Le lymphome équin : définitions, épidémiologie, étiopathogénie, pronostic et traitement - Pratique Vétérinaire Equine n° 192 du 01/10/2016
Pratique Vétérinaire Equine n° 192 du 01/10/2016

Cancérologie

Dossier

Le lymphome équin

Auteur(s) : Alexandre Louis

Fonctions : Vétérinaire remplaçant

Le lymphome se manifeste sous différentes formes chez le cheval. Plusieurs traitements palliatifs peuvent être proposés selon le stade clinique et la localisation de la tumeur.

Le lymphome est un processus tumoral touchant le système lymphatique au travers des lymphocytes de différentes lignées, par opposition à la leucémie qui affecte les lymphocytes dans la moelle osseuse. Toutefois, il existe des lymphomes leucémiques, dans lesquels les lymphocytes tumoraux se retrouvent dans la moelle osseuse. Le lymphome est relativement rare chez le cheval (0,002 à 0,5 % des équidés), mais il représente le processus tumoral hématopoïétique le plus fréquent dans l’espèce équine [21]. Par le passé, le lymphome était appelé “lymphosarcome”, mais ce terme a été abandonné par les oncologues puisqu’il n’existe aucune forme bénigne de cette affection.

Cet article présente différents aspects de cette tumeur, tels que les classifications, l’épidémiologie, l’étiopathogénie, le traitement et le pronostic. La symptomatologie, les examens complémentaires et l’établissement du diagnostic sont abordés dans un autre article(1).

Définitions et classifications

Le lymphome se présente sous quatre formes anatomiques (cutanée, médiastinale, intestinale et multicentrique), qui se ressemblent dans leur clinique et leur pathogénie. Les formes multicentrique et cutanée sont les plus fréquentes [20, 26]. La forme multicentrique touche en général la cavité thoracique, le foie, la rate, le système nerveux central ou la sphère oculaire, plus rarement les glandes parotides, la gencive mandibulaire, le prépuce, le canal pelvien ou les ovaires [11].

Certains auteurs ne différencient pas la forme médiastinale (ou thoracique) de la forme multi­centrique dans la mesure où la plupart des cas de lymphome thoracique présentent des tumeurs abdominales (photos 1 et 2) [11].

Le lymphome cutané est soit épithéliotrope, soit non épithéliotrope, et se présente sous une forme isolée, cutanée riche en histiocytes ou multicentrique (photo 3) [10].

Le lymphome cutané est habituellement originaire de la lignée des lymphocytes B, et peut toucher ou non les organes internes. Chez l’homme, le chien et le cheval, un lymphome cutané originaire de la lignée des lymphocytes T-helpers est décrit sous la dénomination de “mycosis fongoïde”. Dans une forme de ce mycosis fongoïde, des lymphocytes T circulants malins possèdent un noyau cérébriforme caractéristique et sont appelés “cellules de Sézary”, d’où le nom de “syndrome de Sézary” donné à ce type de lymphome. Dans ce cas, le mycosis fongoïde évolue vers une leucémie lymphoïde chronique. En 1999, un cas de lymphome cutané à lymphocytes B associé à des cellules de Sézary a été décrit chez un cheval [16].

Il existe aussi des lymphomes extraganglionnaires qui se caractérisent par des tumeurs solitaires extranodales, dans des organes autres que les nœuds lymphatiques. Ces tumeurs peuvent se retrouver dans la langue, la vessie, les membres et les ovaires, mais semblent être nettement moins fréquentes que la forme multicentrique [13].

Chez le cheval, les leucémies lymphoïdes sont rares. Elles sont primaires ou secondaires à un lymphome. La différenciation entre les deux présentations est parfois difficile. Elle est fondée sur l’identification du tissu contenant la plus grande masse de cellules tumorales (moelle osseuse ou organe périphérique). Ces leucémies se rencontrent principalement chez le cheval âgé (avec une possible prédisposition chez le mâle), avec les cellules T pour origine majoritairement [11].

