L’examen du fond d’œil - Pratique Vétérinaire Equine n° 177 du 01/01/2013
Pratique Vétérinaire Equine n° 177 du 01/01/2013

Fiche technique

Auteur(s) : Cédric Fissolo*, Eleonora Guidi**, Aurélie Thomas***, Jean-Luc Cadoré****

Fonctions :
*Université de Lyon, VetAgro Sup, Campus vétérinaire de Lyon, Département hippique, 69280 Marcy-L’Étoile
**Université de Lyon, VetAgro Sup, Campus vétérinaire de Lyon, Département hippique, 69280 Marcy-L’Étoile
***Université de Lyon, VetAgro Sup, Campus vétérinaire de Lyon, Département hippique, 69280 Marcy-L’Étoile
****Université de Lyon, VetAgro Sup, Campus vétérinaire de Lyon, Département hippique, 69280 Marcy-L’Étoile

Quand réaliser un examen du fond d’œil ?

L’examen du fond d’œil fait partie intégrante de l’examen oculaire et ne doit jamais être dissocié de celui-ci.

Il peut être conduit dans deux circonstances principales : la recherche d’une affection ou dans le cadre d’une visite de transaction.

En cas d’affection, le clinicien doit rechercher la présence de séquelles ou de manifestations qui vont orienter son diagnostic. Dans le cadre d’une visite de transaction, il convient de déterminer essentiellement si le cheval présente des séquelles ou des signes d’une uvéite (afin de déceler la présence de ce vice rédhibitoire) et d’évaluer la capacité visuelle de l’animal.

Lors d’une consultation, certains éléments de l’anamnèse doivent conduire le clinicien à effectuer un examen oculaire, comme des troubles du comportement, un défaut de performance ou certaines affections plus générales pouvant avoir des répercussions oculaires telle une leptospirose.

Matériel

Le clinicien doit disposer :

– d’un transilluminateur ou à défaut d’une lampe à forte luminosité ;

– d’un ophtalmoscope direct ;

– d’un ophtalmoscope indirect (non indispensable) (encadré 1).

L’examen doit avoir lieu dans la pénombre. Afin de visualiser correctement le fond d’œil, une dilatation chimique des pupilles est nécessaire et réalisable avec un collyre à base de tropicamide (Mydraticum®). Avec le tropicamide, la dilatation s’installe en 15 à 25 minutes pour une durée de quelques heures.

Avant de réaliser la dilatation des pupilles, le clinicien doit s’assurer d’avoir contrôlé les réflexes photomoteurs direct et indirect ainsi que d’avoir examiné les pupilles. Un défaut de réponse d’un réflexe photomoteur peut signaler une affection oculaire, mais également un trouble de conduction nerveuse de l’information dans le nerf ou le chiasma optique. Bien qu’une sédation ne soit pas nécessaire pour un tel examen, si celle-ci est réalisée, la pression intra-oculaire doit être mesurée préalablement car elle en est modifiée.

Deux anesthésies locorégionales peuvent faciliter l’examen du fond d’œil (encadré 2) :

– l’anesthésie du nerf auriculo-palpébral afin d’inhiber la fermeture des paupières via le muscle orbiculaire ;

– l’anesthésie supra-orbitaire afin de bloquer la sensibilité de la paupière supérieure.

L’observation directe du fond d’œil ne peut être réalisée qu’à l’aide du transilluminateur, mais l’image visible est souvent trop petite pour permettre l’appréciation de possibles anomalies.

L’ophtalmoscopie directe renvoie à l’observateur une image agrandie environ 15 fois du fond d’œil, mais avec un champ d’observation restreint. Le clinicien doit alors systématiser son examen afin de parcourir l’ensemble du fond d’œil : il peut alors examiner les zones tapétale et non tapétale, la papille et, enfin, le réseau vasculaire (photo 4).

L’examen du fond d’œil permet de considérer plusieurs variations qui sont pathologiques ou physiologiques.

Anatomie du fond d’œil

L’observation du fond d’œil met en évidence quatre structures différentes : le tapis clair, la zone sans tapis, le disque du nerf optique et la vascularisation.

