.
  • 6. Epstein KL, Parente EJ. Laparoscopic obliteration of the nephrosplenic space using polypropylene mesh in five horses. Vet. Surg. 2006;35(5):431-437.
  • 7. Farstvedt E, Hendrickson D. Laparoscopic closure of the nephrosplenic space for prevention of recurrent nephrosplenic entrapment of the ascending colon. Vet. Surg. 2005;34(6):642-645.
  • 8. Hance SR, Embertson RM. Colopexy in broodmares: 44 cases 51986-1990). J. Am. Vet. Med. Assoc. 1992;201:783-787.
  • 9. Marien T, Adriaenssen A, Hoeck FV et coll. Laparoscopic closure of the renosplenci space in standing horses. Vet. Surg. 2001;30:559-563.
  • 10. Nelson BB, Ruple-Czerniak AA, Hendrickson DA, Hackett ES. Laparoscopic closure of the nephrosplenic space in horses with nephrosplenic colonic entrapment: factors associated with survival and colic recurrence. Vet. Surg. 2016;45(S1):O60-O69.
  • 11. Röcken M, Schubert C, Mosel G, Litzke LF. Indications, surgical technique, and long-term experience with laparoscopic closure of the nephrosplenic space in standing horses. Vet. Surg. 2005;34(6):637-641.

CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN

Éléments à retenir

→ Les chevaux ayant subi une fermeture sous laparoscopie de l’espace néphrosplénique présentent un nombre réduit d’épisodes de coliques comparés à ceux n’ayant pas subi de fermeture chirurgicale.

→ La fermeture de l’espace néphrosplénique ne prévient en aucun cas les autres types de déplacement ou les volvulus du côlon.

→ L’utilisation de “barbed knotless suture” permet de réaliser une ligne de suture sans placer de nœuds.

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