La médecine factuelle en pratique équine : le point 10 ans après… - Pratique Vétérinaire Equine n° 176 du 01/10/2012
Pratique Vétérinaire Equine n° 176 du 01/10/2012

Cas clinique

Auteur(s) : Jean-Michel Vandeweerd

Fonctions : DVM, DES, PhD, Cert ES (soft tissue),
Dipl ECVS
Facultés universitaires Notre-Dame-de-la-Paix
Urvi-Narilis (Unité de recherche vétérinaire
intégrée-Namur Research Institue for Life Sciences)
Rue de Bruxelles, 61, 5000 Namur, Belgique
Clinique vétérinaire équine
18, rue des Champs, La Brosse
78470 Saint-Lambert-des-Bois

Dix ans après son apparition en médecine vétérinaire, la médecine factuelle peine toujours à s’imposer. Les facteurs qui en limitent l’application sont liés aux spécificités de l’art vétérinaire, de la pratique des praticiens, mais également à un manque de formation sur le sujet.

C’est en 1972 que le médecin anglais Archie Cochrane a publié un livre dans lequel il s’interrogeait sur les raisons pour lesquelles des patients humains se portaient parfois très bien en l’absence du traitement que la médecine préconisait [5].

Il était alors convaincu qu’il devait être mis en place un système pour évaluer avec précision l’efficacité des traitements. Il s’agissait d’un devoir sociétal de la communauté médicale de justifier le bien-fondé des décisions qu’elle prenait et des fonds qu’elle utilisait. Selon lui, la connaissance de la pathophysiologie d’une maladie ne pouvait plus suffire pour justifier la stratégie thérapeutique utilisée pour la traiter. Il convenait de se fonder sur des faits fournis par de solides études cliniques réalisées sur un nombre important de patients.

Avènement de l’evidence based medicine

Il a fallu toutefois attendre 1992 pour que le processus d’intégration de l’information scientifique issue de la recherche et d’évaluation de sa qualité dans la démarche de décision clinique prise par les médecins soit formellement proposé comme un paradigme innovant de la pratique médicale [9]. Un nouveau type d’informations prises en compte pour modifier la façon dont les patients étaient soignés a ainsi émergé : il s’agit des faits. L’evidence based medicine (EBM) était née. Il en existe des traductions françaises différentes, comme la médecine fondée sur la preuve ou la médecine factuelle.

C’est l’équipe du Mac Master University qui en a élaboré les principes initiaux [9]. David Sackett a été le premier à en donner la définition [26]. La médecine factuelle réfère à l’utilisation consciente et explicite des meilleures preuves et informations scientifiques du moment pour prendre une décision quant aux soins à administrer et répondre à une question clinique posée. Au cours de ce processus, le médecin associe au mieux son expérience personnelle avec les meilleurs éléments de preuve extérieurs. Les deux aspects sont essentiels. Sans expérience, il existe un risque d’adapter à un animal une information qui, bien qu’excellente, ne lui convient pas. Mais, sans recherche systématique des meilleurs éléments d’information du moment, le praticien pourrait être bientôt dépassé dans sa pratique quotidienne.

Avènement de l’evidence based veterinary medicine

Lorsque ces pionniers de l’EBM ont développé le concept en médecine humaine, l’initiative a été critiquée. Les détracteurs estimaient qu’elle entravait la liberté intellectuelle, enfermait la médecine dans un livre de cuisine, visait surtout à diminuer les budgets alloués aux soins de santé et ne pourrait être désormais pratiquée que par des médecins consignés dans un bureau [10].

Sackett a répondu aux critiques dans un célèbre article cité plus de 5 000 fois dans les publications scientifiques [26] : « Evidence based medicine : What it is and what it isn’t. » Depuis, cette discipline n’a cessé de se développer en médecine humaine et est devenue un élément inéluctable de la pratique médicale.

En médecine vétérinaire, c’est l’apparition des médecines non conventionnelles qui a fait parler d’EBM pour la première fois, dans les années 2000, par les détracteurs de ces dernières. Divers auteurs, américains puis européens, ont alors soulevé l’importance de fonder les décisions médicales uniquement sur des preuves scientifiques [18, 24]. Les vétérinaires en sont moralement et éthiquement obligés [23]. Alors que ce débat sur les médecines alternatives se déroulait, d’autres initiatives en faveur de l’EBM sont apparues. Les vétérinaires équins ont été les premiers à en publier l’importance.