• Le tapis clair est la zone très colorée (jaune, verte ou bleue) parsemée de petits points, les étoiles de Winslow (terminaisons des vaisseaux choroïdiens), qui occupe la moitié supérieure du fond d’œil.

• La zone sans tapis est la région fortement pigmentée (de couleur brun-chocolat à marron foncé) occupant la moitié inférieure du fond d’œil.

• Le disque optique est la tache ovoïde de couleur rose dans la zone sans tapis.

• La vascularisation de disposition radiaire à partir du disque optique représente la couronne de vaisseaux rétiniens (souvent semblable à un soleil couchant).

Principales anomalies du fond d’œil

L’examen du fond d’œil comporte l’examen du vitré, de la choroïde et de la rétine ainsi que du disque optique.

Le premier motif de consultation est une diminution de la vision, qui parfois se traduit par une baisse des performances ou des troubles du comportement. Les lésions observées orientent vers la cause de la diminution de la vision :

– l’herpèsvirus équin de type 1 (HVE-1) : choroïdite multifocale associée à une névrite optique ;

– des pertes hémorragiques, un traumatisme, un embole septique ou une ligature de la carotide et/ou de l’artère palatine : choriorétinopathie ischémique ;

– un traumatisme oculaire ou une séquelle d’uvéite : décollement rétinien (voile gris flottant dans le corps du vitré et ondulant avec les mouvements du globe).

Anomalies du vitré

Les anomalies du vitré visualisées à l’examen peuvent avoir plusieurs origines.

• Présence de structures linéaires :

– persistance de l’artère hyaloïde physiologique chez le poulain jusqu’à 2 à 3 semaines (peut persister jusqu’à 9 mois) ;

– peu d’incidence clinique connue sauf si les structures linéaires sont associées à une opacification.

• Opacifications focales :

– physiologiques, qui augmentent avec l’âge (muscae volantes) ;

– pathologiques, uniquement si elles sont liées à un processus inflammatoire.

• Opacifications diffuses :

– souvent signe d’uvéite ;

– synérèse (liquéfaction d’une partie du vitré).

• Hémorragie :

– traumatisme ;

– iridocyclite ;

– rarement néoplasique (corps ciliaires ou choroïde) ;

– peut entraîner un décollement rétinien par création de bandes de traction vitréo-rétinienne (comme dans l’uvéite postérieure).

Anomalies de la rétine et de la choroïde

• Lésion circulaire focale blanche avec un centre hyperpigmenté noir :

– choriorétinite multifocale (non clinique ou dégénérative ;

– parfois associée à une choriorétinite péripapillaire).

• Lésion en forme d’aile de papillon autour de la papille du nerf optique (souvent intacte) (photo 5) : choriorétinite péripapillaire.

• Motifs de pigment irréguliers, réticulés et ramifiés sur le bord supérieur de la zone non tapétale et/ou dans les marges du tapis : maladie du neurone moteur (signe précoce).

• Ligne bilatérale et irrégulière de pigments entourée d’une zone hypopigmentée située sous le disque optique et dans la zone non tapétale :

– rétinopathie sénile (peu d’incidence clinique, peut être reliée aux neuropathies dégénératives liées à l’âge).

• Dégénérescence rétinienne périphérique chez le cheval âgé : dégénérescence rétinienne kystique.

• Masse oculaire pâle du quadrant supérieur dans les corps ciliaires et/ou la rétine : processus néo­plasique (rare).

• Augmentation progressive et généralisée de la réflectivité du tapis : atrophie rétinienne dégénérative (très rare, entraîne de sévères déficits visuels).

Anomalies du disque optique

• Diminution de taille ou absence, atrophie du nerf optique :

– défaut congénital des cellules ganglionnaires rétiniennes ou destruction des cellules ganglionnaires embryonnaires ;

– évolution finale de l’ischémie ou de la dégénérescence des axones rétiniens ;

– post-traumatique.

