Entérite éosinophilique chez une jument trotteur français de 3 ans - Pratique Vétérinaire Equine n° 176 du 01/10/2012
Pratique Vétérinaire Equine n° 176 du 01/10/2012

Cas clinique

Auteur(s) : Audrey Rolland

Fonctions : DMV, Clinique équine de la Madelaine,
La Madelaine, 14400 Cussy

L’entérite éosinophilique est une affection digestive rare chez le cheval. Son diagnostic est complexe en raison de son polymorphisme clinique.

La perte de poids est un motif de consultation courant, presque banal, pour le praticien équin. Toutefois, dans de nombreux cas, établir la cause véritable de cette perte d’état peut être un véritable défi diagnostique. L’entérite éosinophilique doit faire partie du diagnostic différentiel de l’amaigrissement chez le cheval.

Cas clinique

Motif de consultation et commémoratifs

Une jument trotteur français âgée de 3 ans et pesant 410 kg est présentée en consultation pour un amaigrissement, une diminution de l’appétit et une baisse de forme (photo 1). L’analyse hématobiochimique réalisée par un confrère révèle une éosinophilie (15,4 % des lymphocytes) et une augmentation importante des phosphatases alcalines (PAL) (1 294 UI/l), de l’aspartate aminotransférase (Asat) (925 UI/l) et de la γ-glutamyltransférase (γGT) (supérieure à 952 UI/l). La bilirubine totale et le fibrinogène sont modérément en hausse (respectivement 56 mg/l et 3,65 g/l) (tableau).

Une migration erratique de parasites et/ou une infestation par la douve sont suspectées. La jument reçoit un traitement antiparasitaire adapté (ivermectine, praziquantel et triclabendazole). L’état général et l’appétit ne s’améliorant pas, la jument est référée à la clinique.

Examen clinique

L’examen clinique révèle un état de maigreur marqué, correspondant à un grade 2 sur l’échelle d’évaluation corporelle selon Henneke, et un ictère modéré. Les autres paramètres de l’examen clinique sont normaux.

Examens complémentaires

À l’arrivée du cheval à la clinique (jour J), les numération et formule sanguines montrent une éosinophilie marquée (9,3 % des lymphocytes). L’urée et la créatinémie sont normales (respectivement 0,09 g/l et 12 mg/l). Les PAL et les γ GT sont encore très élevées (respectivement 1 595 UI/l et plus de 952 UI/l), et témoignent de la présence d’une cholestase. La fraction hépatique des PAL est de 86,9 %. Les acides biliaires sont très augmentés (96,80 µmol/l), signe d’une insuffisance hépatique ou biliaire [1]. La bilirubine totale est en hausse, avec 55 % de bilirubine conjuguée, ce qui est en faveur d’un trouble post-hépatique primaire [1]. Les protéines totales sont dans les normes hautes (73,10 g/l).

L’électrophorèse montre une diminution de l’albumine et une augmentation des globulines avec essentiellement une élévation des fractions qui signe une inflammation aiguë, mais non spécifique [8].

Deux autres enzymes hépatiques, la SDH (sorbitol déshydrogénase) et la GLDH (glutamate déshydrogénase), sont très intéressantes pour évaluer la fonction hépatique. Toutefois, elles sont peu stables, donc, pour des raisons techniques et afin de ne pas multiplier les examens, nous avons choisi de ne pas réaliser leur dosage [1].

La palpation transrectale est normale. L’échographie transabdominale montre une cholestase importante caractérisée par la présence de canaux biliaires dilatés (photo 2). Aucune autre lésion n’est notée à l’échographie abdominale. L’ensemble des symptômes conduit à suspecter une cholangio-hépatite et/ou une cholélithiase bien qu’aucun calcul biliaire ne soit identifié sur le trajet des canaux biliaires. Les canaux biliaires hypertrophiés sont pathognomoniques d’une cholestase dont la cause la plus fréquente chez le cheval adulte est la cholangio-hépatite suppurative et/ou obstructive [20].

Traitement

La jument reçoit une perfusion de diméthylsulfoxyde (DMSO) à 10 % dans du NaCl 0,9 % à raison de 1 g/kg une fois par jour pendant 5 jours. Le DMSO permettrait de dissoudre les calculs de bilirubine et de calcium [19].