Différentes classifications existent pour les lymphomes. La classification de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) les distingue selon qu’ils sont issus des lymphocytes T, des lymphocytes B ou, plus rarement, des natural killers (NK) (tableau 1) [1, 11].

Les lymphomes équins sont classés par immuno­phénotypage en lymphomes à cellules B, à cellules T, à cellules B riches en cellules T et, rarement, en NK. L’immunophénotypage est une technique qui permet de différencier des sous-types cellulaires au sein d’une population hétérogène de cellules, grâce à des anticorps spécifiques. Cette méthode permet également de distinguer les affections lymphoprolifératives des maladies myéloprolifératives. Les cellules tumorales sont classées selon la taille de leur noyau (petite cellule si le noyau est inférieur ou égal à une fois et demie le diamètre érythrocytaire, grande cellule si le noyau est supérieur ou égal à deux fois le diamètre érythrocytaire). Le lymphome peut alors être classé en lymphome à petites ou à grandes cellules respectivement selon que les cellules tumorales (petites ou grandes) correspondent à 60 % ou plus de la population cellulaire tumorale. Si les proportions sont à peu près égales, le lymphome est dit à cellules mixtes [11]. Le lymphome peut aussi être classifié comme diffus si tous les foyers tumoraux sont dépourvus de structures folliculaires [9].

Une étude de 2013 a étudié 203 cas de lymphomes équins et les a classés selon les critères de l’OMS. Il en ressort que les formes les plus fréquentes sont le lymphome à grandes cellules B riche en cellules T (LGCBRCT, 43 %), le lymphome à cellules T périphérique (LCTP, 22 %) et le lymphome diffus à grandes cellules B (LDGCB, 12,5 %) (tableau 2). Les formes les plus fréquentes sont, pour la forme multicentrique, le LGCBRCT (34 %), le LCTP (31 %) et le LDGCB (13 %), pour la forme cutanée, le LGCBRCT (71 %) et le lymphome cutané à cellules T (LCCT, 16 %), et, pour la forme intestinale, le LGCBRCT (30 %), le LCTP (21 %) et le lymphome entérique associé à des cellules T (LECT, 25 %). Les formes les plus malignes, donc associées à un haut taux de mitoses, sont le lymphome lymphoblastique et le LDGCB [4]. Le lymphome lymphoblastique touche les lymphoblastes (lymphocytes B ou T immatures), et se différencie de la leucémie lymphoblastique par une atteinte ganglionnaire et un faible nombre de lymphoblastes dans la moelle osseuse et le sang.

Dans le LGCBRCT, les cellules T sont non néoplasiques en raison de leur apparence normale, de leur faible réponse aux marqueurs de prolifération et de leur faible index mitotique [9, 11].

En médecine humaine, un lymphome est classé selon qu’il soit non hodgkinien ou hodgkinien, par la présence dans ce dernier cas de figure de cellules de Reed-Sternberg (dérivées des lymphocytes B) à l’analyse histologique. La plupart des lymphomes identifiés chez les animaux domestiques sont non hodgkiniens [21].

Épidémiologie

Il n’existerait pas de prédilection de sexe ni de race dans cette affection, même si une étude de 2013 suggère que les quater horses déclarent plus de formes multicentriques, tandis que les trotteurs présentent davantage de formes intestinales que les autres races et peu de formes cutanées [4, 11]. L’âge typique du début des symptômes se situe entre 5 et 10 ans, mais le lymphome peut toucher les chevaux de la naissance à 30 ans. L’incidence n’est pas connue : les chiffres varient selon les auteurs. Cependant, le lymphome représenterait 0,002 à 5 % de toutes les tumeurs chez le cheval et toucherait 0,002 à 0,5 % des équidés [11, 15, 21]. D’après une étude américaine de 2006, le lymphome cutané représenterait 2,1 % des tumeurs cutanées [23].

