Le sondage nasogastrique - Pratique Vétérinaire Equine n° 192 du 01/10/2016
Pratique Vétérinaire Equine n° 192 du 01/10/2016

GASTRO-ENTÉROLOGIE

Cahier pratique

Fiche pratique

Auteur(s) : Carlos Abs al-Osta*, Xavier Peyrecave Capo**, Jean-Luc Cadoré***

Fonctions :
*Département hippique
(Equine Department),
Université de Lyon,
VetAgro Sup, Campus vétérinaire,
1, avenue Bourgelat,
69280 Marcy-L’Étoile

Indications

Le sondage nasogastrique est une procédure essentielle à effectuer en cas de distension de l’estomac. Cette méthode aide à déceler la présence d’un reflux qui est un paramètre important dans la démarche clinique, notamment lors de coliques [9]. Elle permet aussi d’administrer des traitements directement dans l’estomac. C’est donc une technique à la fois thérapeutique et diagnostique qui doit être mise en œuvre chez tous les animaux qui présentent des douleurs abdominales [9]. Dans les cas de surcharge gastrique, situation fréquente chez le cheval en coliques, la sonde nasogastrique (SNG) est utilisée pour décomprimer l’estomac et éliminer le contenu alimentaire : le lavage réalisé diminue la douleur viscérale associée à la distension gastrique [3, 4]. De plus, cette procédure permet de prévenir une rupture spontanée fatale de l’estomac [9]. Le sondage nasogastrique est utilisé également pour administrer des laxatifs (solutions isotoniques, huile de paraffine, sulfate de magnésium, etc.), des médicaments (sulfate de quinidine, charbon actif, etc.) ou des aliments réhydratés sous forme de pâte liquide. Les chevaux souffrant d’une obstruction œsophagienne peuvent aussi bénéficier de cet acte qui permet de dégager le bouchon en envoyant de l’eau en amont de celui-ci, avec un succès dans 90 % des cas [7]. Lorsqu’une distension gastrique extrême se manifeste par une douleur sévère, une fréquence cardiaque très élevée et/ou une détresse respiratoire aiguë, le sondage nasogastrique est à réaliser en urgence, avant même de commencer l’examen clinique du cheval [4]. Lors du transport d’un cheval en coliques vers un centre de référence, une sonde gastrique doit impérativement être mise en place [3].

Procédure

Dans l’idéal, il convient que deux ou trois sondes de diamètres différents soient disponibles afin de sélectionner celle qui est la plus adaptée à l’animal (encadré et photo 1). La SNG doit être mouillée ou lubrifiée pour minimiser l’effet traumatique. Les sondes qui présentent plusieurs ouvertures sur le côté de l’extrémité distale sont les plus pratiques à utiliser. Les sondes transparentes permettent de visualiser le passage du contenu gastrique [11].

Le cheval est placé dans une barre d’examen ou positionné en diagonale dans un coin du box, avec l’arrière-main contre les murs, afin de limiter ses mouvements latéraux et vers l’arrière [11].

Lors de la réalisation d’un sondage nasogastrique, une personne au moins doit aider à la contention du cheval en lui bloquant la tête. Une attention toute particulière est requise car l’animal peut réagir violemment en levant les membres antérieurs. En plaçant un doigt à l’entrée de la cavité nasale, la palpation du méat ventral indique le site à partir duquel avancer la sonde. L’extrémité distale de celle-ci est introduite en gardant un doigt appuyé dessus et en exerçant une pression en direction ventrale et médiale (photo 2). Le passage par le méat moyen dirigerait la sonde directement vers l’ethmoïde, qui est très vascularisé, ce qui pourrait déclencher une hémorragie abondante [11].

La sonde est ensuite avancée jusqu’au pharynx. Son passage dans le nez est la partie la plus désagréable pour l’animal. Une fois dans le naso-pharynx, elle peut être dirigée vers trois structures : l’œsophage, la trachée ou le récessus dorsal du pharynx. Pour éviter la trachée, une flexion de l’articulation atlanto-occipitale doit être induite. Si la sonde se trouve face au sphincter proximal de l’œsophage, une légère résistance est notée. Avec de petits mouvements de va-et-vient, parfois en tournant la sonde sur son axe longitudinale et en soufflant de l’air, la déglutition est stimulée.

L’opérateur doit alors avancer le tube pour qu’il entre dans l’œsophage. La légère résistance ressentie peut se résoudre en soufflant à travers la sonde. Si celle-ci avance sans résistance, il est possible qu’elle se trouve dans la trachée. Dès que la trachée est atteinte, des épisodes de toux sont généralement constatés. Au moindre doute, la sonde doit être retirée jusqu’au pharynx et, après repositionnement de la tête du cheval, elle est dirigée vers l’œsophage. De plus, le tuyau peut être remarqué lors de son passage par l’œsophage cervical, sur le côté gauche de l’animal [11].