EBM en médecine équine

En 2003, Peter Rossdale faisait la promotion de l’EBM en pratique équine au travers de l’Equine Veterinary Journal, qui introduisit par la suite une section d’articles répondant aux critères de l’EBM [25]. Dans un numéro spécial du périodique anglais, alors que Rossdale titrait « Objectivity versus subjectivity in medical progress », William Muir posait la question : « Is EBM our only choice ? » [19]. C’est aussi en 2003 que Cockcroft et Holmes publièrent le premier livre traitant d’evidence based veterinary medicine (EBVM) [6]. Par la suite, de nombreuses publications virent le jour dans les publications vétérinaires anglaises, mais également allemandes, néerlandaises et françaises [2, 16, 31, 33]. En médecine équine, des articles dits “EBM” sont de nos jours publiés dans divers périodiques anglo-saxons (Journal of American Veterinary Medical Association, Equine Veterinary Education, Equine Veterinary Journal, Veterinary surgery, etc.). L’expression “evidence based” émaille de nombreux titres d’articles scientifiques. À l’heure actuelle, divers éditeurs refusent de publier des études de descriptions de cas et réclament des articles analytiques de qualité méthodologique irréprochable.

Pratique Vétérinaire Équine (PVE) produit depuis 2007 une série d’articles de formation visant à fournir à ses lecteurs des outils pour la pratique de l’EBM : technique de recherche documentaire, lecture critique et rapide d’articles [32, 34]. Diverses notions d’épidémiologie clinique nécessaires à la lecture et à l’écriture critique des publications scientifiques ont été expliquées : fréquence des maladies, évaluation des techniques diagnostiques, facteurs de risque et de pronostic, analyse statistique, gestion des biais et synthèse méthodique [35-40].

Perception de l’EBM par les praticiens en 2012

Toutefois, malgré les efforts fournis pour développer l’EBM et son émergence dans les revues scientifiques, il était utile de savoir comment elle était perçue. Une enquête récente menée auprès de 200 praticiens vétérinaires travaillant en communauté française de Belgique a montré que respectivement 64 %, 84 %, 85 % et 68 % d’entre eux contactent préférentiellement des collègues, des spécialistes, des laboratoires et Internet pour prendre une décision [41]. Seuls 2,5 % signalent utiliser PubMed et 19 % être capables d’effectuer une recherche dans cette base de données bibliographique scientifique. 56 % estiment pouvoir parler anglais et moins de 19,5 % déclarent avoir entendu parler d’EBM. Bien que 97 % déclarent consulter régulièrement des livres de médecine vétérinaire, 26 % ont été en mesure de citer un ou plusieurs titres, et seulement 9 %, de donner des exemples d’ouvrages de référence. 54 % citent comme sources des périodiques francophones avec un comité de relecture (tels que PVE et Le Point Vétérinaire), mais seulement 6 %, des périodiques anglo-saxons. Enfin, bien que les vétérinaires interrogés déclarent consacrer en moyenne 33 minutes par jour à la lecture, il est fort probable que ces chiffres soient non représentatifs et exagérés. En médecine humaine, les praticiens, pour rester informés, devraient lire 19 articles par jour alors que le temps réel qu’ils y consacrent est nettement inférieur à 1 heure par semaine [7, 27]. Une recherche exhaustive n’est pas non plus réalisable en cours de consultation [1]. En médecine humaine, les praticiens aussi préfèrent passer un coup de téléphone à un collègue plutôt que d’effectuer une recherche dans les publications scientifiques [22]. Des constatations similaires à l’étude belge ont été rapportées récemment chez les vétérinaires américains [17].

La profession vétérinaire se trouve ainsi actuellement dans une position délicate. Plus que jamais, transparence et efficacité scientifique sont attendues d’elle. Pourtant, elle semble rencontrer des difficultés à utiliser l’information scientifique. Il est donc légitime de se poser les questions suivantes : quels sont les obstacles à l’EBM ? Comment les praticiens prennent-ils leurs décisions médicales ? L’EBM est-elle finalement utile ? Quelles solutions apporter ? Comment utiliser l’EBM en pratique équine ?

Quels sont les obstacles à l’EBVM ?

La difficulté à fournir la preuve scientifique

Malgré la volonté d’utiliser la meilleure preuve scientifique, celle-ci n’existe pas toujours. En effet, la recherche vétérinaire n’évolue pas dans le même contexte que celle de la médecine humaine. Des obstacles spécifiques existent, qui sont un frein à une méthodologie puissante (figure 1).