Dans la forme purement cutanée, aucune prédisposition d’âge, de race, de couleur de peau, ni de robe n’est mise en évidence, mais les femelles en souffriraient davantage [10, 11, 17]. D’après une étude nord-américaine de 2015 sur 88 cas, les pur-sang déclarent plus de LCCT que d’autres races, même s’ils présentent davantage de LGCBRCT (que de LCCT) comme les autres races, et les quater horses sont atteints exclusivement de LGCBRCT [14]. D’après cette dernière étude, le LGCBRCT a tendance à s’étendre sur le corps (l’ensemble tête-cou, le corps et les membres) et à induire des lésions plus larges en diamètre, contrairement au LCCT [14]. Il est plus fréquent de trouver un lymphome cutané avec des métastases internes qu’un lymphome cutané isolé. Le lymphome épithéliotrope (mycosis fongoïde) est extrêmement rare. Les nodules tumoraux touchent souvent la moitié ventrale du corps, surtout les épaules, le poitrail, le thorax, les flancs, les hanches, les cuisses, les régions inguinales, la tête, le cou et le périnée [11].

Dans les formes digestives, les jeunes chevaux (de moins de 10 ans) présenteraient plus d’atteintes plurisegmentaires et les vieux chevaux, des lésions focales. La portion proximale de l’intestin grêle semble être la plus fréquemment touchée [11].

L’âge moyen des chevaux atteints par la forme thoracique est de 10 à 12 ans, avec une possibilité de prédisposition des mâles [11].

Les formes multicentriques sont plus fréquentes que les tumeurs isolées. Dans les formes multicentriques, les principaux organes touchés par ordre décroissant de fréquence sont les nœuds lymphatiques, le foie, la rate, les intestins, les reins, les poumons et la moelle osseuse, puis viennent les voies respiratoires supérieures, le système nerveux central, le cœur et l’espace rétrobulbaire. Dans les formes isolées, ce sont la langue, la vessie, les membres et les ovaires qui sont le plus souvent atteints [13, 15].

Il existe une variation géographique de la répartition des grades des lymphomes chez l’homme, mais cela n’a pas pu être démontré chez le cheval. Ce fait est probablement dû à un manque de données épidémiologiques concernant le lymphome équin, qui est largement sous-diagnostiqué [9]. Dans l’étude de 2015 sur 88 cas, aucune différence quant au type de lymphomes cutanés n’a été notée entre plusieurs régions d’Amérique du Nord [14].

Étiopathogénie

Dans un tissu, pour lui assurer une fonction normale, les cellules doivent se multiplier, se réparer et se renouveler, sous le contrôle d’un équilibre entre prolifération, différenciation et mort cellulaire (encadré). Mais si des anomalies échappent aux points de contrôle, une cellule anormale est produite, qui peut aboutir au développement d’un processus tumoral [11].

Il a été démontré que la carcinogenèse dépend à la fois de l’activation de proto-oncogènes (gènes stimulant la prolifération cellulaire) et de la désactivation de gènes suppresseurs de tumeurs (gènes contrôlant la prolifération cellulaire), et que ces deux événements étaient requis pour qu’une tumeur apparaisse. Les facteurs carcinogènes peuvent agir au niveau de la cellule ou à celui du génome. Les carcinogènes sont classés en génotoxiques (qui causent directement des dommages irréversibles de l’ADN) et en non génotoxiques (qui altèrent les voies d’expression de l’ADN, en stimulant la division et une croissance cellulaire anormale). Ils peuvent être classés aussi selon leur nature : les agents chimiques (cisplatine, sulfate de diméthyle, griséofulvine, insecticides, fongicides, etc.), les rayonnements (rayons ultraviolets, rayons X, rayons γ, par exemple) et les agents infectieux (papillomavirus, Habronema spp., Draschia spp., etc.) [11].

Il a été suggéré que les rétrovirus participent au développement des lymphomes chez le cheval, mais cela n’a jamais pu être démontré expérimentalement. La rapidité d’évolution du processus est très variable, de quelques semaines à des années, dépendant du site atteint et du type de cellule lymphoïde concerné [11]. Chez l’homme, des γ-herpèsvirus (comme le virus d’Epstein-Barr) ont été associés au développement de processus lymphoprolifératifs malins ou non. Il a été prouvé que l’herpèsvirus équin (EHV)-5 (γ-herpèsvirus) était associé au développement de la fibrose pulmonaire multinodulaire équine. Ce virus est statistiquement nettement plus fréquent chez les chevaux atteints de lymphome que chez les individus sains. Un rôle du EHV-5 est donc suspecté dans la pathogénie du lymphome (ou de certains lymphomes), d’autant plus qu’un traitement antiviral (à base d’aciclovir) aurait induit une rémission d’un lymphome périphérique positif au EHV-5 [24].