Le passage du cardia est parfois difficile. Des anesthésiques locaux peuvent être administrés afin de diminuer sa résistance. Une fois la sonde dans l’estomac, l’air présent peut sortir sous pression. Une odeur caractéristique, parfois désagréable, est normalement constatée.

Si de l’air est soufflé dans le tube, un bruit de bouillonnement peut s’entendre [11].

Si le contenu gastrique est liquide et abondant, il ressort rapidement par la sonde. Du gaz comprimé dans l’estomac peut aussi être dégagé en quantité importante. Dans la plupart des cas, un effet de siphonnage doit être créé pour retirer la partie liquidienne du contenu gastrique. Il suffit de faire passer une petite quantité d’eau tiède (1 à 2 l) et immédiatement après d’abaisser la sonde et de laisser venir le contenu (photo 3). Plusieurs essais sont parfois nécessaires. La position de la sonde dans l’estomac est essentielle pour réussir à en évacuer le contenu. Si ce dernier ne sort pas, le tube peut être avancé pour que son extrémité se retrouve dans une position ventrale dans l’estomac. Une fois que l’emplacement adéquat est trouvé, il est recommandé de fixer le tuyau au licol [11].

Si l’odeur caractéristique n’est pas sentie à l’entrée de la sonde dans l’estomac, cette dernière n’est probablement pas bien positionnée. La récupération du contenu gastrique est alors décisive [11].

Une fois que la plus grande partie du contenu liquidien est évacuée, un lavage d’estomac est nécessaire si une surcharge alimentaire est suspectée ou que des traitements par la sonde doivent être administrés. Le lavage gastrique consiste en l’introduction de quantités modérées d’eau tiède (2 à 4 l) dans l’estomac et en son retrait avec du contenu alimentaire en suspension. Cette procédure est répétée jusqu’à ce que le liquide ne présente plus que quelques particules de nourriture. Des quantités d’eau proches de 100 l sont parfois nécessaires. Ce contenu doit être recueilli dans un seau séparé afin que le volume puisse être mesuré et qu’un échantillon soit disponible pour l’analyse. Une fois le lavage gastrique réalisé, des traitements peuvent être administrés [11, 12].

L’expression “reflux gastrique” est utilisée pour décrire la surproduction ou l’accumulation excessive de sécrétions gastriques et/ou intestinales dans l’estomac. Dans la mesure du possible, le tube doit rester en place au moins 1 à 2 heures, afin de surveiller la présence éventuelle d’un reflux gastrique. Si c’est le cas, des décompressions gastriques (vidanges) sont réalisées régulièrement, toutes les 2 heures environ, pour prévenir une nouvelle distension et une rupture potentielle. La présence d’un corps étranger, comme la sonde, favorise cette accumulation, et l’obtention de 1 à 2 l de sécrétions gastriques par heure est donc considérée comme normale [2, 8]. Lorsque des quantités plus élevées de liquide sont récupérées, aucun traitement ne doit être administré [12].

Lors du retrait du tube, une occlusion est pratiquée avec le pouce sur son extrémité proximale ou en repliant la sonde, afin d’éviter que le contenu gastrique ne se répande dans le pharynx et éventuellement dans la trachée. Souffler dans la sonde peut être utile pour s’assurer qu’elle est vide avant de l’enlever. Une légère traction est alors appliquée dans une direction parallèle au nez [11].

L’évaluation du reflux gastrique est très utile dans la démarche clinique d’un cas de coliques. Il convient d’en apprécier l’odeur, la couleur, la consistance, la composition et la quantité [6] (tableau).

Le contenu gastrique d’un cheval peut être dangereux. En plus d’être un résidu biologique, il contient parfois des quantités importantes d’agents pathogènes comme Salmonella spp. ou Clostridium spp. Pour cette raison, toute manipulation de la sonde et du reflux doit être réalisée avec précaution, en évitant d’aspirer directement dans le tube nasogastrique [9].

Complications

Les complications lors d’un sondage nasogastrique ne sont pas rares. La plupart d’entre elles n’entraînent pas de séquelles, mais obligent le vétérinaire à réagir rapidement [9]. De plus, elles peuvent être très désagréables pour le propriétaire du cheval.

1. Hémorragie

L’hémorragie est la complication la plus fréquente. Prévenir le propriétaire d’une possible épistaxis abondante lors de cette procédure est toujours conseillé. Dans la plupart des cas, elle est due à un déplacement de la sonde vers le méat nasal moyen, laquelle vient alors toucher les volutes ethmoïdales. Ces structures osseuses, très délicates, sont extrêmement vascularisées et un simple contact peut provoquer un saignement très important. Si l’épistaxis dure plus de 10 à 15 minutes, une aspersion de 10 mg de phényléphrine dans 10 ml de solution saline stérile à l’aide d’un cathéter nasal peut être tentée. Un tube de petit diamètre est moins traumatisant dans certains cas. Lors d’épistaxis sévère, une transfusion sanguine est à envisager [9].