Il est, par exemple, difficile de recruter des malades et d’atteindre un échantillonnage permettant une analyse statistique adéquate [19]. Les paramètres étudiés restent parfois trop subjectifs (avis des propriétaires, évaluation clinique par le vétérinaire) et ne sont que rarement obtenus par des instruments de mesure objectifs [28]. Les études contrôlées randomisées, qui constituent le niveau de preuve le plus élevé, nécessitent d’importantes ressources pour être mises en œuvre [21]. Arlt et coll. ont montré que, parmi 287 publications traitant de reproduction canine, seules 90 étaient des essais cliniques, parmi lesquels seules 8 études étaient contrôlées, randomisées en aveugle [3].

Différentes explications sont possibles. L’industrie pharmaceutique vétérinaire ne représente qu’une petite partie du marché et il est peu réaliste qu’une recherche comparable à celle de la médecine humaine puisse être conduite en médecine vétérinaire [14]. Les moyens financiers consentis ne seront probablement jamais comparables. De plus, l’utilisation d’un placebo est malaisée à faire accepter au propriétaire d’un animal qui pourrait être inclus dans un essai clinique. Il est ainsi difficile d’imaginer le propriétaire d’un cheval de niveau international accepter de le faire participer à une étude contrôlée randomisée en double aveugle avec utilisation d’un placebo.

La difficulté à pratiquer une médecine vétérinaire fondée sur la preuve

La littérature scientifique est volumineuse et les techniques évoluent constamment. Il est donc très difficile de se tenir informé, de mémoriser l’entièreté des informations qui sont indispensables pour une pratique efficace. Les vétérinaires ne sont pas toujours formés aux méthodes de recherche dans les publications scientifiques, ni à l’évaluation de la qualité des publications. Cela nécessite des connaissances en épidémiologie clinique qui ne sont pas toujours dispensées dans les cursus actuels. Comme en médecine humaine, les praticiens sont en général très occupés et disposent de peu de temps entre les consultations pour rechercher des publications. Il est bien souvent plus simple de téléphoner à un collègue en espérant que celui-ci dispose de l’information utile [1, 22]. De plus, certaines bases de données bibliographiques ne sont pas accessibles gratuitement pour les praticiens. C’est le cas notamment de Cab Abstracts qui n’est disponible qu’en université [32]. En outre, le thésaurus de Medline (accessible gratuitement via PubMed) n’est pas toujours adapté à la médecine vétérinaire, ce qui peut rendre des recherches malaisées [20].

Comment les praticiens prennent-ils leurs décisions médicales ?

Il est aussi possible de s’interroger sur les modalités de la prise de décision en médecine vétérinaire et la place que l’EBM y occupe réellement. Les soins médicaux sont souvent décrits comme l’art de décider sans disposer d’informations parfaitement adéquates. Durant cette dernière décennie, en médecine humaine, la prise de décision médicale a été largement étudiée. Elle s’opérerait selon deux modalités.

Premièrement, la décision peut se prendre rapidement selon le “recognition-primed decision model” (RPDM) [8, 15]. Dans ce modèle, les médecins reconnaissent une situation par rapport à des problèmes déjà rencontrés et agissent rapidement en conséquence. Ce processus permet de vite trouver une solution (photo). Toutefois, il ne mène pas nécessairement à la meilleure décision, surtout si le médecin a peu d’expérience [30].

L’autre modalité de décision repose sur une démarche rationnelle, the “rational choice strategy” [8, 11, 13]. Cette approche repose sur une démarche plus exhaustive et plus lente. Il s’agit de documenter le problème, de déterminer les options, d’envisager leurs conséquences, d’intégrer les preuves scientifiques, et d’optimiser les résultats et les valeurs. Ce processus lent est peu pratiqué en médecine, mais est utile pour conceptualiser la démarche décisionnelle [8].

L’étude qualitative menée auprès de praticiens vétérinaires belges montre qu’ils pourraient aussi agir selon deux modalités différentes [41]. Le vétérinaire décide en général vite, en utilisant sa mémoire des cas vécus pour solutionner les difficultés. Il peut aussi mettre en œuvre une démarche hypothético-déductive progressive pour proposer, tester ou exclure des solutions. Après une prise de décision initiale, qu’il communique au propriétaire, il évalue les résultats et prend, le cas échéant, un autre parti qu’il doit légitimer. Divers facteurs peuvent influencer la prise de décision, tels que, par exemple, l’accès à l’information, le travail en équipe, le risque de litige avec le propriétaire ou encore la personnalité du praticien (encadré). Des résultats récents d’une analyse factorielle suggèrent que le profil du vétérinaire (traditionnel, pragmatique ou réflexif) puisse influencer non seulement sa prise de décision, mais aussi sa perception de l’EBM [43].

L’EBM est-elle finalement utile ?