Chez le cheval, il a été suspecté que des processus inflammatoires prédisposeraient au développement d’une forme digestive de lymphome [11].

Pronostic

Une classification des tumeurs a été établie selon des grades, qui permettent de caractériser les comportements clinique et pathologique d’un processus tumoral, donc d’orienter vers un pronostic (tableau 3) [11]. Cette classification prend en compte le grade histopronostique qui est établi selon les anomalies nucléaires et cytoplasmiques, la différenciation cellulaire et le nombre de mitoses. Ce grade est couramment utilisé pour caractériser un processus tumoral comme un carcinome, mais peu employé par les histopathologistes lors de lymphome car il est peu approprié aux cellules rondes, dont les leucocytes.

Un pronostic peut être catégorisé en bon, réservé, mauvais ou sombre. Dans l’étude de 1998, la majorité des lymphomes était de haut grade et présentait un taux de mitoses significatif. Chez l’homme, un haut taux de prolifération tumorale est de mauvais pronostic vital. Chez le chien, lors de lymphome, un haut taux de prolifération cellulaire et un haut grade sont associés à un mauvais pronostic. Chez le cheval, cette information n’est pas disponible [9].

Chez l’homme, une corrélation entre la concentration en lactates intratumoraux et le risque de métastases éloignées précoces a été évoquée. De faibles concentrations étaient associées à un meilleur taux de survie, et inversement. Cette concentration en lactates pourrait donc servir d’indicateur pronostique et améliorer la prise en charge de certaines néoplasies [25].

Dans une étude de 2006, le délai moyen entre l’apparition des symptômes et la mort du cheval (euthanasie ou mort) lors de lymphome intestinal est de 1,7 mois. Sur les 19 cas, 65 % présentent une atteinte des nœuds lymphatiques régionaux (mésentériques, hépatiques, spléniques, inguinaux et iliaques), 76 % des métastases distantes et 9 % une atteinte pulmonaire [22].

Dans une étude de 1991, le délai moyen entre l’apparition des symptômes et l’euthanasie lors de lymphome thoracique est de 4 semaines [12].

Le lymphome cutané est considéré comme relativement non agressif, avec un pronostic de survie de 5 mois à 11 ans. Le pronostic est réservé et dépend de l’efficacité du traitement [10, 11]. Dans l’étude de Miller et coll. sur des lymphomes cutanés, il a été démontré le meilleur pronostic des LGCBRCT après exérèse chirurgicale : 56 % (9 chevaux sur 16) des LGCBRCT n’ont pas récidivé après ablation, alors que 100 % (3 chevaux sur 3) des LCCT ont rechuté [14]. Le mycosis fongoïde présenterait le meilleur pronostic parmi les lymphomes cutanés, même si la présence d’une dermatite eczémateuse et ulcérative le réduirait [10].

Traitement

Il est important de rappeler au propriétaire de l’animal que tout traitement proposé est palliatif et non curatif [21].

Différents traitements peuvent être proposés : l’exérèse chirurgicale, la radiothérapie et la chimiothérapie. Mais, auparavant, il est préférable de classer les tumeurs selon des stades cliniques, qui permettent de caractériser l’extension du processus dans l’organisme. Il convient de connaître ce stade pour évaluer le pronostic, proposer le meilleur traitement et suivre les éventuels effets secondaires de ce dernier. Deux classifications existent en médecine humaine : le système TNM (taille de la tumeur, implication des nœuds lymphatiques régionaux, présence de métastases) et la classification d’Ann Arbor. Elles sont relativement peu utilisées en médecine équine car elles sont guère adaptées, probablement en raison de la grande taille des chevaux et de la difficulté de faire des bilans d’extension précis. La classification d’Ann Arbor a été établie pour le lymphome humain, principalement fondée sur la localisation du processus tumoral. Des nuances ont été ajoutées à cette classification par des lettres additionnelles pour décrire des circonstances particulières (par exemple, stade IIIS = atteinte des deux côtés du diaphragme, incluant un organe ou une aire périganglionnaire et la rate) (tableau 4) [1, 11, 21].

