Acide hyaluronique : quels usages en orthopédie équine ? - Pratique Vétérinaire Equine n° 192 du 01/10/2016
Pratique Vétérinaire Equine n° 192 du 01/10/2016

ORTHOPÉDIE

Cahier pratique

Fiche pratique

Auteur(s) : Sonia Wittreck

Fonctions : Merial Confluence C2,
2, avenue Pont-Pasteur, 69007 Lyon

Les médicaments couramment utilisés pour minimiser l’arthrose chez les chevaux sont les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), les corticoïdes, les glycoprotéines polysulfatés aminoglycanes (PSGAG), le polysulfate de pentosane sodique (PPS), le N-acétyl-glucosamine (NAG) et l’acide hyaluronique ou hyaluronane (HA). De nouvelles stratégies dont la thérapie anticytokine (IRAP), la thérapie génique, l’utilisation des facteurs de croissance (PRP), la thérapie par les cellules souches et de nouveaux agents lubrifiants, tels que les GAG polysulfatés, le stanozolol et la lubricine, sont actuellement testées, mais il existe encore peu de données issues d’études scientifiques sérieuses randomisées et contrôlées par placebo chez les chevaux [19]. L’HA, utilisé depuis plus de vingt ans, reste un acteur indispensable dans l’arsenal thérapeutique des articulations du cheval.

Propriétés de la molécule

L’HA, découvert en 1934 par Meyer et Palmer dans l’humeur vitré des yeux de bovins, est un polysaccharide (glycosaminoglycane) naturel, de haut poids moléculaire, capable de retenir une quantité d’eau supérieure à mille fois son poids.

Il est présent dans l’organisme chez tous les mammifères et sa structure chimique est la même pour toutes les espèces. Particulièrement abondant dans le derme, dont il est le principal réservoir (la moitié de son poids total), cet extraordinaire agent hydratant est un composant majeur de la matrice extracellulaire du cartilage articulaire. Il se trouve également dans le sang, le cordon ombilical et le liquide synovial.

À l’origine, ce composé était connu sous les termes d’“hyaluronane”, en référence à sa synthèse in vivo, et d’“acide hyaluronique”, en référence à la recherche effectuée in vitro, mais désormais ces appellations sont employées indifféremment.

Structure chimique

L’HA est une macromolécule de la famille des glucosamines. C’est un polymère linéaire relativement rigide, de forme hélicoïdale, composé d’une chaîne de disaccharides, constitués chacun de deux sucres, le N-acétyl-glucosamine et l’acide D-glucuronique (figure). Selon la longueur de cette chaîne, son poids moléculaire peut varier de 105 à 107 Da.

L’HA possède deux pôles, l’un hydrophile et l’autre hydrophobe, qui lui permettent, en fonction des propriétés physico-chimiques du milieu, de constituer des amas capables de retenir de petites molécules telles que les facteurs de croissance.

Au sein des articulations du cheval, la synthèse de l’acide hyaluronique se fait principalement dans la paroi des synoviocytes et des chondrocytes.

Propriétés physico-chimiques et biologiques

Les propriétés physico-chimiques de l’HA sont nombreuses, et expliquent à la fois ses propriétés physiologiques et pharmacologiques (tableau complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr) [19].

Elles dépendent de la concentration (entre 20 et 40 mg pour une efficacité maximale) et du poids moléculaire (PM) [1, 2].

Les deux types d’HA actuellement disponibles sont ceux de faible PM (LMW HA) – hyaluronates de sodium (PM de 0,5 à 3 600 000 Da) – et ceux de haut PM (HMW HA) – hyaluronane réticulé chimiquement (PM supérieur à 6 millions de Da).

Les caractéristiques physico-chimiques (hydrophile, rhéologique, de signalisation et visco-élastique) et les fonctions biologiques (implication dans l’embryogenèse, l’inflammation, la métastase, la progression des tumeurs et la cicatrisation des plaies) de l’HA dépendent aussi des interactions avec les protéines de liaison spécifique.

Pharmacocinétique

L’élimination de l’HA est rapide : sa demi-vie (t1/2) est d’environ 8 à 24 heures après injection intra-articulaire et de 2 à 6 heures après administration par voie intraveineuse. Les études de pharmacocinétique montrent que, une fois injecté, l’HA reste dans l’espace articulaire pendant quelques heures, mais que ses effets cliniques sont observés pendant plus de 1 mois, probablement en raison de ses propriétés anti-inflammatoires et antinociceptives [4, 5, 9].

Usage thérapeutique

L’HA purifié, de poids moléculaire élevé, a été développé par Balazs dans les années 1960. Il était alors connu sous le nom d’“hyaluronane fraction de sodium non inflammatoire” (non-inflammatory fraction of sodium hyaluronate en anglais [NIF-NaHA]) et a été commercialisé pour une utilisation en chirurgie oculaire [3].

Il a ensuite été injecté dans les articulations des chevaux de course pour traiter l’arthrose traumatique, avec une bonne efficacité, conduisant à la première utilisation de la visco-supplémentation dans l’arthrose du genou humain au début des années 1970 [9, 11, 15-17, 20, 21]. Au cours du processus de l’arthrose, le poids moléculaire et la concentration de l’HA dans le liquide synovial sont diminués. La visco-supplémentation consiste à retirer le liquide synovial “pathologique” et à le remplacer par des produits à base d’HA. Le poids moléculaire et la concentration d’HA intra-articulaire sont ainsi restaurés à des valeurs normales avec des effets thérapeutiques bénéfiques.

L’action de l’HA dans les maladies articulaires est actuellement mieux établie et documentée, même si tous les mécanismes ne sont pas encore élucidés [15].