Face aux différents obstacles à une pratique idéale de l’EBM, et devant le constat que les vétérinaires européens et américains prennent depuis de nombreuses années, sans sa mise en œuvre systématique, des décisions qui ont probablement mené à une gestion correcte des cas, la question de son utilité peut se poser [17, 41]. La réponse réside à divers niveaux.

D’une part, ces différents écueils, ainsi que ceux qui sont liés au stress de la vie professionnelle, tels que le manque de temps pour les loisirs, les obligations financières, les attentes du client, les difficultés personnelles, ne peuvent en aucun cas justifier le rejet de l’approche EBM en la déclarant inadaptée à la pratique vétérinaire. Si la démarche reste malaisée, il est en revanche indispensable de vouloir rester ou devenir un vrai praticien de la science vétérinaire. Pour l’avenir de la profession et sa viabilité économique, il convient que la société ait la conviction que les diagnostics et les interventions thérapeutiques vétérinaires sont solidement fondés sur la science [29].

D’autre part, cette difficulté à utiliser l’information scientifique témoigne, en médecine humaine comme en médecine vétérinaire, de deux réalités. L’explosion des connaissances requiert une course effrénée à l’information car le profane y a accès lui aussi rapidement grâce à Internet. Les outils à disposition ne sont pas adaptés pour intégrer vite et efficacement les données scientifiques. Des solutions doivent être examinées.

Enfin, il est essentiel d’évaluer plus précisément l’impact, probablement important, du compagnonnage dans la formation vétérinaire et les décisions qui sont prises. Des recherches futures sur ce point, ainsi que sur l’influence du profil décisionnel des vétérinaires (traditionnel, pragmatique ou réflexif) sont à envisager.

Quelles solutions pour l’EBVM ?

Recentrer le rôle de l’EBM

Toutes les questions cliniques que se posent les médecins et les vétérinaires ne requièrent pas d’effectuer une recherche documentaire systématique pour y répondre. Certaines questions font appel à une connaissance générale de base acquise pendant et après les études (ce que les Anglo-Saxons appellent le “background”) qu’il est possible de retrouver ou de confirmer en consultant un manuel de médecine. Il convient cependant de garder à l’esprit que les connaissances de base restent proportionnelles au souci avec lequel le praticien se tient informé. Il n’est pas nécessaire d’effectuer une recherche fouillée pour établir le diagnostic différentiel du jetage nasal. D’autres questions sont plus spécifiques et concernent la gestion précise d’un cas, avec la volonté de tenir compte des meilleures connaissances du moment (le “foreground”). C’est pour répondre à ce type d’interrogation que la démarche EBM devient utile (figure 2).

Adapter le niveau d’évidence aux réalités de la médecine vétérinaire

La qualité de l’information scientifique vétérinaire ne doit pas être dénigrée. Ainsi, s’il est difficile de mettre en œuvre de solides essais cliniques, il est possible d’observer efficacement le cours des maladies et de leur traitement par un suivi dans le temps des populations animales naturelles. Ces études, dites “de cohorte”, prospectives ou rétrospectives, qui, en revanche, existent en grand nombre dans les publications vétérinaires, constituent certainement un niveau de preuve intéressant à privilégier [21].

Développer des outils adaptés à la pratique vétérinaire

L’information devrait aussi être idéalement dispensée sous forme de synthèses évaluant à la fois la qualité de la méthode de recherche et le contenu scientifique. Ce type d’article porte le nom de “synthèse méthodique” ou de “revue systématique” [42]. Ces synthèses sont fréquentes en médecine humaine et encore assez rares en médecine vétérinaire. La lecture complète d’une synthèse méthodique est toutefois fastidieuse. Les périodiques qui visent davantage la formation continue des praticiens que la recherche scientifique devraient privilégier les résumés de synthèses méthodiques ou de courtes synthèses d’articles de haut niveau (ce que les Anglo-Saxons appellent des “critically appraised topics”, ou CAT) [12]. C’est ce type d’article que Pratique Vétérinaire Équine mettra prochainement à disposition de ses lecteurs.

Former à l’evidence based medicine et à la prise de décision

Devant l’évolution de la société, il est inéluctable que le vétérinaire en vienne à appliquer et à démontrer une démarche fondée sur l’évidence. Des outils adaptés seront nécessairement mis à sa disposition et il devra avoir été formé à les utiliser. Depuis 3 ans, les techniques de recherche documentaire et l’EBM font partie du curriculum vétérinaire de certaines universités francophones et de programmes de formation continue. Des démarches d’information ont été mises en place par certaines associations professionnelles (Association vétérinaire équine française [Avef], groupements techniques vétérinaires [GTV], Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie [Afvac], Académie vétérinaire de France) à l’occasion de leurs congrès ou réunions respectifs. Ces initiatives visent à former la profession à l’utilisation de cet outil futur qu’est l’EBM et qui devrait permettre aux praticiens de prendre des décisions mieux informées. Récemment, l’efficacité formative des CAT a aussi été démontrée [4].