L’utilisation de la radiothérapie chez le cheval dépend de la localisation et du volume du lymphome. Il existe deux techniques de radiothérapie pour cette espèce : la brachythérapie (ou curiethérapie) et la téléthérapie (ou radio­thérapie externe). La brachythérapie consiste en l’implantation d’une source radioactive étanche (iridium-92, iodine-125, strontium-90) dans les tissus ciblés. La téléthérapie réside en l’exposition d’une région à un rayonnement externe, à une distance de 80 à 100 cm de la source de radiation. Le plus souvent, la téléthérapie est utilisée sur les lymphomes de stade I ou sur les lésions cutanées anatomiquement problématiques (comme le périnée ou les régions articulaires). La dose de radiation est fixée en fonction de la localisation, de la taille et de la profondeur de la tumeur. Cette dose totale est divisée en plusieurs traitements. Les effets secondaires, uniquement locaux, sont une inflammation, une ulcération, voire une nécrose et une lymphadénopathie régionale temporaire [8, 21].

La chimiothérapie consiste en l’administration de substances cytotoxiques qui vont empêcher la multiplication des cellules tumorales en interférant dans la réplication de l’ADN. Elle est associée à une intervention chirurgicale (phase intra-opératoire ou postopératoire) ou utilisée seule. Elle peut être topique, intralésionnelle, locale ou administré par voie générale. Le principe est de détruire le plus possible de cellules tumorales et de réduire les effets locaux et systémiques. Les différentes molécules peuvent être classées selon leur mode d’action ou leur (s) cible (s) (tableau 5). Des protocoles associant différentes molécules sont souvent utilisés en raison de la résistance potentielle de certaines cellules à l’une d’entre elles. Les molécules sont choisies en fonction de la facilité à les administrer, de leur toxicité aux doses recommandées, de leur toxicité croisée et de leur efficacité connue contre le type de tumeur concerné. Les doses sont calculées (en m2) selon la surface corporelle de l’animal : (P2/3 x 10,5)/104, le poids (P) étant exprimé en grammes.

Seule l’efficacité de la combinaison entre le cyclophosphamide, la doxorubicine, la vincristine et la prednisolone a été prouvée lors de lymphome multicentrique (tableau 6) [11, 21].

Dans le cas de lymphome cutané, les seuls traitements performants sont l’exérèse chirurgicale et la radiothérapie [10]. L’efficacité des injections de cisplatine n’a pas été prouvée [10]. La lomustine est un antinéoplasique cytostatique alkylant utilisé dans le traitement de certains cancers canins, y compris le lymphome. Elle a un taux d’efficacité de 83 % (33 % de rémissions totales et 50 % de rémissions partielles) sur les lymphomes cutanés épithéliotropes canins [18]. Son emploi (à la dose de 65 mg/m2 per os, associés à 1 mg/kg de prednisolone per os (PO)) sur un cas de LGCBRCT équin serait efficace et bien toléré [3]. Il est envisageable de proposer différents traitements médicaux : prednisolone à 1 mg/kg PO une fois par jour, PEG-L-asparginase à 10 000 UI/m2 une fois par semaine, petites doses de cyclophosphamide, immunisation vaccinale à base de cellules tumorales autologues infectées par un virus. Les cellules tumorales ont tendance à développer des mécanismes pour échapper à la détection du système immunitaire. Le principe de cette dernière thérapie est donc de réaliser de petites biopsies (par exemple, de la masse cutanée ou d’un nœud lymphatique tumorale), d’infecter les cellules avec un virus pour stimuler le système immunitaire face à celles-ci, de les détruire, puis de les injecter sous forme de vaccin [5, 11, 15]. Dans le cas du mycosis fongoïde, différents protocoles sont proposés (tableau 7) [10].