Du ceftiofur (2 mg/kg deux fois par jour, par voie intraveineuse) est également administré car l’origine la plus souvent retenue dans cette affection est infectieuse (contamination ascendante depuis le duodénum) [1]. En complément, l’animal reçoit de la flunixine méglumine (1,1 mg/kg une fois par jour, par voie intraveineuse) car l’obstruction biliaire peut entraîner des douleurs abdominales, un cholérétique (menbutone, 5 mg/kg une fois par jour, par voie intraveineuse) et un hépatoprotecteur, un mélange d’acides aminés et de bétaïne (Ornipural(r), 50 ml tous les 2 jours, par voie intraveineuse), bien qu’à ce jour aucune preuve de l’efficacité de ces “protecteurs hépatiques” n’existe [20].

Suivi

À J +4, les muqueuses de la jument sont moins ictériques et son appétit augmente progressivement. À J +5, une prise de sang de contrôle est effectuée. Les PAL et les γGT restent très élevées (respectivement 1 808 UI/l et plus de 952 UI/l), et l’éosinophilie s’est aggravée (16,6 % des lymphocytes).

À la suite de cette prise de sang, les recherches sont approfondies et une gastroscopie est mise en œuvre. Celle-ci montre deux types de lésions : une lésion linéaire ulcérée de la zone pylorique de l’estomac et un ensemble de petites plages blanches granulomateuses coalescentes recouvrant la muqueuse du duodénum (photos 3 et 4). Une biopsie de ces granulomes est effectuée. L’examen histologique montre des villosités raccourcies et irrégulières, recouvertes d’un épithélium plus ou moins régulier et localement érodé (photo 5). En dessous, le chorion est massivement envahi par des cellules inflammatoires où prédominent largement les éosinophiles, accompagnés de lymphocytes et de plasmocytes (photo 6). Certains éosinophiles sont retrouvés dans l’épithélium glandulaire ou dans la lumière des glandes. L’examen histologique conclut donc à une duodénite chronique éosinophilique multifocale à coalescente, modérée à marquée.

Traitement complémentaire

Bien que les causes des entérites éosinophiliques soit encore mal définies, un phénomène d’hypersensibilité, qui pourrait être déclenché par des parasites du tube digestif, est suspecté. La jument est donc vermifugée à nouveau, avec du fenbendazole (7,5 mg/kg une fois par jour per os, pendant 5 jours), et est placée sous dexaméthasone (0,1 mg/kg une fois par jour, par voie intramusculaire, puis à doses dégressives sur 2 mois).

Suivi à moyen terme

Onze mois après son hospitalisation, la jument se porte bien. Le traitement est arrêté depuis 9 mois. L’animal a gagné sa course de rentrée. Cependant, le propriétaire ne nous a pas autorisé à refaire une analyse hématobiochimique.

Discussion

Les maladies inflammatoires de l’intestin se caractérisent par une infiltration de la paroi intestinale par des cellules inflammatoires variables, incluant des éosinophiles, des cellules plasmatiques, des lymphocytes, des basophiles et des macrophages [4, 23, 24, 26]. Ces affections sont rares, mais décrites dans de nombreuses espèces, notamment l’homme, le chien et le chat [2, 5, 11, 12, 23, 25, 26]. Lorsque l’infiltration est dominée par des éosinophiles, plusieurs entités ou variantes sont considérées :

– la maladie épithéliotrope multisystémique éosinophilique (MEME), décrite chez le cheval, se caractérise par l’infiltration de l’intestin, mais également d’autres organes tels que la peau, le foie, le pancréas, la cavité orale, l’œsophage ou encore les nœuds lymphatiques mésentériques [3-5, 23, 26]. Cette entité est parfois appelée “syndrome hyperéosinophilique” [5, 12, 22] ;

– dans les formes où seul l’intestin et ses organes annexes sont atteints par l’infiltration, il est question d’entérite, d’entérocolite ou encore de gastro-entérite éosinophilique [23]. L’entérite éosinophilique est la plus étudiée [24, 26].

Il convient de distinguer une MEME d’une entérite éosinophilique car le pronostic des chevaux atteints de lésions localisées uniquement au tractus gastro-intestinal est meilleur que celui des animaux qui présentent une forme multisystémique [3, 16, 23]. Les chevaux atteints de la forme généralisée ne survivent généralement pas, la plupart sont euthanasiés [23, 26]. Les trotteurs auraient une prédisposition raciale, et en particulier les jeunes [3, 21, 23]. De plus, parmi les entérites éosinophiliques, les entérites avec des lésions focales et les entérites diffuses sont distinguées.