Conclusion

La démarche vers l’obligation de fonder les décisions médicales sur les informations scientifiques est inéluctable. Nos écoles vétérinaires doivent donc mettre tout en œuvre pour former les jeunes confrères à la complexité des situations qu’ils devront gérer et aux outils d’information qu’ils auront à employer. Des recherches portant sur la prise de décision vétérinaire, et notamment sur le rôle du compagnonnage, devraient permettre d’élaborer des interventions pédagogiques adaptées.

Il convient également de développer des outils et des habiletés adéquats pour compléter les connaissances à temps et optimiser une décision médicale, en sachant que le vétérinaire dispose en général d’un temps limité, et qu’il doit donc identifier en priorité les informations et connaissances susceptibles d’améliorer sensiblement la décision. Il serait utile de maximiser un rapport qualité/prix : ne pas perdre de temps à rechercher et à assimiler des informations et des connaissances qui ne sont pas indispensables à une bonne décision ; et, inversement, ne pas passer à côté de données qui font la différence entre une bonne et une moins bonne décision médicale. La technologie devrait donc être adaptée aux vrais besoins et possibilités des praticiens. Des outils tels que des synthèses méthodiques, des articles EBM, des CAT, etc., doivent voir le jour pour permettre au praticien vétérinaire, disposant de peu de temps mais formé à la démarche EBM, de se tenir informé. Il conviendrait toutefois de créer ces outils. Il restera ensuite à les évaluer, en utilisant des principes d’expérimentation solides, avant de pouvoir conclure qu’ils sont utiles à la profession vétérinaire.

Enfin, si ce sont les scientifiques et les universitaires qui publient, ce sont les praticiens qui sont en charge de la majorité des cas, et qui, à ce titre, sont détenteurs d’une vérité et d’une évidence fondée sur les faits de leur pratique quotidienne. Ces précieuses données sont en général inexploitées car elles ne sont pas enregistrées de façon rigoureuse. Par exemple, dans le contexte actuel de la législation et de la nécessité de justifier un choix thérapeutique, l’enregistrement précis des données cliniques documenterait des échecs et des succès de traitements qui font polémique. Dans l’intérêt de la pratique et de la science vétérinaire, des outils et des soutiens financiers adaptés devraient permettre la participation des praticiens à l’effort de recherche.

Éléments à retenir

> L’EBM, ou evidence based medicine, est apparue en 2003 en médecine vétérinaire dans les pays anglo-saxons. Diverses initiatives ont été menées dans les pays francophones, notamment par Pratique Vétérinaire Équine, pour en développer le concept.

> Diverses études montrent que l’EBM ne peut être systématiquement appliquée telle que recommandée par ses fondateurs en médecine humaine. Il convient de tenir compte du contexte vétérinaire.

> Prendre des décisions scientifiquement valides est un devoir sociétal. Cela est possible si des outils adaptés (tels que des synthèses méthodiques et des CAT, critically appraised topics) sont mis à disposition des praticiens, si les experts cherchent à améliorer le niveau des études scientifiques tout en tenant compte du contexte particulier de la médecine vétérinaire et si les universités préparent les futurs vétérinaires à une démarche réflexive.

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Encadré : Codes (paramètres) identifiés et structurés en catégories(1)

> Processus de prise de décision (CC)

• Comparaison avec des cas similaires (C)

• Raisonnement hypothético-déductif (C)

> Étapes de la prise de décision (CC)

• Décision initiale rapide (C)

• Communication (C)

• Évaluation (C)

• Nouvelle décision (C)

• Légitimisation (C)

> Facteurs influençant la prise de décision (CC)

• Cas (CS)

– difficulté (C)

– évolution (C)

• Vétérinaire (CS)

– ressources d’information (C)

– capacité à communiquer (C)

– type d’activité (C)

– type d’infrastructure (C)

– caractéristiques personnelles (C)

• Propriétaire (CS)

– caractéristiques personnelles (C)

– ressources d’information (C)

(1) Étude qualitative portant sur la prise de décision par les vétérinaires praticiens en communauté française de Belgique (VDW). CC : catégorie centrale ; SC : catégorie supérieure ; C : catégorie.

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