2. Fausse route accidentelle

Si le tube a été accidentellement placé dans la trachée, l’administration de grands volumes de liquide ou de médicaments peut être fatale au cheval. Il est donc très important de vérifier son emplacement avant toute manœuvre. Si le cheval survit dans un premier temps, l’apparition d’une pleuropneumonie par fausse déglutition est très probable. Des antibiotiques à large spectre et des anti-inflammatoires doivent être administrés immédiatement, le pronostic n’en restant pas moins très réservé [9].

3. Autres complications

D’autres complications plus rares sont possibles, comme des sinusites [10], des fragmentations du tube nasogastrique, des perforations pharyngées, des ulcérations œsophagiennes, des ruptures gastriques, des lésions laryngées et trachéales (par exemple, un œdème du larynx, des perforations trachéales) et une perforation des poches gutturales [1, 5].

  • 1. Cribb NC, Kenney DG, Reid-Burke R. Removal of a nasogastric tube fragment from the stomach of a standing horse, case report. Can. Vet. J. 2012;53:83-85.
  • 2. Cruz AM, Li R, Kenney DG, Monteith G. Effects of indwelling nasogastric intubation on gastric emptying of a liquid marker in horses. Am. J. Vet. Res. 2006;67(7):1100-1104.
  • 3. Edwards B. Diagnosis and pathophysiology of intestinal obstruction. In: Equine gastroenterology courtesy of the University of Liverpool. 2009:8-9.
  • 4. Fehr J. Practical guide to equine colic. Southwood PL, ed. Wiley-Blackwell, New York. 2012:38-44.
  • 5. Gillen A, Cuming R, Schumacher J et coll. Guttural pouch perforation caused during nasogastric intubation, case report. Equine Vet. Educ. 2015;27(8):398-402.
  • 6. Gluntz X. Référer un cheval en coliques : quelles sont les questions à se poser ? Soc. Vét. Prat. France. 2008;92(4):151-163.
  • 7. Hawkins JF. Esophageal obstruction in large animals (Choke). The Merck veterinary manual. Merck Sharp & Dohme Corp., a subsidiary of Merck & Co., Inc., Kenilworth, N.J., U.S.A. December 2013 : 1574 p.
  • 8. Lammers TW, Roussel AJ, Boothe DM et coll. Effect of an indwelling nasogastric tube on gastric emptying rates of liquids in horses. Am. J. Vet. Res. 2005;66(4):642-645.
  • 9. Meuller E, Moore JN. Classification and pathophysiology of colic, gastrointestinal emergencies and other causes of colic. In: Orsini JA, Divers TJ, eds. Equine emergencies - Treatments and procedures. 3 rd ed. Saunders Elsevier, Philadelphia, USA. 2008:101-102.
  • 10. Nieto JE, Yamout S, Dechant JE. Sinusitis associated with nasogastric intubation in 3 horses. Can. Vet. J. 2014;55:554-558.
  • 11. Rose RJ, Hodgson DR. Examination of the alimentary tract. In: Manual of equine practice. 2 nd ed. Saunders Elsevier, Philadelphia, USA. 2000:283-285.
  • 12. Sing ER. Gastric reflux: what does it mean? Equine Vet. Educ. 1998;10(4):191-197.

CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN

ENCADRÉ : MATÉRIEL

• Une sonde nasogastrique en polychlorure de vinyle plastifié (PVC) (pour des sondages de courte durée, jusqu’à 4 jours), en polyuréthane ou en silicone (pour des sondages de longue durée, plus de 30 jours). Le diamètre de la sonde doit être le plus grand possible pour faciliter l’évacuation du contenu gastrique (pour un cheval adulte d’environ 500 kg, les diamètres extérieurs standards varient de 1,5 à 2 cm ).

• Du lubrifiant ou de l’eau tiède, à appliquer au bout de la sonde afin de diminuer son effet érosif lors du passage dans la cavité nasale.

• Un seau à moitié rempli d’eau chaude (au moins 5 l ) et un seau vide pour le lavage de l’estomac.

• Une pompe et/ou un entonnoir pour introduire de l’eau dans la sonde.

• Des systèmes de contention : un tord-nez et/ou des sédatifs.

• Des anesthésiques locaux afin de désensibiliser la partie la plus rostrale de la cavité nasale et de faciliter le passage du cardia, en spray ou liquides, à appliquer à l’aide d’une seringue ou par la sonde (lidocaïne ou mépivacaïne).

• Du matériel pour fixer la sonde au licol (sparadrap ou bande de gaze), de façon qu’elle soit maintenue contre les narines, un bouchon (par exemple l’embole d’une seringue, à la condition que les parties plastiques détachables soient enlevées), pour prévenir la sortie spontanée de contenu gastrique, et un panier pour protéger et éviter la consommation d’aliments et d’eau [11].

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