• Excavation du disque optique :

– colobome (peut causer une perte de vision précoce) ;

– quelques cas décrits chez le quarter horse et l’appaloosa.

• Hyperémie, œdème, hémorragie :

– traumatisme oculaire ;

– traumatisme crânien ;

– neuropathie ischémique (si associée à une ligature des carotides).

• Exsudat dense bilatéral entourant le disque associé à une perte de vue : neuropathie exsudative du nerf optique.

• Masse chez les chevaux de moins de 18 mois : médullo-épithéliome.

• Lésions du nerf optique rétro­bulbaire :

– traumatisme de la région occipitale ;

– infiltration inflammatoire multi­focale ;

– aspergillose des poches gutturales ;

– neuropathie toxique (par exemple pyrantel ou ivermectine) ;

– parasitose (par exemple Micronema gingivalis ou deletrix).

Conclusion

L’examen ophtalmoscopique du fond d’œil présente des limites, notamment lors de l’évaluation de la capacité visuelle de l’animal. Il existe des moyens d’investigation plus poussés pour ce faire comme l’échographie ou l’électrorétinographie. Ces examens nécessitent un matériel coûteux et leur interprétation est délicate. Dans ce cas, il convient d’adresser l’animal dans une structure spécialisée.

Encadré 1 : Utilisation de l’ophtalmoscope direct et indirect

→ Ophtalmoscopie directe

La main de l’opérateur tenant l’ophtalmoscope doit être en contact avec le cheval afin que l’appareil soit placé à environ 2 cm de l’œil de l’animal (photo 1). Cette position permet d’éviter tout risque de blessure de l’animal en cas de mouvement. L’observateur réalise alors la mise au point qui est en général entre -2 et +2 dioptries selon les défauts optiques de l’animal et de lui-même. En raison de l’agrandissement de l’image (environ 15 fois) et du faible champ de vision, l’ophtalmoscope doit être pivoté afin de pouvoir examiner l’ensemble du fond d’œil.

→ Ophtalmoscopie indirecte

L’observateur place une lentille de forte convergence (entre 20 et 30 dioptries) à proximité de l’œil du cheval (entre 2 et 8 cm), puis une source lumineuse à environ 50 à 80 cm de l’œil afin que le faisceau lumineux, la lentille et l’œil du cheval soient alignés (photo 2). L’œil de l’observateur doit être le plus proche possible de la source lumineuse. L’image visualisée est une image inversée qui est agrandie deux à cinq fois.

Il existe aussi sur le marché des casques permettant de réaliser une ophtalmoscopie indirecte en renvoyant une image binoculaire en relief, mais ce matériel reste coûteux.

Encadré 2 : Les anesthésies auriculo-palpébrale et supra-orbitaire

→ Anesthésie du nerf auriculo-palpébral

Il convient d’injecter sur le trajet du nerf palpébral 2 à 5 ml de lidocaïne. L’injection doit être effectuée au niveau du bord dorsal de l’arcade zygomatique, caudalement au processus temporal de l’os frontal en orientant l’aiguille (habituellement une aiguille de 25 gauges) dorsalement en position sous-cutanée.

→ Anesthésie supra-orbitaire

Cette anesthésie vise à bloquer la sensibilité véhiculée par le nerf frontal et une des branches du nerf ophtalmique.

Entre 3 et 6 ml de lidocaïne doivent être injectés dans le foramen supra-orbitaire ainsi qu’environ 2 ml par voie sous-cutanée au-dessus du foramen (photo 3).

Conflit d’intérêts

Aucun.

En savoir plus

– Crispin SM, Matthews AG, Parker J. The equine fundus. I: Examination, embryology, structure and function. Equine Vet. J. 1990;10:42-49.

– Gilger BC. Equine Ophtalmology. Elsevier Saunders, Missouri. 2005:107-156.

– Nell B, Walde I. Posterior segment diseases. Equine Vet. J. Suppl. 2010;37:69-79.

– Thomas A. Le fond d’œil du cheval en pratique clinicienne quotidienne. Thèse de doctorat vétérinaire. 2008.

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