Étiologie

Les causes de la maladie restent inconnues [4, 21, 26]. Chez l’homme comme chez les chevaux, des phénomènes d’hypersensibilité de type 1 sont suspectés [13, 25, 26]. Le rôle des éosinophiles n’est pas complètement élucidé, mais ils jouent un rôle majeur dans le contrôle des infestations parasitaires et la régulation des phénomènes inflammatoires et allergiques [26]. Une réponse anormale à un antigène bactérien, viral, parasitaire ou alimentaire est donc envisagée [23, 25, 26]. Un cas a été attribué à Pythium sp., et Strongylus edendatus et Emeiria leukarti ont été retrouvés dans la lumière intestinale d’un cheval atteint d’entérite éosinophilique et suspectés d’avoir déclenché l’infiltration [17, 24]. Le cas d’un quarter horse âgé de 3 ans a été attribué à des nématodes enkystés retrouvés dans les granulomes éosinophiliques [6]. D’autres parasites comme les coccidies, les cyathostomes et les habronèmes ont été cités comme des causes possibles de l’affection [11, 12]. Toutefois, le parasitisme est si fréquent chez le cheval qu’il est difficile de faire le lien, même si les parasites contiennent des facteurs endogènes qui attirent les éosinophiles [12, 26]. De plus, dans la majorité des cas, aucun parasite n’est retrouvé dans ou à proximité des lésions. Toutefois, il est possible que les lésions ne soient découvertes que tardivement et que les parasites alors responsables soient détruits [6, 26]. Mycobacterium paratuberculosis a également été suspecté [23].

Signes cliniques

Les signes cliniques les plus fréquemment décrits sont une perte de poids (avec un appétit qui peut être conservé ou diminué) et une diarrhée [2, 5, 17, 18, 22, 24, 25]. Des épisodes de coliques récurrents, une léthargie et des œdèmes déclives sont aussi fréquemment décrits [4, 5, 12, 21 22, 24, 25]. Les publications scientifiques évoquent également des lésions cutanées très polymorphes, des ulcères de la cavité buccale et un ictère pour la MEME [6, 11, 12, 22, 23]. Ces symptômes ne sont pas constants et sont plus ou moins marqués. Les coliques sont dues à des obstructions en regard des sites lésionnels de l’intestin, en particulier dans les formes focales à multifocales de l’intestin grêle et/ou du côlon. Le transit intestinal est interrompu ou ralenti par une diminution du diamètre de la lumière de l’intestin et/ou une baisse de sa motilité liée à l’inflammation, et probablement en raison d’un déclin de l’activité nerveuse [2, 3, 5, 12, 17, 24].

Examens complémentaires

Dans de nombreux cas, les chevaux ne présentent pas de modifications du bilan hématobiochimique, hormis l’hypoalbuminémie qui est presque constante [5, 22]. Toutefois, celle-ci peut être intermittente, voire absente [20, 22]. Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer ce phénomène, notamment une perte de protéines par augmentation de la perméabilité intestinale, par exsudation à travers les ulcères ou encore par baisse de l’absorption intestinale des protéines alimentaires [7, 20]. Dans le cas décrit, il est possible que la portion intestinale atteinte soit suffisamment faible pour ne pas avoir de répercussion sur l’albuminémie ou bien que cette hypoalbuminémie ne s’exprime que de façon transitoire.

Chez certains chevaux, les analyses biochimiques mettent en évidence une atteinte hépatique, biliaire et/ou pancréatique, avec une augmentation des PAL, des γGT, des Asat, et parfois des acides biliaires et de la bilirubine, ce qui est constaté dans le cas de cette jument [6, 22]. Chez l’homme et le chat, une éosinophilie périphérique est presque toujours présente, alors que, chez le cheval, l’éosinophilie associée est très rare [5, 11, 12, 18, 21-23, 25]. Lorsqu’ils présentent des modifications, ces paramètres sont très intéressants et simples à suivre pour objectiver une réponse au traitement.

La paracentèse abdominale peut être informative, mais elle est souvent normale [3, 21]. Des leucocytes sont parfois retrouvés en quantité importante dans le liquide abdominal, et notamment des éosinophiles [2, 11, 16, 22, 24, 25]. Une augmentation des protéines peut également être notée [3, 16, 26].