Ses indications cliniques sont simples, sans toutefois être totalement corroborées par la médecine factuelle. Cette molécule est indiquée comme traitement adjuvant des affections articulaires associées aux synovites non infectieuses, pour le soulagement de l’inflammation, et des boiteries dues à l’arthrose, pour de meilleures lubrification et absorption des chocs : en rétablissant les propriétés rhéologiques du liquide synovial, elle permet de modifier le processus de la maladie à long terme.

L’HA est utilisé seul dans le traitement des synovites légères à modérées. En revanche, pour la plupart des affections articulaires chroniques, l’utilisation conjointe d’un corticostéroïde est nécessaire (encadré 1).

Une étude récente sur l’emploi de corticoïdes chez des chevaux de course a révélé des données intéressantes. Certains animaux ont reçu plus de 74 injections intra-articulaires contenant des corticostéroïdes sur la totalité de leur carrière sportive [13]. L’usage d’HA par voie intraveineuse peut être une solution alternative valide (encadré 2).

Aucune donnée scientifique ne soutient l’idée que l’utilisation d’HA de plus haut PM (avec une plus forte viscosité) offre des résultats supérieurs. Il a également été avancé que les préparations d’HA dont le PM dépasse 1 106 Da procureraient des améliorations cliniques et chondroprotectrices supérieures, mais cette théorie est controversée [2, 6, 8, 22].

Chez l’homme, il est reconnu que les effets cliniques immédiats et à long terme peuvent être contrôlés lors d’une administration régulière d’HA (effet cumulatif) [7].

Contre-indications

L’HA est contre-indiqué en cas d’infections articulaires (synovites ou arthrites septique) et lors d’une hypersensibilité connue au hyaluronate de sodium d’origine exogène.

Limites et complications

Comme pour toute injection, divers effets indésirables peuvent se produire tels qu’une douleur, un œdème, des changements de pigmentation de la peau, une atrophie graisseuse autour du point d’injection, ainsi que des effets systémiques (choc anaphylactique).

L’effet indésirable le plus couramment observé est un gonflement transitoire modéré, accompagné ou non de chaleur, sur environ 2,7 % des articulations traitées [12]. Ces signes locaux isolés disparaissent en générale spontanément dans les 48 heures. Lorsqu’une distension articulaire survient à la suite de l’injection, compte tenu de la similitude avec les premiers symptômes d’une arthrite septique, il est conseillé de procéder à un examen clinique complet et à des analyses complémentaires approfondies.

En pratique

Avant toute injection intra-articulaire, les examens nécessaires doivent être réalisés et un diagnostic précis doit être établi, surtout en cas de boiterie aiguë et sévère, afin de s’assurer que les articulations sont indemnes de fractures, de fragments issus d’une ostéochondrose disséquante (OCD) et d’infections.

La procédure se déroule en plusieurs étapes :

– choisir l’HA (selon des critères tels que le PM, la concentration, une seringue préremplie avec un volume permettant l’adjonction de corticoïdes, le prix, la vérification de l’existence d’une autorisation de mise sur le marché [AMM] cheval, etc.) ;

– effectuer la tonte et la préparation chirurgicale du site d’injection sur une peau saine et sans blessure ;

– mettre en œuvre l’éventuelle contention du cheval (tord-nez et/ou tranquillisation) ;

– réaliser l’injection sous asepsie rigoureuse (port de gants stériles, matériel d’injection stérile à usage unique) ;

– apposer un pansement stérile et un bandage propre, adaptés aux articulations traitées, après l’injection ;

– assurer une surveillance pendant 12 à 24 heures ;

– maintenir le cheval au box pendant 2 jours avant la reprise progressive d’un travail normal.

Conclusion

L’association de médicaments avec différents mécanismes d’action permet de cibler plusieurs voies qui contribuent au développement de l’arthrose chez le cheval, procurant ainsi une plus large efficacité dans le traitement des maladies articulaires.

Dans l’approche multimodale des traitements des affections articulaires du cheval, l’HA conserve toute sa place et son intérêt : c’est une molécule non dopante, naturelle, qui entre dans une démarche raisonnée et soucieuse du bien-être de l’animal.

CONFLIT D’INTÉRÊTS : Sonia Wittreck est directrice technique gamme équine pour l’Europe chez Merial.

ENCADRÉ 1 : MODALITÉS DE TRAITEMENT À L’ACIDE HYALURONIQUE

• Voie intraveineuse ou intra-articulaire.

• 2,5 ml de solution injectée par voie intra-articulaire dans des articulations de taille moyenne. Il est possible de traiter plus d’une articulation à la fois.

• Seul ou associé avec d’autres thérapies intra-articulaires, en particulier des corticostéroïdes.

• Si nécessaire, un nouveau traitement de l’articulation peut être envisagé 2 à 3 semaines après la première injection.

• Pas de positivité au contrôle antidopage si l’acide hyaluronique est utilisé seul.

• Pas de temps d’attente pour le lait ou la viande.

• L’emploi d’acide hyaluronique chez les juments gestantes ou les étalons n’a pas été étudié.

ENCADRÉ 2 : VOIES D’ADMINISTRATION DE L’ACIDE HYALURONIQUE

La voie d’injection intraveineuse est une solution alternative valide à la voie intra-articulaire, plus invasive.

Elle permet d’utiliser l’acide hyaluronique de manière préventive avec trois injections à 1 semaine d’intervalle, puis des injections mensuelles dans les périodes d’entraînement intense ou la veille de l’inspection vétérinaire [9, 10, 18].

Les avantages de la voie intraveineuse sont les suivants :

– facilité d’administration ;

– pas de sédation nécessaire ;

– aucun risque septique ;

– pas de risque d’une atteinte iatrogénique du cartilage ;

– aucune différence significative d’efficacité par rapport à la voie intra-articulaire.

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