Dans certains cas de lymphomes cutanés épithéliotropes, les corticoïdes par voie générale ont une efficacité, ce qui peut donner un pronostic à moyen terme assez bon [10].

Dans le cas d’une forme digestive, la résection de la portion de côlon affectée peut prolonger la survie de l’animal de plus de 1 an en l’absence de lésions multifocales et de métastases aux nœuds lymphatiques régionaux [2].

Lors de lymphome thoracique, l’utilisation combinée de cytarabine (agent antinéoplasique), de cyclophosphamide et de prednisolone permet la régression du processus en 10 mois [19].

Le retrait d’une tumeur de la granulosa chez une jument atteinte par un LGCBRCT (présentant de multiples nodules sous-cutanés) a fait disparaître les nodules, mais l’administration de progestagène en phase postopératoire les a fait réapparaître, ce qui suggère un lien entre les hormones sexuelles et le lymphome sous-cutané [6]. Des récepteurs à la progestérone sont présents dans les tissus lymphoïdes néoplasiques (1 à 10 % des cellules tumorales) et sains. L’expression de ces récepteurs est plus fréquente dans les lymphomes à cellules B que dans ceux à cellules T. Une quantification de ces récepteurs sur des tissus lymphoïdes sains et néoplasiques pourrait permettre d’étudier l’utilité de progestagènes ou d’antiprogestagènes dans la gestion du lymphome chez le cheval [7].

Des traitements antiviraux (par exemple, l’aciclovir) pourraient être efficaces dans les lymphomes associés au EHV-5, mais cela reste à prouver [24].

Conclusion

Le lymphome chez le cheval est une affection relativement rare, mais probablement sous-diagnostiquée. Il est le plus souvent mis en évidence chez des chevaux de 5 à 10 ans. Les formes cutanées et multicentriques sont les plus fréquentes. Différentes classifications ont été établies pour caractériser le lymphome et être en mesure de donner un pronostic, qui est très souvent mauvais en raison du diagnostic tardif, donc du haut grade du processus. Des traitements (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie) existent, dont l’efficacité dépend du type de lymphome, de l’étendue du processus, donc du stade, mais ils sont presque exclusivement palliatifs.

  • (1) Voir l’article “Le lymphome équin : symptômes et diagnostic” du même auteur, dans ce numéro.

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CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN

Remerciements

Remerciements au Pr J.-L. Cadoré pour son aide et ses illustrations et au Dr V. Picandet pour ses illustrations.

Éléments à retenir

• Le lymphome peut affecter tous les organes, mais les formes multicentriques et cutanées sont les plus fréquentes.

• Le lymphome touche des chevaux de tous âges, mais plus souvent ceux d’âge moyen.

• Les lymphomes sont classés selon le type de cellules atteintes, la taille des cellules et leur répartition dans le (s) tissu (s) affecté (s)

• Le pronostic vital est très souvent mauvais en raison le plus souvent du diagnostic tardif et du manque d’efficacité des traitements.

• Différents traitements peuvent être proposés suivant le type de lymphome et les tissus atteints : exérèse chirurgicale, chimiothérapie et radiothérapie. L’intérêt de l’hormonothérapie reste à prouver.

ENCADRÉ : RENOUVELLEMENT CELLULAIRE

• Chaque copie cellulaire est une parfaite réplique de la cellule mère. Le développement d’une tumeur est lié à une perturbation dans le cycle de réplication cellulaire.

• Le cycle cellulaire normal comporte quatre phases : la phase G1 (première croissance) où la cellule se prépare à la réplication de l’ADN, la phase S (synthèse) où l’ADN est répliqué, la phase G2 (seconde croissance) où la cellule se prépare à la division cellulaire et la phase M (mitose) où elle se divise. En phases G1, G2 et M, des points de contrôle existent pour vérifier la présence d’anomalies. Si des défauts sont détectés, et qu’ils ne sont pas réparables, la cellule est rendue non fonctionnelle ou son apoptose est induite.

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