Les tests d’absorption du xylose et du glucose sont soit normaux, soit positifs avec une courbe aplatie. Un test positif indique une malabsorption en regard de l’intestin grêle [16, 27]. La biopsie rectale est également informative dans environ 40 à 50 % des cas [4, 5, 11, 14, 21-23, 27]. Ici, ces tests n’ont pas été réalisés car la biopsie duodénale a permis d’établir un diagnostic.

L’échographie abdominale est informative, et notamment l’échographie du foie lorsque les paramètres hépatiques sont augmentés. Des canaux biliaires dilatés pathognomoniques d’une cholestase et une hépatomégalie objectivée par un bord hépatique arrondi peuvent être observés [6, 12, 22]. Un épaississement des portions intestinales lésées ou du liquide abdominal en quantité anormale sont également parfois repérables, ce qui n’a pas été le cas pour notre jument.

Lésions

La ou les lésions de l’intestin peuvent être locales ou diffuses, et atteindre différentes portions du tube digestif. Celles du petit intestin et du côlon sont les plus fréquemment citées, mais l’œsophage, l’estomac, le rectum et la cavité buccale sont possiblement touchés, ainsi que les nœuds lymphatiques mésentériques, avec parfois une extension dans le foie, le canal cholédoque et/ou le pancréas et le canal pancréatique [18]. Les lésions sont souvent décrites macroscopiquement comme des épaississements de la paroi du tractus digestif, avec parfois des lésions focales obstruant une partie importante de la lumière intestinale et qui sont à l’origine des impactions fréquemment trouvées [18]. Elles sont en général très typiques et considérées comme pathognomoniques d’une maladie inflammatoire de l’intestin par la majorité des auteurs. Cette lésion, appelée circumferential mural band (CMB) par Scott dans son étude de 1999, est une bande bien délimitée, toujours perpendiculaire à l’axe de l’intestin, faisant presque le tour complet de la portion atteinte et entraînant souvent une obstruction de la lumière intestinale [2, 17, 23-26]. Des ulcères sont souvent retrouvés dans différentes portions du tractus digestif [5, 6]. Les CMB pourraient être dues à la stimulation des fibroblastes par des enzymes élaborées par les éosinophiles [22-24, 26]. De même, les ulcères pourraient être la conséquence du relargage par les éosinophiles d’enzymes protéolytiques [18]. Parfois, et comme c’est le cas ici, ce sont de petits nodules jaunes ou rouges, avec un centre caséeux mesurant de 1 à 15 mm de diamètre, qui sont présents. Ces lésions sont confluentes ou éparses [18]. Ce type de lésions est décrit dans le canal hépatique commun, le canal pancréatique, les parenchymes hépatique et pancréatique, ou encore les nœuds lymphatiques mésentériques de certains chevaux [6, 18].

Ces descriptions sont particulièrement intéressantes ici car la jument présente, comme ces chevaux, des symptômes hépatiques et biliaires probablement liés à des lésions similaires. Toutefois, en l’absence de biopsie hépatique, une inflammation du duodénum qui entraîne une obstruction de la papille du canal cholédoque, donc la cholestase, ne peut être écartée. La dernière localisation lésionnelle fréquemment retrouvée est la peau, avec des lésions qui peuvent mimer un pemphigus foliacé. Il s’agit alors de MEME. Des ulcères de la couronne et la perte de châtaignes sont également décrits [21].

Diagnostic

Le diagnostic définitif repose toujours sur une analyse histologique [4, 23]. Toutefois, la CMB de l’intestin est considérée comme pathognomonique d’une maladie inflammatoire de l’intestin [4, 11, 12, 18, 23-26]. Dans la plupart des cas, les biopsies sont effectuées post-mortem ou lors de découvertes fortuites durant une chirurgie de colique [5, 8, 17-19, 21, 22-24]. D’autres fois, c’est une biopsie de peau lors de MEME, une biopsie rectale, une biopsie hépatique ou, plus rarement, une biopsie intestinale au cours d’une laparoscopie exploratrice qui permettent la réalisation de l’analyse histologique [5, 7, 13, 16, 20, 21, 23, 25].

Traitement

L’origine parasitaire restant une des pistes principales, les chevaux sont en général vermifugés à nouveau [4, 16, 22-24, 26]. Les corticoïdes sont aussi systématiquement utilisés car une réaction allergique à un antigène encore inconnu est suspectée [3, 5, 17, 20, 23]. Beaucoup d’auteurs conseillent de commencer par la voie injectable, car la plupart des chevaux atteints présentent une mauvaise absorption intestinale [11, 12, 23]. La réponse aux corticoïdes à long terme est très variable selon les cas [4, 11, 12, 16, 21-26]. Il semble que les chevaux atteints de la forme généralisée ne répondent pas, ou mal, au traitement et qu’ils finissent le plus souvent par être euthanasiés [5, 12, 23, 25]. Les résultats obtenus sont parfois bons avec ces molécules, mais les critères sur lesquels se fonder pour savoir si le traitement sera efficace ne sont pas encore connus. Il est également difficile de déterminer la durée d’administration des corticoïdes. Ainsi, dans les publications, les temps de traitement vont de 30 jours à plusieurs mois, avec parfois une interruption pour euthanasie du cheval [5, 7, 8, 17, 20, 23, 24]. Dans d’autres cas, l’auteur préconise de trouver la dose minimale efficace et de maintenir l’animal sous traitement, l’arrêt de celui-ci entraînant parfois la réapparition des symptômes [5, 13].

Ici, nous avons opté pour un traitement relativement court afin que la jument reprenne sa carrière de course. Toutefois, il aurait été très intéressant de pouvoir se fonder sur un suivi hématologique objectif pour l’interrompre.

Dans quelques études, l’exérèse chirurgicale s’est révélée curative. Cependant, elle ne peut être réalisée que chez les chevaux présentant un nombre restreint de lésions focales [23, 24]. De plus, il s’agit d’une chirurgie lourde dont les éventuelles complications postopératoires ont de graves conséquences [26].

Mise en lumière du cas décrit

Ces maladies sont encore peu connues chez le cheval. Dans le cas décrit ici, l’éosinophilie périphérique importante et l’ictère ont constitué les principaux symptômes d’appel. Ces derniers nous ont tout d’abord fait suspecter un trouble hépatique primaire. Les signes cliniques présentés par la jument laissent d’ailleurs à penser que le canal cholédoque et la zone périportale hépatique sont atteints, comme cela a déjà été décrit [6, 12, 22]. Actuellement encore, distinguer une simple entérite éosinophilique et une MEME reste difficile. En effet, certains auteurs considèrent que le foie et le pancréas sont des annexes du tube digestif, et que leurs atteintes ne signent pas toujours une maladie généralisée. La plupart des chevaux décrits, atteints de MEME, ont été euthanasiés en raison du mauvais pronostic avancé et d’une non-réponse au traitement [6, 12, 22]. Dans une étude, un cas présentait, comme notre jument, une éosinophilie périphérique, un amaigrissement et des paramètres hépatiques très augmentés [22]. Nous pouvons donc nous demander si notre cheval est atteint d’une entérite éosinophilique ou d’une MEME, auquel cas la rémission est alors un événement rare. Un test d’absorption, ainsi qu’une biopsie à la fois hépatique et rectale auraient été riches d’informations. Toutefois, pour des raisons financières et techniques, ces examens n’ont pu être réalisés.

Conclusion

L’entérite éosinophilique et la MEME sont des maladies difficiles à diagnostiquer en raison du large panel de symptômes possibles et parfois complètement opposés (diarrhée et impaction, par exemple). Leur classification ne pourra être complètement acquise que lorsque leur étiologie et leur pathogénie seront précisées.

Ce cas clinique illustre la complexité de gérer, d’approfondir et de suivre au mieux des présentations pathologiques rares, avec comme contraintes principales le temps qui nous est imparti pour établir le diagnostic et instaurer le traitement, l’impact financier pour les propriétaires et la réalisation technique de certains examens. Il convient donc de cibler les examens complémentaires les plus appropriés en la circonstance (ce qui a pu nous faire défaut), même si, sur le plan scientifique, la multiplication des investigations est très intéressante.

Éléments à retenir

> L’entérite éosinophilique est une affection rare chez le cheval, qui entraîne des symptômes variés, dont l’amaigrissement et les troubles digestifs, les diarrhées ou les coliques à répétition sont parmi les plus fréquents.

> L’éosinophilie associée est rare chez le cheval. L’étiologie de cette maladie reste inconnue.

> Le diagnostic est établi principalement à partir de l’analyse histologique d’une biopsie rectale et/ou duodénale, ou, à l’extrême, d’une biopsie de paroi intestinale entière obtenue par laparoscopie ou laparotomie.

> Le traitement médical repose essentielle­ment sur l’administration de corticoïdes et la prise en charge chirurgicale peut être curative dans le cas de lésions focales peu nombreuses.

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